Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli. L’appelante était fondée à quitter son emploi en raison d’une modification importante de ses fonctions. Compte tenu de toutes les circonstances en l’espèce, elle n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi. L’exclusion de l’appelante du bénéfice des prestations d’AE au motif qu’elle a quitté son emploi sans justification est annulée.

Aperçu

[2] L’appelante a accepté un emploi de commis à la saisie de données dans une entreprise privée qui fournissait des services à une base militaire. Avant de commencer à travailler, elle a rempli et soumis les documents nécessaires pour obtenir une habilitation de sécurité, qui était requise pour l’emploi. À aucun moment avant de commencer à travailler on ne lui a dit combien de temps il lui faudrait pour obtenir l’habilitation de sécurité. Lors de sa première journée de travail, on lui a dit qu’elle ne pouvait pas effectuer le travail de saisie de données, ni même observer le travail ou recevoir une formation s’y rapportant, car elle n’avait pas encore obtenu son habilitation de sécurité. Sa superviseure lui a dit qu’elle devrait accomplir d’autres tâches, mais lui a attribué peu de tâches. L’appelante a dû s’informer auprès d’autres personnes pour obtenir du travail qui n’impliquait pas de la saisie de données. La gestionnaire des ressources humaines lui a dit après qu’elle a commencé à travailler que le traitement de son habilitation de sécurité pourrait prendre six mois à un an, voire plus. L’appelante a demandé aux autres membres du personnel combien de temps cela pourrait prendre. On lui a dit qu’un employé attendait depuis deux ans et que trois autres attendaient depuis plus de trois ans. Elle a discuté avec la gestionnaire des ressources humaines du fait qu’elle ne pouvait qu’effectuer du travail non lié à la saisie des données jusqu’à ce qu’elle obtienne son habilitation de sécurité. La gestionnaire a dit qu’elle comprenait sa situation, mais qu’elle ne pouvait rien faire. L’appelante a démissionné à son quatrième jour de travail. L’intimée lui a refusé des prestations d’assurance-emploi (AE) au motif qu’elle avait quitté son emploi sans justification.

Questions en litige

[3] 1. L’appelante a-t-elle quitté volontairement son emploi?

2. L’appelante a-t-elle démontré l’existence de circonstances susceptibles de justifier son départ?

3. Compte tenu de toutes les circonstances, l’appelante n’avait-elle pas d’autre solution de raisonnable que de quitter son emploi?

Analyse

[4] Les dispositions législatives pertinentes sont le paragraphe 30(1) et l’alinéa 29c) de la Loi sur l’assurance-emploi (la Loi). L’expression « quitter volontairement » employée dans la Loi signifie « démissionner ».

[5] Il incombe à la Commission intimée de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que l’employée a quitté volontairement son emploi; si l’intimée convainc le Tribunal que l’employée a quitté volontairement son emploi, il incombe alors à l’employée de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle était fondée à quitter son emploi (Canada [P.G.] c White, 2011 CAF 190).

[6] « En vertu du paragraphe 30(1), la question de savoir si un employé a quitté volontairement son emploi est une question simple. La question qu’il faut se poser est la suivante : L’employé avait-il le choix de rester ou de quitter? » (Canada [P.G.] c Peace, 2004 CAF 56).

[7] Le critère juridique relatif à la justification est la question de savoir si, selon la prépondérance des probabilités et compte tenu de toutes les circonstances, l’employé n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi (Canada [P.G.] c White, 2011 CAF 190).

[8] L’alinéa 29c) de la Loi dresse une liste non exhaustive des circonstances qui peuvent justifier un départ volontaire. D’autres circonstances non énumérées peuvent également justifier un départ volontaire. L’alinéa 29c) de la Loi sur l’AE n’est ni limitatif ni exhaustif, mais les sous-alinéas (i) à (xiv) indiquent le type de circonstances qui doivent être prises en considération (Canada [P.G.] c Campeau, 2006 CAF 376).

[9] Le fait pour une personne de continuer de travailler jusqu’à ce qu’elle trouve un autre travail est généralement une solution de rechange raisonnable à la décision unilatérale de quitter un emploi (Canada [P.G.] c Graham, 2011 CAF 311).

[10] Seuls les faits qui existaient au moment où l’employé a quitté son emploi doivent être pris en considération pour déterminer si l’employé a prouvé qu’il était fondé à quitter volontairement son emploi (Canada [P.G] c Lamonde, 2006 CAF 44).

[11] Bien que l’employée ait pu quitter son emploi pour de bonnes raisons personnelles ou pour ce qu’elle considère comme un motif valable, ce n’est pas la même chose qu’une justification de quitter son emploi en vertu de l’alinéa 29c) de la Loi (Canada [P.G.] c Imran, 2008 CAF 17).

Première question en litige : L’appelante a-t-elle quitté volontairement son emploi?

[12] L’appelante avait-elle le choix de rester ou de partir?

[13] L’appelante avait le choix de rester ou de partir, et a fait le choix de partir. L’appelante ne le conteste pas et l’a confirmé dans son témoignage. Par conséquent, elle a quitté volontairement son emploi.

Deuxième question en litige : L’appelante a-t-elle démontré l’existence de circonstances susceptibles de justifier son départ?

[14] L’alinéa 29c) de la Loi dresse une liste non exhaustive des circonstances qui peuvent justifier un départ volontaire. D’autres circonstances peuvent justifier un départ volontaire. L’appelante doit faire la preuve de ces circonstances.

[15] L’appelante a bel et bien démontré l’existence de circonstances justifiant son départ, à savoir une modification importante de ses fonctions au sens du sous-alinéa 29c)(ix) de la Loi.

[16] La séquence des événements est importante pour trancher cette question. L’appelante a posé sa candidature à ce poste environ un mois et demi avant d’être embauchée. L’offre d’emploi décrivait les qualifications et les fonctions liées à la saisie de données. Il y était également indiqué : « Doit être en mesure d’obtenir une habilitation de sécurité du MDN ». L’offre d’emploi ne mentionnait pas que l’habilitation de sécurité était nécessaire pour commencer l’emploi ni d’autres fonctions si l’habilitation de sécurité n’était pas été obtenue à la date de début. L’appelante a reçu une offre d’emploi datée du 25 janvier 2019 pour commencer à travailler le 11 février 2019. Elle a accepté l’offre. L’offre décrivait les conditions d’emploi. Selon les conditions d’emploi, la fonction principale de l’appelante était celle de commis à la saisie des données; les conditions d’emploi ne précisaient aucune fonction secondaire. Les conditions d’emploi stipulaient que l’employeur pouvait exiger une habilitation de sécurité. L’employeur l’a exigée, et l’appelante a rempli et soumis ses documents et ses empreintes digitales pour obtenir une habilitation de sécurité entre le 25 janvier et la première semaine de février.

[17] L’appelante s’est présentée au travail le 11 février 2019. Sa superviseure, Barb, et la gestionnaire des ressources humaines, Jen, l’ont informée qu’elle ne pouvait pas exercer ses fonctions de commis à la saisie des données sans habilitation de sécurité. Elles ignoraient à quel moment elle serait en mesure d’exercer ses fonctions. Le lendemain, l’appelante a demandé à Jen quand elle obtiendrait son habilitation de sécurité, mais Jen n’a pas pu estimer combien de temps cela prendrait. Plus tard, Jen a dit que le délai pourrait être de six mois à un an, mais que cela dépendait des circonstances individuelles. L’appelante a également demandé à plusieurs collègues combien de temps il fallait pour obtenir une habilitation de sécurité. Ils ont donné l’exemple de deux employés qui travaillaient respectivement depuis deux et trois ans et qui attendaient toujours leur habilitation de sécurité. Les deux employés avaient été embauchés pour des postes de saisie de données, mais ils nettoyaient des pièces dans les casernes, une partie différente de la base dans la région où travaillait l’appelante. L’appelante n’a pas parlé directement à ces deux employés.

[18] Comme elle n’avait pas son habilitation de sécurité, l’appelante a passé ses heures de travail à faire du nettoyage, à aider à jeter des articles, à chercher d’autres tâches à effectuer et à jouer à l’euchre lorsqu’il n’y avait pas de travail. Sa superviseure Barb ne lui attribuait pas de travail. Elle a demandé d’observer le travail de saisie de données ou de recevoir une formation sur le système de saisie des données, mais elle n’y était pas autorisée parce qu’elle n’avait pas son habilitation de sécurité.

[19] Le 14 février 2019, l’appelante a discuté de son emploi avec Jen, la gestionnaire des ressources humaines. Elle a déclaré qu’elle n’aurait pas accepté l’emploi si elle avait su qu’elle devrait attendre d’obtenir une habilitation de sécurité avant d’être autorisée à faire le travail pour lequel elle avait été embauchée. Le fait de demeurer en poste sans exercer les fonctions pour lesquelles elle avait été embauchée nuisait à sa recherche d’emploi, car elle rencontrait des employeurs potentiels en personne afin d’accroître ses chances plutôt que de simplement faire des demandes d’emploi en ligne. Elle a soulevé la possibilité d’un congé, mais Jen ne lui en a pas offert un. L’appelante était frustrée de ne pas être autorisée à faire le travail pour lequel elle avait été embauchée, de ne pas avoir d’autres tâches à accomplir et du trajet d’une heure qu’elle avait dû effectuer pendant ses quatre jours de travail. Le trajet s’était avéré difficile en raison des tempêtes hivernales et des fermetures de route quotidiennes. L’appelante recevait des prestations d’AE avant de commencer cet emploi. Jen et elle ont discuté de la possibilité pour l’appelante de continuer à recevoir des prestations d’AE et de démissionner de son emploi. Jen a suggéré à l’appelante de vérifier auprès de la Commission avant de prendre une décision. L’appelante a bel et bien communiqué avec la Commission en composant un numéro 800. L’agent à qui l’appelante a parlé lui a dit qu’elle était fondée à quitter son emploi. Elle ne connaissait pas le nom de l’agent, et l’intimée a déclaré que les conversations avec le centre d’appels de la Commission n’étaient pas enregistrées aux fins d’enquêtes. À la suite de cette conversation, l’appelante a décidé de démissionner et a remis une lettre de démission manuscrite à Jen.

[20] La chronologie des événements est importante pour répondre à trois questions. Premièrement, pour déterminer s’il y a eu une modification importante de ses fonctions. Deuxièmement, pour trancher la question de savoir si l’observation de l’intimée qui met en doute la crédibilité de l’appelante est valide. Troisièmement, pour déterminer si la conversation de l’appelante avec un agent de la Commission dans un centre d’appels le 14 février a une incidence sur ses droits en l’espèce.

[21] Premièrement, lorsque l’employeur a empêché unilatéralement l’appelante d’exercer les fonctions pour lesquelles elle avait été embauchée, et qu’il a plutôt exigé qu’elle accomplisse des tâches n’ayant aucun rapport avec celles-ci et qu’elle cherche du travail auprès d’autres employés, il y a certainement eu une modification importante de ses fonctions. Pour le dire de façon plus catégorique, ses fonctions ont été complètement modifiées. L’intimée a fait valoir que la rémunération et les heures de travail de l’appelante étaient restées les mêmes. Cela n’est pas pertinent en l’espèce, car cela a trait au sous-alinéa 29c)(vii), une modification importante des conditions de rémunération, plutôt qu’au sous-alinéa 29c)(ix), une modification importante des fonctions. L’intimée a également soutenu que l’appelante n’avait pas été rétrogradée et qu’il s’agissait simplement d’une situation temporaire. Bien qu’il puisse s’agir de facteurs à prendre en compte au moment d’évaluer s’il y a eu une modification des fonctions, ils n’ont qu’une importance marginale par rapport à la cause fondamentale du départ de l’appelante, soit la modification importante de ses fonctions. Ils n’appuient pas la thèse de l’intimée en l’espèce. Le fait d’être embauchée en tant que personne qualifiée, puis d’être empêchée de faire le travail spécialisé et d’être tenu d’effectuer du travail non spécialisé, si vous pouvez en trouver, ressemble à une rétrogradation. Le fait de placer une employée dans cette situation pendant probablement six mois ou plus ne peut guère être considéré comme une situation temporaire dans ces circonstances. L’intimée a ajouté que « à moins que la situation ne soit inappropriée ou déraisonnable, les modifications apportées aux tâches et aux fonctions d’une personne non qualifiée ne font pas en sorte qu’elle est fondée à quitter volontairement son emploi ». L’affirmation selon laquelle l’appelante est une personne non qualifiée ne cadre pas avec les qualifications qu’exige son emploi : diplôme d’études secondaires, au moins cinq années d’expérience en saisie de données, connaissance de Microsoft Office et des programmes informatiques liés au contrôle des stocks et habilitation de sécurité du MDN.

[22] Le fait que l’appelante n’a obtenu son habilitation de sécurité en date du 11 février ne change pas cette conclusion. Elle ignorait combien de temps elle devrait attendre pour obtenir son habilitation de sécurité. L’employeur ne lui avait pas dit avant qu’elle commence à travailler combien de temps cela pourrait prendre. Pourtant, l’employeur le savait. Il avait deux employés qui attendaient depuis deux et trois ans respectivement. Jen a donné à l’appelante une estimation de six mois à un an. En l’espèce, c’est l’employeur qui est responsable du fait que l’appelante s’est retrouvée dans une situation où elle n’était pas autorisée à exercer les fonctions pour lesquelles elle avait été embauchée. Cela a rendu la situation « inappropriée ou déraisonnable », pour reprendre les termes employés par l’intimée dans son observation citée au paragraphe précédent. Par conséquent, cette observation a été renversée, et les modifications apportées aux fonctions de l’appelante faisaient en sorte, selon cette observation, qu’elle était fondée à quitter volontairement son emploi.

[23] L’intimée a également fait valoir que les modifications apportées aux fonctions de l’appelante ne se sont pas révélées être « si intolérables qu’elle devait quitter immédiatement son emploi sans trouver un nouvel emploi ». Cette déclaration est une erreur de droit et doit être rejetée. Comme il est précisé dans l’arrêt Chaoui c Canada (P.G.) 2005 CAF 66, le fait d’exiger une preuve que les conditions étaient intolérables « allait au-delà des exigences de l’alinéa 29c) de la Loi et revenait à imposer un fardeau qui, en fin de compte, rendrait cet alinéa inutile ».

[24] Deuxièmement, l’intimée a mis en doute dans son observation la crédibilité de l’appelante au motif que sa version selon laquelle elle s’était fiée aux conseils d’un agent de la Commission pour prendre sa décision de démissionner ne résistait pas à un examen sérieux. L’intimée a fait valoir que l’appelante avait « déclaré à de nombreuses reprises qu’elle avait décidé de démissionner d’un commun accord avec l’employeur, sans avoir reçu les conseils de la Commission ». Cette déclaration citée est peu étayée par les documents qui figurent dans le dossier de réexamen. Le formulaire Renseignements supplémentaires concernant la demande de prestations aux pièces GD18 et 19 fait référence à la rencontre de l’appelante avec la gestionnaire des ressources humaines, pendant laquelle elles ont convenu d’un commun accord que l’appelante devrait démissionner, et après quoi la gestionnaire a suggéré à l’appelante d’appeler la Commission. Voilà l’élément de preuve qui étaye le plus l’observation de l’intimée. Les observations de l’intimée font référence à un autre formulaire Renseignements supplémentaires concernant la demande de prestations aux pièces GD34 et 35 qui contient plusieurs déclarations de l’appelante, comme l’a noté l’intimée. Il y est consigné que l’appelante a déclaré qu’elle ne voulait pas continuer de travailler même si elle ne recevrait pas de prestations d’AE. L’observation de l’intimée fait ensuite fi d’autres déclarations consignées dans ce formulaire Renseignements supplémentaires concernant la demande de prestations : deux déclarations de l’appelante au sujet des discussions qu’elle a eues avec la gestionnaire des ressources humaines pour savoir si elle pourrait continuer de recevoir des prestations d’AE si elle démissionnait, ainsi que deux déclarations de l’appelante selon lesquelles elle n’aurait pas quitté son emploi si elle n’avait pas eu droit à des prestations. L’observation de l’intimée ne tient également pas compte de la déclaration de l’appelante dans sa demande de réexamen selon laquelle elle a téléphoné à la Commission avant de démissionner. Elle ne tient pas compte non plus du fait que, lors de trois conversations avec l’employeur, l’intimée n’a jamais demandé ni obtenu de renseignements sur les discussions entre l’appelante et la gestionnaire des ressources humaines au sujet du fait qu’elles avaient convenu d’un commun accord que l’appelante devait démissionner, ou au sujet du fait que l’appelante avait appelé l’intimée pour vérifier si elle pourrait continuer de recevoir des prestations si elle démissionnait. Elle fait également fi des déclarations de l’appelante dans son avis d’appel selon lesquelles elle a discuté avec la gestionnaire des ressources humaines du fait qu’elle devrait parler à la Commission avant de démissionner. Ces considérations minent la tentative de l’intimée de mettre en doute la crédibilité de l’appelante. Le témoignage de l’appelante était clair : elle a discuté de la possibilité de démissionner avec la gestionnaire des ressources humaines avant de prendre la décision de quitter son emploi, elle a vérifié auprès de l’intimée si elle pourrait continuer de toucher des prestations d’AE et elle a reçu une réponse positive, puis elle a démissionné. Je préfère le témoignage de l’appelante aux observations de l’intimée en raison du peu de preuves à l’appui de sa position, comme je l’ai mentionné ci-dessus.

[25] Troisièmement, pour ce qui est de la question de savoir si la conversation de l’appelante avec un agent de la Commission dans un centre d’appels le 14 février a une incidence sur ses droits en l’espèce, la loi est claire. Le fait que l’appelante se soit fiée à un avis erroné de l’intimée, qui l’a amenée à commettre une erreur quant à son admissibilité aux prestations, ne permet pas au Tribunal de refuser d’appliquer la loi, même pour des raisons d’équité (Nadji c Canada [P.G.], 2016 CF 885; 2016 CF 885 [CanLII]). La présente affaire doit donc être tranchée sur la base des principes juridiques énoncés précédemment. L’avis erroné à lui seul ne donne pas à l’appelante une base juridique pour annuler la décision de l’intimée.

Troisième question en litige : Compte tenu de toutes les circonstances, l’appelante n’avait-elle pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi?

[26] Selon la prépondérance des probabilités et compte tenu de toutes les circonstances, l’appelante doit prouver qu’elle n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi.

[27] Compte tenu de toutes les circonstances en l’espèce, l’appelante n’avait pas d’autre solution raisonnable que de démissionner.

[28] L’intimée a proposé les mesures suivantes qu’elle considérait comme étant des solutions de rechange raisonnables : continuer de travailler, tout en cherchant un autre emploi et en attendant son habilitation de sécurité, demander un congé pour se présenter à des entrevues d’emploi, se rapprocher du lieu de travail ou faire du covoiturage.

[29] En ce qui concerne la possibilité pour l’appelante de continuer de travailler tout en cherchant un autre emploi (y compris demander un congé) et en attendant l’habilitation de sécurité, le principe veut que de continuer de travailler jusqu’à l’obtention d’un nouvel emploi soit généralement une solution de rechange raisonnable à la décision unilatérale de quitter un emploi (Canada [P.G.] c Graham, 2011 CAF 311). Il ne s’agissait pas simplement de cela en l’espèce. L’appelante a été embauchée pour exécuter un travail exigeant une connaissance des programmes informatiques et du contrôle des stocks. Elle possédait les qualifications et l’expérience requises pour ce poste. Ce qu’elle ne savait pas est qu’elle ne serait pas autorisée à faire ce travail avant l’obtention de son habilitation de sécurité. Elle ignorait que le délai pour l’obtention de l’habilitation de sécurité pourrait être de six mois ou plus, voire jusqu’à trois ans. Dans l’intervalle, elle devait vérifier auprès d’autres employés s’il y avait des tâches non spécialisées qui pouvaient lui être confiées. Elle ne s’est pas simplement levée pour remettre sa démission. Elle a parlé à la gestionnaire des ressources humaines de sa situation et à la Commission au sujet des prestations d’AE avant de décider de quitter son emploi. Pour une personne comme l’appelante, avec ses compétences, son expérience et son éthique de travail, il était intolérable de demeurer en poste à chercher du travail, en étant incertaine dans combien de temps elle pourrait exercer les fonctions pour lesquelles elle avait été embauchée, ou des fonctions se rapprochant de celles-ci. Elle s’est retrouvée dans une situation où l’employeur a manqué à sa promesse de respecter ses fonctions et l’a forcée à accomplir d’autres tâches non spécialisées, pendant une période qui allait probablement être plus que temporaire. Dans ces circonstances particulières, elle n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi.

[30] Pour ce qui est de se rapprocher du lieu de travail, ce n’était pas une solution raisonnable. Le lieu de travail se trouvait dans une base militaire d’une région éloignée. L’appelante vivait dans une ville située à une heure de route. Elle vivait avec son conjoint près de cette ville où il avait une entreprise. Elle cherchait du travail principalement dans cette ville et la région immédiate. Dans ces circonstances, particulièrement pendant la période de probation de six mois, se rapprocher n’était pas une option raisonnable.

[31] En ce qui concerne le covoiturage, aucun des autres employés ne vivait près de la ville où habitait l’appelante. Le covoiturage n’était donc pas une option et ne constituait donc pas une solution raisonnable.

[32] L’appelante avait envisagé une autre solution raisonnable lors son entrevue d’emploi. Elle avait demandé si l’employeur avait un bureau dans sa ville. Le bureau de l’employeur le plus proche se trouvait à Toronto, à une plus grande distance de sa résidence que la base militaire où l’emploi était situé. L’employeur ne pouvait envoyer l’appelante dans une autre base militaire, puisqu’il s’agissait d’une société privée qui n’avait pas le pouvoir de transférer ses employés dans une autre base.

[33] Pour toutes les raisons susmentionnées, l’appelante a satisfait au critère juridique relatif à la justification pour quitter volontairement son emploi. Son appel est accueilli, et l’exclusion de l’appelante du bénéfice des prestations d’AE au motif qu’elle a quitté volontairement son emploi sans justification est annulée.

Conclusion

[34] L’appel est accueilli.

 

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 10 juillet 2019

En personne

M. W., appelante

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