Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] J’accueille l’appel. Je conclus que l’emploi de l’appelant a pris fin parce qu’il a volontairement quitté son emploi pour retourner chez lui afin de prendre soin de sa femme pendant sa crise médicale. Je conclus qu’il était fondé à quitter son emploi puisqu’il n’avait pas d’autre solution raisonnable.

Aperçu

[2] L’appelant, que j’appellerai le prestataire, a quitté son emploi à Fort McMurray le 6 février 2019. Il est retourné à Calgary le lendemain. Il a déclaré que l’entreprise l’avait mis à pied en raison d’un manque de travail. L’employeur a déclaré l’avoir congédié en raison d’une inconduite.

[3] L’intimée (la Commission) a souscrit à la position de l’employeur et a exclu le prestataire du bénéfice des prestations. Le prestataire a demandé à la Commission de réexaminer l’exclusion, mais celle-ci n’a pas modifié sa décision.

[4] Le prestataire interjette maintenant appel de la décision de réexamen. Il soutient que les allégations d’inconduite de son employeur sont fausses et malicieuses. À l’audience, il a partagé des renseignements confidentiels sur l’état de santé de sa femme. Il a témoigné qu’il avait quitté son emploi pour retourner chez lui à Calgary parce que son épouse présentait des symptômes alarmants et qu’elle avait besoin de ses soins et de son soutien.

[5] Je dois décider si le prestataire a été mis à pied ou congédié, ou s’il a quitté volontairement son emploi. S’il s’agissait d’un départ volontaire, je dois décider si l’appelant était fondé à quitter son emploi en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE).

Questions préliminaires

[6] Après l’audience, le prestataire a déposé des documents supplémentaires sur l’état de santé de sa femme. J’ai accepté ces documents, jugeant qu’ils étaient pertinents à son appel. Je les ai transmis à la Commission, qui a répondu le 11 juin 2019. Le 13 juin 2019, le prestataire a déposé d’autres documents. J’ai communiqué ces preuves médicales supplémentaires à la Commission et je lui ai offert une autre occasion de répondre. La Commission n’a pas présenté d’autres observations.

Questions en litige

[7] Première question en litige : Le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison d’un manque de travail?

[8] Deuxième question en litige : L’employeur a-t-il congédié le prestataire pour inconduite?

[9] Troisième question en litige : Le prestataire a-t-il quitté volontairement son emploi?

[10] Quatrième question en litige : Dans l’affirmative, le prestataire était-il fondé à quitter son emploi?

Analyse

[11] Lorsque vous quittez un emploi, vous n’avez pas automatiquement droit à des prestations d’assurance-emploi (AE). Vous avez droit à des prestations si votre employeur vous met à pied en raison d’un manque de travail. Vous n’avez pas droit à des prestations si votre employeur vous congédie pour inconduite ou si vous quittez volontairement votre emploi sans justificationNote de bas de page 1.

Inconduite

[12] La Commission a le fardeau de démontrer que votre employeur vous a congédié pour inconduiteNote de bas de page 2. Elle doit fournir des preuves claires pour établir les actes qui ont entraîné votre congédiement et démontrer que vous les avez commisNote de bas de page 3. Elle doit également démontrer que vos gestes étaient délibérés et que vous avez manqué à votre devoir envers votre employeur. De plus, elle doit démontrer que vous saviez ou auriez dû savoir que ces actes entraîneraient votre congédiementNote de bas de page 4.

Départ volontaire

[13] La Commission a le fardeau de démontrer que vous avez quitté volontairement votre emploi. Une fois ce point prouvé, vous devez démontrer que vous étiez fondé à quitter votre emploiNote de bas de page 5. Vous pouvez démontrer que vous étiez fondé à quitter votre emploi en démontrant que compte tenu de toutes vos circonstances, votre départ constituait la seule solution raisonnable dans votre casNote de bas de page 6.

Première question en litige : Le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison d’un manque de travail?

[14] Non. Il n’y a aucune preuve démontrant que son employeur l’a mis à pied en raison d’un manque de travail. Le courriel que l’employeur lui a envoyé le 6 février 2019 démontre seulement que l’entreprise n’avait pas assez de travail pour lui à Calgary. Le prestataire a admis qu’il y avait toujours du travail à Fort McMurray pour quatre ou cinq mois de plus.

Deuxième question en litige : L’employeur a-t-il congédié le prestataire pour inconduite?

[15] Non. La Commission n’a pas démontré que le prestataire a été congédié le 6 février 2019 pour inconduite. Le prestataire admet qu’il a utilisé le camion et la remorque de l’employeur pour ramener ses effets personnels à Calgary le 7 février 2019. L’employeur a considéré ce geste comme une violation délibérée du devoir du prestataire envers l’entreprise. Il a par la suite inscrit un congédiement pour inconduite sur son relevé d’emploi (RE). Toutefois, cet incident a eu lieu après son dernier jour de travail. Pour ce motif, je conclus que les actes du prestataire n’ont pas entraîné son congédiement le 6 février 2019.

Troisième question en litige : Le prestataire a-t-il quitté volontairement son emploi?

[16] Oui. Je conclus qu’il a quitté volontairement son emploi. Vous quittez volontairement un emploi lorsque vous avez le choix de rester ou de partirNote de bas de page 7. La Commission a démontré que le prestataire aurait pu rester. Le courriel daté du 6 février 2019 démontre que l’employeur voulait qu’il reste. Le prestataire a admis qu’il y avait du travail pour lui pendant quelques mois de plus, mais il a choisi de partir. Il a déclaré qu’il avait indiqué le 6 janvier 2019 à l’employeur qu’il démissionnerait un mois plus tard.

Quatrième question en litige : Le prestataire était-il fondé à quitter son emploi?

[17] Oui. Je conclus qu’il était fondé à retourner chez lui pour prendre soin de sa femme aux prises avec des problèmes de santé. La Loi sur l’AE reconnaît qu’un prestataire qui doit prendre soin d’un proche parent peut démontrer qu’il était fondé à quitter son emploiNote de bas de page 8.

[18] J’accepte le témoignage que le prestataire a livré sous serment selon lequel lui et son épouse ont discuté de la détérioration de son état lorsqu’elle lui a rendu visite à Fort McMurray pendant le congé d’hiver 2018-2019. Ils ont décidé qu’il devait retourner chez lui pour prendre soin d’elle pendant qu’elle attendait de subir des tests et une chirurgie. Il a ensuite donné un préavis d’un mois à son employeur.

[19] Je n’accorde aucun poids à l’allégation de l’employeur selon laquelle le prestataire a démissionné pour effectuer des travaux dans le sous-sol de sa conjointe et toucher des prestations d’AE. L’employeur a dit à la Commission qu’il pouvait soumettre des messages textes pour prouver le bien-fondé de cette allégation. Toutefois, la preuve ne contient pas de tels messages. De plus, l’employeur a indiqué sur le RE qu’il avait congédié le prestataire pour inconduite. Cela contredit ses allégations selon lesquelles son employé a démissionné pour profiter de l’AE.

[20] Le prestataire a d’abord dit à la Commission que l’employeur l’avait mis à pied. Ce n’est que plus tard qu’il a signalé la chirurgie à venir de son épouse. Je crois comprendre qu’il préférait ne pas divulguer ses problèmes médicaux à la Commission à ce moment-là. C’était une affaire très privée. J’accepte l’observation de la Commission selon laquelle elle ne disposait pas de cette information lorsqu’elle a rendu sa décision initiale.

[21] Toutefois, après l’audience, le prestataire a fourni une preuve médicale concernant l’état de sa femme. J’ai communiqué cette information à la Commission. Elle est maintenant au courant de ces faits. La Commission a reconnu que le prestataire avait produit des documents démontrant que sa conjointe avait des problèmes de santé qui nécessiteraient une intervention chirurgicale. Toutefois, elle a soutenu que cela « ne justifie pas l’acte du prestataire d’utiliser le camion et la remorque de l’entreprise sans autorisation »Note de bas de page 9.

[22] Je conclus que cette observation n’est pas pertinente à la question de savoir pourquoi le prestataire a quitté son emploi. Le différend concernant l’utilisation du camion et de la remorque de l’employeur a eu lieu après son départ.

[23] La Commission a fait valoir qu’aucune date de chirurgie n’avait encore été fixée lorsque cet événement a eu lieu. Toutefois, l’attente pour une chirurgie est souvent longue. Je conclus que les patients qui éprouvent des symptômes pénibles peuvent avoir besoin des soins de leur partenaire en attendant de subir des examens médicaux et une opération lourde. De plus, le sens du mot « soins » dans la Loi sur l’AE ne se limite pas aux soins physiques à temps pleinNote de bas de page 10. Il peut signifier de l’aide pour effectuer les tâches physiques quotidiennes et du soutien émotionnel.

[24] Je conclus que l’épouse du prestataire avait besoin de ces soins et de ce soutien. La preuve démontre que son état de santé a commencé à être inquiétant dès janvier 2018, puis qu’il s’est rapidement détérioré. Il a commencé à perturber ses activités régulières. Au mois de janvier 2019, la taille de sa masse interne avait doublé. Elle devait subir une opération lourde et était confrontée à la possibilité d’un diagnostic dévastateur.

[25] Je conclus que le prestataire était fondé à quitter son emploi dans ces circonstances difficiles. Il n’avait pas d’autre solution raisonnable que de retourner chez lui pour s’occuper de son épouse.

[26] La Commission a examiné s’il avait démissionné avant de décider que l’employeur l’avait congédié. Elle a fait valoir que s’il avait quitté son emploi, il aurait pu raisonnablement demander un congé pour aider son épouse après l’intervention chirurgicale plutôt que de démissionner. Toutefois, un prestataire qui doit s’occuper d’un membre de sa famille n’a pas à demander un congé avant de démissionnerNote de bas de page 11.

[27] Le prestataire a témoigné qu’il a demandé à son employeur de partager son horaire de travail entre Fort McMurray et Calgary comme solution de rechange raisonnable à son départ. Son travail à Fort McMurray était situé à près de 800 kilomètres de chez lui. Il s’agissait d’un trajet d’au moins huit heures dans chaque sens. Le trajet était encore plus long en hiver. En raison de son horaire de travail, il ne pouvait donner des soins et du soutien à son épouse qu’une semaine par mois. Le courriel daté du 6 février 2019 démontre que l’employeur a pris sa demande en considération, mais qu’il n’avait pas de travail pour lui à Calgary.

[28] En faisant cette demande, je conclus que le prestataire s’est acquitté de son obligation de discuter de sa situation avec son employeur avant de démissionnerNote de bas de page 12. Il a démontré qu’il a tenté de trouver une solution raisonnable autre que de quitter son emploi.

[29] Je conclus que le prestataire a satisfait au critère prévu dans la Loi sur l’AE qui s’applique pour démontrer qu’il était fondé à quitter volontairement son emploi. Il n’avait pas d’autre solution raisonnable que de retourner à Calgary pour fournir des soins et du soutien à son épouse.

Conclusion

[30] L’appel est accueilli.

 

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 5 juin 2019

Téléconférence

T. D., appelant

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