Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli. Je conclus que la prestataire était fondée à quitter son emploi et qu’elle ne devrait pas être exclue du bénéfice des prestationsNote de bas de page 1.

Aperçu

[2] L’appelante, M. R. (la prestataire), a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi après avoir quitté son emploi chez X (l’employeure). La prestataire a indiqué qu’elle avait été congédiée, mais l’employeure a déclaré qu’elle ne s’était pas présentée au travail et qu’elle avait considéré qu’elle avait démissionné.

[3] L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission), a déterminé que la prestataire a quitté volontairement son emploi parce qu’elle est partie après avoir reçu une lettre d’avertissement. La Commission a conclu que c’est la prestataire qui a rompu la relation d’emploi. La prestataire n’était pas d’accord avec la décision de la Commission et a interjeté appel auprès du Tribunal de la sécurité sociale (le Tribunal). Elle a soutenu qu’elle avait fait l’objet d’un congédiement déguisé et que de nombreux facteurs n’avaient pas été pris en considération.

Questions préliminaires

[4] La prestataire n’était pas certaine si tous les renseignements pertinents avaient été versés au dossier. Elle a confirmé qu’elle avait toutes les pièces GD1, GD2, GD3, GD4 et GD5, mais a indiqué qu’elle avait l’impression que l’employeure n’avait pas fourni à la Commission tous les courriels qu’elle lui avait envoyés après son départ. La prestataire a accepté de procéder à l’audience, en indiquant qu’elle m’aviserait si elle estimait qu’il manquait certaines conversations dans les courriels de l’employeure au dossier.

Questions en litige

[5] La prestataire a-t-elle quitté volontairement son emploi?

[6] Dans l’affirmative, la prestataire était-elle fondée à quitter volontairement son emploi? Son départ était-il justifié compte tenu de l’une des circonstances suivantes :

  1. des relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur;
  2. des conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité;
  3. une modification importante de ses conditions de rémunération;
  4. des pratiques de l’employeur contraires au droit.

Analyse

[7] Un employé est fondé à quitter volontairement son emploi si son départ constitue la seule solution raisonnable, compte tenu d’une liste de circonstances énumérées. Le critère qu’il faut appliquer, compte tenu de l’ensemble des circonstances, consiste à déterminer si la prestataire avait une solution raisonnable autre que celle de quitter son emploi au moment où elle l’a faitNote de bas de page 2.

[8] Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justificationNote de bas de page 3.

Première question en litige : La prestataire a-t-elle quitté volontairement son emploi?

[9] Oui, je conclus que la prestataire a quitté volontairement son emploi lorsqu’elle a laissé ses clés sur le bureau et est partie.

[10] Il incombe à la Commission de prouver que la prestataire a quitté volontairement son emploi. Je conclus que la Commission s’est acquittée de ce fardeau parce que la prestataire a admis qu’elle avait effectivement laissé ses clés sur son bureau et qu’elle est partie sans jamais revenirNote de bas de page 4.

[11] Un relevé d’emploi (RE) a été produit parce que la prestataire ne s’est pas présentée au travail comme prévu. La Commission a communiqué avec l’employeure qui lui a dit qu’elle avait inscrit « K » parce qu’elle ne savait pas quoi indiquer dans le RE. L’employeure a déclaré que la prestataire ne s’était pas présentée au travail et qu’elle considérait donc qu’elle avait démissionné.

[12] La prestataire a dit à la Commission et m’a dit à l’audience qu’elle ne croit pas avoir démissionné, mais qu’elle estime avoir fait l’objet d’un congédiement déguisé. Elle a aussi reconnu que de laisser ses clés sur le bureau et de partir était une erreur.

[13] Bien que la prestataire croit qu’elle a été congédiée et que sa décision de laisser ses clés sur le bureau et de partir était une erreur, je conclus que c’est elle qui a rompu la relation employeur-employé parce qu’elle est partie sans jamais revenir.

Deuxième question en litige : La prestataire était-elle fondée à quitter volontairement son emploi?

[14] Il incombe au prestataire qui a quitté volontairement son emploi de prouver qu’il n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi à ce moment-là. Le critère qu’il faut appliquer, compte tenu de l’ensemble des circonstances, consister à déterminer si, selon la prépondérance des probabilités, la prestataire avait une solution raisonnable autre que celle de quitter son emploi au moment où elle l’a faitNote de bas de page 5.

[15] La Commission a informé l’employeure que la prestataire a déclaré qu’elle avait été congédiée après avoir reçu une lettre contenant des plaintes et une menace de congédiement, que Sharon (la gestionnaire) lui avait demandé de lui retourner la lettre, et que lorsqu’elle a refusé parce qu’elle voulait la lire au complet, la gestionnaire était devenue très agressive.

[16] L’employeure a dit à la Commission qu’elle n’était pas au bureau, mais que d’autres membres du personnel lui ont dit que la gestionnaire avait simplement demandé à la prestataire de lui rendre la lettre, car elle en avait besoin, qu’elle soit signée ou non. L’employeure a déclaré qu’elle avait visionné la vidéo de surveillance et qu’il n’y avait aucun signe de comportement agressif. Elle a dit que la vidéo montre la gestionnaire partir et que lorsqu’elle revient, la prestataire est partie. Elle a confirmé que la vidéo ne comportait pas de son.

[17] La Commission a informé l’employeure des déclarations de la prestataire selon lesquelles la gestionnaire s’était montrée agressive envers elle et avait violé ses limites personnelles par le passé. Elle a également indiqué à l’employeure que la prestataire croyait que la situation allait s’aggraver rapidement, de sorte que, craignant pour sa sécurité et ses biens, elle a posé ses clés sur son bureau et est partie. De plus, la prestataire a dit que lorsqu’elle a communiqué avec l’employeure, elle n’a reçu aucune aide, mais plutôt une confirmation qu’elle avait été congédiée.

[18] L’employeure a dit à la Commission que la gestionnaire ne s’était jamais montrée agressive. Elle a dit qu’elle avait envoyé un courriel à la prestataire, mais que celle-ci n’avait pas répondu, puis qu’elle lui avait envoyé un autre courriel et que cette fois-ci la prestataire avait répondu, mais seulement pour dire que son dernier jour de travail était le 7 décembre 2018 et qu’elle avait besoin de son RE. L’employeure a accepté de transmettre à la Commission les courriels et les lettres concernant la prestataire.

[19] L’employeure a indiqué à la Commission que la lettre qui avait été remise à la prestataire avait pour but qu’elle change son comportement et qu’il s’agissait d’une lettre d’avertissement et non d’une lettre de congédiement. Elle a dit qu’elle ne savait pas quoi faire à propos du RE de la prestataire et que c’est pour cette raison qu’il avait été produit en retard. Elle a dit qu’elle ne savait pas si la prestataire allait revenir et que c’est pour cette raison qu’elle avait envoyé les courriels, mais que lorsque la prestataire a répondu à son deuxième courriel pour l’informer de sa dernière journée de travail et demander son RE, elle savait qu’elle ne revendrait pas.

[20] L’employeure a fourni des copies par courriel de sa correspondance avec la prestataire ainsi que des lettres d’avertissement et des plaintes des clientsNote de bas de page 6.

[21] La Commission a communiqué avec la prestataire qui a convenu qu’elle était partie après avoir reçu la lettre. La prestataire a indiqué à la Commission qu’il y avait eu un incident où quelqu’un avait utilisé ses renseignements pour avoir accès à la base de données centrale Nuance. Elle a affirmé que tout s’est aggravé à partir du moment où l’employeure a été informée de l’incident par Nuance. Elle a dit que l’employeure la critiquait devant tout le monde au sujet de ses compétences en communication et qu’elle ne devait écrire aucune lettre à qui que ce soit tant qu’elle n’aurait pas acquis davantage de compétences en communication. Elle a déclaré que son travail consistait à écrire des lettres. La prestataire a déclaré qu’elle avait alors commencé à recevoir des lettres au sujet d’erreurs qu’elle avait commises et que des clients se plaignaient d’erreurs qui n’étaient pas les siennes.

[22] En ce qui concerne l’absentéisme, la prestataire a dit à la Commission qu’on lui avait accordé cinq jours de congé de maladie, mais qu’elle croit qu’elle n’avait été payée que pour trois jours. Elle a déclaré qu’en raison d’un accident survenu il y a deux ans, elle avait des problèmes de santé récurrents, mais que son employeure les connaissait bien. Elle a ajouté que parce qu’elle vivait loin de son travail, elle n’était pas en mesure de se présenter au travail lorsque les routes étaient mauvaises, mais que son employeure en était consciente.

[23] Pour ce qui est du chèque modifié, la prestataire a affirmé qu’elle ne se souvenait pas qu’une personne s’était présentée avec un marqueur noir et qu’elle doute qu’elle l’ait traité. Elle m’a confirmé à l’audience qu’elle ignorait ce qu’il en était.

[24] Concernant la plainte formulée par la cliente en deuil, la prestataire s’est expliquée à la Commission et a précisé à l’audience qu’elle ne croyait pas avoir été impolie ou insensible envers elle. Elle a expliqué que la cliente n’avait pas les documents appropriés et qu’elle avait donc appelé pour savoir comment elle pouvait l’aider. Elle a indiqué qu’elle avait avisé la cliente que sa documentation n’était pas suffisante et qu’elle devrait appeler un autre organisme gouvernemental, mais qu’il pourrait y avoir un délai de plus d’une heure avant de recevoir un retour d’appel. Elle a expliqué à la cliente qu’elle devrait être présente parce que l’organisme gouvernemental devrait lui parler directement. La prestataire a reconnu que la cliente n’était pas contente, mais a dit qu’il n’y avait rien d’autre qu’elle aurait pu faire. Elle a déclaré qu’elle devait respecter les politiques, les procédures et la loi. La prestataire a admis que la cliente était bouleversée lorsqu’elle est partie.

[25] La prestataire a dit à la Commission que son employeure avait aussi réduit ses heures de travail de quatre jours à trois jours par semaine. Elle a indiqué qu’elle n’avait jamais eu l’occasion de parler à son employeure de la réduction de ses heures de travail parce qu’elle n’avait eu lieu qu’au début de décembre. Elle a déclaré que l’employeure se comportait bizarrement ces derniers temps. Elle a indiqué que l’employeure lui disait qu’elle était l’employée qui faisait le plus d’erreurs au bureau et que le gouvernement la surveillait, ce qui lui donnait l’impression que l’employeure essayait de se débarrasser d’elle.

[26] La prestataire a dit à la Commission qu’elle n’était pas d’accord avec la déclaration de l’employeure selon laquelle la gestionnaire ne s’était jamais montrée agressive. Elle a déclaré avoir été témoin de plusieurs incidents. Elle a expliqué la situation qui s’est produite lorsque la gestionnaire l’a appelée dans son bureau et a commencé à lui crier après, et que tout le personnel du bureau pouvait entendre. Elle a dit que l’employeure avait été appelée et qu’après avoir parlé à la gestionnaire, celle-ci était venue lui présenter des excuses. Elle a indiqué que l’employeure ne venait pas souvent au bureau, peut-être une fois par semaine pendant quelques minutes.

[27] La prestataire a dit à la Commission qu’elle n’avait jamais cherché d’autre emploi parce qu’elle n’avait aucune intention de quitter son travail. Elle a déclaré que de manière générale, c’était un excellent endroit où travailler. Elle aimait son emploi, mais elle n’est pas revenue après le 7 décembre 2018 parce qu’elle craignait pour sa sécurité et qu’elle éprouvait de l’anxiété et du stress à l’idée de devoir traiter avec la gestionnaire. La prestataire a indiqué à la Commission qu’elle n’avait pas d’autre choix que de travailler avec la gestionnaire.

[28] La prestataire a fourni des copies de courriels et de lettres d’avertissementNote de bas de page 7.

[29] La prestataire a confirmé que l’incident où la gestionnaire a arraché le téléphone du mur s’était produit avant 2011, et que l’incident impliquant D., où la gestionnaire lui avait crié après, a eu lieu en 2014. Elle a dit que les choses prenaient de l’ampleur avec la gestionnaire et qu’elle était certaine que cela se reproduirait.

[30] La prestataire a confirmé à la Commission qu’elle n’avait pas répondu au courriel de l’employeure du 7 décembre 2018 et qu’elle ne lui avait pas parlé. Elle a dit qu’elle était contrariée et qu’elle aurait peut-être pu mieux gérer la situation. Elle a déclaré qu’elle croyait que l’employeure allait lui indiquer la sortie parce qu’elle l’avait fait à d’autres employés et parce que les deux plaintes étaient rapprochées dans le temps, ainsi qu’en raison de la formulation de la lettre.

[31] La prestataire a répété à la Commission qu’elle croyait que tout cela avait commencé à la suite de l’incident relatif à Nuance et que l’employeure était toujours très en colère. Elle a affirmé qu’elle avait été humiliée par la suite et que l’employeure avait commencé à lui enlever ses heures de travail.

[32] L’employeure a fourni une explication à la Commission au sujet de la question de Nuance. L’employeure a nié avoir crié après la prestataire et lui avoir jamais dit qu’elle n’était pas autorisée à écrire des lettres.

[33] L’employeure a dit à la Commission que les heures de travail de la prestataire n’avaient jamais été réduites et qu’elle travaillait à temps partiel le lundi, le vendredi et le samedi. Elle a déclaré qu’on demandait à la prestataire de travailler le mercredi s’ils manquaient de personnel. Elle a dit que la prestataire avait travaillé le mercredi les trois derniers mois.

[34] La Commission a interrogé l’employeure au sujet de l’incident du client qui passait un examen pour obtenir un permis de classe 4 et lui a demandé s’il avait besoin d’un rapport médical. L’employeure a confirmé qu’il devait en fournir un, qu’elle se souvenait de l’incident et qu’elle vérifierait cela.

[35] L’employeure a indiqué à la Commission qu’avant l’avertissement écrit du 30 novembre 2018, la prestataire avait reçu plusieurs avertissements verbaux. Elle a déclaré qu’elle ne les avait documentés par écrit parce qu’il s’agissait simplement de discussions avec la prestataire visant à corriger ses erreurs. L’employeure a dit à la Commission qu’elle n’aimait pas donner des lettres d’avertissement. Elle a dit qu’elle aurait dû congédier la prestataire en raison de l’interaction qu’elle avait eue avec la cliente en deuil. Elle a indiqué que la prestataire avait fait pleurer la cliente et que d’autres employés du bureau avaient dû la consoler. Elle a convenu qu’elle n’était pas très souvent au bureau.

[36] La prestataire a fourni à la Commission son horaire de travailNote de bas de page 8.

[37] La prestataire a confirmé à la Commission qu’elle avait été embauchée à temps partiel au départ, mais qu’au cours des 6 derniers mois, elle avait travaillé à raison de 4 jours par semaine, 30 heures par semaine, ce qui en Alberta est considéré comme un emploi à temps plein. Elle n’était pas d’accord avec l’employeure pour dire qu’elle avait demandé de travailler à temps partiel pour étudier.

[38] À la suite de la décision de la Commission de refuser à la prestataire des prestations, elle a présenté une demande de réexamen. Elle a dit à la Commission qu’elle n’affirmait pas que les plaintes n’avaient pas été formulées, mais qu’elle ne croyait pas que les avertissements étaient justifiés. La prestataire a admis qu’elle n’avait pas cherché un autre emploi avant de quitter parce qu’elle aimait son emploi. Elle a convenu qu’elle ne se sentait pas en sécurité à cause de la gestionnaire qui avait des problèmes d’agressivité et de tempérament depuis longtemps. Elle a dit qu’elle ne savait pas de quoi la gestionnaire était capable. Elle reconnaît que les principaux incidents se sont produits en 2011 et en 2018 et qu’il y a eu des problèmes mineurs par la suite. Elle a indiqué qu’elle n’avait pas parlé à l’employeure au moment de l’incident parce qu’elle n’était pas au bureau et qu’il lui a fallu un peu de temps pour se calmer après l’incident.

[39] La prestataire a dit à la Commission que son stress s’intensifiait et qu’elle avait été prise par surprise par les deux lettres qu’elle avait reçues. Elle a déclaré qu’elle ne savait pas de qui elles provenaient et qu’elle avait l’impression qu’on voulait avoir sa peau. Elle a convenu qu’elle n’était pas allée voir un médecin ou qu’on ne lui avait pas conseillé de démissionner.

[40] La prestataire a dit à la Commission qu’elle n’avait pas l’impression que l’employeure agissait en fonction des paramètres qu’elle aurait dû respecter et que cela la mettait dans une situation inconfortable. Elle a affirmé que les choses ont empiré au fil du temps.

[41] À l’audience, la prestataire m’a raconté à nouveau l’incident survenu entre elle et la gestionnaire le 7 décembre 2018.

[42] La prestataire s’inquiétait du fait que l’employeure avait dit à la Commission qu’elle avait communiqué avec elle à deux reprises. Elle n’était pas d’accord avec cette déclaration et a soutenu que l’employeure n’avait répondu qu’à son courriel initial, et d’après sa réponse, elle estimait que l’employeur voulait qu’elle parte.

[43] La prestataire m’a dit qu’après l’incident relatif à Nuance survenu en octobre, quelqu’un s’est servi de son identité pour ouvrir un compte et qu’elle n’était aucunement responsable de cela. Elle a affirmé que l’employeure était très en colère au sujet de l’incident et qu’après celui‑ci, on lui donnait l’impression qu’elle ne faisait jamais rien correctement. Elle a déclaré qu’après l’incident, on lui avait dit qu’elle ne devait pas envoyer de lettres sans approbation et qu’elle ne pouvait plus utiliser ses livres de référence.

[44] La prestataire a convenu que les incidents ayant donné lieu aux plaintes des clients se sont produits; toutefois, elle a affirmé catégoriquement qu’elle n’avait pas été impolie. Elle a expliqué que dans les deux cas, les clients n’avaient pas la documentation appropriée pour lui permettre d’accomplir les tâches qu’ils lui demandaient d’accomplir. Elle a dit qu’elle avait fait de son mieux pour essayer de les aider.

[45] En ce qui concerne l’incident avec la dame qui avait perdu son fils, la prestataire m’a raconté qu’elle était bouleversée, mais qu’elle n’avait aucun document qui établissait qu’elle était en fait le plus proche parent. Elle a dit qu’elle n’avait pas d’autre choix que de demander à la dame d’attendre que l’organisme gouvernemental qui pourrait l’aider rappelle.

[46] En ce qui concerne l’autre plainte, la prestataire a dit qu’encore une fois qu’elle n’avait pas été impolie, mais que le client n’avait pas le rapport médical requis pour obtenir son permis de conduire. Le gouvernement l’exigeait et elle ne faisait que son travail.

[47] La prestataire a déclaré qu’elle avait reçu deux lettres d’avertissement dans un délai de deux jours ouvrables. Elle a indiqué qu’elle était arrivée au travail le 30 novembre et qu’on lui avait remis une lettreNote de bas de page 9 décrivant son rendement insatisfaisant au travail. Elle a dit que c’était un vendredi et qu’elle travaillait le lendemain, mais parce qu’elle ne se sentait pas bien, elle n’avait pas travaillé le mercredi suivant.

[48] La prestataire a indiqué qu’à son retour le 7 décembre 2018, la gestionnaire lui a dit de se rendre à son bureau où elle lui a remis la deuxième lettre. La prestataire a déclaré l’avoir lue et lui avoir dit qu’elle n’allait pas la signer parce qu’elle voulait avoir du temps pour l’examiner. La gestionnaire lui a dit de conserver la lettre, et elle l’a mise dans son sac à main. Elle a dit qu’elle était très bouleversée et qu’elle est retournée à son bureau et a appelé son père.

[49] La prestataire m’a dit que la gestionnaire est venue la voir et lui a dit qu’elle voulait récupérer la lettre, mais qu’elle lui avait dit non parce qu’elle voulait l’examiner, et que la gestionnaire lui avait alors dit qu’elle pouvait la conserver. Elle a affirmé qu’à ce moment-là, la gestionnaire est devenue très agressive et a exigé qu’elle la lui rende, et qu’encore une fois elle a dit non. Elle a indiqué que la gestionnaire était sortie en trombe et qu’à ce moment-là, elle avait eu peur pour sa sécurité. La prestataire a déclaré qu’elle ne savait pas ce que la gestionnaire allait faire ensuite et que parce qu’elle s’était déjà montrée agressive, elle avait laissé ses clés sur le bureau et était partie.

[50] La prestataire m’a dit qu’elle était extrêmement bouleversée après son départ et qu’elle s’était mise à conduire et avait fini par se perdre. Plus tard dans la soirée, lorsqu’elle s’est ressaisie, elle a envoyé un courriel à son employeureNote de bas de page 10 expliquant ce qui s’était passé plus tôt dans la journée. Elle a affirmé que l’employeure lui avait répondu quelques heures plus tard, mais que sa réponseNote de bas de page 11 lui avait donné l’impression que l’employeure avait pris sa décision et qu’elle n’allait rien faire pour l’aider. Elle a dit que la déclaration faite par l’employeure à la Commission selon laquelle elle avait communiqué de nouveau avec elle était fausse. La prestataire a confirmé qu’elle n’a jamais eu d’autres communications avec l’employeure avant d’envoyer un courriel lui demandant son RE.

[51] La liste des circonstances énumérées à l’alinéa 29(c) pour indiquer qu’un prestataire serait « fondé » à quitter son emploi n’est ni restrictive ni exhaustive, mais elle délimite le type de circonstances qui doivent être prises en compteNote de bas de page 12.

[52] La prestataire a invoqué plusieurs motifs pour justifier son départ, et j’examinerai d’abord le motif suivant :

a) relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur

[53] La prestataire a indiqué dans son avis d’appel que selon le Guide de la détermination de l’admissibilité, les motifs de l’ambiance hostile créée par des supérieurs et du traitement abusif devraient s’appliquer dans son cas.

[54] La Commission soutient que la prestataire aurait pu s’adresser à son employeure pour voir si la question pouvait être réglée.

[55] À la lumière de la correspondance par courriel déposée en preuve, je conclus que la prestataire a communiqué avec son employeur au sujet de la situation. Toutefois, la réponse de l’employeure appuie le point de vue selon lequel elle n’était pas prête à régler la situation, et à mon avis, indique clairement que l’employeure était du côté de la gestionnaire.

[56] Je ne suis pas convaincue que l’employeure ait fait preuve de franchise dans ses déclarations à la Commission et je préfère le témoignage de première main de la prestataire que je juge plus crédible.

[57] L’employeure a dit à la Commission qu’elle avait fait deux tentatives pour communiquer avec la prestataire et qu’elle fournirait une preuve des courriels. L’employeure a fourni à la Commission un seul courriel daté du 21 janvier 2019 dans lequel on remerciait la prestataire pour ses services. L’employeure n’a pas fourni à la Commission la preuve nécessaire pour démontrer qu’elle avait effectivement communiqué avec la prestataire.

[58] La prestataire a toutefois fourni une copie du courriel qu’elle a envoyé et de la réponse de l’employeure, qui, à mon avis, indique clairement que l’employeure n’était pas prête à régler le problème entre la prestataire et la gestionnaire. Je suis convaincue que la correspondance s’est terminée là et que l’employeure n’a pas tenté une deuxième fois de communiquer avec la prestataire.

[59] La prestataire m’a dit que les déclarations de l’employeure à la Commission selon lesquelles elle avait tenté de communiquer de nouveau avec elle étaient fausses. C’est elle qui a communiqué avec l’employeure pour obtenir son RE.

[60] Je retiens l’observation de la prestataire selon laquelle la correspondance par courriel corrobore sa version et confirme que la version de l’employeure manque de crédibilité.

[61] L’employeure a admis à la Commission qu’elle n’était pas présente lorsque l’incident s’est produit entre la prestataire et la gestionnaire, mais qu’elle ne croyait pas qu’il y avait eu de l’hostilité. Elle a indiqué qu’elle avait regardé la vidéo et que la prestataire était plutôt simplement partie.

[62] L’employeure a dit à la Commission que la vidéo ne comportait pas de son, mais qu’elle montrait que la gestionnaire s’éloigner et qu’à son retour, la prestataire était partie.

[63] Je suis d’avis qu’il ne suffit pas de se fier à la vidéo pour déterminer s’il y a eu hostilité ou si l’employeure a été tout à fait honnête au sujet de ce qu’elle a vu dans la vidéo. Malheureusement, la vidéo n’a pas été versée au dossier. Je conclus que l’employeure n’a fait état que des actions de la gestionnaire. Elle ne parle jamais de ce que la prestataire a fait; elle a seulement indiqué qu’elle n’était plus là lorsque la gestionnaire est revenue.

[64] L’employeure n’était pas d’accord avec l’affirmation de la prestataire selon laquelle la gestionnaire était agressive, mais je ne suis pas convaincue de cela et je conclus que la prestataire est plus crédible. Son témoignage était cohérent et elle a donné plusieurs exemples des conflits qu’elle a vécus avec la gestionnaire et de comportements agressifs qu’elle a subis dans le cadre de son emploi.

[65] J’estime que la prestataire a prouvé qu’elle avait une relation conflictuelle avec sa gestionnaire et qu’elle a fait des efforts pour régler les problèmes directement avec son employeure, comme le confirme la correspondance par courriel. Je suis convaincue que la prestataire n’était pas responsable de ces conflits.

[66] En ce qui concerne l’incident du 7 décembre 2018, la Commission soutient que la prestataire n’a pas communiqué avec l’employeure pour tenter de résoudre la situation avec sa gestionnaire. L’employeure reconnaît cela dans sa réponse par courriel à la prestataire et lui demande pourquoi elle n’avait pas appelé si elle se sentait en danger (GD3-51). Un employeur ne peut pas régler une situation s’il n’en a pas connaissance et devrait avoir l’occasion de la régler.

[67] Je suis d’avis que, selon toute vraisemblance, l’employeure était au courant de la situation avant que la prestataire communique pour la première fois avec elle pour lui expliquer sa version des faits et qu’elle essayait de régler le problème.

[68] J’estime que la réponse de l’employeure à la prestataire corrobore mon point de vue, puisqu’elle a répondu qu’elle avait passé et gaspillé son temps à essayer de résoudre ce problème et à trouver un autre employé. Toutefois, je suis d’avis que la preuve démontre clairement qu’elle n’a jamais tenté de communiquer avec la prestataire.

[69] J’estime que la prestataire était fondée à quitter son emploi en raison de sa situation. Je suis d’avis, compte tenu des déclarations de l’employeure soutenant les actions de la gestionnaire et de toutes les circonstances, que les conflits auraient continué si elle était revenue. Plus particulièrement, les lettres d’avertissement cohérentes appuient fortement le point de vue de la prestataire selon lequel ils tentaient de se débarrasser d’elle.

b) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité

[70] La prestataire croit que ses conditions de travail lui causaient du stress et de l’anxiété et qu’après l’incident relatif à Nuance, rien de ce qu’elle faisait n’était correct.

[71] La prestataire a témoigné que même si elle n’était pas allée voir un médecin, elle se rendait régulièrement à des rendez-vous chez un chiropraticien, et que le médecin a convenu que le stress supplémentaire causé par son travail avait des effets néfastes sur elle.

[72] J’ai tenu compte du témoignage de la prestataire selon lequel l’environnement de travail avait un effet négatif sur sa santé et examiné si une solution raisonnable aurait été de demander un congé de maladie. Toutefois, compte tenu de toutes les circonstances, je suis d’avis que la demande de congé de maladie n’aurait pas constitué une solution raisonnable parce que selon la prépondérance des probabilités, la prestataire serait retournée au travail dans les mêmes conditions.

[73] La Commission soutient qu’une solution raisonnable aurait été que la prestataire demeure en poste jusqu’à ce qu’elle puisse trouver un autre emploi convenable.

[74] Je ne suis pas de cet avis et je conclus que de demeurer en poste jusqu’à ce qu’elle trouve un autre emploi n’était pas une solution raisonnable. Compte tenu de toutes les circonstances et de la preuve au dossier présentée par l’employeure, si la prestataire était demeurée en poste, elle aurait selon toute vraisemblance continué à recevoir des lettres d’avertissement et été congédiée.

c) modification importante de ses conditions de rémunération

[75] La prestataire a fait valoir qu’elle croyait que les conditions salariales à l’embauche n’avaient pas été respectées et que les conditions de travail étaient déraisonnables et restrictives.

[76] La prestataire soutient qu’elle croyait avoir droit à cinq jours de congé de maladie, mais qu’elle n’a été payée que pour trois jours. Elle croit également que son employeure a modifié son entente de travail lorsqu’elle a réduit de quatre à trois jours sa semaine de travail. Elle a témoigné qu’elle avait d’abord été embauchée pour travailler trois jours par semaine, mais qu’après que la personne qui partageait son emploi a décidé de travailler moins, elle a repris la journée supplémentaire. Elle a dit qu’elle a travaillé quatre jours par semaine au cours des six derniers mois, mais qu’après que l’employeure a commencé à remettre en question son rendement, sa semaine de travail a été réduit à trois jours.

[77] La prestataire a affirmé qu’il s’agissait d’une diminution de salaire importante et qu’elle avait besoin de travailler quatre jours par semaine.

[78] L’employeure a dit à la Commission que la prestataire avait été embauchée à temps partiel et qu’on lui demandait parfois de venir lorsqu’ils manquaient de personnel. L’employeure n’était pas d’accord pour dire que les heures de travail de la prestataire avaient été réduites.

[79] J’ai pris en considération l’argument de la prestataire selon lequel elle n’avait été payée que pour trois jours de congé de maladie et qu’elle aurait dû avoir droit à cinq jours. Toutefois, je n’ai que le témoignage de la prestataire et comme rien au dossier n’indique que ce facteur a contribué à son départ, je suis d’avis qu’en l’absence de preuve je peux présumer que l’employeure n’a jamais payé la prestataire pour ces journées.

[80] Toutefois, j’estime qu’il existe des éléments de preuve à l’appui de l’argument de la prestataire selon lequel ses heures de travail ont été réduites. Les feuilles de temps produites en preuve corroborent le témoignage de la prestataire selon lequel elle avait d’abord été embauchée pour partager un emploi trois jours par semaine, et qu’elle avait par la suite travaillé pendant six mois de façon constante quatre jours par semaine. Puis, en décembre, l’horaire montre que la prestataire ne travaillait plus que trois jours par semaine.

[81] Je préfère le témoignage de la prestataire à celui de l’employeure parce qu’elle a fourni une preuve documentaire de l’horaire pour le mois de décembre qui démontre clairement que l’employeure a réduit la semaine de travail de la prestataire à trois jours.

d) pratiques de l’employeur contraires au droit

[82] La prestataire a indiqué dans son avis d’appel que selon le Guide de la détermination de l’admissibilité, les motifs des pratiques de l’employeur contraires à l’éthique professionnelle et des activités illégales ou contraires à ce que dicte la conscience s’appliqueraient dans son cas.

[83] À l’audience, la prestataire a expliqué que des activités illégales se déroulaient dans le bureau, où des clients recevaient des services sans fournir la documentation requise, ce qui allait à l’encontre des politiques, des procédures et de la loi. Elle a dit qu’elle signalait les incidents à la gestionnaire, mais elle a convenu qu’elle n’avait jamais signalé d’activités illégales aux organismes gouvernementaux ou aux organisations professionnelles. La prestataire a reconnu qu’elle n’était pas forcée de se livrer à des activités illégales.

[84] Je suis d’avis qu’en l’absence de preuve au dossier à l’appui des allégations de la prestataire, je ne peux conclure que l’employeure a enfreint la loi ou a agi de façon contraire à l’éthique.

[85] Je suis d’avis que si la prestataire croyait que son employeure enfreignait la loi, elle avait des solutions raisonnables à sa disposition. J’estime que la solution raisonnable aurait été d’aviser une autorité supérieure, comme l’organe directeur ou l’organisation professionnelle responsable de l’assurance et de la délivrance des permis. À mon avis, en l’absence de preuve à l’appui, des pratiques de l’employeur contraires au droit ne font pas en sorte que la prestataire est fondée à quitter volontairement son emploi.

Conclusion

[86] J’ai pris en considération la relation conflictuelle de la prestataire avec sa gestionnaire, le fait que son horaire de travail a été considérablement modifié ainsi que les effets négatifs de ses conditions de travail sur sa santé. Compte tenu de toutes les circonstances, je conclus que de demeurer en poste jusqu’à ce qu’elle trouve un autre emploi ne constituait pas une solution raisonnable dans son cas; par conséquent, elle n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi.

[87] L’appel est accueilli.

 

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 11 juin 2019

Téléconférence

M. R., appelante

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