Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] L’appelante a présenté une demande initiale de prestations d’assurance-emploi le 1er mai 2011. Elle a présenté un relevé d’emploi (RE) qui indiquait qu’elle avait travaillé du 7 mars au 29 avril 2011 et qu’elle avait accumulé 312,3 heures d’emploi assurableNote de bas page 1. Elle a également présenté un RE provenant de X qui indiquait qu’elle avait travaillé du 23 septembre 2010 au 23 avril 2011 et qu’elle avait accumulé 626,25 heures d’emploi assurableNote de bas page 2.

[3] L’appelante a respecté le délai de carence de deux semaines, soit du 1er au 14 mai 2011, puis elle a reçu 10 semaines de prestations régulières pour la période du 15 mai au 23 juillet 2011Note de bas page 3. L’appelante a converti sa demande en demande de prestations de maladie à laquelle elle a joint un certificat médical indiquant qu’elle était malade du 19 juillet au 18 septembre 2011Note de bas page 4. L’appelante a reçu huit semaines de prestations de maladie pour la période du 24 juillet au 17 septembre 2011, laquelle a été suivie de huit semaines supplémentaires de prestations régulières, soit du 4 mars au 28 avril 2012Note de bas page 5. Au total, l’appelante a reçu 26 semaines de prestations à un taux hebdomadaire de prestations de 258 $.

[4] Une enquête menée par Service Canada a révélé que des RE émis sous le nom de X étaient douteux, et ceux-ci comprenaient le RE utilisé par l’appelanteNote de bas page 6.

[5] L’intimée a avisé l’appelante du fait que son emploi auprès de X n’était pas légitime et que par conséquent, elle n’a pas réussi à prouver qu’elle était admissible à des prestations d’assurance-emploi. L’intimée a avisé l’appelante qu’elle n’avait plus suffisamment d’heures d’emploi assurable pour établir une période de prestations commençant le 1er mai 2011Note de bas page 7, ce qui a entraîné un trop-payé de 6 708 $Note de bas page 8.

[6] L’intimée a également imposé une pénalité de 468 $, car elle a fait sciemment de fausses déclarations en ce qui a trait à sa demande de prestationsNote de bas page 9.

[7] Dans sa demande de révision, l’appelante a soutenu qu’elle n’était pas impliquée dans la présentation du RE et qu’elle ne l’avait pas modifié, et elle a affirmé qu’il revenait à l’Agence du revenu du Canada (ARC) de vérifier la validité du RE avant d’approuver les prestations d’assurance-emploi. Elle a également soutenu que si X a commis une erreur ou a émis un faux RE, c’est lui qui devrait être puni, pas elle.

[8] Le 14 décembre 2016, l’intimée a rejeté la demande de révision de l’appelante au motif qu’elle n’avait pas accumulé suffisamment d’heures d’emploi assurable pour être admissible à des prestations d’assurance-emploi, conformément aux articles 7, 48 et 49 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE) et à l’article 14(1) du Règlement sur l’assurance-emploi, et une pénalité a été imposée conformément à l’article 38 de la Loi sur l’AE relativement à une fausse déclaration faite en fournissant sciemment des renseignements faux ou trompeurs à l’intimée. L’intimée a tenu compte de l’incapacité de l’appelante à travailler en raison de sa maladie ainsi que ses difficultés financières, et elle a réduit à 398 $ le montant de sa pénalitéNote de bas page 10.

Questions en litige

[9] Question en litige no 1 : La période de prestations de l’appelante qui commençait le 1er mai 2011 devrait-elle être annulée?

[10] Question en litige no 2 : Une pénalité devrait-elle être imposée à l’appelante au motif qu’elle aurait fait une fausse déclaration en présentant sciemment des renseignements faux ou trompeurs à l’intimée?

Analyse

Question en litige no 1 : La période de prestations de l’appelante qui commençait le 1er mai 2011 devrait-elle être annulée?

[11] La Loi sur l’AE prévoit que pour qu’une partie prestataire puisse recevoir des prestations régulières, elle doit satisfaire aux exigences prévues à l’article 7 de la Loi sur l’AE afin d’établir une période de prestations conformément à l’article 9 de la Loi sur l’AE.

[12] L’article 48 de la Loi sur l’AE prévoit qu’une partie prestataire n’est pas admissible à des prestations à son profit à moins qu’elle n’ait présenté une demande de prestations et qu’elle ait fourni des renseignements sous la forme fixée par la Commission, qui décidera alors si cette personne remplit ou non les conditions requises pour recevoir des prestations.

[13] De plus, l’article 49 de la Loi sur l’AE prévoit qu’une partie prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations avant d’avoir prouvé que d’une part, elle remplit les conditions requises pour recevoir des prestations et que d’autre part, il n’existe aucune circonstance ou condition ayant pour effet de l’exclure du bénéfice des prestations ou de la rendre inadmissible à ceux-ci.

[14] Oui. La période de prestations de l’appelant commençant le 1er mai 2011 devrait être annulée.

[15] L’appelante a soutenu qu’elle n’était pas impliquée dans la présentation du RE et qu’elle ne l’avait pas modifié, et elle a affirmé qu’il revenait à l’ARC de vérifier la validité du RE avant d’approuver ses prestations. L’appelante a également affirmé que si X a commis une erreur ou a émis un faux RE, c’est lui qui devrait être puni, pas elle. L’appelante a aussi confirmé sa période d’emploi auprès de X, soit du 7 mars au 29 avril 2011 pour un total de 312 heures assurables. L’appelante a fourni une copie de son État de rémunération payée T4, son RE, ainsi que des talons de paye provenant de X et couvrant la période du 7 mars au 29 avril 2011. De plus, l’appelante a soumis son avis de cotisation de l’impôt sur le revenu, ainsi qu’une lettre indiquant que son époux touchait des prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) depuis mai 2016Note de bas page 11.

[16] J’ai posé certaines questions à l’appelante au cours de l’audience. Elle a affirmé que son emploi consistait à taper à l’ordinateur, à faire du classement, à préparer les comptes et à faire de l’entrée de données. Elle n’a pas été en mesure de me dire quel programme informatique elle utilisait pour effectuer ces tâches. Elle n’a pas su me dire le contenu ou le sujet des lettres. Elle n’a pas été capable de se souvenir d’aucun nom de client. Elle n’a pas pu me dire le nom de la personne qui l’a aidé à se trouver cet emploi. Même si elle a travaillé au domicile de l’employeur, elle ne se souvenait pas du nom de l’épouse de son employeur. L’époux de l’appelante a affirmé qu’ils étaient tous deux malades et diabétiques, et il est très contrarié, car il estime qu’ils sont victimes de harcèlement de la part de l’intimée et du Tribunal compte tenu des questions qui leur sont posées.

[17] L’intimée a soutenu qu’il a plusieurs incohérences et irrégularités dans l’information et la preuve obtenues au sujet du prétendu emploi de l’appelante auprès de X.

  • L’appelante a sélectionné [traduction] « préparatrice de déclarations de revenus » comme titre de son poste dans la demande de prestationsNote de bas page 12. L’employeur a également émis le RE en indiquant que la profession de l’appelante était celle de [traduction] « spécialiste en déclarations de revenusNote de bas page 13 ». Pourtant, l’appelante a confirmé qu’elle n’avait jamais effectué de tâches en lien avec la préparation fiscale dans le cadre de cet emploi et qu’elle n’avait aucune expérience antérieure ou qualification en ce qui a trait à la préparation fiscaleNote de bas page 14. Ni l’appelante ni son époux n’a pu fournir d’explications concernant la raison pour laquelle elle avait sélectionné [traduction] « préparatrice de déclarations de revenus » comme titre de poste lorsqu’elle avait été interrogée par l’intiméeNote de bas page 15.
  • L’appelante a d’abord déclaré que son emploi auprès de X n’était pas stable, qu’elle était payée en argent comptant et qu’elle n’était pas certaine si des retenues étaient prélevées de son revenu, car elle ne recevait pas de talons de payeNote de bas page 16. L’époux de l’appelante a également confirmé que cet emploi n’était pas stable et qu’il était principalement considéré comme étant à temps partielNote de bas page 17. Cependant, contrairement à sa déclaration d’origine selon laquelle elle ne recevait pas de talons de paye, l’appelante a ensuite présenté des talons de paye provenant de l’employeur et couvrant les périodes de paye du 7 mars au 29 avril 2011Note de bas page 18.
  • Les talons de paye soumis par l’appelante montrent que l’appelante travaillait 80 heures par période de rémunération bimensuelle, ce qui laisserait entendre une moyenne de 40 heures par semaineNote de bas page 19. Le RE démontre également que l’appelante avait accumulé un total de 312,30 heures assurables (arrondi à 313) sur une période de travail de 8 semaines (du 7 mars au 29 avril 2011), ce qui a donné lieu à une moyenne de 39,13 heures par semaine (313 heures / 8 semaines = 39 125 heures / semaine). L’intimée soutient que ce talon de paye et ce RE soumis en preuve permettent d’établir que l’appelante travaillait principalement à temps plein, pour une moyenne de près de 40 heures par semaine, ce qui ne concorde pas avec les déclarations de l’appelante selon lesquelles il ne s’agissait pas d’un emploi stable et il s’agissait seulement d’un emploi principalement à temps partiel.
  • Les talons de paye soumis par l’appelante démontrent également qu’aucun impôt fédéral n’a été déduit du revenu de l’appelante. Ces talons de paye démontrent également que des quatre périodes de rémunération bimensuelles pendant lesquelles l’appelante a travaillé, des cotisations au RPC ont seulement été déduites pour un cycle de paye (celui se terminant le 29 avril 2011). De plus, les périodes de rémunération bimensuelles de l’employeur semblent commencer un lundi et se terminer deux dimanches plus tard (dates de fin des périodes de rémunération : 20 mars 2011, 3 avril 2011 et 22 avril 2011). Cependant, la dernière période de rémunération de l’appelante indique que la date de fin était le vendredi 29 avril 2011, ce qui correspond à la date inscrite sur le RE comme étant la dernière journée de travail de l’appelanteNote de bas page 20.
  • La dernière journée de travail d’un employé ne devrait avoir aucune incidence sur le cycle de paye régulier, et en l’espèce, l’on devrait s’attendre à ce que la dernière période de rémunération se termine le dimanche 1er mai 2011 afin de demeurer conforme aux dates de fin des périodes de rémunération précédentesNote de bas page 21. Les pratiques normales en matière de rémunération dans le cadre d’emplois assurables comprennent la déduction de l’impôt fédéral et de cotisations au RPC pour chaque période de rémunération. L’intimée soutient que ces irrégularités dans les talons de paye diminuent davantage le caractère légitime de ce prétendu emploi, surtout si l’on tient compte de la nature de l’entreprise de l’employeur, soit dans le domaine de la comptabilité, ce qui laisse entendre que l’employeur serait au courant des procédures régulières en matière de rémunération et des dates de fin des périodes de rémunération, et il aurait des connaissances à ce sujet.
  • De plus, l’appelante a fourni des déclarations incohérentes lorsqu’elle a été interrogée au sujet de ses heures de travail pour X. Elle a d’abord laissé entendre qu’elle travaillait pour X de manière régulière pendant la journée. Lorsqu’on lui a demandé comment elle faisait pour travailler pendant la journée tout en occupant un emploi pour X pendant le jour, l’appelante a changé sa réponse et a laissé entendre qu’elle travaillait le soir. L’appelante a ensuite confirmé qu’elle n’avait jamais travaillé pour X les jours de semaine. L’appelante a également laissé entendre qu’elle travaillait pour X pendant environ 8 heures le soir, mais elle a ensuite changé sa déclaration et a laissé entendre qu’elle travaillait jusqu’à 20 h ou 21 h seulement, ce qui signifierait qu’elle travaillait pendant moins de 8 heures les soirs, et elle ne se souvenait pas de ses heures de travail pendant la fin de semaineNote de bas page 22. L’intimée soutient que l’appelante n’a pas été en mesure de fournir une explication raisonnable afin de corroborer le fait que cet emploi était à temps plein, comme ses talons de paye et le RE soumis en preuve le laissent entendre, ou comment elle travaillait parfois pour X et X en même temps.
  • L’appelante a également soutenu que quelqu’un l’avait référé à X pour l’aider après qu’elle ait arrêté de travailler pour X et qu’elle ait réalisé qu’elle n’avait pas accumulé suffisamment d’heures pour être admissible à des prestations (GD3-56 à GD3-58). Cependant, ni l’appelante ni son époux ne se souvenaient du nom du [traduction] « gars » qui les a référés à X ou de du contexte dans lequel ils connaissaient ce « gars » (GD3-87 à GD3-88).
  • L’appelante a seulement été en mesure de fournir une description vague des tâches qu’elle effectuait pour X, laissant entendre qu’elle faisait des tâches administratives liées aux dépenses et aux revenus des clients de X et qu’elle tapait parfois des choses à l’ordinateur. L’appelante ne se souvenait pas si les clients de X étaient des entreprises, des particuliers ou une combinaison des deux. De plus, l’appelante n’a pas pu nommer les formulaires ou les documents courants qu’elle manipulait dans le cadre de cet emploiNote de bas page 23. L’intimée soutient que toute personne raisonnable occupant légitimement cet emploi serait en mesure de nommer les types de clients qui étaient desservis et de s’en souvenir (à savoir des particuliers ou des entreprises), ainsi que de nommer certains formulaires ou documents courants qui étaient utilisés dans le cadre de ses fonctions régulières. Les réponses vagues de l’appelante à ce sujet ne font qu’appuyer davantage la position de l’intimée selon laquelle le prétendu emploi de l’appelante avec X n’a jamais existé.
  • Une amende et une période de probation ont été formellement émises au propriétaire de X, monsieur G. B., par la Cour de justice de l’Ontario en raison de six chefs d’accusation pour non-conformité parce qu’il avait omis de fournir des renseignements à l’intiméeNote de bas page 24. L’intimée aimerait également souligner que monsieur B. répondra à 27 chefs d’accusation pour avoir émis de faux RE au cours d’une audience prévue du 13 au 17 février 2017.

[18] J’ai examiné minutieusement les observations des deux parties. J’accepte la preuve claire et convaincante de l’intimée, et j’y accorde plus de poids.

[19] Je ne peux pas considérer les observations de l’appelante comme étant véridiques. Il y a trop d’incohérences dans le témoignage fourni par l’appelante. Comme l’a soutenu l’intimée, elle n’a pas été en mesure de nommer les formulaires ou les documents courants qu’elle manipulait dans le cadre de cet emploi. Toute personne raisonnable occupant légitimement cet emploi serait en mesure de nommer les types de clients qui étaient desservis et de s’en souvenir (à savoir des particuliers ou des entreprises), ainsi que de nommer certains formulaires ou documents courants qui étaient utilisés dans le cadre de ses fonctions régulières ainsi que les types de logiciels utilisés. Les réponses vagues de l’appelante à ce sujet ne font qu’appuyer davantage la position de l’intimée selon laquelle le prétendu emploi de l’appelante avec X n’a jamais existé.

[20] J’estime que la période de prestations de l’appelante du 1er mai 2011 est invalidée au motif que la preuve dont je suis saisi indique que, selon la prépondérance des probabilités, le prétendu emploi de l’appelante auprès de X était un faux emploi et n’existait pas. Par conséquent, l’appelante n’a pas réussi à prouver qu’elle avait accumulé les 910 heures assurables requises au cours de sa période de référence (du 2 mai 2010 au 30 avril 2011) pour être admissible aux prestations régulières, conformément à l’article 7 de la Loi sur l’AE, car elle a seulement accumulé 627 heures assurables auprès de son autre employeur, X.

[21] Bien que je comprenne la situation financière de l’appelante lorsqu’elle a affirmé ne pas être en mesure de rembourser le trop-payé, la Loi sur l’AE ne m’autorise pas à déroger à ses dispositions, quelque impérieuses que soient les circonstancesNote de bas page 25.

Question en litige no 2 : Une pénalité devrait-elle être imposée à l’appelante au motif qu’elle aurait fait une fausse déclaration en présentant sciemment des renseignements faux ou trompeurs à l’intimée?

[22] Il est bien établi en droit qu’il incombe initialement à l’intimée de prouver que l’appelante a sciemment fait une déclaration fausse ou trompeuse avant qu’elle puisse imposer une pénalité, conformément à l’article 38 de la Loi sur l’AE.

[23] La Cour d’appel fédérale a confirmé le principe selon lequel pour conclure à une fausse déclaration, il faut qu’une partie prestataire ait su, subjectivement, que les déclarations faites par elle ou pour son compte étaient faussesNote de bas page 26.

[24] Oui. J’estime que la pénalité doit être imposée au cas de l’appelante, car elle a fait une fausse déclaration en fournissant sciemment des renseignements faux ou trompeurs à l’intimée.

[25] J’accepte les observations de l’intimée, et j’estime que l’appelante a soumis un faux RE provenant de X, qu’elle a présenté une demande de prestations sur laquelle elle a inscrit un faux emploi auprès de X, et qu’elle a fait des déclarations trompeuses à l’intimée, soutenant qu’elle avait travaillé pour X du 7 mars au 29 avril 2011.

[26] En ce qui a trait à l’évaluation du montant de la pénalité, j’estime que l’intimée a exercé son pouvoir discrétionnaire afin d’imposer une pénalité monétaire de façon judiciaire, car toutes les circonstances pertinentes ont été prises en compte et toutes les circonstances non pertinentes ont été ignorées. Il n’y a aucune preuve à l’appui de toutes autres circonstances atténuantes que l’intimée n’aurait pas déjà considérée. Le montant de la pénalité est de 398 $.

Conclusion

[27] L’appel est rejeté.

Date de l’audience :

Le 12 juin 2018

Mode d’instruction :

En personne

Comparutions :

J. S., appelante R. S., représentant de l’appelante

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