Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

Aperçu

[2] Le demandeur, J. B. (prestataire) était en congé de maladie de son employeur lorsqu’il est allé aux États-Unis (É.-U.) en novembre 2017 pour rendre visite à sa mère atteinte de la maladie d’Alzheimer. Il est retourné pour une deuxième visite en janvier 2018. En novembre 2018, le prestataire a demandé des prestations de maladie de l’assurance-emploi, et qu’elles soient antidatées au 17 décembre 2017. Le prestataire a fait cette demande afin qu’il puisse obtenir des prestations dans la période entre la fin de ses prestations de maladie de son employeur et le début de ses prestations d’invalidité de longue durée en avril 2018.

[3] La défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission), a antidaté sa demande comme demandé, mais elle a refusé de verser des prestations au cours de sa deuxième visite aux États-Unis du 29 janvier 2018 au 8 février 2018 parce qu’il ne pouvait pas prouver qu’il était disponible pour travailler pendant qu’il était à l’étranger. Le prestataire a demandé une révision et la Commission a modifié sa décision. Elle a conclu que le prestataire n’était pas inadmissible pendant les sept jours de son absence du Canada parce qu’il rendait visite à un membre de sa famille malade. Toutefois, en même temps, la Commission a soutenu que le prestataire n’avait toujours pas droit à des prestations de maladie pour toute partie de son absence du Canada parce qu’il ne pouvait pas démontrer qu’il aurait été autrement disponible pour travailler s’il n’avait pas été malade ou blessé.

[4] Le prestataire a interjeté appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale, mais la division générale a rejeté sa demande. Il demande maintenant la permission d’en appeler à la division d’appel.

[5] L’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès. On ne peut soutenir que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée ou qu’elle a commis une erreur de droit.

Question(s) en litige

[6] Peut-on soutenir que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments de preuve portés à sa connaissance?

[7] Peut-on soutenir que la division générale a commis une erreur de droit?

Analyse

[8] La division d’appel ne peut modifier une décision de la division générale que si elle peut conclure que cette dernière a commis l’un des types d’erreurs décrits par les « moyens d’appel » énoncés à l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS).

[9] Les moyens d’appel prévus à l’article 58(1) de la Loi sur le MEDS sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[10] Pour accueillir la présente demande de permission d’en appeler et permettre à la procédure d’appel d’aller de l’avant, je dois conclure qu’il y a une chance raisonnable de succès sur le fondement d’un ou de plusieurs moyens d’appel. Une chance raisonnable de succès a été assimilée à une cause défendableNote de bas de page 1.

Question en litige no 1 : Peut-on soutenir que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance?

[11] En vertu de l’article 37b) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE), le prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations pour toute période pendant laquelle il est à l’étranger. Les exceptions à cette inadmissibilité sont décrites à l’article 55 du Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement). L’exception qui s’applique à la situation du prestataire est l’article 55(1)d). Cet article dispose qu’un prestataire peut tout de même recevoir jusqu’à sept jours de prestations pendant qu’il est à l’étranger s’il rend visite à un proche parent qui gravement malade ou blessé.

[12] Toutefois, il est prévu que l’article 55(1) du Règlement est « assujetti à l’article 18 de la Loi sur l’AE », c qui signifie que le prestataire doit également satisfaire aux exigences de l’article 18 de la Loi sur l’AE, même si l’exception prévue à l’article 55 s’applique. En vertu de l’article 18(1)b), le prestataire n’a droit aux prestations que pour les jours où il peut prouver deux éléments. Premièrement, le prestataire doit prouver qu’il est gravement malade ou blessé. Deuxièmement, le prestataire doit être en mesure de prouver qu’il aurait pu travailler, n’eût été la maladie ou la blessure.

[13] Le prestataire a toujours dit qu’il était incapable de travailler en raison de son état et que cela demeurait vrai pendant qu’il se trouvait à l’étranger. La Commission n’a pas contesté cette déclaration. C’est pourquoi il a demandé des prestations de maladie et non des prestations régulières. Je reconnais que le prestataire avait établi qu’il était gravement malade ou blessé au moment où il se trouvait à l’étranger.

[14] Le prestataire n’a pas fait valoir que la division générale avait commis une erreur lorsqu'elle a conclu que le prestataire était aux États-Unis du 28 janvier 2018 au 8 février 2018, ou lorsqu’elle a conclu qu’il s’est rendu aux États-Unis pour s’occuper de sa mère atteinte de la maladie d’Alzheimer.

[15] Toutefois, le prestataire a fait valoir que la division générale n’a pas tenu compte du fait qu’il ne pouvait pas connaître les exigences de l’assurance-emploi parce qu’il n’a même pas demandé de prestations avant son retour au Canada. Le prestataire a également fait valoir que la division générale a fait fi du fait, ou a mal compris, qu’il n’aurait pas pu travailler en raison de son état, qu’il se trouve ou non au Canada.

[16] Les tribunaux ont déclaré à maintes reprises que l’ignorance d’un prestataire de la loi n’est pas une raison suffisante pour celui-ci de retarder sa demande de prestations.Note de bas de page 2 Ces décisions judiciaires portent sur des appels de décisions de la Commission qui ont refusé d'antidater une demande à une date antérieure. En l’espèce, la Commission n’a pas refusé l’antidation, mais le prestataire affirme qu’il ne savait pas qu’il perdrait son droit aux prestations pendant qu’il était à l’étranger. Lorsqu’il a examiné la question et qu’il a demandé des prestations, il était déjà à l’étranger.

[17] À mon avis, le même raisonnement auquel ont fait appel les tribunaux pour affirmer que « l’ignorance de la loi » n’est pas une bonne raison pour qu’un prestataire tarde à présenter une demande visant à antidater les prestations s’appliquerait également en l’espèce. Ce n’est pas parce que le prestataire ne savait pas qu’il n’aurait pas droit à des prestations à l’étranger qu’il peut être dispensé de l’exigence légale selon laquelle il « serait autrement disponible pour travailler ».

[18] La division générale n’a pas fait référence à la preuve ou à l’argument du prestataire voulant qu’il n’était pas au courant des règles de l’assurance-emploi, mais la connaissance du prestataire n’aurait pas pu changer les choses de toute façon. Compte tenu des faits portés à sa connaissance, la division générale n’aurait pas pu conclure que le prestataire était autrement disponible pour travailler pendant qu’il était à l’étranger, même si elle avait accepté que le prestataire ne connaissait pas les règles concernant les prestations de maladie et les prestations à l’étranger.

[19] L’on ne peut soutenir que la division générale a commis une erreur au titre de l’article 58(1)c) de la Loi sur le MEDS lorsqu’elle a conclu que le prestataire n’avait pas droit à des prestations parce qu’il n’avait pas démontré qu’il « serait autrement disponible pour travailler ». Cette conclusion n’a pas été tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments de preuve portés à sa connaissance.

Question en litige no 2 : Peut-on soutenir que la division générale a commis une erreur de droit?

[20] Le prestataire a également fait valoir que la division générale a fait fi du fait, ou a mal compris, qu’il n’aurait pas pu travailler même s’il avait été au Canada. Il a fait valoir que cela signifiait que la division générale avait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée. Toutefois, le prestataire n’était en désaccord avec aucun des faits énoncés aux paragraphes 13 et 14 ci-dessus. Ce sont là tous les faits dont la division générale avait besoin pour appliquer la Loi et le Règlement sur l’AE.

[21] Je pense que l’argument du prestataire concerne réellement la question de savoir si la division générale a commis une erreur de droit. Essentiellement, le prestataire a soutenu qu’il aurait dû avoir droit à des prestations de maladie parce qu’il ne pouvait pas travailler et qu’il avait droit à certaines de ces prestations même pendant qu’il était à l’étranger en raison de l’article 55(1) du Règlement. Il n’est pas logique pour le prestataire qu’on lui refuse des prestations de maladie pendant qu’il est à l’étranger parce qu’il n’aurait pas été disponible pour un travail qu’il ne pourrait pas faire en raison de sa maladie ou de sa blessure. Autrement dit, le prestataire soutient que la division générale a mal interprété la loi ou que la loi est mauvaise.

[22] Le législateur avait ses raisons pour rédiger la Loi sur l’AE et ses règlements comme il l’a fait, et c’est la loi, qu’on le veuille ou non. Je n’ai pas le pouvoir de modifier la loi et je ne peux pas refuser d’appliquer la loi. Je ne peux pas aider le prestataire simplement parce qu’il n’est pas d’accord avec la loi.

[23] Si je constatais une erreur dans l’interprétation de la loi par la division générale, c serait différent. Toutefois, je n’ai pas conclu à l’existence d’une telle erreur. L’article 55(1)d) permet un maximum de sept jours de prestations lorsqu’un prestataire se trouve à l’étranger pour rendre visite à un proche parent qui est gravement malade ou blessé. Il s’agit d’une exception à la règle générale de l’article 37 de la Loi sur l’AE, selon laquelle un prestataire ne peut recevoir de prestations pour toute période pendant laquelle il se trouve à l’étranger. Toutefois, l’article 55(1) n’accorde pas d’exception à l’article 18 de la Loi sur l’AE. En réalité, l’article 55(1) s’applique sous réserve des exigences de l’article 18 ou y est subordonné.

[24] L’article 18(1)a) dispose qu’un prestataire doit être capable de travailler et disponible à cette fin. Ainsi, dans l’arrêt Canada (Procureur général) c ElyoumniNote de bas de page 3, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’un prestataire visé par l’une des exceptions prévues à l’article 55(1) devrait tout de même prouver qu’il est disponible pour travailler. Selon le raisonnement dans l’arrêt Elyoumni, les exceptions prévues à l’article 55(1) du Règlement ne peuvent être appliquées sans tenir compte des exigences de l’article 18 de la Loi sur l’AE.

[25] Le prestataire qui est incapable de travailler en raison d’une maladie ou d’une blessure, comme le prestataire en l’espèce, doit tout de même prouver, au titre de l’article 18(1)b) de la Loi sur l’AE, qu’il aurait été disponible pour travailler s’il n’avait pas été malade ou blessé. Dans l’arrêt Elyoumni, la Cour a déclaré que le prestataire dans cette affaire (qui se trouvait à l’étranger) aurait dû au moins prendre des dispositions pour qu’on puisse le joindre si on lui offrait un emploi. Aucun élément de preuve présenté à la division générale n’indiquait que le prestataire avait pris des dispositions pour que l’on communique avec lui en cas d’offre d’emploi ou qu’il avait pris des mesures pour s’assurer qu’il serait disponible pour travailler.

[26] Je comprends le point de vue du prestataire. Une personne malade ou blessée qui reçoit des prestations de maladie de l’assurance-emploi ne serait généralement pas en mesure de travailler et n’accepterait donc pas de travailler. Il est très peu probable qu’une telle personne prenne des dispositions pour qu’elle puisse être jointe si une perspective d’emploi se présente pendant qu’elle est à l’étranger. Une personne malade ou blessée qui quitte le Canada sans même avoir demandé des prestations, comme le prestataire, serait encore moins susceptible de prendre c genre de dispositions.

[27] Autrement dit, la loi permet à un prestataire touchant des prestations régulières d’obtenir des prestations limitées dans les circonstances décrites à l’article 55(1) du Règlement, mais un prestataire qui reçoit des prestations de maladie de l’assurance-emploi ou qui en fait la demande n’aurait presque jamais droit à des prestations pendant qu’il est à l’étranger.

[28] Cela peut sembler injuste, mais la division générale était tenue d’appliquer la loi telle qu’elle est rédigée, et j’y suis tenu également. L’on ne peut soutenir que la division générale a commis une erreur de droit au titre de l’article 58(1)b) de la Loi sur le MEDS.

[29] L’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[30] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

Représentant :

J. B., non représenté

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