Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

AE – La prestataire affirme qu’elle n’a pas choisi de recevoir des prestations parentales standards – Elle voulait recevoir des prestations parentales prolongées et soutient que la Commission a commis une erreur en sélectionnant des prestations parentales standards pour elle – La Commission déclare que la prestataire a choisi de recevoir des prestations parentales standards lors de sa demande téléphonique et pour appuyer sa position, elle a fourni des notes de ses conversations téléphoniques avec la prestataire – La division générale (DG) a accordé plus de poids au témoignage de la prestataire et a jugé que la preuve démontre davantage que l’agente ou l’agent de la Commission a mal interprété les propos de la prestataire – La DG a aussi tenu compte du fait que les notes de conversation n’avaient pas été examinées et approuvées par la prestataire au moment où elles ont été rédigées, ce qui diminue leur fiabilité – La Commission affirme que la sélection par la prestataire de la durée de ses prestations parentales est irrévocable une fois que les prestations parentales lui sont versées – Cela est exact –Toutefois, étant donné que la prestataire n’a pas choisi de recevoir des prestations parentales standards, il n’y a rien à révoquer – La prestataire devrait se retrouver dans une position conforme à son choix initial et inébranlable de recevoir des prestations parentales prolongées.

Contenu de la décision



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Décision

[1] L’appel est accueilli. La prestataire n’a pas choisi de recevoir des prestations parentales standards.

Aperçu

[2] Une période de prestations a été établie au profit de la prestataire, et des prestations de maternité de l’assurance-emploi lui ont été versées. Après la naissance de son enfant, la prestataire a communiqué avec la Commission de l’assurance-emploi du Canada, qui l’a informée qu’elle pouvait alors demander des prestations parentales. La prestataire en a fait la demande par téléphone et a dit à l’agent qu’elle voulait rester à la maison avec son enfant pendant au moins un an. Elle s’attendait à recevoir des prestations parentales prolongées, soit des prestations d’un taux inférieur, versées au cours d’une plus longue période.

[3] Après avoir reçu le premier versement de prestations parentales, la prestataire s’est rendu compte que leur montant était supérieur à celui auquel elle s’attendait pour des prestations parentales prolongées. Elle a demandé à la Commission de réviser sa décision de lui verser des prestations parentales standards, mais la Commission a maintenu sa décision, affirmant que la prestataire avait choisi de recevoir des prestations parentales standards quand elle avait présenté sa demande par téléphone. La prestataire interjette appel au Tribunal de la sécurité sociale sous le prétexte qu’elle n’a pas choisi de recevoir des prestations parentales standards.

Question en litige

[4] La prestataire a-t-elle choisi de recevoir des prestations parentales standards?

Analyse

[5] Des prestations parentales sont payables à une partie prestataire qui veut prendre soin de son nouveau-néNote de bas de page 1. Une partie prestataire dispose de deux options en matière de prestations parentales : elle peut toucher des prestations standards à un taux de 55 % de sa rémunération hebdomadaire assurable pendant un maximum de 35 semaines, ou toucher des prestations prolongées à un taux de 33 % de sa rémunération hebdomadaire assurable pendant un maximum de 61 semainesNote de bas de page 2.

[6] La partie prestataire choisit le nombre maximal de semaines, soit 35 ou 61, pendant lesquelles les prestations peuvent lui être verséesNote de bas de page 3. Le choix de la partie prestataire quant au nombre maximal de semaines de prestations parentales pouvant lui être versées est irrévocable dès lors que des prestations sont verséesNote de bas de page 4.

La prestataire a-t-elle choisi de recevoir des prestations parentales standards?

[7] Les faits suivants ne sont pas contestés. La prestataire a présenté une demande de prestations parentales par téléphone le 28 février 2019. La Commission a effectué le premier versement de prestations parentales standards le 19 mars 2019.

[8] La prestataire affirme qu’elle n’a pas choisi de recevoir des prestations parentales standards. Elle voulait plutôt toucher des prestations parentales prolongées et soutient que la Commission a commis une erreur en sélectionnant pour elle des prestations parentales standards.

[9] La prestataire a dit au Tribunal qu’elle avait communiqué avec la Commission par téléphone le 28 février 2019 pour se renseigner sur la prestation fiscale pour enfants. Elle rapporte que, durant cet appel téléphonique, l’agent de la Commission l’a informée qu’il était [traduction] « temps de demander les prestations parentales ». Elle lui a dit qu’elle en ferait la demande en ligne, mais l’agent lui a dit qu’il pouvait simplement le faire avec elle au téléphone. La prestataire a affirmé qu’elle comprenait, avant même cet appel téléphonique, qu’il existait deux options pour la durée des prestations parentales. Selon son témoignage, la prestataire aurait dit à l’agent qu’elle souhaitait recevoir les prestations [traduction] « à long terme » et attendre que son enfant ait au moins un an avant de fréquenter la garderie.

[10] La prestataire a dit qu’elle s’était rendu compte, en touchant son premier versement de prestations parentales, qu’elle recevait un taux plus élevé que celui des prestations parentales prolongées. Elle a communiqué avec la Commission, qui lui a fait savoir qu’elle recevait des prestations parentales standards. La prestataire a demandé une révision de la décision de la Commission et a informé celle-ci qu’une erreur avait été commise de la part de la Commission quant au type de prestations parentales lui étant versées.

[11] La Commission affirme que la prestataire a choisi de recevoir les prestations parentales standards quand elle a fait sa demande au téléphone le 28 février 2019. Pour appuyer sa position, la Commission a fourni des notes se rapportant à ses conversations téléphoniques avec la prestataire. J’examinerai en détail deux de ces notes, comme celles-ci renferment des informations qui sont pertinentes par rapport au type de prestations parentales choisi par la prestataire.

[12] Les notes de la conversation datant du 28 février 2019 sont présentées sous la forme d’un questionnaire, où les supposées réponses de la prestataire sont inscrites dans des cases suivant plusieurs questions. Sous la rubrique « Prestations parentales », une note demande à l’agent de passer en revue l’information sur les modalités pour les deux types de prestations parentales afin d’aider la prestataire à choisir le bon type de prestations parentales. Il y est aussi précisé que ce choix, entre des prestations parentales standards ou prolongées, est irrévocable dès lors que des prestations sont versées pour la demande. Après cette information, on peut lire ce qui suit dans le questionnaire : [traduction] « Choisir l’une des options suivantes : Prestations standards ». Sous cet énoncé, l’agent a inscrit le chiffre « 30 » dans la déclaration : [traduction] « Je souhaite demander 30 semaines de prestations parentales standards pour prendre soin de mon(mes) enfant(s). » Aucune réponse n’a été inscrite dans la section des « Prestations prolongées ».

[13] La conversation du 8 mai 2019 s’est déroulée après la demande de révision de la prestataire concernant la décision de la Commission. Selon ces notes, la prestataire avait été interrogée sur son choix de recevoir 30 semaines de prestations parentales, et la prestataire aurait répondu qu’elle avait choisi 30 semaines parce qu’elle n’était pas certaine si des prestations allaient être partagées avec l’autre parent.

[14] Durant l’audience, la prestataire a déclaré que les notes relatives à ces conversations ne reflétaient pas ses déclarations avec justesse. Elle n’avait pas affirmé vouloir des prestations parentales standards durant la conversation téléphonique du 28 février 2019. Elle a raconté qu’elle avait seulement dit à l’agent qu’elle voulait les prestations à long terme. Elle a aussi affirmé qu’elle n’avait pas demandé 30 semaines de prestations parentales durant l’une ou l’autre des conversations. Elle se souvient que l’agent lui avait dit que les semaines de ses prestations parentales pouvaient être changées, mais elle n’avait jamais dit qu’elle voulait recevoir des prestations pendant 30 semaines.

[15] Le 2 juillet 2019, j’ai demandé à la Commission de fournir l’enregistrement audio de ces deux appels téléphoniques. Le 3 juillet 2019, la Commission a répondu à ma requête en affirmant qu’elle n’enregistrait pas les déclarations faites par les prestataires et qu’il n’existait donc aucun d’enregistrement des deux conversations dont il était question.

[16] Je reconnais que la position de la Commission est étayée par les notes relatives aux conversations téléphoniques tenues avec la prestataire les 28 février et 8 mai 2019. Pendant ces conversations, la prestataire aurait choisi de recevoir des prestations parentales standards et affirmé qu’elle voulait des prestations parentales pendant 30 semaines. Selon la Commission, les notes aux dossiers, selon lesquelles elle avait demandé 30 semaines de prestations parentales durant des conversations avec deux agents différents et ayant eu lieu à des mois d’intervalle, confirment qu’elle avait demandé 30 semaines de prestations.

[17] J’accorde peu de valeur à cet argument de la Commission, comme quoi les notes confirment que la prestataire voulait 30 semaines de prestations. Je ne suis pas convaincue que le simple fait que les notes répètent qu’elle avait demandé 30 semaines de prestations confirme qu’elle avait fait cette requête. De plus, il est surtout impossible de déterminer si la prestataire a choisi de recevoir des prestations parentales standards ou prolongées d’après le fait qu’elle aurait demandé ou non 30 semaines de prestations. Pour l’une comme pour l’autre des options de paiement, n’importe quel nombre de semaines peut être demandé jusqu’à concurrence de 35 ou de 61 semaines. Si la prestataire a choisi des prestations parentales prolongées, il demeure raisonnable qu’elle demande 30 semaines de prestations, particulièrement si elle avait l’intention de partager ces prestations parentales avec l’autre parent.

[18] Je souligne que [traduction] « la preuve écrite d’admissions orales » ne doit pas nécessairement être acceptée telle quelleNote de bas de page 5. La Cour d’appel fédérale a aussi statué que des notes prises par un employé de la Commission sont [traduction] « intrinsèquement sujettes à caution quand les prestataires ne les ont pas approuvées au moment où elles ont été faitesNote de bas de page 6 ». Ultimement, je dois déterminer la valeur que j’accorde au compte rendu des conversations téléphoniques, eu égard aux déclarations contradictoires de la prestataire.

[19] J’ai examiné les déclarations figurant au dossier vis-à-vis du témoignage contradictoire livré par la prestataire. En l’espèce, j’accorde davantage de valeur au témoignage de la prestataire voulant qu’elle n’avait pas choisi l’option des prestations parentales standards. La prestataire a livré un témoignage direct au Tribunal, et a répondu à ses questions avec ouverture et franchise quant aux circonstances entourant la durée de prestations parentales qu’elle avait choisie. Je n’ai trouvé aucune raison de douter de la crédibilité de la prestataire à cet égard.

[20] Après avoir examiné les observations des deux parties, j’estime que la preuve porte davantage à conclure que l’agent de la Commission a compris à tort que la prestataire choisissait les prestations parentales standards et a inscrit le mauvais choix pour elle, quand elle a affirmé vouloir des prestations à [traduction] « long terme » et ne pas souhaiter placer son enfant dans une garderie avant l’âge d’un an. Je tiens aussi compte du fait que les notes relatives aux conversations n’ont pas été revues ni approuvées par la prestataire au moment où elles ont été prises, ce qui les rend moins fiables.

[21] Sur le fondement du témoignage et des observations de la prestataire, je suis convaincue qu’elle n’a pas choisi de recevoir les prestations parentales standards. Je juge que la Commission a mal interprété ses déclarations le 28 février 2019 et qu’elle a inscrit, d’après ce malentendu, que la prestataire souhaitait recevoir des prestations parentales standards pour son choix de recevoir la durée maximale de prestations. Les déclarations de la prestataire à l’intention du Tribunal ont toujours été claires et cohérentes. Elle a choisi de recevoir des prestations parentales prolongées.

[22] La Commission soutient que la durée des prestations parentales choisie par la prestataire est irrévocable dès lors que des prestations sont versées. Cela est exact. Cependant, comme la prestataire n’a pas choisi les prestations parentales standards, il n’y a rien à révoquer. Il faut plutôt remettre la prestataire dans une posture reflétant son choix initial et inchangé de recevoir des prestations parentales prolongées.

Conclusion

[23] L’appel est accueilli.

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 28 juin 2019

En personne

M. C., appelante/prestataire

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