Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le choix du nombre de semaines pendant lesquelles la prestataire peut recevoir des prestations parentales ne peut être changé.

Aperçu

[2] La prestataire a établi la période pendant laquelle elle recevrait des prestations de maternité et des prestations parentales de l’assurance-emploi. Dans son formulaire de demande de prestations, elle a choisi de recevoir des « prestations parentales prolongées » pour une période de 52 semaines. Les consignes précisaient que l’option des prestations parentales prolongées prévoit le versement de sommes inférieures sur une période plus longue par rapport à l’option de prestations parentales standards. Lorsqu’elle a reçu son premier versement, la prestataire a constaté que ses prestations parentales étaient inférieures à ce à quoi elle s’attendait. Elle a alors demandé à la Commission de l’assurance-emploi du Canada de réviser la décision de lui accorder des prestations parentales prolongées. Son intention était de ne pas travailler pendant une année seulement et elle n’avait pas compris que l’option de prestations prolongées réduirait les sommes qui lui seraient versées de manière aussi importante. Elle a demandé de passer au régime de « prestations parentales standards », lequel prévoit le versement de sommes plus élevées sur une période plus courte.

[3] La Commission a initialement refusé de réviser sa décision et elle a informé la prestataire qu’il lui fallait présenter une demande de contrôle judiciaire à la Cour fédérale. C’est ce qu’elle a fait, mais la cour lui a alors indiqué de suivre la procédure administrative consistant à demander d’abord à la Commission de réviser sa décision. La Commission a finalement revu sa décision et conclu que les prestations parentales prolongées ne pouvaient être changées pour des prestations parentales standards, étant donné que le choix de la prestataire était irrévocable à partir du moment où elle avait reçu le premier versement de prestations parentales. La prestataire en appelle maintenant devant le Tribunal de la sécurité sociale.

Question en litige

[4] Le choix de la prestataire de recevoir des prestations parentales prolongées peut-il être changé pour des prestations parentales standards?

Analyse

[5] Des prestations parentales sont payables aux prestataires qui souhaitent prendre soin de leur nouveau-néNote de bas de page 1. Les prestataires doivent choisir le nombre maximal de semaines, soit 35 soit 61, pendant lesquelles les prestations peuvent leur être verséesNote de bas de page 2. Le choix du nombre maximal de semaines pendant lesquelles un prestataire reçoit les prestations parentales est irrévocable dès lors que des prestations lui sont verséesNote de bas de page 3.

[6] Le 5 juillet 2018, la prestataire a présenté une demande de prestations de maternité. Elle a choisi de recevoir des prestations parentales immédiatement à la suite de ses prestations de maternité. Dans la demande de prestations, il était précisé que la prestataire devait choisir entre deux options de prestations parentales : les prestations standards ou prolongées. L’option de prestations standards était décrite comme donnant droit à un maximum de 35 semaines de prestations au taux 55 % de la rémunération hebdomadaire assurable de la prestataire, jusqu’à concurrence d’une somme maximale. L’option des prestations prolongées était quant à elle décrite comme donnant droit à un maximum de 61 semaines de prestations au taux de 33 % de la rémunération hebdomadaire assurable de la prestataire, jusqu’à concurrence d’une somme maximale. Les consignes du formulaire de demande indiquaient aussi que le choix entre des prestations standards ou prolongées était irrévocable à partir du moment où des prestations seraient versées pour la période de prestations.

[7] La prestataire a choisi de recevoir un maximum de 61 semaines de prestations parentales (ce que j’appellerai « prestations parentales prolongées » ci-après) et a déclaré souhaiter se prévaloir de prestations parentales pendant 52 semaines. Dans sa demande de prestations, elle a indiqué que l’autre parent de l’enfant souhaitait pour sa part demander quatre semaines de prestations parentales.

[8] La prestataire a affirmé avoir constaté la réduction de ses prestations lorsqu’une somme a été déposée dans son compte le 23 octobre 2018. Elle a demandé une révision de ses prestations parentales le 24 octobre 2018. Elle a dit à la Commission qu’elle n’avait pas compris que son choix de recevoir des prestations parentales prolongées aurait une incidence aussi défavorable sur les sommes qui lui seraient versées. Elle a affirmé que son intention avait été de demander des prestations de maternité et des prestations parentales pendant seulement 52 semaines au total, puisqu’elle avait indiqué dans son formulaire qu’elle recommencerait à travailler après une année de congé. Elle a demandé à la Commission de changer ses prestations parentales prolongées pour des prestations standards.

[9] La prestataire a soutenu que la Commission avait traité sa demande de prestations incorrectement en raison d’erreurs manifestes qu’elle avait faites en remplissant son formulaire de demande de prestations. Dans celui-ci, la prestataire avait déclaré qu’elle recommencerait à travailler le 17 juin 2019, environ un an à compter du début de son congé de maternité. Malgré cela, les réponses qu’elle avait inscrites au formulaire de demande de prestations indiquaient qu’elle demandait 15 semaines de congé de maternité ainsi que 52 semaines de congé parental. Selon elle, si on avait traité son dossier manuellement, la personne qui l’eût fait aurait constaté cette non-concordance, puisqu’elle ne pouvait en fait demander autant de semaines de prestations pendant son congé d’une année.

[10] La prestataire a aussi soutenu que l’information concernant les options de prestations parentales portait à confusion. Elle a affirmé avoir compris que la description de l’option de prestations prolongées dans sa demande de prestations signifiait que les sommes versées pouvaient être réduites jusqu’à 33 % de son taux de prestations hebdomadaire, mais jusqu’à concurrence d’une somme maximale. Elle croyait que les sommes seraient calculées au prorata en fonction du nombre de semaines pendant lesquelles elle choisirait de recevoir des prestations. Elle avait l’intention de demander seulement 37 semaines de prestations parentales, l’autre parent en demandant quatre pour sa part. Selon elle, sa compréhension des taux de prestations était étayée par d’autres communications du gouvernement fédéral qui présentent le régime de prestations comme offrant [traduction] « choix et souplesse aux parents ». Elle a produit un extrait d’une annonce gouvernementale concernant les nouvelles options de prestations parentales où les deux options sont décrites au moyen des mêmes termes que ceux contenus dans la demande de prestations. En dessous de la description se trouve une mention selon laquelle [traduction] « la somme totale des prestations est presque la même, que les parents optent pour les prestations standards ou prolongées ».

[11] La Commission soutient que l’énoncé [traduction] « la somme totale des prestations est presque la même, que les parents optent pour les prestations standards ou prolongées », se rapporte au paiement de la totalité des prestations. Cet énoncé n’indique aucunement que les prestations sont calculées au prorata dans le cas où le prestataire reçoit des prestations pendant un nombre de semaines inférieur au nombre maximal.

[12] La prestataire a affirmé avoir passé en revue son dossier sur le site Internet de Service Canada après que sa demande de prestations eut été approuvée. Le dossier indiquait que son taux de rémunération était de 547 $ et précisait que la période de prestations prendrait fin le 17 juin 2019. Cela signifiait selon elle qu’elle recevrait la même somme chaque semaine, soit 547 $, tout au long de la période des prestations de maternité et prestations parentales. Elle prétend que la Commission a omis de l’informer que son taux de prestations parentales était différent, ce qui l’a empêchée de modifier son choix avant qu’elle ne reçoive un premier versement.

[13] La Commission soutient que la prestataire a choisi de recevoir des prestations parentales prolongées et que ce choix est irrévocable dès lors que des prestations sont versées. La Commission affirme que la prestataire a reçu un premier versement de prestations parentales le 19 octobre 2018 et qu’elle a demandé de modifier son choix pour recevoir des prestations parentales standards le 24 octobre 2018. Or, puisque sa demande a été faite après le premier versement de prestations parentales prolongées, la prestataire ne peut modifier son choix afin de recevoir dorénavant des prestations parentales standards.

[14] La prestataire ne contredit pas avoir choisi de recevoir des prestations parentales prolongées et elle admet avoir reçu un premier versement de prestations parentales le 23 octobre 2018. Cependant, elle prétend qu’elle devrait pouvoir modifier son choix parce que l’expression « once benefits are paid » dans la version anglaise de la disposition législative (« dès lors que des prestations sont versées » dans la version française) devrait être interprétée comme signifiant que la totalité des prestations parentales a été versée pour la période de prestations, étant donné que cette expression est normalement comprise ainsi. Elle prétend que cette expression est par ailleurs ambiguë et que le législateur aurait pu employer la formule [traduction] « dès lors que le premier versement est reçu » si telle était son intention. Or, puisque le législateur ne l’a pas fait, il serait plus normal selon elle d’interpréter la formulation actuelle comme signifiant [traduction] « payées » conformément sens normal du terme « paid » en anglais, c’est-à-dire le paiement de la totalité des prestations.

[15] La prestataire soutient que son interprétation de l’expression « once benefits are paid » (« dès lors que des prestations sont versées ») est étayée par le fait qu’il est impossible pour les prestataires de se rendre compte qu’ils ont commis une erreur dans leur choix d’option de prestations parentales avant qu’un premier versement soit effectué, moment à partir duquel leur choix devient irrévocable. Elle soutient que la Commission a omis de l’informer du changement dans son taux de prestations et que le fait de tenir son choix pour irrévocable revient à lui enlever la possibilité de modifier son choix en tenant compte de l’incidence qu’il a sur ses prestations.

[16] Pour appuyer son argument, la prestataire a relevé plusieurs exemples de dispositions similaires dans des lois provinciales et fédérales, dont la Loi de l’impôt sur le revenu, laquelle prévoit qu’« [u]n impôt sur le revenu doit être payé, ainsi qu’il est prévu »Note de bas de page 4, ce qui, selon elle, a été interprété comme signifiant le paiement en totalité. Cependant, j’ai examiné les exemples relevés et il m’est impossible de conclure que les définitions présentées dans ces autres lois permettent d’interpréter l’expression « dès lors que des prestations sont versées » dans la Loi sur l’assurance-emploi. Pour reprendre l’exemple susmentionné, la disposition en question de la Loi de l’impôt sur le revenu décrit l’obligation d’une personne de payer de l’impôt en fonction de son revenu annuel imposable : il s’agit là d’une obligation qui diffère du droit d’une personne de recevoir des prestations continues d’assurance-emploi.

[17] Il convient de mentionner que l’expression « once benefits are paid » (« dès lors que des prestations sont versées ») n’apparaît que deux fois dans la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 5, et ce, dans des dispositions presque identiques, tandis que l’expression « benefits were paid » (« des prestations ont été versées » ainsi que ses variantes syntaxiques) se retrouve dans bon nombre de dispositions. Par exemple, l’article 10(6)(a) prévoit que la période de prestations peut être annulée si, entre autres, « no benefits were paid » (« aucune prestation n’a été payée ») durant la période de prestations. Les tribunaux ont interprété cette expression comme signifiant toute somme versée à titre de prestationsNote de bas de page 6. En outre, je constate que l’expression « des prestations […] ont été versées » est également employée à l’article 23 de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 7.

[18] Je juge que ces dernières dispositions sont similaires et que l’interprétation de l’expression « benefits were paid » (« des prestations ont été versées ») me permet d’inférer qu’en employant l’expression « once benefits are paid » (« dès lors que des prestations sont versées »), le législateur a voulu signifier toute somme versée, et non la totalité des prestations.

[19] Entrent aussi en ligne de compte dans mon analyse les conséquences de l’interprétation que propose la prestataire. En effet, si l’on appliquait son interprétation de la disposition, cela voudrait dire qu’une personne aurait la possibilité de modifier son choix de recevoir des prestations parentales standards ou prolongées tant et aussi longtemps qu’elle n’aurait pas reçu tous les versements hebdomadaires pour la période de prestations parentales. Ainsi, une personne pourrait choisir de recevoir des prestations parentales standards et, après avoir reçu 34 versements hebdomadaires, modifier son choix afin de prolonger ses versements jusqu’à 61 semaines au total. À l’inverse, une personne qui choisirait de recevoir 61 semaines de prestations parentales pourrait, après avoir reçu son 60e versement, modifier son choix de manière à recevoir un maximum de 35 semaines de prestations. De plus, rien n’empêcherait un prestataire de modifier son choix plus d’une fois au cours d’une période de prestations. Il ne fait aucun doute que de telles possibilités sont étrangères à l’intention qu’avait le législateur en édictant cette disposition de la Loi sur l’assurance-emploi, puisqu’elles emportent des conséquences absurdes. Voilà les raisons pour lesquelles je conclus que l’interprétation de la prestataire ne saurait prévaloir.

[20] Les faits suivants ne sont pas contestés par les parties. La prestataire a choisi de recevoir des prestations parentales pendant un maximum de 61 semaines. Des prestations parentales lui ont été versées le 23 octobre 2018. Je conclus que ce versement de prestations parentales a rendu irrévocable son choix du nombre maximal de semaines pendant lesquelles elle pouvait recevoir des prestations parentales. Par conséquent, je conclus que la prestataire ne peut modifier le choix qu’elle a fait à l’égard du nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations parentales peuvent lui être versées.

[21] En ce qui concerne l’argument de la prestataire à l’égard du traitement des demandes de prestations par la Commission, je reconnais que cette dernière devrait faire en sorte de réduire au minimum les erreurs de traitement, mais je juge qu’elle n’était pas tenue légalement de questionner la prestataire au sujet de son choix de prestations parentales. L’information contenue dans le formulaire de demande de prestations fait état de la différence qui existe entre les prestations parentales standards et les prestations parentales prolongées. Il incombe aux prestataires de lire l’information fournie et de prendre une décision en fonction des prestations recherchées. Je comprends l’argument de la prestataire en l’espèce, mais je juge qu’il ne permet pas de déroger aux dispositions législatives, lesquelles prévoient sans équivoque que le choix de recevoir des prestations parentales standards ou prolongées est irrévocable dès lors que des prestations ont été versées.

[22] Je reconnais que cela a créé une situation fâcheuse et difficile pour la prestataire. Or, je suis malheureusement tenue d’appliquer le droit à la lettre. En dépit de la compassion à laquelle incitent les circonstances de l’affaire, je n’ai pas compétence pour modifier la loi ni pour intervenir dans son applicationNote de bas de page 8.

[23] Pour les motifs qui précèdent, je conclus que le choix de la prestataire de recevoir des prestations parentales prolongées ne peut être modifié pour des prestations parentales standards, car un versement de prestations parentales prolongées a été effectué avant qu’elle ne demande de modifier son choix, et celui-ci est devenu irrévocable à partir du moment où il y a eu versement de prestations parentales.

Conclusion

[24] L’appel est rejeté.

 

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 25 juin 2019

Téléconférence

A. L., appelante/prestataire

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