Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli relativement à l’ensemble des questions en litige.

Aperçu

[2] L’appelant (prestataire) a travaillé comme couvreur. L’horaire de travail du prestataire était variable selon les conditions météorologiques, et son employeur lui avait dit qu’il pouvait réclamer ses heures d’emploi d’une manière qui lui permettait de toucher des semaines entières de salaire, qu’il s’agisse de prestations d’assurance-emploi (AE) ou du salaire lié au travail exécuté. Cette méthode, qualifiée de système de banque d’heures, n’est généralement pas permise. Le prestataire a accumulé ses heures et les a utilisées de la manière conseillée par son employeur. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a déterminé que le prestataire avait reçu une rémunération qui n’était pas répartie adéquatement sur sa demande. Elle a réparti à nouveau la rémunération en fonction des dossiers de l’employeur, et a déterminé que le prestataire a reçu un trop‑payé et qu’il devait rembourser les prestations auxquelles il n’était pas admissible. La Commission a aussi imposé une pénalité au prestataire pour fausse déclaration, et a émis un avis de violation. À la demande du prestataire, la Commission a procédé à la révision de ses décisions, et a maintenu l’ensemble de ses conclusions. Le prestataire a interjeté appel de la décision devant le conseil arbitral, qui a tranché en faveur du prestataire. La Commission a interjeté appel devant la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale, qui a accueilli l’appel. L’affaire a été renvoyée au conseil arbitral, qui a été remplacé par le Tribunal, pour une deuxième audience. Le Tribunal a tranché en faveur du prestataire, toutefois la décision a été infirmée en appel à la division d’appel. L’affaire a été renvoyée par la division d’appel pour une troisième audience devant le Tribunal.

Questions préliminaires

[3] Un certain nombre de questions préliminaires doivent être abordées en l’espèce.

Conférence préparatoire à l’audience

[4] Ce dossier a un long historique avec le Tribunal et l’instance qui l’a précédé, ce qui sera abordé plus en détail ci-après. Ce dossier a été assigné à l’origine à une autre membre du Tribunal, qui a tenu une conférence préparatoire à l’audience le 1er octobre 2018, en présence des représentants du prestataire et de la Commission. Le dossier m’a ensuite été assigné afin de tenir une audience en personne. Après examen du dossier, j’ai déterminé que des questions additionnelles de gestion de cas devaient être abordées et j’ai convoqué une deuxième conférence préparatoire à l’audience le 11 mars 2019. Une fois de plus, les représentants du prestataire et de la Commission étaient présents. Deux personnes représentent le prestataire : un avocat, ci-après désigné comme l’avocat du prestataire, et une représentante bilingue, ci-après appelée la représentante. La Commission est représentée par une avocate, ci-après appelée l’avocate de la Commission.

Appel de groupe

[5] Cette cause a été instruite conjointement avec quatre autres causes, qui ont été regroupées en appel de groupe en raison des questions de fait et de droit similaires, lors d’une audience consolidée. Les dossiers ont été regroupés, toutefois une décision distincte est rendue pour chacun des dossiers, car les faits relatifs à l’emploi de chacun des prestataires diffèrent et parce que l’une des questions en litige est celle de la pénalité, qui ne peut pas être abordée sur une base collective.

Documents présentés après l’audience

[6] À l’audience, l’avocat du prestataire a voulu ajouter deux documents qui n’étaient pas déjà inclus dans le dossier. L’avocate de la Commission ne s’est pas opposée à l’admission de ces documents. J’ai accepté les documents et ai demandé à l’avocat du prestataire de les présenter au Tribunal après l’audience, afin de les inclure dans le dossier. Bien que ces documents soient considérés techniquement comme des documents présentés après l’audience, je les ai admis à l’audience et l’avocate de la Commission en a reçu un exemplaire. Ces documents comprennent un article du Toronto Star intitulé Conservatives have set ‘targets’ for EI fraud but not quotas, Human Resources Minister Diane Finley says ([traduction] : « Les Conservateurs ont établi des ‘cibles’ pour les fraudes d’AE, mais pas de quotas, selon la ministre des Ressources humaines Diane Finley »), daté du 25 février 2013, et un article de CBC News intitulé Tories set ‘targets’ not quotas for EI fraud ([traduction] : « Tories a établi des ‘cibles’, mais pas de quotas pour les fraudes d’AE », daté du 25 février 2013).

Interprétation

[7] L’avocat du prestataire a souligné que l’appel de groupe comprend cinq prestataires francophones ayant chacun des capacités différentes de communiquer en anglais. L’avocat du prestataire a mentionné que ses clients n’étaient pas à l’aise de témoigner en anglais. Les cinq prestataires de l’appel de groupe ont témoigné en français à l’audience d’avril 2019.

[8] De nombreuses questions linguistiques sont notées tout au long du dossier, particulièrement en ce qui a trait à la protection du droit du prestataire de communiquer dans la langue de son choix. Bien que le Tribunal tienne habituellement des audiences bilingues avec un interprète, qui procure une traduction ligne par ligne, compte tenu de la durée anticipée de cette audience et du nombre de personnes devant témoigner, j’ai décidé que le recours au service d’interprétation ne serait pas approprié. Le Tribunal a pris des arrangements de traduction simultanée avec un fournisseur tiers. Deux interprètes ont assisté aux audiences et ont fait la déclaration solennelle d’interpréter de l’anglais au français et du français à l’anglais, ce qui signifie qu’ils ont convenu de traduire au meilleur de leur capacité et de protéger la confidentialité de l’information. La traduction a été effectuée dans une cabine située dans la même salle où se tenaient les audiences, et chaque participant à l’audience a reçu un casque d’écoute lui permettant d’écouter l’audience dans la langue de son choix. J’ai demandé aux parties de m’aviser immédiatement s’il y avait un problème avec l’audience ou avec la compréhension de l’interprétation; lorsqu’un problème survenait, nous interrompions l’audience.

Enregistrement de l’audience

[9] L’avocat du prestataire a noté que bien que l’audience devant la division générale du Tribunal de 2016 ait été enregistrée, le membre n’a pas été en mesure de retrouver l’enregistrement, et l’enregistrement n’était pas accessible pour la division d’appel lorsqu’elle a instruit un appel relativement à une décision de la division générale.

[10] Pour l’audience d’avril 2019, le Tribunal a embauché une entreprise tierce d’enregistrement afin qu’elle assiste à l’audience et procède à un enregistrement professionnel de l’instance. Un enregistrement de la traduction française, de la traduction anglaise et de l’audience bilingue a été ajouté au dossier du prestataire.

Exclusion des témoins

[11] Au début de l’audience, l’avocate de la Commission a présenté une demande d’exclusion des témoins. Comme il s’agit d’un appel de groupe, les prestataires des cinq dossiers connexes étaient présents, et la Commission a cherché à exclure les prestataires des témoignages des autres. L’avocat du prestataire s’est opposé à cette demande, en précisant qu’il craignait qu’il y ait manquement à un principe de justice naturelle et que cette exclusion puisse porter préjudice à ses clients puisque leurs témoignages avaient tous trait au même employeur et aux mêmes circonstances factuelles. Il était d’avis que l’affaire était consolidée, et que chaque personne avait le droit d’entendre la preuve des autres.

[12] L’avocate de la Commission a répondu que les appels, bien que consolidés, faisaient aussi l’objet d’un traitement individuel. Elle a soutenu que compte tenu de la nature des appels, qui portaient sur des trop‑payés et des pénalités, et des violations fondées sur de fausses déclarations, on craignait que les prestataires puissent adapter leur preuve en fonction des propos des autres prestataires.

[13] J’ai accueilli la demande d’exclusion en partie. Le prestataire a un avocat et une représentante, et la représentante a aussi fait une déclaration solennelle à titre de témoin. La représentante a fait une déclaration solennelle lui permettant de témoigner, et cela s’appliquait à tous les dossiers consolidés, alors j’ai décidé de ne pas soumettre son témoignage à l’exclusion, car il avait une incidence sur chacun des dossiers. J’ai déterminé qu’étant donné que les autres dossiers seraient traités individuellement, malgré le fait qu’ils seraient instruits lors d’une même audience, le risque qu’un prestataire subisse un préjudice parce qu’il n’avait pas entendu le témoignage d’un autre prestataire était faible. Trancher les affaires sur une base individuelle signifie que le témoignage d’un prestataire n’aura pas d’incidence sur la décision d’un autre prestataire. En conséquence, les prestataires ont livré leurs témoignages en l’absence des autres membres de l’appel de groupe, mais ils étaient présents pour le témoignage de la représentante puisqu’il concernait des erreurs dans les dossiers de l’employeur. J’ai donné instruction aux prestataires, en tant que groupe, de ne pas discuter du contenu de leur témoignage à l’extérieur de la salle d’audience pendant la durée de l’audience.

[14] À la fin de l’audience, la représentante a demandé de faire une courte déclaration en l’absence des prestataires. L’avocat du prestataire et l’avocate de la Commission ne se sont pas opposés à cela, et j’ai permis le témoignage. La représentante a présenté cette demande afin de clarifier sa réponse à une question posée par l’avocate de la Commission, et a demandé l’exclusion des prestataires parce que la déclaration avait trait à une affaire personnelle. Il n’est pas nécessaire d’examiner la preuve de cette observation supplémentaire, car l’information n’était pas pertinente pour trancher l’appel.

Concession

[15] À l’audience, la Commission a mentionné qu’elle acceptait les conclusions de la représentante du prestataire relativement aux erreurs qu’elle a relevées dans les renseignements de paye reconstitués. La Commission a précisé que bien qu’elle n’était pas d’accord avec l’observation selon laquelle ces erreurs ont donné lieu à de l’information non fiable, elle a accepté le fait que les erreurs précises qu’elle a relevées dans un document portant le code Pièce 51‑1 (RGD9‑40) existent. Cette pièce relève plus de 20 erreurs dans les renseignements de paye, dont la plupart concernent des dates incorrectes.

Entrevues et crédibilité

[16] Selon le dossier, le prestataire a été interviewé en personne par un enquêteur de la Commission le 17 mai 2012, en anglais. Le prestataire a affirmé à l’audience d’avril 2019 que l’entrevue avait été menée en anglais, et qu’il est un francophone qui n’a pas la capacité de lire soit l’anglais ou le français. Il a aussi mentionné qu’il ne parle pas anglais couramment, et qu’il peut parler son dialecte français local, mais que ce n’est pas le même que le [traduction] « français du Québec ». Il a affirmé ne pas avoir compris toutes les questions qui lui ont été posées lors de la rencontre de mai 2012, et a soutenu que lorsqu’il a dit à l’intervieweur qu’il comprenait le contenu de l’entrevue, c’était parce qu’il ne comprenait pas assez bien l’anglais. Il a affirmé qu’il sait [traduction] « des mots ici et là », mais pas assez pour comprendre.

[17] Je reconnais aussi que le dossier d’entrevue de l’entretien de mai 2012 est un élément constituant du dossier de la Commission, et que le prestataire a prétendument fait des déclarations dans lesquelles il admettait avoir mis des heures en banque. Je note que [traduction] « la preuve écrite d’admissions orales » ne doit pas nécessairement être acceptée telle quelleNote de bas de page 1. Je peux tirer des conclusions précises relativement à la question de savoir si un prestataire était un témoin crédible malgré des déclarations contradictoires dans les notes d’une employée ou d’un employé de la Commission. La Cour d’appel fédérale a aussi établi que les notes prises par une employée ou un employé de la Commission sont [traduction] « intrinsèquement non fiables lorsqu’elles n’ont pas été approuvées par les prestataires au moment où elles ont été prises, mais en fin de compteNote de bas de page 2 » il me revient de déterminer quelle importance, le cas échéant, j’accorde au dossier d’entrevue. En l’espèce, le prestataire a signé son nom à la fin du dossier d’entrevue, pour confirmer que le rapport et son utilisation lui ont été expliqués, et qu’une copie de la déclaration serait fournie ultérieurement. Le paragraphe qui précède sa signature n’inclut pas de libellé confirmant que le prestataire a compris le contenu de l’entrevue.

[18] J’estime que l’entrevue de mai 2012 a moins de valeur probante parce que le prestataire a été questionné en anglais. J’estime de plus que, selon la prépondérance des probabilités, il ne maîtrisait pas suffisamment l’anglais en 2012 pour comprendre l’ensemble des questions posées par l’enquêteur. J’estime que le prestataire est un témoin crédible, parce que ses déclarations concordaient avec ses arguments pendant toute la durée du dossier.

Renseignements contradictoires

[19] Les décisions précédentes de cette affaire qui ont été portées en appel ont été accueillies, essentiellement parce que les décideurs n’ont pas abordé les éléments de preuve contradictoires. Il est incontesté que lorsqu’il y a des éléments de preuve contradictoires, je dois décider quel élément de preuve contradictoire je privilégie et je dois expliquer les raisons pour lesquelles je privilégie cet élément de preuveNote de bas de page 3. J’ai expliqué en détail la preuve d’une manière rigoureuse dans cette décision afin d’assurer que tous les éléments de preuve pertinents sont examinés et dans l’espoir que cette décision procure une finalisation de cette question pour toutes les parties. J’ai essayé de faire en sorte que cette décision soit aussi accessible que possible et rédigée en langage clair, je suis toutefois consciente de sa longueur. Cependant, dans cette instance, une longue décision est nécessaire pour traiter de l’ensemble des éléments de preuve, y compris le témoignage et la preuve documentaire, et pour tirer des conclusions de fait.

Questions en litige

[20] Question en litige no 1 : Le prestataire a-t-il reçu de l’employeur des sommes d’argent qui constituaient une rémunération exigeant une répartition?

[21] Question en litige no 2 : Une pénalité devrait-elle être imposée au prestataire?

[22] Question en litige no 3 : Une violation devrait-elle être imposée au prestataire?

Historique du dossier

[23] Le dossier a débuté par une audience devant le conseil arbitral, l’instance qui a précédé le Tribunal. Le conseil arbitral a tranché en faveur du prestataire relativement à toutes les questions en litige. La Commission a interjeté appel de la décision du conseil arbitral devant la division d’appel du Tribunal, qui a tranché en faveur de la Commission et a renvoyé l’affaire à la division générale pour une nouvelle audience, car le conseil arbitral n’avait pas examiné la preuve de la Commission relativement à des déclarations incohérentes antérieures du prestataire.

[24] L’affaire a été instruite par la division générale le 22 juin 2016, qui a de nouveau tranché en faveur du prestataire. La Commission a de nouveau interjeté appel devant la division d’appel du Tribunal, et elle a eu gain de cause. Malheureusement, la division générale a erré de la même façon que le conseil arbitral, en omettant d’examiner les déclarations incohérentes antérieures du prestataire.

[25] L’affaire a été renvoyée à la division générale pour une troisième audience, qui a été tenue sur deux jours en avril 2019.

Analyse

Rémunération et répartition

[26] Lorsqu’un prestataire de l’AE reçoit une somme d’argent, il faut décider si cette somme constitue une « rémunération » au sens de la loiNote de bas de page 4. S’il s’agit d’une rémunération, il faut alors la répartir, c’est-à-dire l’affecter aux semaines appropriéesNote de bas de page 5. La façon dont la rémunération est répartie dépend de la raison pour laquelle la somme a été versée. Toute somme versée par un employeur est considérée comme une rémunération et doit donc être répartie, sauf si elle correspond à une exception ou si elle ne découle pas d’un emploiNote de bas de page 6. Il incombe au prestataire de démontrer que les sommes ne constituent pas une rémunération.

[27] Si la rémunération est répartie sur des semaines pour lesquelles l’AE est payable à un prestataire, la rémunération est déduite de ses prestationsNote de bas de page 7.

[28] La Commission répartit la rémunération qui a été payée à titre de salaire sur les semaines où le prestataire a travaillé et gagné ce salaireNote de bas de page 8.

[29] Lorsqu’un employeur verse une rémunération au titre d’un contrat d’emploi, mais sans la prestation de services, la Commission répartit la rémunération sur la période pour laquelle elle est payableNote de bas de page 9. Autrement dit, si un employé reçoit d’un employeur une somme d’argent sans travailler pour gagner cet argent, la Commission répartit la rémunération sur la période pour laquelle la somme d’argent est payable.

Question en litige no 1 : Le prestataire a-t-il reçu de l’employeur des sommes d’argent qui constituaient une rémunération exigeant une répartition?

[30] Si le prestataire a reçu des sommes d’argent de son employeur à titre de salaire, cet argent constituera généralement une rémunération parce que le paiement a été versé pour compenser les heures rémunéréesNote de bas de page 10.

[31] Le prestataire a travaillé comme couvreur pour une entreprise de couverture. Il a établi des demandes initiales de prestations d’AE débutant les 20 janvier 2008, 18 janvier 2009, 31 janvier 2010 et 30 janvier 2011.

[32] À un certain moment, la Commission a craint que l’employeur n’utilise un système de banque d’heures, et a demandé que l’affaire soit soumise à une enquête. L’enquêteur a retracé six mois de demandes d’AE en lien avec l’employeur et a découvert que les employés prétendaient avoir travaillé de 50 à 60 heures par semaine, puis n’avaient aucune heure la semaine suivante. La Commission mentionne que cela est typique d’une entreprise qui met des heures en banque pour ses employés, en ce sens que l’employé travaille un certain nombre d’heures pendant une période, mais réclame les heures de manière à toucher des prestations d’AE auxquelles il ne serait pas admissible si le revenu était réparti sur la période pendant laquelle il a été gagné.

[33] L’enquête de la Commission a révélé des divergences entre le registre de paye de l’employeur et le relevé d’emploi du prestataire. Pendant l’enquête, le directeur des finances de l’employeur a fourni à la Commission les fiches de temps supposées illustrer les véritables fiches de temps du prestataire et un second ensemble de livres de paye prétendument exacts. À l’aide de ces nouveaux renseignements, un nouveau livre de paye a été reconstitué par la Commission avec la rémunération hebdomadaire supposément exacte du prestataire.

[34] Le 25 novembre 2011, la Commission a mené une entrevue en personne avec le directeur des finances de l’employeur. Le témoin a mentionné qu’il était employé à titre de directeur des finances et contrôleur depuis septembre 2008, et qu’il était comptable agréé. La Commission a identifié plusieurs employés et a demandé au témoin pourquoi le nombre d’heures travaillées par l’employé en question ne correspondait pas au montant qui lui avait été payé pour la même semaine. Le témoin a déclaré ne pas savoir exactement pourquoi cela s’était produit, et a dit qu’il ne participait pas au registre de paye, mais qu’il devait y participer plus. La Commission a aussi noté des rapports de dépenses où des indemnités journalières étaient versées aux employés pour des journées où ils travaillaient à l’extérieur de la province, alors que selon le registre de paye, les employés ne travaillaient pas ces jours‑là. Le Commission a demandé comment cela était possible, et le témoin a dit qu’il ne le savait pas.

[35] La Commission a aussi demandé au directeur si certains dossiers étaient faux ou trompeurs parce que les dossiers mentionnaient que les employés travaillaient à des dates différentes de celles où ils avaient réellement travaillé. Le directeur a dit qu’il convenait que les dossiers étaient faux ou trompeurs. On a aussi demandé au directeur s’il comprenait que le fait de tenir le registre de paye de l’entreprise et de remplir les relevés d’emploi de façon inadéquate permettait eux employés de toucher des prestations d’AE alors qu’ils n’y étaient pas admissibles. Il a dit qu’il comprenait que cela était vrai.

[36] Pendant l’entrevue, la Commission a demandé au directeur s’il convenait qu’il y avait collusion entre l’entreprise et les employés, ce à quoi il a répondu qu’il voulait examiner cela par lui‑même. La Commission a demandé qui était responsable de la soumission de l’information fausse ou trompeuse, et le directeur a dit qu’il s’agissait de sa responsabilité en fin de compte. La Commission a de nouveau abordé la collusion avec les employés et a demandé au directeur s’il croyait qu’un employé pouvait être responsable. Le directeur a mentionné qu’il croyait que les problèmes provenaient de la façon dont l’ancien directeur général tenait le registre de paye; il a expliqué que l’ancien directeur général avait quitté son poste pour démarrer sa propre entreprise, et a fait valoir que le système de paye qui était en place n’a pas changé bien qu’il était d’avis que les coûts salariaux par poste étaient exacts.

[37] Le directeur s’est engagé à retourner vérifier les dossiers de l’employeur et à obtenir les [traduction] « heures véritables pour les employés ». Il a déclaré qu’il [traduction] « découvrirait tout ». Le directeur a ensuite fourni une copie du deuxième ensemble de livre de paye de l’employeur pour les années 2009, 2010 et 2011, et les fiches de temps prétendument [traduction] « exactes ». Ces documents sont un point de discorde dans le dossier, et ont été utilisés par la Commission pour reconstituer un réel dossier de paye comprenant supposément la rémunération hebdomadaire exacte. La liste de paye reconstituée est le fondement du trop‑payé.

[38] Le prestataire a rencontré l’intervieweur de la Commission le 17 mai 2012. Un rapport d’entrevue dactylographié relate l’échange et mentionne que le prestataire assume qu’il a compris ses droits et ses responsabilités lorsqu’il a demandé des prestations d’AE. D’après les notes, le prestataire a commencé à travailler pour l’employeur vers 2009 et que l’horaire était variable selon le temps qu’il faisait. Il a mentionné qu’il travaillait parfois 60 heures par semaine, parfois moins. Le prestataire a mentionné que le contremaître a fait le suivi des heures et les a données à une ou un secrétaire qui les traitait, et que cette personne appelait les employés et leur demandait combien d’heures ils voulaient être payés.

[39] On a demandé au prestataire s’il savait ce que signifiait le terme [traduction] « banque d’heures » et on a consigné qu’il a répondu « oui ». On a aussi consigné que le prestataire avait dit que cela signifie [traduction] « si vous travaillez et ne prenez pas de chèque de paye ». Le prestataire s’est fait demander s’il avait mis des heures en banque et il a dit [traduction] « oui, on nous permet de mettre 50 heures en banque. Il y a eu une réunion et c’est ce qu’ils nous ont dit ». Il a dit plus tard que « ils » faisait référence au gérant de succursale, qui a aussi été interrogé et a confirmé qu’il pensait que les employés pouvaient mettre 50 heures en banque.

[40] L’enquêteur de la Commission a fourni un exemple précis, et a demandé au prestataire de regarder une fiche de temps qu’il avait obtenue de la part de l’employeur. La Commission a expliqué que la fiche se rapportait à la semaine ayant pris fin le 12 mars 2011, et qu’elle montre que le prestataire a travaillé 45 heures, mais que selon le registre de paye de l’employeur, pour la même période visée, il a travaillé 10 heures. Le prestataire a dit qu’il avait été payé pour 10 heures et qu’il avait mis en banque le reste des heures, ce qui est une pratique normale dans le domaine de la couverture parce que le temps qu’il fait a des répercussions sur la capacité de travailler.

[41] La Commission a demandé au prestataire d’examiner les tableaux de 2009, 2010 et 2011 ayant trait aux heures et à la rémunération du registre de paye, et a mentionné qu’il s’agissait des heures réelles et de la rémunération réelle tirées des feuilles de temps de l’entreprise. La Commission a mentionné que les documents montrent ce que le prestataire a déclaré pendant qu’il recevait de l’AE, et ce qu’il a réellement reçu, et s’il y a eu un trop‑payé. La Commission a demandé si le prestataire comprenait d’où provenait l’information. Le prestataire a dit « oui ».

[42] L’enquêteur de la Commission a demandé au prestataire s’il comprenait que le fait de ne pas déclarer la totalité de sa rémunération lorsqu’il travaillait et recevait des prestations d’AE était une infraction au titre de la Loi sur l’assurance‑emploi (Loi sur l’AE). Le prestataire a dit [traduction] « Ouais. Je pensais que ça ne faisait pas de différence, en autant que toutes les heures étaient déclarées », et il a ajouté que la mise en banque d’heures était l’idée de la direction parce qu’il n’y avait pas d’autre façon de continuer à faire travailler les gens. Le prestataire a répété qu’il pensait que la mise en banque d’heures était acceptable parce que toutes les heures ont fini par être réclamées, et tout l’impôt a été payé. Il a mentionné qu’il pensait que c’était légal et a de nouveau fait référence à la réunion où la direction a dit aux employés qu’ils pouvaient mettre 50 heures en banque.

[43] À l’audience, l’avocat du prestataire a soulevé des questions concernant la fiabilité du dossier d’entrevue de mai 2012, car il soutient que le prestataire est, et était en 2012, un francophone ayant une capacité limitée de communiquer en anglais. Il a mentionné que l’entrevue avait été menée en anglais et que des questions insidieuses avaient été posées. Pendant l’entrevue, la question suivante a été posée au prestataire : [traduction] « avez-vous compris toutes mes questions? » Et sa réponse a été consignée comme suit : [traduction] « Oui, je pense que oui ». On lui a aussi demandé d’examiner le rapport final avec l’enquêteur et on lui a demandé s’il en comprenait le contenu. On a consigné qu’il avait répondu : [traduction] « Je ne peux pas lire très bien. Je suis d’accord pour que vous me le lisiez ». À l’audience, il a affirmé que l’intervieweur lui avait lu le rapport et qu’il n’avait pas compris la majorité du contenu.

[44] La Commission a interviewé le gérant de succursale de l’employeur le 10 juillet 2012. Il s’agit de la même personne qui, d’après le prestataire, a dit aux employés qu’ils pouvaient mettre en banque 50 heures. Le gérant de succursale a dit qu’il a travaillait pour l’employeur depuis 27 ans, qu’il gérait les employés et qu’il voyait à tout. Il a déclaré que les employés travaillaient de 30 à 50 ou 60 heures par semaine selon le moment de l’année et le temps qu’il faisait. Il a également dit que le contremaître faisait le suivi des heures des employés et donnait les heures à la ou au secrétaire, ce qui concorde avec ce que le prestataire avait déclaré à l’enquêteur.

[45] À l’entrevue, on a interrogé le gérant de succursale au sujet de la discussion qu’il avait eue avec les employés au sujet de la mise en banque d’heures. Il a déclaré qu’avant l’enquête, ce n’était pas une conversation typique qu’il avait avec les employés, mais que depuis l’enquête, il y avait eu beaucoup de discussions et de questions. Le gérant de succursale a mentionné [traduction] « la mise en banque d’heures, je pensais que c’était correct. En autant que toutes les heures sont prises en compte et que l’impôt sur ces heures est payé. Mon but était d’aider les employés à toucher un chèque de paye pour une semaine complète. Cela les aidait à rester avec nous comme employés et empêchait qu’ils s’en aillent ailleurs ». Il a ajouté [traduction] « nous voulions qu’ils rentrent pour des journées partielles et aussi pour des journées ou des semaines entières. Si nous ne mettions pas d’heures de côté, ils perdaient des revenus lorsqu’ils rentraient pour une journée partielle ou une demi-journée ». Le gérant de succursale a mentionné que le système de banque d’heures était utilisé depuis aussi longtemps qu’il pouvait se rappeler. Il a ajouté qu’il n’a pas dit aux employés qu’il était légal de placer des heures en banque. Il a aussi dit qu’il ne discutait pas de la mise en banque d’heures dans les réunions du personnel, mais plus tard il a déclaré que la mise en banque d’heures avait fait l’objet d’une discussion lors d’une réunion et que le personnel avait soulevé ce sujet, ce qui semble incohérent avec sa déclaration précédente. Lorsqu’on lui a demandé s’il comprenait les questions, le directeur de la succursale a dit [traduction] « je pense que oui ».

[46] Le 11 septembre 2012, la Commission a rendu plusieurs décisions relativement au dossier, concluant en fin de compte que le prestataire avait fait une fausse déclaration de ses revenus et était assujetti à une pénalité et une violation. La Commission a consigné comment elle a rendu la décision relativement au dossier. Elle a mentionné avoir obtenu les dossiers du registre de paye de l’employeur et les feuilles de temps qui montrent les [traduction] « heures réelles travaillées par le prestataire ». La Commission note que les feuilles de temps montrent des divergences entre les heures inscrites comme travaillées et les heures travaillées selon le registre de paye. Les dépenses montrent aussi que certains employés avaient été payés pour des dépenses liées au travail au cours de semaines où ils ne figuraient pas dans le registre de paye. La Commission a examiné les déclarations du prestataire à l’entrevue, plus particulièrement le fait qu’il a admis avoir mis des heures en banque lorsqu’on lui a présenté les feuilles de temps montrant qu’il avait travaillé alors que le registre de paye montrait qu’il n’avait pas travaillé. Elle a déterminé que le prestataire n’avait pas déclaré correctement sa rémunération pendant de nombreuses semaines. Lorsqu’elle a réparti la rémunération sur les semaines où l’argent avait été gagné, cela a créé un trop‑payé. La Commission a aussi décidé que le prestataire avait fait une fausse déclaration de sa rémunération lorsqu’il a produit ses rapports bimensuels de demande d’AE.

[47] Le prestataire a déposé un avis d’appel auprès du conseil arbitral à la réception de la décision de la Commission, et a mentionné qu’il n’était pas d’accord avec les quatre décisions qu’il avait reçues, toutes datées du 11 septembre 2012, parce que le trop-payé a été établi par suite de la manière dont l’employeur payait les employés. Il a ajouté qu’il n’avait pas de mauvaise intention en déclarant ses heures, mais qu’il a fait ce que l’employeur lui avait dit de faire.

[48] Les montants du trop-payé sont divisés selon l’année de la demande, car le prestataire avait quatre périodes de prestations distinctes en cause. La répartition de l’argent obtenu de l’employeur à titre de salaire a donné lieu à un trop-payé de 353 $ pour la demande débutant le 20 janvier 2008, de 2 687 $ pour la demande débutant le 18 janvier 2009, de 5 873 $ pour la demande débutant le 31 janvier 2010 et de 5 694 $ pour la demande débutant le 30 janvier 2011.

[49] L’appel a été instruit par le conseil arbitral. Dans ses observations au conseil, la Commission a mentionné :

[traduction]

Une enquête a révélé des divergences entre le registre de paye de l’employeur et le relevé d’emploi fourni, car l’employeur tenait deux livres de paye distincts. Pendant la durée de l’enquête, l’employeur a fourni les fiches de temps réelles et à l’aide de ces nouveaux renseignements, un nouveau registre de paye comprenant la rémunération hebdomadaire brute appropriée a été reconstitué [sic].

[50] Les documents de la Commission précisent le mode de calcul des montants des trop-payés et des pénalités. Le prestataire n’a pas remis en question le calcul en soi, toutefois il a soutenu que le fondement de ce calcul était nécessairement erroné et qu’on ne pouvait pas s’y fier pour établir le trop-payé.

[51] La Commission a soutenu devant le conseil arbitral que le prestataire a reconnu avoir participé à une pratique illégale en utilisant le système de banque d’heures, et qu’il n’avait pas fourni de preuve permettant de réfuter l’information reçue de l’employeur.

[52] L’avocat du prestataire a soutenu à l’audience d’avril 2019 que le fondement des calculs de la Commission pour un trop-payé est erroné, car la Commission a reconstitué une version du registre de paye de l’employeur fondée sur des sources discutables, soit un deuxième ensemble de livres et de fiches de temps dont le prestataire ignorait l’existence. Plus particulièrement, l’avocat du prestataire a soutenu que les documents de paye reconstitués sont [traduction] « un ouï-dire inexact et non fiable ». Compte tenu de cela, l’avocat du prestataire a soutenu que le trop-payé ne peut pas être appuyé en droit, car les documents fondamentaux ne sont pas fiables.

[53] La Commission n’a convoqué aucun témoin à l’audience d’avril 2019. Elle n’a pas fourni de copie des livres sur lesquels elle s’est appuyée pour établir l’information du registre de paye utilisée pour calculer les répartitions. La Commission a aussi présenté une brève observation mentionnant qu’elle a continué à s’appuyer sur la position mise de l’avant dans le dossier daté du 2 décembre 2016 préparé par Michael Stevenson, ancien avocat de la Commission, et concernant une audience antérieure de cette affaire (« le dossier Stevenson »). Comme il a été mentionné précédemment, la Commission a concédé que les renseignements de paye comportent des erreurs. Dans la décision précédente de la division générale, rendue le 19 août 2016, le membre a précisé l’observation de la Commission sur ce point exact et a énuméré les nombreuses façons dont l’information reconstituée pourrait être erronée et a dit : [traduction] « la Commission n’ayant pas été présente, ces questions sont demeurées sans réponse ». Lors de l’audience que j’ai présidée, la Commission était présente, et bien qu’elle ait concédé les erreurs évidentes dans les renseignements de paye, elle n’a pas fourni de preuve pour appuyer son utilisation du deuxième ensemble de livres de paye de l’employeur et le fait qu’elle s’y est fiée.

[54] La Commission soutient dans le dossier Stevenson qu’une preuve manifeste montre que le prestataire a déclaré une rémunération pour une période où le travail n’a pas été réellement exécuté, et que le prestataire comprenait qu’il ne déclarait pas les renseignements relatifs à sa rémunération avec exactitude lorsqu’il présentait des demandes de prestations d’AE. L’avocat du prestataire soutient que la preuve sous affirmation solennelle du témoignage livré à l’audience d’avril 2019 devrait être plus crédible que les déclarations faites à l’enquêteur en raison des enjeux de langue et d’intimidation, et soutient que le prestataire a une explication raisonnable concernant les déclarations.

[55] L’avocat du prestataire soutient que l’entrevue de mai 2012 avec l’enquêteur de la Commission a été menée sous la menace de sanctions juridiques, dans une langue que le prestataire ne parlait pas couramment, et a présenté comme de l’information factuelle des documents discutables d’un employeur ayant l’intention de lui faire porter une partie du blême pour la mise en banque d’heures. Il a aussi soutenu que le prestataire n’avait rien fait d’autre que de s’en remettre à son employeur.

[56] En ce qui concerne la preuve par ouï-dire, c’est-à-dire une preuve fournie par un témoin, fondée sur ce qui lui a été dit et dont il n’a pas de connaissance directe, les règles d’admissibilité des cours et des tribunaux varient. Les tribunaux rendent une justice administrative et non judiciaire. Bien qu’une cour puisse ne pas admettre une preuve par ouï-dire, ou exiger qu’elle corresponde à une exception étroite, je ne suis pas liée par les règles de preuve strictes qui s’appliquent devant les cours criminelles ou civilesNote de bas de page 11. Je peux admettre une preuve par ouï-dire et, comme pour tout autre type de preuve, je la soupèserai lors de la détermination des faits.

[57] Dans le dossier Stevenson, la Commission a fait valoir que le prestataire a admis à l’entrevue de mai 2012 qu’il comprenait ce que signifiait « mettre des heures en banque » et a admis qu’il avait adopté cette pratique. Selon le dossier, l’employeur a confirmé que la mise en banque d’heures avait eu lieu en l’espèce.

[58] Il n’est pas contesté que lorsque le prestataire a rempli ses rapports bimensuels de demande, il a parfois mentionné qu’il n’avait pas travaillé au cours de semaines où il avait travaillé, de manière à reporter des heures sur des chèques de paye ultérieurs. Cela signifie qu’il n’est pas contesté qu’une partie de sa rémunération n’a pas été déclarée au cours des semaines où il a travaillé. Par conséquent, j’estime que le prestataire a reçu des sommes d’argent de son employeur qui constituaient une rémunération et qui devaient être répartiesNote de bas de page 12. La rémunération doit être répartie conformément au Règlement sur l’assurance-emploiNote de bas de page 13.

[59] Il ne fait pas de doute non plus que le prestataire a rempli des rapports bimensuels de demandes d’AE et a accepté ses droits et responsabilités, qui comprenaient une interdiction de fournir de faux renseignements. Le prestataire a bel et bien fourni de faux renseignements, puisqu’il a touché une rémunération au cours de semaines en particulier et qu’il n’a pas déclaré cette rémunération au cours de la semaine où elle a été gagnée. Il a plutôt mis en banque ou « mis de côté » cette rémunération et l’a déclarée au cours d’autres semaines afin de compléter sa rémunération par des prestations d’AE lorsque la rémunération provenant de son emploi était faible. Le système de banque d’heures existait pour assurer que les employés puissent avoir de pleines semaines de revenu et soient plus susceptibles de continuer à travailler pour l’employeur, d’après l’entrevue du gérant de succursale.

[60] Lorsque le prestataire a été interrogé par l’enquêteur de la Commission, on lui a présenté des fiches de temps. Il semble que la Commission ait laissé entendre que ces fiches étaient les fiches réelles, véritables, illustrant son emploi. Le prestataire a affirmé à l’audience d’avril 2019 qu’il n’était pas au courant à ce moment-là que l’entreprise tenait au moins deux ensembles distincts de livres.

[61] Je suis préoccupée par la question des fiches de temps et des renseignements sur la paye. Je comprends la position de la Commission selon laquelle il s’agit de la meilleure preuve qui pouvait être fournie relativement au trop-payé, toutefois la Commission admet aussi que les renseignements de paye comportent des erreurs. Ces erreurs sont relevées sur la Pièce 51-1, et comprennent des dates qui ne sont pas espacées d’une semaine, des dates et des années incorrectes, des dates ajoutées à la main, au stylo, sans initiales, certaines entrées dont les dates sont manquantes et d’autres entrées représentant deux fois la même date. Bien que le prestataire n’ait pas pu fournir de talons de chèque ni de renseignements relativement à sa rémunération réelle dans les périodes visées, il a fourni un long témoignage au sujet de l’environnement de travail, du fonctionnement du système de banque d’heures, de sa connaissance du système, de la façon de faire le suivi des heures travaillées et de la soumission des heures à l’entreprise. Bien que je n’aie pas besoin d’une preuve concrète, au-delà du doute raisonnable, pour soutenir l’exactitude des fiches de temps et des renseignements sur la paye, je dois être convaincue, selon la prépondérance des probabilités, qu’ils constituent, d’une manière plus probable que le contraire, des éléments de preuve fiables.

[62] Le prestataire a affirmé que l’entreprise avait un système d’heures [traduction] « mises de côté », dans le cadre duquel il pouvait, par exemple, travailler 60 heures au cours d’une semaine et être payé pour une partie de ces heures. Cela lui permettait de [traduction] « mettre de côté » les autres heures qui lui étaient payées au cours d’une semaine où le temps était mauvais et où il ne pouvait pas travailler selon un horaire à temps plein. Le prestataire a affirmé que la mise de côté d’heures était tout simplement le mode de fonctionnement de l’entreprise. Le prestataire a mentionné que lorsqu’il travaillait, il disait au contremaître le nombre d’heures pendant lesquelles il avait travaillé et que le contremaître le disait à une ou un secrétaire, qui organisait le paiement. Le prestataire a affirmé qu’il ne remplissait jamais de feuilles de temps.

[63] Je reconnais qu’il incombe au prestataire de démontrer que les renseignements de paye sont incorrects, et de simples allégations qui jettent un doute sur la véracité de la preuve documentaire sont insuffisantes. Je n’ai pas le luxe d’appliquer le bénéfice du doute à l’une ou l’autre des parties et je dois soupeser la preuve selon la prépondérance des probabilités. Dans cette optique, j’estime qu’il est plus probable que le contraire que les renseignements de paye reconstitués par la Commission contiennent des erreurs qui les rendent inappropriés et non fiables comme fondement pour le calcul.

[64] Je reconnais que la Loi sur l’AE prévoit qu’un prestataire est tenu de rembourser une somme qui lui a été versée par la Commission sous forme de prestations auxquelles il n’était pas admissibleNote de bas de page 14. J’ai également tenu compte du fait que la Cour suprême du Canada a souvent fait référence au [traduction] « principe moderne » de Driedger, qui stipule que l’interprétation des lois ne peut pas être fondée sur le seul libellé du texte de loi. Ce principe prévoit ce qui suit :

[traduction]

Aujourd’hui il n’y a qu’un seul principe ou solution : il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateurNote de bas de page 15.

[65] J’estime que l’exigence qu’un prestataire rembourse sans réserve un trop-payé n’est pas une erreur, mais une directive conforme à l’intention du législateur. La Loi sur l’AE n’a pas pour intention que les prestataires touchent à la fois des prestations d’AE et une autre rémunération au-delà d’un certain seuil; les prestations d’AE constituent un supplément accessible à certaines conditions en situation de chômage ou en des circonstances spéciales. Le but de l’exigence imposée à un prestataire de rembourser un trop-payé est que le prestataire rembourse le montant total auquel il n’était pas admissible.

[66] Dans ses observations au conseil arbitral, la Commission mentionne que le registre de paye réel a été reconstitué en fonction du deuxième ensemble de livres de l’employeur qui a été révélé pendant son enquête. La Commission n’a pas bien décrit ce processus. Bien que je dispose d’une flexibilité quant à l’acceptation d’éléments de preuve qui ne seraient généralement pas admissibles devant une cour, selon moi, le fait d’étendre cette flexibilité en admettant une preuve qui ne repose pas sur un fondement crédible constituerait une erreur. La Commission n’a pas expliqué comment elle a recréé le registre de paye. Il est difficile d’accepter des dossiers d’entreprise comme fondement au trop-payé du prestataire alors que je ne sais pas comment ces dossiers ont été créés. Je ne sais pas pourquoi l’employeur tenait un deuxième ensemble de livres, et si ces livres étaient vérifiables ou s’ils ont été créés comme façon de transférer la responsabilité pour ce qui est des heures en banque. L’avocat du prestataire a fait valoir que la tenue d’un livre distinct est une pratique d’entreprise douteuse, et devrait être un signal d’alarme que l’employeur essayait de cacher quelque chose aux autorités. J’estime que la Commission n’a pas expliqué pourquoi elle a accepté le deuxième livre de l’employeur comme de l’information exacte.

[67] Je reconnais que la Commission n’est pas tenue de faire participer ses employés aux interrogatoiresNote de bas de page 16. Étant donné que la Commission n’a pas expliqué comment elle a déterminé que les renseignements sur la paye étaient fiables ou comment elle a vérifié leur exactitude, je ne sais pas exactement pourquoi la Commission a convenu que le deuxième livre de paye contenait des renseignements exacts. J’estime qu’il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve pour appuyer la crédibilité de la reconstitution de la Commission. J’estime également que la Commission ne peut pas répartir la rémunération du prestataire parce qu’elle n’avait pas de dossiers fiables lui permettant d’établir quelle était cette rémunération.

[68] La question en litige en l’espèce n’est pas celle de savoir si le prestataire a reçu des prestations en trop; je considère qu’il en a effectivement reçu en trop. La question en litige est qu’il n’existe pas de manière raisonnable de quantifier le montant que le prestataire a reçu en trop parce que l’employeur a tenu plusieurs livres de paye, et je ne peux pas conclure que l’information utilisée par la Commission est fiable. Il est évident que l’employeur tenait un ensemble de livres de paye qui contenaient de faux renseignements. Il est aussi évident que ce n’est qu’après l’entrevue et la menace d’une sanction juridique, qui a été mentionnée dès le début des rencontres de l’enquêteur de la Commission avec le gérant de succursale et le directeur des finances, que le deuxième livre de paye, prétendument véridique et exact, est devenu disponible. Le prestataire a affirmé qu’il ne remplissait pas de fiches de temps, et qu’il espérait être payé pour les heures qu’il avait travaillées, mais qu’il ne savait pas le nombre d’heures déclarées chaque jour pour lui par le contremaître. Bien que la Commission soutienne qu’elle devrait être en mesure d’exiger le remboursement d’un trop-payé et d’appliquer les pénalités et l’avis de violation en fonction des dossiers de l’employeur, j’estime que les renseignements fournis par l’employeur n’ont pas la crédibilité requise pour être utilisés pour la réclamation des prestations versées au prestataire. Selon la balance des probabilités, les renseignements de paye fournis par l’employeur ne sont pas fiables et ne peuvent pas être utilisés pour établir avec exactitude les heures et dates réelles de travail du prestataire. Il ne s’agit pas, selon moi, d’une preuve probante en raison des nombreuses erreurs qui ont été relevées, notamment que le registre de paye [traduction] « nouveau » ou « réel » a été reconstitué par la Commission à l’aide de la rémunération hebdomadaire brute [traduction] « correcte » en fonction d’un deuxième ensemble de livres de paye et de fiches de temps de l’employeur qui a été découvert pendant son enquête. J’accorde davantage de poids au témoignage du prestataire à l’audience selon lequel il n’a pas rempli de fiches de temps, et j’estime que l’observation de l’avocat du prestataire concernant la provenance discutable des renseignements de paye de la Commission est plus convaincante que l’observation de la Commission selon laquelle je devrais accepter le registre de paye reconstitué comportant des erreurs comme étant exact.

[69] Le gérant de succursale a mentionné qu’il croyait que la mise en banque d’heures était correcte, en autant que toutes les heures étaient réclamées et que l’impôt à leur égard était payé. Il a mentionné qu’il voulait aider les employés à obtenir un chèque de paye pour une semaine entière et a déclaré que la mise en banque d’heures était un incitatif pour garder les employés. Le directeur des finances a convenu que certains employés travaillaient pendant des semaines pour lesquelles le registre de paye montre qu’ils n’ont pas travaillé, et a mentionné qu’en fin de compte, il était responsable du fait que l’entreprise a transmis de l’information fausse ou trompeuse à la Commission. On lui a aussi demandé s’il y avait collusion entre l’entreprise et les employés, et il a déclaré qu’il voulait examiner cela par lui-même. On lui a ensuite demandé si un employé pouvait en être responsable, et il a dit qu’il croyait que le problème était la façon dont le directeur général précédent faisait le suivi du registre de paye. En aucun moment il n’a déclaré que les employés pratiquaient la collusion avec la direction pour créer un système de banque d’heures, et le gérant de succursale, qui compte 27 ans d’expérience avec cet employeur, a déclaré que la pratique de la banque d’heures était utilisée [traduction] « d’aussi loin qu’il pouvait se souvenir ».

[70] Le directeur des finances de l’employeur n’a pas mentionné qu’il y avait de la collusion entre l’employeur et les employés dans le but d’établir un système de banque d’heures, et n’a identifié aucun employé comme étant responsable du système de banque d’heures à l’exclusion de l’ancien directeur général de l’entreprise. Bien que les employés bénéficiaient des banques d’heures, je conclus qu’il s’agit d’un système conçu et géré par l’employeur pour motiver les employés à travailler et à demeurer au sein de l’entreprise. Bien que le prestataire ait admis qu’il savait ce que mettre des heures en banque signifiait et qu’il savait qu’il participait à cette pratique, la preuve accablante est qu’il ne savait pas qu’il faisait quelque chose qui contrevenait à la Loi sur l’AE parce qu’il faisait confiance à son employeur. J’estime que l’employeur a avisé le prestataire qu’il pouvait mettre en banque 50 heures, et qu’il était raisonnable que le prestataire croie les déclarations de l’employeur. Je reconnais que le prestataire a mal rempli ses rapports bimensuels parce qu’il ne répondait pas correctement à toutes les questions, y compris [traduction] « avez-vous travaillé? » et « avez-vous touché une rémunération? », mais j’estime qu’il ne savait pas que ses réponses étaient incorrectes parce que son employeur lui a dit comment déclarer ses heures.

[71] Bien que le gérant de succursale ait dit à l’enquêteur qu’il ne discutait pas du système de banque d’heures lors des réunions du personnel et qu’il ne disait pas aux employés qu’il était légal de mettre des heures en banque, il a également dit qu’il croyait qu’il était acceptable de mettre des heures en banque, que la pratique était utilisée depuis aussi longtemps qu’il pouvait se rappeler et que la pratique avait fait l’objet d’une discussion lors d’une réunion après le début de l’enquête. Je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que l’employeur a dit au prestataire qu’il était acceptable de mettre en banque jusqu’à 50 heures et que cela s’était produit avant l’enquête de la Commission parce que le gérant de succursale a mentionné qu’il travaillait pour l’employeur depuis plus de 20 ans et que la mise en banque d’heures se pratiquait depuis aussi longtemps qu’il pouvait se rappeler. Par conséquent, il est plus probable que le contraire que le prestataire ait été avisé de cette pratique, et de la façon de réclamer ses heures, avant la tenue de l’enquête de la Commission. Je privilégie aussi la preuve du prestataire selon laquelle le gérant de succursale lui avait dit qu’il pouvait mettre 50 heures en banque, car cette déclaration m’a été faite directement, et j’ai eu l’occasion de vérifier le bien-fondé de cette preuve et de questionner le prestataire à cet égard.

[72] Le prestataire est un employé de longue date de l’entreprise de couverture, qui semble avoir fait confiance à l’entreprise et avoir cru son employeur lorsqu’on lui a dit qu’il était acceptable de mettre en banque jusqu’à 50 heures, ce que le prestataire appelait « mettre des heures de côté ». J’estime qu’il ne savait pas raisonnablement qu’il faisait une erreur, malgré les avertissements des déclarations bimensuelles. Bien que sa connaissance ne soit pas pertinente pour ma décision, j’en prends note, car j’ai trouvé que le prestataire était crédible. Il a fourni ses éléments de preuve en français, d’une manière franche et directe. J’ai tenu compte des déclarations contradictoires figurant dans le dossier, et j’estime que la preuve selon laquelle le prestataire n’a pas compris les questions posées lors de l’entrevue de mai 2012 a plus de poids. La preuve relative à l’incompréhension de l’anglais du prestataire et au fait qu’il se soit présenté en tant que francophone, ainsi que son témoignage selon lequel il a essayé de répondre aux questions et ne comprenait pas complètement, donnent plus de poids au témoignage direct du prestataire et affaiblissent la fiabilité du dossier d’entrevue de mai 2012.

[73] L’avocat du prestataire a soutenu que la cause de la Commission n’est pas défendable, car elle ne [traduction] « repose sur rien ». J’aurais peut-être utilisé une formulation moins dure, toutefois je suis d’accord avec son observation. La cause de la Commission repose entièrement sur les renseignements de paye reconstitués, qui ne sont pas fiables. J’ai examiné la preuve des renseignements de paye reconstitués par rapport au témoignage du prestataire concernant le registre de paye et les fiches de temps, et je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que la preuve du prestataire est plus crédible.

[74] Bien que je convienne avec la Commission que lorsqu’un prestataire touche des prestations auxquelles il n’a pas droit, il est responsable de les rembourser, cette cause présente la difficulté supplémentaire qu’il n’existe pas de dossiers fiables illustrant la rémunération réelle accumulée par le prestataire au cours d’une semaine donnée. L’employeur tenait plusieurs ensembles de livres et présentait ce qu’il disait être les fiches de temps et le registre de paye réels à la Commission, que le prestataire n’a jamais vus. L’employeur a admis sa participation à un système de banque d’heures, et a expliqué que l’avantage qu’il en tirait était le maintien en poste des employés qui autrement seraient partis s’ils n’avaient pas eu de semaines complètes de paye. Je ne peux tout simplement pas établir que l’employeur, avec l’admission de ses fautes en l’espèce, a, selon la prépondérance des probabilités, fourni des renseignements de paye fiables pouvant à juste titre constituer le fondement d’un trop-payé.

[75] Si le registre de paye n’était pas remis en question et que le prestataire avait mis des heures en banque, même sans savoir que cela était défendu, le résultat pourrait être différent; cependant, le registre de paye n’est pas fiable et ne peut pas être utilisé raisonnablement pour exiger le remboursement des prestations. Le deuxième registre de paye a-t-il été révélé ou produit à la Commission, et si oui, par qui et pour qui? La preuve montre que certains livres ont été prétendument produits par quelqu’un de l’entreprise, mais par qui? Était-ce le directeur des finances? Les livres étaient-ils frauduleux? S’il existe deux ensembles de livres, lesquels sont les livres réels? Existait-il d’autres livres de paye? Y a-t-il eu une analyse des contradictions et erreurs contenues dans les livres? Les livres sont le fondement de la cause de la Commission, et doivent donc être fiables s’ils doivent constituer la base d’un trop-payé, d’une pénalité et d’une violation.

[76] Compte tenu de ce qui précède, bien que j’estime que le prestataire ait reçu des sommes qui nécessitaient la répartition et qui n’ont pas été réparties adéquatement en raison d’un système de banque d’heures, j’estime qu’il n’y a pas de fondement fiable pour calculer le trop-payé. Bien que la Commission ait présenté un registre de paye reconstitué établi en fonction d’un deuxième ensemble de dossiers de l’employeur, j’estime que les erreurs relevées dans ces renseignements, conjuguées avec le témoignage du prestataire, font qu’il n’est pas approprié d’utiliser ce registre comme fondement au calcul, car la documentation ne peut pas être vérifiée. L’employeur a admis qu’il avait deux ensembles de livres de paye, dont aucun n’a été présenté en preuve. Le registre de paye reconstitué de la Commission, dont les erreurs ont été reconnues, me porte à conclure, selon la prépondérance des probabilités, que la preuve n’est pas suffisamment fiable pour établir une répartition correcte. Lorsque le résultat est de priver un prestataire d’une prestation, peut-être payée adéquatement, je dois être persuadée que le calcul est correct et que le prestataire est responsable d’une dette qu’il doit véritablement. En l’espèce, je n’ai pas cette assurance, car les renseignements de l’employeur ne sont pas fiables.

Analyse

Pénalité

[77] La Commission peut imposer une pénalité à un prestataire si le prestataire fait une déclaration qu’il savait fausse ou trompeuseNote de bas de page 17.

[78] Il ne suffit pas que la déclaration ou l’omission soit fausse ou trompeuse, le prestataire doit faire sciemment la déclaration fausse ou trompeuse. Le mot « sciemment » signifie que le prestataire savait que l’information fournie était fausse au moment où il a fait la déclaration, et n’inclut pas d’élément d’intention de tromperNote de bas de page 18.

[79] La Commission a le fardeau de démontrer que la déclaration est fausse ou trompeuse, et que le prestataire a fait la déclaration en sachant qu’elle était fausse ou trompeuseNote de bas de page 19. Si la preuve en est faite, le fardeau se déplace sur le prestataire qui doit démontrer que la déclaration n’a pas été faite sciemment.

[80] L’imposition d’une pénalité financière et le calcul du montant de la pénalité sont des décisions discrétionnaires de la CommissionNote de bas de page 20.

[81] Si la Commission a agi de mauvaise foi ou pour un motif irrégulier, a pris en compte des facteurs non pertinents ou n’a pas pris en compte des facteurs pertinents ou a agi de manière discriminatoire, cela signifie qu’elle n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaireNote de bas de page 21. Si je conclus que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire, je peux rendre la décision que la Commission aurait dû rendre.

[82] Dans ces cas, je respecte le pouvoir discrétionnaire de la Commission d’évaluer une pénalité, et je reconnais que le droit a précisé que dans les circonstances précitées, j’ai la capacité de modifier une pénalité, toutefois je ne peux pas annuler une pénalité si j’estime que la Commission avait le fondement juridique de l’imposerNote de bas de page 22.

Question en litige no 2 : Une pénalité devrait-elle être imposée au prestataire?

Le prestataire a-t-il fait sciemment une déclaration fausse ou trompeuse à la Commission?

[83] Je conclus que le prestataire n’a pas fait sciemment de déclaration fausse ou trompeuse à la Commission.

[84] La Commission a conclu que le prestataire a fait de fausses déclarations en fournissant sciemment des renseignements faux ou trompeurs relativement à quatre demandes établies et a imposé des pénalités de 654 $, 2 349 $ et 2 278 $. Dans ses observations au conseil arbitral, la Commission a mentionné que le prestataire avait convenu avoir omis sciemment de déclarer la rémunération brute réelle correspondant aux heures travaillées et aux montants gagnés au cours des semaines respectives pour les années 2008, 2009, 2010 et 2011.

[85] La Commission a soutenu devant le conseil arbitral que chaque fois que le prestataire produisait ses rapports, il savait que les montants déclarés ne correspondaient pas aux heures réellement travaillées ni à ses gains réels, ce qui constitue de fausses déclarations pour lesquelles une sanction est justifiée. Elle a aussi soutenu que le prestataire avait accepté ses droits et responsabilités chaque fois qu’il avait présenté une demande bimensuelle de prestations d’AE et il savait qu’il trompait la Commission lorsqu’il a omis de déclarer les heures travaillées au cours d’une semaine donnée ou qu’il déclarait les heures qu’il avait travaillées au cours de la semaine en question. Cette observation a été reprise dans le dossier Stevenson, qui mentionnait que le prestataire mettait sciemment des heures en banque. D’après le dossier, le prestataire a fourni des déclarations fausses ou trompeuses en réponse à des questions sans équivoque, et il était donc justifié que la Commission impose des pénalités.

[86] Ma conclusion selon laquelle la répartition de la rémunération établie en fonction des renseignements de paye reconstitués n’est pas fondée ne fait pas abstraction du fait que le prestataire a admis qu’il savait ce que signifiait le concept de mise en banque d’heures et qu’il a participé à cette pratique. Cependant, le prestataire a aussi mentionné que l’employeur lui avait dit qu’il était acceptable de mettre des heures en banque. Il a affirmé qu’il ne savait pas que cette pratique était mauvaise, parce que c’était la façon dont fonctionnait l’employeur et qu’il pensait que c’était permis, et que c’était fait de manière à ce qu’il reçoive des semaines complètes de salaire. J’estime que le prestataire n’a pas sciemment fourni de fausses informations à la Commission et a fourni des éléments de preuve qui réfutent la conclusion de la Commission selon laquelle les fausses déclarations ont été faites sciemmentNote de bas de page 23. Le mot « sciemment » signifie que le prestataire savait que l’information fournie était fausse lorsqu’il a fait la déclaration, et bien que le prestataire ait produit des rapports bimensuels de demande d’AE et ait déclaré incorrectement les heures travaillées, je ne peux pas conclure que ses actions satisfont au critère d’avoir fourni sciemment de faux renseignements. J’ai tiré cette conclusion parce que, en l’espèce, le prestataire [traduction] « savait » qu’il avait la permission de mettre en banque 50 heures et ne savait pas, par extension, que le fait de déclarer ses heures dans le contexte du système de mise en banque d’heures était incorrect.

[87] La Loi sur l’AE prévoitNote de bas de page 24 que la Commission peut imposer une pénalité si le prestataire a fait une déclaration qu’il « savait » être fausse ou trompeuse relativement à une demande de prestations d’AE. La Cour d’appel fédérale a expliqué que l’interprétation du mot « savait » exige un critère subjectif pour déterminer si la connaissance requise existaitNote de bas de page 25. En l’espèce, j’estime que le prestataire a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, qu’il ne savait pas que ses réponses sur les rapports bimensuels étaient mauvaises. Lorsqu’il mentionnait qu’il n’avait pas travaillé ou qu’il mentionnait avoir travaillé plus d’heures que celles qu’il avait travaillées, il a fait ces déclarations en croyant qu’il s’agissait de la façon correcte de déclarer ses gains.

[88] Je conclus que le prestataire savait qu’il devait remplir des rapports bimensuels de prestations d’AE et qu’il savait que son employeur l’avait informé de la façon de réclamer ses heures de manière à toucher des semaines complètes de salaire. Il savait aussi que son contremaître faisait le suivi de ses heures et transmettait cette information à une ou un secrétaire, qui appelait le prestataire et lui demandait combien d’heures il voulait être payé pour une semaine donnée. Le gérant de succursale a aussi mentionné dans l’entrevue de 2012 qu’il pensait que la mise en banque de 50 heures était une pratique acceptable. Donc, au moment où le prestataire a rempli ses rapports bimensuels, savait-il véritablement qu’il fournissait de faux renseignements? Malgré les avertissements sur les rapports concernant les déclarations fausses ou trompeuses, et les questions [traduction] « avez-vous travaillé? » et « avez-vous touché une rémunération? », j’estime, selon la prépondérance des probabilités, que le prestataire ne savait pas qu’il faisait une fausse déclaration de ses revenus, car il faisait confiance à son employeur et croyait qu’il était supposé déclarer les heures d’une certaine façon. Il n’est pas déraisonnable que le prestataire n’ait pas communiqué avec Service Canada pour s’informer de la façon de remplir les rapports bimensuels, car il n’avait aucune raison de ne pas croire le système et les instructions de son employeur.

[89] Bien que le conseil arbitral n’existe plus, le principe de l’arrêt Mootoo continue de s’appliquer :

[traduction]

Puisque le conseil arbitral croyait que le demandeur n’avait pas eu l’intention de tromper, la question de la pénalité est réglée. L’exigence relative au fait que le demandeur doit savoir, subjectivement, que sa déclaration est fausse n’a pas été respectéeNote de bas de page 26.

J’estime que le prestataire ne pouvait pas savoir subjectivement que ses déclarations étaient fausses, et qu’une pénalité est donc inappropriée.

La Commission a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a calculé la pénalité?

[90] Étant donné que j’ai déterminé que le prestataire n’a pas fait de fausses déclarations sciemment, il n’est pas nécessaire d’aborder cette question.

Analyse

Violation

[91] La Commission peut émettre un avis de violation lorsqu’une pénalité a été imposéeNote de bas de page 27.

Question en litige no 3 : Un avis de violation devrait-il être imposé au prestataire?

[92] Un avis de violation a été donné au prestataire parce que la Commission a déterminé qu’il a fait de fausses déclarations en fournissant sciemment des renseignements faux ou trompeurs lorsqu’il a omis sciemment de déclarer ses revenus exacts sur trois demandes distinctes qui ont été établiesNote de bas de page 28.

[93] La découverte de ces faux renseignements a donné lieu à des trop-payés totalisant plus de 5 000 $Note de bas de page 29. Par conséquent, la Commission a déterminé que le prestataire risquait de recevoir un avis de violation très graveNote de bas de page 30. La répercussion de l’avis de violation était que le prestataire aurait besoin de plus d’heures d’emploi assurable pour établir une demande de prestations d’AE pour les cinq prochaines années ou pour ses deux prochaines demandes admissibles, selon la situation qui survient en premier.

[94] J’estime qu’étant donné que la pénalité a été annulée, la violation doit aussi être annulée. J’ai établi que le prestataire n’a pas fait sciemment de déclaration fausse ou trompeuse à la Commission, et qu’il est donc inapproprié d’imposer un avis de violation.

Conclusion

[95] L’appel est accueilli relativement à l’ensemble des questions en litige.

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Les 9 et 10 avril 2019

En personne

G. C., appelant

Ian Bailey, avocat de l’appelant

Denise Despres, représentante de l’appelant

Sandra Doucette, représentante de l’intimée

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