Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] J’accueille l’appel. Le prestataire était fondé à quitter son emploi parce qu’il était tenu de faire des heures supplémentaires excessives et qu’il n’y avait aucune autre solution raisonnable dans son cas. Il n’est donc pas exclu du bénéfice des prestations.

Aperçu

[2] Le prestataire a travaillé pour une entreprise de construction à titre de coordonnateur mécanique et électrique pendant environ neuf mois. Il a quitté son emploi le 9 avril 2019. Il a dit à la Commission qu’il avait démissionné en raison du harcèlement que lui faisait subir un gestionnaire de projet. À l’audience, il a fait valoir qu’il avait démissionné parce qu’il se sentait harcelé par son employeur après avoir refusé de continuer à faire des heures supplémentaires excessives non rémunérées.

[3] La Commission a conclu que le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi parce qu’il y avait d’autres solutions raisonnables dans son cas. Le prestataire interjette maintenant appel du refus de la Commission de lui verser des prestations auprès du Tribunal de la sécurité sociale. Je dois décider si le prestataire a prouvé qu’il était fondé à quitter son emploi.

Question en litige

[4] Je dois décider si le prestataire est exclu du bénéfice des prestations parce qu’il a quitté volontairement son emploi sans justification. Pour ce faire, je dois d’abord décider s’il a volontairement quitté son emploi. Je dois ensuite décider s’il était fondé à quitter son emploi parce qu’il se sentait harcelé par son employeur ou parce qu’il était tenu d’effectuer un nombre excessif d’heures supplémentaires.

Analyse

Le prestataire a-t-il volontairement quitté son emploi?

[5] Le prestataire reconnaît qu’il a quitté son emploi le 9 avril 2019. Je n’ai aucune preuve du contraire. Je conclus que le prestataire a volontairement quitté son emploi.

Le prestataire était-il fondé à quitter volontairement son emploi?

[6] Les parties ne s’entendent pas pour dire que le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi lorsqu’il l’a fait.

[7] Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il quitte volontairement son emploi sans justificationFootnote 1. Avant de décider si le prestataire était fondé à quitter son emploi, je dois examiner toutes les circonstances au moment de son départ, y compris certaines circonstances particulièresFootnote 2. Selon la loi, le prestataire est fondé à quitter son emploi si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ constitue la seule solution raisonnable dans son casFootnote 3. Il appartient au prestataire de le prouverFootnote 4.

[8] Le prestataire peut être fondé à quitter volontairement son emploi en raison de harcèlementFootnote 5 ou en raison de relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieurFootnote 6. Habituellement, le prestataire doit tenter de résoudre le conflit avec son employeur ou démontrer qu’il a fait des démarches pour trouver un nouveau travail avant de quitter son emploiFootnote 7.

[9] Le prestataire peut également être fondé à quitter volontairement son emploi s’il est tenu d’effectuer des heures supplémentaires excessivesFootnote 8.

[10] Le prestataire fait valoir qu’il a quitté son emploi parce qu’il devait effectuer beaucoup d’heures supplémentaires non rémunérées et que son gestionnaire de projet l’a harcelé lorsqu’il s’est opposé à cette exigence. Il affirme qu’il a dû effectuer de dix à vingt heures supplémentaires par semaine pendant plusieurs mois sans rémunération additionnelle ni heures compensatoires. Ses affectations étaient à l’extérieur de la ville et il devait souvent faire plusieurs heures de route pour rentrer à la maison après avoir travaillé de dix à douze heures. Il indique que cette situation était dangereuse. En effet, il avait de la difficulté à rester éveillé pendant le trajet qui pouvait prendre quatre heures ou plus. À un certain moment, il a même dû travailler pendant 36 heures de suite en raison d’une inondation chez un client. Il n’a jamais obtenu d’heures compensatoires ni de rémunération additionnelle pour les heures supplémentaires effectuées.

[11] Il indique qu’au bout de plusieurs mois, il a refusé de faire autant d’heures supplémentaires non rémunérées. Lorsqu’il a manifesté son refus, son gestionnaire de projet a commencé à le harceler : il a haussé le ton et l’a menacé de ne pas lui verser de prime s’il n’effectuait pas d’heures supplémentaires. Le prestataire a envoyé un avis de démission, mais par la suite, il a accepté de rencontrer un vice-président de l’entreprise et un représentant des ressources humaines pour tenter de trouver une solution. Le prestataire soutient que malheureusement, ils n’ont pas pris ses plaintes au sérieux si bien qu’il n’a pas été possible de résoudre le problème.

[12] La Commission estime que le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi parce qu’il y avait d’autres solutions raisonnables dans son cas. Elle soutient qu’il aurait pu soulever la question du harcèlement auprès de son employeur, demander une mutation ou trouver du travail ailleurs avant de quitter son emploi. Elle fait également valoir que les agissements du gestionnaire de projet ne constituent pas du harcèlement et que le prestataire aurait pu chercher un autre emploi avant de démissionner.

[13] La Commission accepte la déclaration de l’employeur selon laquelle les employés salariés ont droit à des heures compensatoires lorsqu’ils effectuent des heures supplémentaires et par conséquent, le prestataire a été payé pour ses heures supplémentaires. J’accepte toutefois le témoignage sous serment du prestataire dans lequel il indique qu’il a souvent dû effectuer de dix à vingt heures supplémentaires par semaine sans rémunération ni heures compensatoires. J’estime que son témoignage est crédible puisqu’il a fait preuve de franchise et de bonne foi et que ses déclarations concordent avec ce qu’il a déjà affirmé devant la Commission.

[14] L’employeur a soutenu devant la Commission que le prestataire avait démissionné parce qu’il « n’arrivait pas à s’adapter » et qu’il « n’était pas disposé à faire des heures supplémentaires, même si le travail l’exigeait parfoisFootnote 9 ». J’estime que de dix à vingt heures supplémentaires non rémunérées par semaine est une exigence excessive. J’accepte également le témoignage du prestataire selon lequel il a tenté de régler le problème des heures supplémentaires en discutant avec un vice-président et un représentant des ressources humaines. Malheureusement, l’employeur ne s’est pas montré réceptif aux plaintes du prestataire.

[15] Le prestataire affirme qu’il a commencé à chercher un autre emploi, mais n’a pas demandé de mutation puisqu’il n’y avait pas de possibilité dans un autre chantier à ce moment-là. Il soutient que la Commission ne lui a pas demandé combien d’heures supplémentaires il avait effectuées pour cet employeur. La Commission n’a déposé aucun élément de preuve pour démontrer qu’elle avait demandé au prestataire des détails sur l’obligation d’effectuer des heures supplémentaires ou sur des heures compensatoires que l’employeur aurait pu lui offrir. J’accepte le témoignage que le prestataire a fait sous serment et je conclus, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’a été rémunéré d’aucune façon pour ses heures supplémentaires.

[16] Je souscris à l’observation de la Commission voulant que le comportement du gestionnaire de projet, qui a levé le ton lorsqu’il s’est adressé au prestataire, ne puisse pas à lui seul constituer du harcèlement. J’estime toutefois qu’il n’est pas raisonnable de s’attendre à ce qu’un employé travaille régulièrement de dix à vingt heures supplémentaires par semaine sans rémunération ni heures compensatoires. Une telle exigence est encore plus déraisonnable si l’employé doit effectuer un long trajet pour rentrer à la maison.

[17] Compte tenu de l’ensemble des circonstances, dont les heures supplémentaires excessives non rémunérées et les tentatives du prestataire pour régler le problème, je conclus que ce dernier était fondé à quitter son emploi lorsqu’il l’a fait.

Conclusion

[18] Je conclus que le prestataire n’est pas exclu du bénéfice des prestations. L’appel est donc accueilli.

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

18 juillet 2019

Téléconférence

B. O., appelant

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