Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli.

Aperçu

[2] M. P., l’appelante, est conductrice d’autobus scolaire pour X, qui dessert la Commission scolaire des X. L’appelante est assignée au circuit 222. Elle est membre et chef syndicale du syndicat Union des employés et employées de service, section locale 800.

[3] La convention collective se termine le 31 juillet 2017. L’employeur demande des rencontres de négociation le 31 mai 2017. Il y a rupture de la négociation le 4 octobre 2017. Un conciliateur est nommé et des rencontres ont lieu à plusieurs reprises entre le 8 novembre 2017 et le 13 novembre 2018. Des avis de grève sont également émis par le syndicat. Le 2 novembre 2018, l’employeur décide d’un lock-out. Après une semaine de lock-out, la Commission scolaire des X décide de résilier le contrat de transport scolaire avec X. Finalement, le 26 novembre 2018, l’appelante reçoit un avis de licenciement.

[4] L’appelante présente une demande pour recevoir des prestations d’assurance emploi. La Commission refuse de lui verser des prestations d’assurance emploi à partir du 5 novembre 2018, parce qu’elle a perdu son emploi en raison d’un conflit de collectif.

[5] Selon la Commission, le conflit de collectif n’est pas terminé malgré la lettre de licenciement. Par ailleurs, le circuit 222 n’est pas visé par le lock-out puisqu’il appartient à l’entreprise. Ainsi, l’appelante aurait pu conserver son circuit en travaillant chez X. De plus, l’appelante a toujours un intérêt dans le conflit.

[6] Selon l’appelante, elle a été licenciée, elle est donc admissible à recevoir des prestations. Depuis son licenciement, elle n’est plus directement intéressée par le conflit collectif, elle ne le finance pas et elle n’y participe pas.

Question en litige

Est-ce que l’appelante est inadmissible à recevoir des prestations en raison d’un conflit collectif au sens du paragraphe 36 (1) de la Loi sur l’assurance emploi (Loi) à partir du 5 novembre 2018 ?

Analyse

[7] Le Tribunal doit déterminer si une inadmissibilité doit être imposée à l’appelante en vertu du paragraphe 36 (1) de la Loi.

[8] Selon le paragraphe 36 (1) de la Loi :

« Sous réserve des règlements, le prestataire qui a perdu un emploi ou qui ne peut reprendre un emploi en raison d’un arrêt de travail dû à un conflit collectif à l’usine, à l’atelier ou en tout autre local où il exerçait un emploi n’est pas admissible au bénéfice des prestations avant

  1. a) la fin de l’arrêt de travail ou
  2. b) s’il est antérieur, le jour où il a commencé à exercer ailleurs d’une façon régulière un emploi assurable. »

[9] Le paragraphe 36 (4) de la Loi prévoit que ce principe ne s’applique pas si le prestataire, en l’occurrence l’appelante, prouve qu’il ne participe pas au conflit collectif qui a causé l’arrêt de travail qu’il ne le finance pas et qu’il n’y est pas directement intéressé.

[10] Le but de la Loi est de permettre à des personnes qui perdent leur emploi involontairement de recevoir des prestations d’assurance emploi. Cela ne doit pas servir à financer les conflits collectifsNote de bas de page 1.

[11] C’est la Commission qui doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelante n’est pas admissible à recevoir des prestationsNote de bas de page 2 parce qu’il y a un arrêt de travail en raison d’un conflit collectif.

[12] Il n’est pas contesté l’existence d’un conflit collectif dans le cadre de la négociation d’une convention collective. Il n’est pas contesté que l’appelante n’est pas admissible à recevoir des prestations d’assurance emploi avant son licenciementNote de bas de page 3, soit à partir du 5 novembre 2018 jusqu’au licenciement.

[13] Je rappelle le contexte, la convention collective est échue depuis le 31 juillet 2017. L’employeur a demandé des rencontres pour négocier le 31 mai 2017. Il y a rupture des négociations le 4 octobre 2018. Les salariés ont débrayé quelques jours. Un conciliateur est nommé et des rencontres ont lieu à plusieurs reprises entre le 8 novembre 2018 et le 13 novembre 2018.

[14] Le 2 novembre 2018, X décrète un lock-out. Le 13 novembre 2018, la Commission scolaire résilie le contrat transport exclusif à X, puisqu’il n’a pas assuré le transport pendant 7 jours consécutifs. Le 26 novembre 2018, X licencie l’appelante.

[15] Selon la Commission, même si l’appelante a été licenciée, le conflit de travail n’est pas réglé. Il existe un intérêt pour l’appelante dans ce conflit. Elle n’est pas admissible à recevoir des prestations d’assurance emploi à partir du 5 novembre 2018.

[16] Par ailleurs, la Commission soumet que l’appelante aurait pu continuer de travailler, puisque le circuit 222 n’était pas touché par le lock-out. Selon l’employeur, l’appelante aurait pu continuer de travailler pour la filiale X. De plus, un poste de chauffeur d’autobus scolaire a été affiché au mois de février 2019. L’appelante aurait pu également poser sa candidature.

[17] Enfin, X n’a pas fermé ses portes et il n’y a pas eu une restructuration de l’entreprise. Par conséquent, l’arrêt de travail en raison du conflit collectif n’a pas cessé.

[18] Selon l’appelante, à partir du moment où elle est licenciée, l’arrêt de travail en raison du conflit collectif est terminé.

[19] Je retiens que depuis 2006 l’appelante travaille à titre de chauffeuse d’autobus scolaire pour X qui est une filiale du groupe X. En fait, le groupe X détient plusieurs filiales dont X et X.

[20] L’appelante a témoigné qu’on lui a attribué le circuit 222 à partir de 2013. Le circuit 222 n’appartient pas à X. S. G. du Groupe X a demandé à l’appelante d’assurer le transport sur le circuit 222. Il s’agit d’un transport adapté pour les personnes handicapées. Le circuit appartient à X qui est une filiale du Groupe X. Elle a communiqué avec le président du syndicat de chez X pour s’assurer qu’il n’y avait pas de problème.

[21] Lorsqu’elle a pris possession de l’autobus pour le transport adapté, elle a constaté que l’autobus était identifié et immatriculé au nom de X.

[22] Lors du premier jour de grève, l’autobus de l’appelante n’est pas sorti pour assurer le transport du circuit 222. Le lendemain, l’employeur a sorti un autobus pour assurer le circuit 222. C’est à ce moment-là que l’appelante s’est opposée à la sortie de l’autobus. Les policiers sont intervenus. L’Union des employées et employés de service, section 800, a demandé au ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale d’enquête sur la possibilité que X ne respecte pas les dispositions anti-briseurs. L’enquêteur a conclu que les dispositions anti-briseurs de grève ne seraient pas respectées. Il appartient toutefois au Tribunal administratif du travail d’en décider.

[23] À la suite du lock-out, un représentant du Groupe X est venu prendre possession de l’autobus scolaire de l’appelante. Il a informé l’appelante qu’il n’y avait plus de contrat et il a récupéré l’autobus. Elle n’a pas reçu de demande de la part du représentant du Groupe X pour assurer le circuit 222.

[24] Toujours selon le témoignage de l’appelante, depuis le licenciement, elle n’a pas participé au conflit collectif, elle ne l’a pas financé et elle n’est plus directement intéressée, parce qu’elle n’a pas le droit d’être rappelée au travail.

[25] Selon l’appelante, son lien d’emploi n’est pas avec le circuit 222 comme le prétend la Commission, mais avec X. Elle dépose ses talons de paye pour le démontrer. De plus, elle a été licenciée comme les autres employés de X.

[26] Je retiens que le témoignage de l’appelante est crédible et que ses explications sont plausibles et appuyées par la preuve.

[27] J’estime que le lien d’emploi de l’appelante est avec X. Elle exécute les tâches que lui attribuent X. C’est ce qu’elle a fait lorsqu’on lui a demandé d’assurer le transport pour le circuit 222. J’accorde peu de poids aux renseignements obtenus par la Commission auprès de différents intervenants du Groupe X. J’accorde plus de poids au témoignage franc, direct de l’appelante lors de l’audience. De plus, elle a soumis les fiches de contrôle de l’autobus pour le circuit 222 qui sont au nom de X et ses talons de paye émis par X.

[28] Je suis d’avis que le licenciement de l’appelante le 26 novembre 2018 a mis fin à l’arrêt de travail en raison d’un conflit collectif. L’employeur a lui-même déclaré qu’il n’y avait pas de retour possible au travail. En effet, étant donné qu’ils ont été licenciés, ils n’ont pas le droit de rappel. Bien que l’employeur a déclaré que l’entreprise n’était pas fermée, elle a tout de même cessé ses activités et licencié ses employées.

[29] Je suis d’avis que la Commission s’est basée sur des hypothèses plutôt que les faits. Ainsi, selon les faits, l’appelante est une employée de X. La convention collective est échue depuis le 31 juillet 2017. Les négociations entre les parties n’ont pas fonctionné. Il y a eu quelques jours de grèves. Le 2 novembre 2018, X décrète un lock-out. Peu de temps après, la Commission scolaire des X résilie le contrat de transport avec X, parce qu’il n’a pas assuré le service de transport pendant 7 jours consécutifs. L’employeur décide de licencier les employés de X le 26 novembre 2018.

[30] Pour le reste, il s’agit d’hypothèses : est-ce que X va obtenir un nouveau contrat dans deux ans avec la Commission scolaire ? Est-ce que le dossier va se régler ? Personne n’est en mesure de répondre à ces questions. La preuve démontre que l’appelante a été licenciée le 26 novembre 2018 sans un retour possible au travail et qu’il n’y a plus d’activités chez X. J’estime que l’objectif de la Loi n’est pas de faire en sorte que des travailleurs licenciés sans retour possible au travail et qui ne participent plus au conflit, qui ne sont plus directement intéressés,  ni ne le financent demeurent inadmissibles à recevoir des prestationsNote de bas de page 4, parce que l’entreprise n’a pas fermé, alors qu’elle a cessé ses activités.

[31] Je suis également d’avis que depuis son licenciement l’appelante n’est plus intéressée directement dans le conflit. D’ailleurs, contrairement aux affirmations de la Commission dans son argumentaire, l’employeur a déclaré que les employés n’ont pas le droit d’être rappelés au travail, parce qu’ils ont été licenciés. De plus, depuis son licenciement l’appelante ne participe plus au conflit collectif ni ne le finance.

[32] Le licenciement est donc indépendant de la volonté de l’appelanteNote de bas de page 5. La Loi vise à aider les travailleurs qui se retrouvent sans emploi indépendamment de leur volonté. 

[33] Cependant, je suis d’avis que la fin de l’arrêt de travail ne se termine pas le 13 novembre 2018 comme le prétend l’appelante. La résiliation du contrat de transport est la cause du licenciement, mais l’appelante a été licenciée le 26 novembre 2018.

[34] Dans ce contexte, je suis d’avis que la Commission n’a pas démontré que l’appelante est inadmissible à recevoir des prestations d’assurance emploi à partir du 26 novembre 2018, parce qu’elle a perdu son emploi en raison d’un conflit collectif. L’appelante a perdu son emploi le 26 novembre 2018 en raison d’un licenciement.

Conclusion

[35] Je conclus que l’appelante est admissible à recevoir des prestations d’assurance emploi à partir du 26 novembre 2019, parce que l’arrêt de travail en raison du conflit collectif est terminé. De plus, depuis son licenciement, l’appelante ne participe pas au conflit collectif, elle ne le finance pas et elle n’est pas directement intéressée.

[36] L’appel est accueilli.

 

Date de l’audience :

Le 27 juin 2019

Mode d’audience :

En personne

Comparutions :

M. P., appelante,

Jérémie Dhavernas représentant de l’appelant

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.