Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est accueilli et la décision que la division générale aurait dû rendre est rendue. J. N. (prestataire) n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploi parce qu’elle a volontairement pris un congé sans justification.

Aperçu

[2] La prestataire travaillait comme technicienne en imagerie diagnostique. Elle a pris un congé pour suivre un programme de formation qui améliorerait son employabilité. Si elle n’avait pas suivi ce programme à ce moment-là, elle aurait dû attendre environ sept ans avant de pouvoir le faire de nouveau. La prestataire a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé qu’elle ne pouvait pas verser de prestations d’assurance-emploi à la prestataire parce qu’elle avait volontairement quitté son emploi sans justification.

[4] La prestataire a interjeté appel de cette décision au Tribunal. La division générale du Tribunal a accueilli l’appel et a décidé que la prestataire était fondée à quitter volontairement son emploi et qu’elle était admissible aux prestations d’assurance-emploi.

[5] La Commission a interjeté appel de la décision de la division générale à la division d’appel. L’appel est accueilli parce que la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a décidé que la prestataire était fondée à quitter son emploi. La prestataire n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploi.

Question préliminaire

[6] L’avis d’audience a été envoyé à la prestataire à l’adresse qu’elle a fournie au Tribunal. Elle en a accusé réception. Je suis convaincue qu’elle a reçu l’avis d’audience. J’ai attendu vingt minutes qu’elle se connecte à la téléconférence avant de commencer l’audience. La prestataire ne s’est pas connectée à l’appel. Le Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale dispose que l’audience peut avoir lieu en l’absence d’une partie si celle-ci en a été aviséeNote de bas de page 1. L’audience a eu lieu en l’absence de la prestataire.

Question en litige

[7] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit lorsqu’elle a décidé que la prestataire était fondée à s’absenter de son emploi?

[8] Le cas échéant, quelle mesure corrective la division d’appel devrait-elle accorder?

Analyse

[9] La Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) régit le fonctionnement du Tribunal. Elle énonce les trois seuls moyens d’appel que la division d’appel peut prendre en considération. Ces moyens sont les suivants : la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle, elle a commis une erreur de droit, ou elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissanceNote de bas de page 2. La Commission soutient que la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a décidé que le fait pour la prestataire de s’absenter de son emploi pour suivre le programme de formation constituait une justification dans l’ensemble des circonstances.

[10] La Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE) dispose qu’un prestataire qui prend volontairement une période de congé sans justification n’a pas droit à des prestations si la période de congé a été autorisée par l’employeur; et si le prestataire et l’employeur ont convenu de la date à laquelle le prestataire reprendrait son emploiNote de bas de page 3. En l’espèce, la prestataire a volontairement pris un tel congé. Elle a pris un congé sans solde du 2 septembre 2018 au 4 octobre 2019 pour participer à un programme d’échographie diagnostique. Même s’il s’agissait d’un programme à temps partiel, l’endroit de sa tenue était trop éloigné de l’emplacement de son employeur pour qu’elle puisse continuer à travailler pendant qu’elle y participaitNote de bas de page 4.

[11] Par conséquent, la division générale aurait dû déterminer si la prestataire est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi au titre de cette disposition de la Loi sur l’AE. L’inadmissibilité en raison d’un congé non justifié est différente de l’inadmissibilité en raison du départ d’un emploi.  La division générale n’a pas tenu compte de cette distinction. C’est une erreur de droit. Il faut donc accueillir l’appel.

[12] La Loi sur l’AE dispose qu’un prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il a volontairement quitté son emploi sans justificationNote de bas de page 5. Le même critère juridique relatif à la justification est utilisé pour déterminer si un prestataire est inadmissible au titre de la disposition sur le congé. Dans les deux cas, le prestataire est fondé à quitter son emploi si son départ était la seule solution raisonnable dans son cas, compte tenu de toutes les circonstances (la loi fournit également une liste de circonstances qui doivent être prises en considération dans les cas de départ volontaire)Note de bas de page 6.

[13] Les faits ne sont pas contestés. La prestataire a quitté son emploi pour suivre un programme de formation spécialisée. Si elle ne l’avait pas fait à ce moment-là, son nom serait revenu sur une liste d’attente et elle n’aurait probablement pas eu une autre occasion d’y assister pendant environ sept ans. De plus, après avoir travaillé à temps plein pendant l’été, elle retournait au statut de travail occasionnel ou sur demande pour l’employeur.

[14] La division générale a décidé que, dans les circonstances, la prestataire n’avait pas d’autre solution raisonnable que de prendre un congé lorsqu’elle l’a faitNote de bas de page 7, et elle a invoqué l’arrêt Laughland. Dans LaughlandNote de bas de page 8, l’employeur du prestataire allait fermer l’entreprise. Le prestataire a quitté son emploi et a suivi un cours de formation qui offrait une assurance raisonnable de travail à temps plein à la fin. La Cour d’appel fédérale s’est exprimée comme suit : 

le fait de quitter volontairement son emploi pour suivre un cours de formation qui n’est pas autorisé par la Commission ne constitue pas un « motif valable » au sens de l’article 29 [...]. Le régime d’assurance-emploi a pour objectif de protéger les personnes pour qui le fait de quitter est la seule solution raisonnable.  Cet objectif ne consiste pas à fournir à des personnes qui ont un emploi instable qu’ils quittent sans motif valable des prestations lorsqu’elles recherchent un travail plus intéressant et mieux payéNote de bas de page 9.

D’autres décisions des tribunaux indiquent clairement que le fait de quitter un emploi pour poursuivre des études n’est pas une justification valable au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 10.

[15] La division générale a commis une erreur de droit parce qu’elle n’a pas appliqué aux faits qui lui ont été présentés ce principe juridique tiré de l’arrêt Laughland (selon lequel le fait de quitter son emploi pour suivre un cours n’est pas une justification valable de quitter le travail). Par conséquent, l’appel doit être accueilli pour ce motif également.

Mesure corrective

[16] La Loi sur le MEDS énonce les mesures correctives que la division d’appel peut accorder lorsqu’un appel est accueilli, y compris rendre la décision que la division générale aurait dû rendre ou renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamenNote de bas de page 11. Elle dispose également que le Tribunal peut trancher des questions de droit ou de fait pour statuer sur un appelNote de bas de page 12. Le Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale exige que l’instance se conclue de la manière la plus expéditive que l’équité et la justice naturelle le permettentNote de bas de page 13. Le dossier dont je dispose est complet. Les faits ne sont pas contestés. La prestataire a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi en septembre 2018, il y a donc un certain temps. Il y aurait un retard supplémentaire si l’affaire était renvoyée à la division générale pour réexamen. Il convient donc que je rende la décision que la division générale aurait dû rendre.

[17] Les faits sont résumés ci-dessus. Il n’est pas contesté que la prestataire a quitté son emploi de technicienne en imagerie diagnostique pour suivre un programme de formation spécialisée. Son employeur a autorisé son congé et ils ont convenu d’une date de retour au travail. La prestataire n’avait pas été dirigée vers ce programme.

[18] La question est donc de savoir si la prestataire avait une justification valable de prendre congé du travail. La division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a décidé que le fait pour la prestataire de quitter son travail pour suivre un programme de formation était justifié au titre de la Loi sur l’AENote de bas de page 14. La loi est claire, même s’il y a une bonne raison de le faire, ce n’est pas une justification valable.

[19] De plus, la Cour d’appel fédérale indique que le désir qu’a le prestataire d’améliorer sa situation financière peut constituer motif valable de quitter un emploi, mais il ne constitue pas une justificationNote de bas de page 15. Je conviens avec la Commission que la prestataire avait un motif valable de prendre un congé de son emploi. Toutefois, ce n’était une justification de le faire au titre de la Loi sur l’AE; il y a justification si son départ constitue la seule solution raisonnable dans son cas. La prestataire aurait pu continuer à travailler de façon occasionnelle jusqu’à ce qu’elle soit mutée à un lieu de travail plus pratique ou qu’elle aurait pu déployer des efforts pour obtenir un autre emploi pendant qu’elle suivait le programme.

[20] Par conséquent, la prestataire n’était pas fondée à prendre un congé et elle n’est pas admissible aux bénéfices de prestations d’assurance-emploi au titre de la disposition sur le congé.

Conclusion

[21] L’appel est accueilli.

[22] La prestataire n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploi.

 

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 26 juin 2019

Téléconférence

Louise Laviolette, représentante de l'appelante

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