Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est rejeté. L’intimée, la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (Commission), a rendu sa décision de façon judiciaire.

Aperçu

[2] L’appelant, R. M., que j’appellerai le prestataire, a présenté une demande de prestations régulières d’assurance‑emploi et a établi une période de prestations débutant le 24 avril 2005.

[3] Le prestataire était l’une des parties touchées par la contestation de la Health and Social Services Delivery Improvement Act of British Columbia [loi sur l’amélioration de la prestation des services sociaux et de santé de la Colombie-Britannique] (projetde loi 29) instruite par la Cour suprême du Canada. La Cour suprême du Canada a décidé que certaines parties du projet de loi 29 étaient inconstitutionnelles, et l’employeur a par la suite entamé des négociations avec les syndicats des employés touchés, ce qui a fait en sorte que le prestataire a obtenu un règlement de 13 002 $.

[4] Le 13 août 2019 [sic], la Commission a informé le prestataire que la somme de 13 002 $ constituait une rémunération à appliquer (répartir) sur ses prestations d’assurance‑emploi. Le règlement a été réparti en fonction de la rémunération hebdomadaire normale de 618,45 $ du prestataire, de la semaine du 24 avril 2005 jusqu’à la semaine du 18 septembre 2015. La répartition a donné lieu à un versement excédentaire de 7 341 $.

[5] La décision de répartir les sommes versées aux employés touchés par le projet de loi 29 a été portée en appel au conseil arbitral et au juge-arbitre. La division d’appel (DA) du Tribunal de la sécurité sociale a été saisie de l’affaire et a rendu une décision le 16 juillet 2014, qui a été modifiée le 19 août 2014.

[6] Quatre ans et neuf mois plus tard, le 16 mai 2019, la Commission a reçu une demande de révision de la part du prestataire. La Commission a rejeté la demande de révision de sa décision du 13 août 2009 concernant la répartition du règlement monétaire parce qu’elle a conclu que le prestataire n’avait pas présenté la demande de révision dans le délai prescritNote de bas de page 1.

[7] Le prestataire interjette appel au Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal) et soutient que la décision de la Commission doit faire l’objet d’une révision puisque le prestataire n’a eu aucune nouvelle de la part de la Commission entre 2009 et 2019.

Questions en litige

[8] Le prestataire a‑t‑il demandé une révision de la décision dans le délai prescrit?

[9] Dans le cas contraire, la Commission a‑t‑elle correctement exercé son pouvoir discrétionnaire en rejetant la demande du prestataire de proroger le délai pour demander une révision?

[10] Le prestataire est‑il tenu de rembourser le versement excédentaire de prestations, ou le versement excédentaire peut-il être défalqué?

Analyse

[11] La ou le prestataire dispose de 30 jours suivant la date à laquelle la Commission lui a communiqué sa décision initiale pour demander à la Commission de réviser cette décisionNote de bas de page 2. Une décision est communiquée lorsque la personne concernée a été informée du contenu de la décision et de ses conséquencesNote de bas de page 3.

[12] Si la ou le prestataire ne demande pas à la Commission de réviser la décision dans un délai de 30 jours suivant sa communication, la Commission peut lui accorder plus de temps si elle est convaincue que certaines conditions ont été rempliesNote de bas de page 4. Il s’agit d’une décision discrétionnaireNote de bas de page 5.

[13] Je ne peux intervenir dans une décision discrétionnaire de la Commission que si cette dernière n’a pas agi correctement au moment de rendre sa décision. C’est à la Commission de prouver qu’elle a agi correctement. C’est ce qu’on appelle « agir de façon judiciaire ». Agir de façon judiciaire signifie que la Commission a agi de bonne foi, dans un but régulier, de manière non discriminatoire, en prenant en considération tous les facteurs pertinents et en ne tenant pas compte de tout facteur non pertinentNote de bas de page 6.

A) La demande de révision a‑t‑elle été présentée dans le délai prescrit de 30 jours?

[14] Non. Il incombe à la Commission de prouver à quel moment la décision a été communiquée au prestataire, étant donné qu’il s’agit du point de départ à partir duquel le prestataire pouvait demander une révision. La Commission soutient que le prestataire a été informé de la décision de la Commission en août 2009, lorsque la lettre de décision initiale et l’avis du versement excédentaire lui ont été envoyés. Le prestataire a également été informé le 23 septembre 2009 lorsqu’il a communiqué avec la Commission et demandé qu’une copie de la décision du 23 août 2009 [sic] lui soit renvoyée.

[15] Le prestataire n’a pas contesté le fait qu’il a été informé de la décision de la Commission de répartir son règlement monétaire. Il a plutôt confirmé avoir reçu l’avis du versement excédentaire et avoir discuté de l’appel collectif avec son représentant syndical. Il a concédé qu’il [traduction] « croyait à tort que la question était réglée ».

[16] La Commission a fourni la preuve selon laquelle le prestataire était l’un des 2 400 prestataires visés par l’« appel représentatif » interjeté par les syndicats au conseil arbitral et au juge-arbitre et dont a fini par être saisie la DA du Tribunal de la sécurité sociale. La DA a rendu sa décision le 16 juillet 2014 puis l’a modifiée le 19 août 2014, et a déclaré que les parties avaient clairement indiqué qu’elles convenaient que le règlement monétaire constituait une rémunération devant être répartie conformément aux articles 36(9) et (10) du Règlement sur l’assurance-emploi (Règlementsur l’AE).

[17] De plus, en raison des circonstances particulières de l’affaire, la DA a ordonné que tout prestataire visé par la répartition puisse demander une révision si les conditions suivantes étaient respectées. Le prestataire doit présenter une demande écrite au plus tard le 15 décembre 2014, exposant son argument à l’appui de la révision, comme une erreur au sujet du calcul, de la date de début de la répartition ou de la rémunération hebdomadaire normale.

[18] La DA a également ordonné que toute nouvelle décision de la Commission ou audience tenue par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale soit liée par la décision selon laquelle le règlement monétaire constitue une rémunération à répartir conformément aux articles 36(9) et (10) du Règlement sur l’AE.       

[19] Le prestataire a admis d’emblée qu’il n’avait pas gardé contact avec son syndicat et qu’il n’avait pas signalé à son syndicat ni à la Commission son changement d’adresse pendant la période des appels, ce qui, à mon avis, était la responsabilité du prestataire étant donné qu’il savait qu’il était une des parties touchées par l’appel représentatif.

[20] La Commission a fourni des éléments de preuve selon lesquels le Système ministériel des comptes débiteurs indique que des paiements ont été effectués sur la dette le 21 mai 2015, le 4 juillet 2016, le 29 mai 2017, le 22 mai 2018, le 6 mars 2019 et le 24 avril 2019. Compte tenu des dates susmentionnées, je conviens que, en apparence, les paiements coïncident avec l’application des remboursements d’impôt sur le revenu du prestataire en réduction du versement excédentaire, de sorte que le prestataire aurait dû savoir que ces sommes avaient été prélevées et, s’il ne savait pas pourquoi, il aurait dû s’informer plus tôt et ne pas attendre jusqu’à la saisie de son salaire.

[21] À la lumière des éléments de preuve susmentionnés, je conclus que le prestataire a été informé du contenu de la décision de répartir le règlement monétaire et de ses conséquences dès août 2009. Par conséquent, le prestataire a présenté sa demande de révision après l’expiration du délai, car il l’a fait plus de neuf ans après, le 16 mai 219 [sic].

B) La Commission a‑t‑elle exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire?

[22] Oui. Après examen des motifs invoqués par la Commission pour rejeter la demande du prestataire de proroger le délai pour présenter sa demande de révision, je conclus qu’elle a rendu sa décision de façon judiciaire.

[23] La Commission a présenté son compte rendu de décision qui confirme que, malgré la demande du prestataire pour obtenir une nouvelle copie de la lettre de décision le 23 septembre 2009 et sa participation à l’appel représentatif, il n’a jamais indiqué son intention de demander une révision après que la DA a rendu sa décision le 16 juillet 2014 et l’a modifiée le 19 août 2014. Je n’accepte pas l’affirmation du prestataire selon laquelle la Commission n’a pas tenu compte d’un facteur pertinent, à savoir que le prestataire n’a pas eu de nouvelles de la Commission pendant près de dix ans. C’est parce qu’il incombait au prestataire de veiller à ce que son syndicat et la Commission sachent à quelle adresse il devait être avisé de l’issue de l’appel représentatif, ce qu’il a reconnu d’emblée ne pas avoir fait après avoir reçu l’avis du versement excédentaire.

i) Le prestataire a-t-il donné une explication raisonnable du retard?

[24] Non. J’estime que la Commission a pris en considération les faits pertinents dont elle disposait, notamment le fait que le prestataire a été informé du contenu de la décision et de ses conséquences le 23 septembre 2009 ou avant cette date, et qu’il n’a pas présenté sa demande de révision avant le 16 mai 2019.

[25] Le prestataire déclare qu’il n’a pas présenté sa demande plus tôt parce qu’il présumait que l’affaire avait été réglée, ce que j’estime improbable, étant donné que le prestataire admet avoir reçu l’avis du versement excédentaire, puis qu’il a décidé de ne plus être en contact avec son syndicat. Les connaissances du prestataire étaient très bonnes en ce qui concerne la production de ses déclarations de revenus annuelles. Par conséquent, il savait, aurait dû savoir ou a délibérément ignoré que ses remboursements d’impôt étaient appliqués en réduction du versement excédentaire.

[26] Il est possible que le prestataire se soit montré complaisant à l’égard du remboursement de cette dette au moyen de ses remboursements d’impôt sur le revenu. Je ne crois pas que ce soit une coïncidence s’il a fait l’effort de demander une révision en mai 2019, quelques semaines après la saisie de son salaire, puisqu’il a admis que la saisie lui imposait un fardeau financier. Quelle qu’en soit la raison, je ne peux faire abstraction du fait que le prestataire a présenté sa demande de révision plus de quatre ans après la date limite du 15 décembre 2014 imposée par les ordonnances de la DA, comme il a été mentionné précédemment.

[27] Si le prestataire avait vraiment l’intention de contester les dates de répartition de la Commission ou sa rémunération hebdomadaire normale, il aurait pu demander des renseignements au service du recouvrement ou aux services fiscaux de l’Agence du revenu du Canada plusieurs années plus tôt. Par conséquent, je conclus que le prestataire n’a pas raisonnablement expliqué le retard.

ii) Le prestataire a‑t‑il manifesté l’intention constante de demander la révision?

[28] Non. Rien n’indique que le prestataire a fait des efforts pour demander la révision de la décision du 13 août 2009 avant le 16 mai 2019. Par conséquent, je suis d’accord avec la Commission pour dire que le prestataire n’a pas manifesté l’intention constante de demander la révision.

iii) Critères supplémentaires

[29] Dans certains cas, comme lorsque la révision est présentée plus de 365 jours suivant le jour où la partie intéressée a reçu communication de la décision, des critères supplémentaires peuvent s’appliquerNote de bas de page 7. Dans de tels cas, la Commission doit également être convaincue que la demande de révision a une chance raisonnable de succès et que l’autorisation du délai supplémentaire ne porte pas préjudice.

[30] La Commission a fourni la preuve qu’elle a pris en considération les critères supplémentaires parce que le prestataire a présenté sa demande de révision plus de quatre ans après la décision de la DA.

[31] J’ai pris en considération le témoignage du prestataire selon lequel il n’a aucune preuve à présenter au sujet des dates de répartition ou du calcul de sa rémunération hebdomadaire normale qui a été utilisée pour répartir le règlement monétaire. J’ai également pris en considération le fait que les ordonnances de décision de la DA sont exécutoires et prévoient que le prestataire doit présenter au plus tard le 15 décembre 2014 une demande écrite dans laquelle il expose ses arguments, ce qu’il n’a pas fait. Par conséquent, j’accepte la décision de la Commission selon laquelle la demande de révision du prestataire n’aurait pas une chance raisonnable d’être accueillie.

[32] En outre, je reconnais que le fait de proroger le délai pour présenter une demande de révision serait contraire à la loi et aux ordonnances de la DA. Par conséquent, je conclus que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire en rejetant la demande du prestataire de proroger le délai pour présenter sa demande de révision.

C) Remboursement du versement excédentaire

[33] Je suis sensible à la situation du prestataire, mais il n’y a pas d’exception et il n’existe aucune latitude pour l’exercice du pouvoir discrétionnaire. Je suis liée par les dispositions législatives claires concernant l’obligation du prestataire de rembourser le versement excédentaire de prestations. Le prestataire a touché des prestations supérieures au montant auquel il avait droit; il est donc tenu de rembourser la sommeNote de bas de page 8. Je ne peux pas faire fi de la Loi sur l’AE, la refaçonner, la contourner, la réécrire ou l’interpréterd’une manière qui est contraire à son sens ordinaire, même au nom de la compassionNote de bas de page 9.

[34] Comme je l’ai expliqué au cours de l’audience, je n’ai pas compétence pour trancher des questions relatives à l’annulation ou à la réduction de la dette, puisque ce pouvoir appartient à la CommissionNote de bas de page 10. Par conséquent, compte tenu de sa situation financière actuelle, le prestataire peut communiquer avec la Commission pour voir si elle est en mesure de réduire ou de défalquer le versement excédentaire ou les pénalités.

[35] De plus, un prestataire ne peut demander la révision d’une décision rendue par l’intimée dans une affaire de défalcation et, par conséquent, ne peut interjeter appel d’une telle décision à la division généraleNote de bas de page 11. La Cour fédérale du Canada est celle qui a compétence pour entendre un appel concernant la défalcationNote de bas de page 12.

Conclusion

[36] L’appel est rejeté.

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 2 juillet 2019

Vidéoconférence

R. M., appelant (prestataire)

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