Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli. Je conclus que la Commission ne s’est pas acquittée du fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite de sa part.

Aperçu

[2] L’appelant, ci-après nommé prestataire, occupait un emploi de facteur. Il a été congédié pour avoir contrevenu à la politique de son employeur et a ensuite présenté une demande de prestations d’assurance-emploi (AE). Il a cependant été exclu du bénéfice des prestations d’AE par l’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, car celle-ci avait conclu qu’il avait perdu son emploi en raison d’une inconduite de sa part. Le prestataire a demandé à la Commission de réviser sa décision et celle-ci a confirmé sa décision initiale. Il en appelle maintenant devant le Tribunal de la sécurité sociale.

Questions préliminaires

[3] Le Tribunal a reçu la demande d’appel du prestataire le 25 mars 2019, soit plus de 30 jours après que la Commission lui eut communiqué sa décision à la suite du réexamen, le 28 mars 2018. J’ai cependant accordé une prorogation de délai en l’espèce au moyen d’une décision interlocutoire datée du 11 avril 2019.

[4] La Commission a affirmé avoir commis une erreur au moment d’imposer l’exclusion du bénéfice des prestations. Dans sa lettre initiale datée du 28 décembre 2017, la Commission avait déclaré que le prestataire était exclu du bénéfice des prestations à compter du 8 octobre 2019, mais elle a affirmé que sa lettre aurait dû indiquer que [traduction] « la Commission ne [pouvait] [lui] verser les prestations régulières d’assurance-emploi à compter du 3 septembre 2017 »; l’exclusion aurait donc dû être imposée à compter du 3 septembre 2017.

[5] Au demeurant, l’erreur qui ne cause aucun préjudice n’est pas fatale pour la décision examinée en appelNote de bas de page 1. Je conclus donc que l’erreur de la Commission en l’espèce ne porte aucunement préjudice au prestataire, car elle ne l’a pas empêché de demander la révision de la décision initiale de la Commission ni d’interjeter appel de la décision subséquente.

[6] Dans sa lettre de décision du 28 septembre 2017, la Commission informait le prestataire que sa demande renouvelée de prestations d’AE ne pouvait viser une période antérieure au 24 septembre 2017, parce qu’il n’avait pas soumis sa demande à temps et n’avait fourni aucun motif valable pour justifier son retard. Un prestataire peut demander que les prestations d’AE commencent à partir d’une date antérieure à sa demande; c’est ce qu’on appelle antidater une demande. En l’espèce, le prestataire a demandé à la Commission de réviser la décision par laquelle elle refusait de lui verser des prestations d’AE à compter du 8 octobre 2017, mais sa demande antidatée n’a pas été réexaminée. Cependant, dans ses observations présentées au Tribunal, la Commission a déclaré qu’elle avait commis une erreur d’écriture et que l’exclusion aurait dû être imposée à compter du 3 septembre 2017. Or, puisque la Commission ne s’est pas prononcée sur la question de savoir si la demande du prestataire pouvait être antidatée, je n’ai pas compétence pour trancher cette question et, de toute façon, elle devient purement théorique en raison de la correction de l’erreur d’écriture.

Question en litige

La question en l’espèce consiste à savoir si le prestataire a été congédié en raison d’une inconduite de sa part.

Analyse

[7] Le prestataire qui perd son emploi en raison de sa propre inconduite est exclu du bénéfice des prestations d’AENote de bas de page 2. L’inconduite est considérée comme « volontaire »Note de bas de page 3 lorsque le prestataire savait ou aurait raisonnablement dû savoir que sa conduite était inappropriée et qu’elle entraînerait son congédiement. Pour décider que l’inconduite de la personne pouvait entraîner son congédiement, il doit exister un lien de causalité entre la conduite reprochée et son emploiNote de bas de page 4.

[8] Il incombe à la Commission de démontrer que l’inconduite en question a vraisemblablement été commiseNote de bas de page 5. Le fardeau de preuve est celui de la prépondérance des probabilités, ce qui signifie que la Commission doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que les faits se sont produits comme ils ont été rapportés.

[9] Les parties en l’espèce ne contestent pas les faits essentiels à l’origine de la présente affaire. Le prestataire a perdu son emploi pour avoir gardé du courrier non livré dans son véhicule durant la nuit. Le prestataire admet avoir agi de la sorte.

[10] Le critère juridique applicable à l’inconduite requiert l’existence d’un lien de causalité entre l’inconduite reprochée et la perte d’emploi. L’inconduite doit être la cause de la perte d’emploi, elle doit avoir été commise par le prestataire au cours de son emploi et doit constituer un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travailNote de bas de page 6.

[11] L’inconduite implique nécessairement un élément psychologique de volonté de la part du prestataire, ou une conduite d’une telle négligence ou insouciance qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas de page 7. Le caractère délibéré a été défini de plusieurs façons, mais il s’agit généralement de démontrer que le prestataire a agi consciemment, délibérément ou intentionnellement.

[12] Pour que je puisse conclure qu’il y a bel et bien eu inconduite en l’espèce, la preuve doit être suffisamment détaillée pour me permettre de trancher la question de savoir si le prestataire a agi de la façon qui lui est reprochée et, ensuite, celle de savoir si cette façon d’agir correspond à la définition de l’inconduiteNote de bas de page 8.

[13] Dans son témoignage, le prestataire a affirmé qu’il était employé comme facteur à temps partiel. Son représentant assermenté pour témoigner a affirmé être représentant syndical du personnel de l’ancien employeur du prestataire. Il a expliqué que le prestataire était un employé à temps partiel occupant un poste à durée indéterminée, mais travaillant régulièrement un nombre d’heures correspondant à un horaire à temps plein. Il a précisé que le choix des parcours de livraison du courrier se faisait en fonction de l’ancienneté, puis expliqué qu’en raison de son peu d’ancienneté, le prestataire devait généralement choisir parmi les parcours les moins convoités, notamment ceux nécessitant un plus grand nombre de livraisons ou comportant des distances plus longues à parcourir.

[14] Dans son témoignage, le représentant syndical a affirmé que tout le courrier à livrer pour un parcours donné est placé dans une [traduction] « cage » pour que le facteur en fasse le tri, par paquets en fonction des adresses. Il a mentionné qu’il arrive que les facteurs ne soient pas en mesure de livrer tout le courrier attribué pour livraison le jour même, car la livraison pouvait être retardée en raison de facteurs météorologiques ou par manque de temps avant la noirceur de fin de journée. Toujours selon le représentant syndical, lorsque le facteur ne peut livrer tout son courrier, il doit remettre le courrier non livré dans la cage afin qu’il soit livré le prochain jour de livraison.

[15] Le prestataire a affirmé qu’en mai ou juin 2017, son employeur avait pris des arrangements pour lui donner congé afin qu’il obtienne des soins pour ses problèmes de santé mentale. Il a aussi affirmé avoir reçu un diagnostic de trouble d’anxiété généralisée. Il subit des crises de panique et, en cas d’urgence, il doit prendre le médicament qui lui a été prescrit.

[16] Selon son témoignage, le prestataire avait l’habitude de trier son courrier au poste de facteurs avant de prendre un taxi jusqu’au point de départ de son parcours de livraison. Il a déclaré que, dans la semaine précédant son congédiement, il y avait eu des inondations dans la ville où il travaillait. Étant donné que les inondations l’empêchaient de se rendre à certains endroits de son parcours de livraison, il avait dû retourner du courrier non livré au poste de facteurs afin qu’il soit livré le prochain jour de livraison. Le prestataire a affirmé qu’à son dernier jour de travail, il avait dû trier le courrier retourné ainsi que le nouveau courrier. Il a affirmé que, pendant qu’il faisait la livraison du courrier ce jour-là, il avait reçu un appel de son épouse, qui était au travail. Il a affirmé que son épouse était en colère, qu’elle lui avait dit avoir été victime de harcèlement au travail. Le prestataire a affirmé que la première pensée qui lui était venue était d’aller rejoindre son épouse, parce qu’il ne voulait pas qu’elle prenne le volant. Le prestataire a expliqué que sa femme a des problèmes de santé mentale. Il avait alors appelé un taxi pour retourner au poste de facteurs où se trouvait sa voiture. Le prestataire a expliqué qu’il avait commencé à éprouver une crise de panique à l’intérieur du taxi, alors il avait pris son médicament prescrit. Il a affirmé que, lorsqu’il prend son médicament sublingual, l’effet est immédiat : la crise de panique ou d’anxiété se résorbe et il se sent très calme, comme s’il était en état d’ébriété sans avoir consommé d’alcool. Le prestataire a affirmé qu’il lui aurait fallu 10 à 20 minutes pour rentrer le courrier non livré à l’intérieur du poste de facteurs, le remettre dans la cage puis aller à sa voiture. Sa préoccupation principale était d’aller rejoindre son épouse aussitôt que possible, alors il avait emporté le courrier non livré avec lui dans sa voiture et était allé rejoindre son épouse. Le prestataire a déclaré qu’il ne se souvenait pas de ce qui s’était passé durant le reste de la journée après l’appel de son épouse, mais il se rappelait avoir voulu aider cette dernière avant de terminer la livraison du courrier.

[17] Le prestataire a témoigné que, le lendemain, il avait rencontré la direction au poste de facteurs pour expliquer ce qui s’était passé la veille. La direction lui avait dit qu’il était tenu d’appeler son superviseur lorsqu’il n’était pas en mesure de livrer tout le courrier. Le prestataire a affirmé qu’il avait dit à la direction qu’il avait de la difficulté à communiquer directement avec son superviseur, car ce dernier ressemblait beaucoup à une personne qui lui avait fait du mal dans le passé. Il a expliqué qu’il parlait rarement à son superviseur en raison de cette ressemblance et qu’il avait l’habitude de lui laisser des messages par écrit. Le prestataire a témoigné ne pas avoir nié le fait qu’il n’avait pas terminé son parcours et qu’il avait emporté le courrier non livré à son domicile le jour en question. Il a affirmé ceci : [traduction] « J’ai dit [à la direction] que l’entreprise pouvait récupérer le courrier dans ma voiture si elle le souhaitait, car j’avais toute ma tête à ce moment-là. » Le représentant syndical a pour sa part témoigné que le prestataire avait été suspendu de ses fonctions en raison de cette rencontre avec la direction. Le prestataire a affirmé qu’il cherchait à obtenir des soins et qu’il obtenait des soins lorsqu’il avait été informé de son congédiement.

[18] Le prestataire a présenté une copie de l’entente de principe par laquelle il acceptait le règlement d’un grief déposé pour son compte. Le représentant syndical a témoigné que, lorsque le syndicat avait passé en revue de dossier du prestataire et examiné le congédiement, le meilleur scénario pour le prestataire était qu’il démissionne. Le prestataire avait peu d’ancienneté et il était peu probable qu’il puisse reprendre son emploi. Je ferais remarquer que, grâce à l’entente de principe, le congédiement a été converti en démission et l’employeur a accepté de modifier le code M (congédiement) à D (maladie) comme raison à inscrire sur le relevé d’emploi.

[19] La Commission a soutenu que, dans le cas qui nous occupe, le prestataire était au courant de la politique de livraison, parce qu’il avait reçu des avertissements auparavant. La Commission a affirmé qu’il suffit que l’acte répréhensible ou l’omission reprochée ait été commis [traduction] « volontairement », c’est-à-dire consciemment, délibérément ou intentionnellement. En prenant en sa possession personnelle des lettres destinées à être livrées, le prestataire a fait preuve de négligence flagrante à l’égard des responsabilités qui lui sont conférées. Il aurait dû savoir quelles seraient les conséquences de prendre du courrier en sa possession personnelle et il aurait raisonnablement dû savoir qu’il risquerait d’être congédié. La Commission a fait valoir que la conduite du prestataire a compromis la relation d’emploi de façon irrévocable et qu’il s’agissait d’une inconduite aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi. La Commission a aussi soutenu qu’il n’existe aucun élément de preuve médical indiquant que le prestataire n’était pas en mesure d’accomplir le travail pour lequel il avait été embauché, et que, même si ses problèmes de santé avaient une incidence sur son rendement au travail, le prestataire devait malgré tout se conformer à la politique consistant à informer l’employeur lorsqu’il est dans l’impossibilité de livrer le courrier.

[20] Le prestataire a soutenu qu’il ne niait pas avoir commis des erreurs au travail, mais il a dit qu’il avait éprouvé un stress immense lors de son dernier jour de travail et qu’il n’était pas dans un état d’esprit sain. Il a affirmé qu’il n’avait pas les facultés nécessaires pour composer avec la situation et prendre une décision rationnelle, qu’il avait traversé un moment stressant lors de son dernier jour de travail et qu’il avait pris le médicament prescrit pour les cas d’urgence parce qu’il subissait une crise de panique. Le prestataire a soutenu que les effets du médicament avaient affecté sa capacité à prendre des décisions rationnelles.

[21] Le prestataire a par ailleurs soutenu que l’employeur avait reconnu que ses actes n’étaient pas intentionnels et il avait apporté une modification au relevé d’emploi. Le représentant syndical a quant à lui soutenu qu’aux termes de l’entente de principe, le prestataire renonçait à recourir à l’arbitrage, pourvu que l’employeur reconnaisse que ses actes ne constituaient pas une inconduite. Le représentant syndical a ajouté que le relevé d’emploi devait indiquer qu’il s’agissait d’anxiété situationnelle. Il a aussi affirmé que plusieurs échanges de courriels avec l’employeur concernaient la modification à apporter au relevé d’emploi.

[22] Le représentant syndical a soutenu que l’employeur était au courant des problèmes de santé mentale du prestataire, puisqu’il avait auparavant conseillé à ce dernier de prendre congé afin d’obtenir des soins et pris les arrangements nécessaires. Le représentant syndical a témoigné que, normalement, lorsqu’il s’agit de courrier non livré, l’employeur prend en photo chaque article de courrier non livré afin d’établir le temps de retard de la livraison. Il a affirmé que, dans le cas du prestataire en l’espèce, l’employeur n’avait pris aucune photo, ce qui [traduction] « a éveillé des soupçons chez moi ». Le représentant syndical a soutenu que le prestataire avait eu l’intention de terminer son parcours de livraison le jour même, mais qu’il n’avait pas été en mesure de le faire parce qu’il avait pris le médicament. Il a fait remarquer qu’après avoir examiné le dossier personnel du prestataire, il était clair selon lui que l’employeur ne souhaitait pas que ce dernier revienne au travail, compte tenu de la nature des avertissements qu’il avait reçus, comme celui de ne pas traverser les pelouses des propriétés desservies.

[23] J’aborderai dans un premier temps l’incidence, sur ma décision, de l’entente de principe intervenue pour régler le grief du prestataire à l’endroit de son employeur. Pour prétendre qu’un règlement à l’amiable contredit une conclusion antérieure tirée par la Commission, il doit exister quelque preuve qui neutraliserait la position adoptée par l’employeur lors de l’enquête de la CommissionNote de bas de page 9. Devant la Commission, un représentant de la partie patronale a affirmé que, dans la lettre de congédiement, il était inscrit que le prestataire avait fait une fausse déclaration d’heures supplémentaires en 2017 et que l’employeur avait eu connaissance du courrier non livré qui se trouvait dans la voiture du prestataire le 7 septembre 2017 et qui aurait dû être livré la veille, le 6 septembre 2017. Le 28 décembre 2017, l’employeur a remis à la Commission la lettre de congédiement. En mai 2018, le syndicat et l’employeur ont mis sur papier une entente de principe. Aux termes de cette entente, l’employeur versait une somme d’argent au prestataire, son congédiement était révoqué, l’employeur acceptait la démission irrévocable du prestataire et acceptait d’inscrire le code D (maladie) comme raison pour produire le relevé d’emploi, puis le syndicat acceptait de retirer le grief. La Commission a d’abord conclu que le prestataire avait perdu son emploi en raison de sa propre conduite, telle que rapportée par l’employeur et admise par le prestataire lui-même. Je mentionne au passage que l’entente de principe ne comporte pas d’admission de l’employeur ou du prestataire selon laquelle le congédiement n’était pas justifié. Comme l’a conclu la Cour d’appel fédérale, « [l]e fait que le règlement à l’amiable prévoyait que l’employeur devait retirer l’allégation de congédiement motivé ne peut être considéré comme étant concluant quant à savoir s’il y a eu effectivement inconduite aux fins de la Loi, d’autant plus que le règlement à l’amiable ne comporte pas d’admission expresse ou tacite de l’employeur selon laquelle le congédiement motivé n’était pas pleinement justifié »Note de bas de page 10. Je suis tenue d’appliquer cette conclusion et de conclure que l’entente à l’amiable qui a révoqué la lettre de congédiement ne me permet pas de trancher définitivement la question dont je suis saisie.

[24] Je juge qu’il s’agit d’une obligation à la fois expresse et tacite prévue au contrat d’emploi du prestataire de livrer le courrier qui lui est confié et d’informer son superviseur lorsqu’il n’est pas en mesure de le faire. Ne pas s’y conformer constitue une contravention à la politique de travail établie par l’employeur. Le prestataire a témoigné qu’il avait été embauché comme facteur pour effectuer la livraison du courrier. Il a affirmé que l’employeur lui avait toujours communiqué que sa tâche consistait à livrer le courrier. Il a affirmé que, dans le passé, lorsqu’il avait rapporté du courrier non livré au poste de facteurs, il avait laissé des messages par écrit pour signaler le courrier non livré. En réponse à la question de savoir s’il avait été informé qu’il risquait des sanctions disciplinaires ou le congédiement du fait de ne pas avoir livré du courrier, le prestataire a répondu que cela lui avait effectivement été dit. Le prestataire a témoigné qu’il savait avec certitude que le fait de ne pas livrer du courrier constituait une contravention à la politique de l’employeur et qu’il était tenu à tout prix de [traduction] « rapporter » le courrier non livré. Le représentant syndical a quant à lui témoigné que les facteurs étaient autorisés à rapporter du courrier non livré au poste de facteurs dans certaines circonstances. Compte tenu de ce qui précède, je conclus que, selon la prépondérance des probabilités, le prestataire savait ou aurait raisonnablement dû savoir qu’il risquait une sanction disciplinaire ou le congédiement en ne rapportant pas le courrier non livré au poste de facteur et en n’informant pas son superviseur qu’il n’était pas en mesure de livrer ce courrier.

[25] L’inconduite n’est pas définie dans la Loi et la question de savoir s’il y a eu inconduite ou non est essentiellement une « question de circonstances »Note de bas de page 11. Comme je l’ai mentionné précédemment, la jurisprudence prévoit que l’inconduite emporte nécessairement un élément psychologique de volonté de la part du prestataire, ou une conduite d’une telle négligence ou insouciance qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas de page 12. Le caractère délibéré a été défini de plusieurs façons, mais il s’agit généralement de démontrer que le prestataire a agi consciemment, délibérément ou intentionnellement. En l’espèce, le prestataire a affirmé avoir reçu un diagnostic de trouble d’anxiété généralisée et s’être fait prescrire un médicament à prendre lorsqu’il subit une crise d’anxiété ou de panique. Il a témoigné qu’il avait vécu un moment très stressant pendant qu’il effectuait la livraison du courrier et qu’il avait appelé un taxi afin de retourner au poste de facteurs récupérer sa voiture pour ensuite aller rejoindre son épouse. Selon son témoignage, il avait commencé à subir une crise d’anxiété ou de panique à l’intérieur du taxi lorsqu’il retournait au poste de facteurs, alors il avait pris son médicament prescrit. Le prestataire a affirmé que l’effet du médicament avait été immédiat, que celui-ci l’avait rendu très calme, comme s’il avait été en état d’ébriété, affectant ainsi sa capacité à prendre des décisions rationnelles. Selon lui, il lui aurait fallu trop de temps pour rapporter le courrier non livré dans la cage au poste de facteurs, c’est pourquoi il avait préféré le garder en sa possession afin de récupérer rapidement sa voiture et se rendre à l’endroit où se trouvait son épouse. Il a témoigné que son intention était de retourner à son parcours de livraison après avoir vu cette dernière afin de terminer la livraison du courrier.

[26] Je conclus que, selon la prépondérance des probabilités, le médicament prescrit a eu les effets décrits par le prestataire. Ce dernier a livré un témoignage clair et sans ambages, lequel concordait par ailleurs avec les renseignements qu’il avait fournis devant la Commission. Je suis donc convaincue que le témoignage du prestataire constitue une preuve suffisante permettant de conclure, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’a pas agi consciemment, délibérément ou intentionnellement, compte tenu de ses problèmes de santé mentale et de l’effet du médicament. Par conséquent, je ne peux conclure que les actes du prestataire consistant à ne pas livrer du courrier et ne pas rapporter celui-ci au poste de facteurs constituaient une inconduite au sens de la Loi. Je conclus donc que la Commission ne s’est pas acquittée du fardeau consistant à démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite de sa part.

Conclusion

[27] L’appel est accueilli.

 

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 6 juin 2019

Téléconférence

E. W., appelant

Christopher Tremble, représentant de l’appelant

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