Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

Aperçu

[2] La demanderesse, J. S. (prestataire), a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi en janvier 2019 et sollicité par la suite une antidatation de cette demande au 1er octobre 2014. Elle avait tardé à demander des prestations, parce qu’elle était obnubilée par des questions personnelles. Son mariage avait pris fin en 2014. De plus, elle s’était réinstallée dans une autre province pour prendre soin de sa mère souffrante, qui devait décéder en 2016. Elle avait ses propres ennuis de santé. La défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission), a refusé la demande de la prestataire désirant que ses prestations débutent le 28 septembre 2014, jugeant qu’elle n’avait pas fait la preuve que, pour la période comprise entre le 28 septembre 2014 et le 26 janvier 2019, elle avait un motif valable pour justifier c retard à solliciter les prestationsNote de bas de page 1. Elle a demandé que la décision soit réviséeNote de bas de page 2, mais la Commission l’a maintenueNote de bas de page 3.

[3] La prestataire a interjeté appel de la décision en réexamen de la Commission à la division générale, laquelle a rejeté l’appel parce que, selon elle, l’intéressée n’avait pas répondu à toutes les exigences à l’article 10(4) de la Loi sur l’assurance-emploi, c’est‑à-dire n’avait pas montré un motif valable pour justifier toute la période où elle avait tardé à solliciter les prestations. La prestataire demande aujourd’hui la permission d’appeler de la décision de la division générale. Je dois voir si cet appel a des chances raisonnables de succès.

[4] Pour les motifs qui suivent, je n’ai pas la conviction que l’appel a des chances raisonnables de succès et je rejette donc la demande de permission d’en appeler.

Question en litige

[5] Peut‑on soutenir que la division générale a commis une erreur de droit en appliquant une norme trop élevée pour la personne raisonnable?

Analyse

[6] Suivant l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. (a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. (b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. (c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[7] La permission d’en appeler est refusée si la division d’appel est persuadée que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. La Cour d’appel fédérale a jugé qu’une cause ayant une chance raisonnable de succès est une cause défendable en appelNote de bas de page 4. C’est là un critère relativement peu rigoureux. Au stade de la permission d’en appeler, l’obstacle est moins difficile à franchir que les critères à respecter lorsque l’appel est entendu sur le fond. Les prestataires n’ont pas à prouver leur cause, ils ont simplement à établir que l’appel a des chances raisonnables de succès parce qu’une erreur susceptible de révision a été commise. La Cour fédérale a approuvé cette approche dans sa décision Joseph c Canada (Procureur général)Note de bas de page 5.

[8] La prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de droit en appliquant une norme trop élevée à la personne raisonnable lorsqu’elle a examiné si elle avait un motif valable justifiant le retard à demander des prestations d’assurance-emploi. Elle était aux prises avec de nombreux problèmes personnels et avait connu des tragédies, qu’il s’agisse des deux accidents vasculaires cérébraux et du décès de sa mère, de difficultés conjugales ayant mené au divorce ou d’ennuis propres de santé. Elle a reconnu [traduction] « ne pas avoir été une personne raisonnable au cours de ces événementsNote de bas de page 6 ». Elle fait valoir que, si elle avait été dans toute sa raison, elle aurait présenté une demande de prestations. Elle a écrit : [traduction] « Je ne pense pas que la question de juger de c qui était raisonnable a été prise en considérationNote de bas de page 7. » Je crois comprendre par là que la prestataire soutient que la personne raisonnable n’est pas la personne moyenne ou ordinaire qui répond à une norme de perfection, mais quelqu’un qui, dans des circonstances comme les siennes, est mentalement aux prises avec un certain nombre de problèmes personnels et de faits tragiques. Elle prétend que la division générale devrait avoir appliqué le critère de la personne raisonnable en prenant quelqu’un dans sa situation personnelle.

[9] La division générale a justement examiné la situation personnelle de la prestataire pour établir au paragraphe 26 [traduction] « qu’une personne raisonnable et prudente dans les mêmes circonstances aurait posé des questions avant 2017 ». Au paragraphe 28, elle a reformulé le critère qu’elle a appliqué. Elle a écrit que l’intéressée n’avait pas de motif valable justifiant toute la période du retard, n’ayant pas agi comme l’aurait fait une personne raisonnable et prudente [traduction] « dans les mêmes circonstances ».

[10] Le critère employé par la division générale concorde avec le critère énoncé par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Quadir c Canada (Procureur général) pour caractériser c qu’aurait fait une personne raisonnable « dans sa situationNote de bas de page 8 ».

[11] La division générale a vu la « personne raisonnable » comme étant [traduction] « dans les mêmes circonstances » que la prestataire. En fait, elle s’est reportée à l’arrêt Howard c Canada (Procureur général)Note de bas de page 9 pour conclure que les circonstances dans cette affaire étaient semblables à celles de l’intéressée.

[12] Dans l’arrêt Howard, la Cour d’appel fédérale est parvenue à la conclusion que le demandeur dans cette affaire n’avait pas donné de motif valable pour justifier un retard de seize mois. Il cherchait du travail, tout en vivant d’une indemnité de cessation d’emploi et de ses économies. La Cour d’appel fédérale a jugé que c n’était pas là un motif valable. M. Howard devait affronter plusieurs problèmes personnels : il avait été renvoyé, il prenait soin de son épouse et de son fils ayant subi des blessures dans un accident de la route et était partie à un litige lié à la succession de sa mère. La Cour d’appel fédérale a fait remarquer que, si le Conseil arbitral avait tenu compte de c qu’il avait décrit comme des [traduction] « malheureuses circonstances atténuantes », il avait conclu à la fin à l’absence de preuve au dossier que ces circonstances pouvaient expliquer toute la période de retard. La division générale est parvenue à la même conclusion selon la preuve disponible.

[13] Pour l’essentiel, la prestataire fait valoir que la division générale s’est trompée en appliquant le droit établi aux faits. Il reste que la Cour d’appel fédérale a affirmé que la division d’appel n’avait pas compétence pour examiner les erreurs tenant uniquement à une divergence dans l’application du droit établi aux faitsNote de bas de page 10. Il est loisible à la division d’appel d’intervenir en vertu de l’article 58(1) de la LMEDS lorsqu’une erreur mixte de fait et de droit commise par la division générale peut être juridiquement débrouillée par elle, mais tel n’est pas le cas ici.

[14] La prestataire fait simplement ici plaider à nouveau la cause qu’elle avait devant la division générale en disant que je devrais réévaluer la preuve et en venir à une conclusion différente selon les faits mêmes dont avait été saisie cette division. Toutefois, l’article 58(1) ne permet pas de réévaluer la preuve ni d’instruire à nouveau une affaire.

[15] Vu ces considérations, je ne suis pas persuadée que l’appel ait des chances raisonnables de succès.

Conclusion

[16] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

Demanderesse :

J. S., non représentée

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