Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] J’accueille l’appel de S. K.. L’employeur a congédié le prestataire pour inconduite, mais ce dernier ne pouvait pas savoir que ses gestes mèneraient à son congédiement.

Aperçu

[2] Le prestataire était superviseur du service à la clientèle et son employeur lui a attribué un téléphone cellulaire de l’entreprise en lui permettant de l’utiliser à des fins personnelles. Or, comme le prestataire a pris des photos compromettantes au moyen dudit téléphone, l’employeur l’a congédié. Le prestatire a présenté une demande de prestations d’assurance‑emploi, mais la Commission de l’assurance-emploi du Canada a rejeté sa demande parce qu’il avait été congédié pour inconduiteFootnote 1. Il interjette appel de la décision de la Commission.

Questions en litige

[3] Pourquoi l’employeur a-t-il congédié le prestataire?

[4] Le prestataire a-t-il pris des photos compromettantes au moyen du téléphone cellulaire de l’entreprise?

[5] Le fait de prendre des photos compromettantes constitue-t-il une inconduite?

Analyse

[6] C’est à la Commission qu’il incombe de prouver que le congédiement est attribuable à l’inconduite du prestataire. En l’espèce, le fardeau de la preuve repose sur la prépondérance des probabilités, c’est-à-dire qu’il est plus probable qu’improbable que les faits ou les événements se soient produits.

[7] Je n’ai pas à déterminer si le congédiement était justifié ou non. Mon rôle consiste plutôt à déterminer si le prestataire a posé les gestes que lui reproche son employeur. Je dois également déterminer si ces gestes constituent une inconduite au sens de la loiFootnote 2.

Première question en litige : Pourquoi l’employeur a-t-il congédié le prestataire?

[8] L’employeur a congédié le prestataire parce que ce dernier a pris des photos compromettantes avec le cellulaire de l’entreprise.

[9] La Commission fait valoir que l’employeur a congédié le prestataire parce que ce dernier a pris des photos compromettantes de certaines personnes avec le téléphone cellulaire de l’entreprise. L’employeur affirme que le prestataire a utilisé le téléphone de façon inappropriée et que c’est pour cette raison qu’il a été congédié.

[10] Le prestataire reconnaît qu’il a été congédié parce qu’il a utilisé le téléphone à mauvais escient.

Deuxième question en litige : Le prestataire a-t-il pris des photos compromettantes au moyen du téléphone cellulaire de l’entreprise?

[11] Oui, le prestataire a pris des photos compromettantes avec le téléphone cellulaire de l’entreprise.

[12] Il faut une preuve suffisamment détaillée pour déterminer si le prestataire a fait ce que son employeur lui reproche. Je dois ensuite déterminer si ces gestes constituent une inconduiteFootnote 3.

[13] La Commission soutient que le prestataire a utilisé le téléphone de l’entreprise pour prendre des photographies compromettantes de certaines personnes sans leur consentement. Le prestataire reconnaît qu’il a effectivement utilisé le téléphone de l’entreprise pour prendre certaines personnes en photo à leur insu. Il admet avoir utilisé le téléphone pour photographier ces personnes pendant qu’elles étaient dans un salon de bronzage.

[14] Compte tenu des aveux du prestataire, je conclus qu’il a bel et bien pris des photographies compromettantes avec le téléphone cellulaire de l’entreprise.

Troisième question en litige : Le fait de prendre des photos compromettantes constitue-t-il une inconduite?

[15] Non. Les gestes du prestataire ne constituent pas une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[16] Il y a inconduite lorsque les gestes de l’employé sont délibérés, c’est-à-dire que les gestes ayant mené au congédiement ont été posés de façon consciente, volontaire et intentionnelle. Autrement dit, il y a inconduite lorsque l’employé savait, ou aurait dû savoir, que ses gestes pouvaient nuire au respect de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, le congédiement était une réelle possibilitéFootnote 4. Un geste criminel a beau être répréhensible, il ne constitue pas nécessairement une inconduiteFootnote 5.

[17] Je n’ai aucun doute sur le fait que le prestataire, qui a pris des photos compromettantes au moyen du téléphone, a agi intentionnellement; je dois plutôt déterminer s’il savait, ou s’il aurait dû savoir, qu’il était réellement possible que ses gestes entraînent son congédiement.

[18] La Commission soutient que l’employeur avait une politique concernant l’utilisation du téléphone cellulaire. L’employeur a déclaré qu’il permet l’utilisation des téléphones de l’entreprise à des fins personnelles. Il a cependant ajouté que les employés devaient agir raisonnablement. À titre d’exemple, l’employeur n’autorise pas les appels internationaux. L’employeur n’a pas fourni de politique écrite à la Commission. Par conséquent, la Commission n’a présenté aucune politique en preuve.

[19] Le prestataire soutient qu’il ne se rappelle pas avoir signé de politique ou de document concernant l’utilisation du téléphone cellulaire à des fins personnelles. Il se rappelle avoir signé certaines politiques au moment où son employeur a fusionné avec une autre entreprise, mais il ne les a pas lues. Dans son témoignage, le prestataire a affirmé que lors de son embauche, son superviseur lui a mentionné qu’il pouvait utiliser le téléphone cellulaire de l’entreprise à des fins personnelles.

[20] Le prestataire soutient que ses collègues utilisaient eux aussi à des fins personnelles le téléphone que l’entreprise leur avait fourni. En effet, ceux-ci prenaient des photos personnelles au moyen de ce téléphone. Le prestataire affirme qu’ils lui avaient montré des photos personnelles prises avec le téléphone cellulaire que l’entreprise leur prêtait.

[21] Compte tenu de l’aveu du prestataire et en l’absence de politique écrite devant moi, je conclus que la politique de l’employeur permettait aux employés d’utiliser les téléphones cellulaires de l’entreprise à des fins personnelles.

[22] Le prestataire n’avait pas absolument besoin d’un téléphone cellulaire pour faire son travail. En effet, en plus du cellulaire, l’employeur lui fournissait une ligne fixe et un ordinateur. Je ne dispose d’aucune preuve pouvant me laisser croire que l’employeur congédierait le prestataire si ce dernier perdait ou brisait le téléphone cellulaire.

[23] Le prestataire a utilisé le téléphone cellulaire de l’entreprise à des fins personnelles pendant sa pause-repas pour prendre des photographies dans un salon de bronzage. Il soutient qu’il ne l’a utilisé qu’à ces fins personnelles, honteuses certes, mais en dehors des heures de travail. Il déclare aussi qu’il a été arrêté par la police et accusé de voyeurisme et que le téléphone cellulaire a été saisi comme preuve à son encontre. Le prestataire a informé son employeur des accusations portées contre lui et il a été congédié.

[24] Le prestataire affirme qu’il ignorait que son employeur le congédierait à la suite d’accusations criminelles. Le prestataire soutient que lorsqu’un autre employé a été accusé de conduite avec facultés affaiblies, au lieu de le congédier, l’employeur l’a aidé.

[25] Bien que les gestes du prestataire puissent être socialement inacceptables et qu’ils aient donné lieu à des accusations criminelles, une personne raisonnable dans une telle situation n’aurait pas pu savoir que de tels gestes entraîneraient son congédiement. L’employeur lui a remis un téléphone cellulaire et lui a dit qu’il pouvait l’utiliser à des fins personnelles. Les collègues du prestataire utilisent leur téléphone cellulaire pour prendre des photos personnelles en dehors des heures de travail. Le prestataire l’a utilisé pour prendre des photos pendant sa pause-repas. Il a commis un geste criminel et la police a saisi le téléphone cellulaire comme preuve.

[26] Je conclus que le prestataire ne savait pas et ne pouvait pas savoir que le fait de prendre des photos personnelles avec le téléphone cellulaire de l’entreprise, de commettre un crime ou de perdre le téléphone cellulaire de l’entreprise pourrait entraîner son congédiement. Par conséquent, les gestes du prestataire ne constituent pas une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[27] Le prestataire a droit à des prestations régulières. Il n’est pas exclu du bénéfice des prestations parce que son inconduite n’est pas à l’origine de son congédiementFootnote 6.

Conclusion

[28] J’accueille l’appel du prestataire.

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparution :

Le 29 juillet 2019

Téléconférence

M. B., appelante

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