Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli. Je conclus que le prestataire avait une explication raisonnable à donner pour les renseignements erronés qu’il a fournis à la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) dans ses déclarations bimensuelles, de sorte qu’on ne peut lui imposer la sanction et lui donner l’avis de violation.

Aperçu

[2] L’appelant, que j’appellerai le prestataire, a travaillé occasionnellement pendant qu’il touchait des prestations régulières d’assurance-emploi (AE). Au cours de deux périodes de prestations, il a déclaré les heures qu’il a travaillées et, bien qu’il devait déclarer sa rémunération brute totale, il a déclaré son taux de rémunération horaire. L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission), a déterminé que le prestataire avait sciemment fait de fausses déclarations en omettant de déclarer sa rémunération brute totale, lui a imposé une sanction et lui a donné un avis de violation pour chaque période de prestations. Le prestataire a demandé un réexamen des sanctions et des avis de violation. La Commission a réduit les sanctions, supprimé un avis de violation et modifié le deuxième avis de violation. Le prestataire interjette maintenant appel devant le Tribunal de la sécurité sociale (le Tribunal).

Questions préliminaires

[3] L’audience était fixée pour le 26 juin 2019. Le dossier a été envoyé au prestataire par courriel sous forme de plusieurs pièces jointes et le prestataire n’a pas pu accéder au dossier complet à l’audience. Par conséquent, le prestataire n’a pas eu l’occasion de participer adéquatement à l’audience. Dans l’intérêt de la justice naturelle, j’ai ajourné l’audience et j’ai pris des dispositions pour que l’audience ait lieu à une date ultérieure. L’audience a eu lieu le 4 juillet 2019.

[4] La Commission a rendu deux décisions de réexamen le 2 mai 2019. La décision de réexamen faisant l’objet d’un appel dans le dossier GE-19-2207 portait sur la rémunération déclarée par le prestataire entre la semaine ayant commencé le 18 juin 2017 et la semaine ayant commencé le 8 octobre 2017, la réduction de la sanction imposée antérieurement et le retrait d’un avis de violation. À l’audience, le prestataire a déclaré qu’il interjetait appel de la sanction. La décision de réexamen faisant l’objet de l’appel dans le dossier GE-19-2208 portait sur la rémunération déclarée par le prestataire entre la semaine ayant commencé le 29 octobre 2017 et la semaine ayant commencé le 4 février 2018, la réduction de la sanction imposée antérieurement et la modification de l’avis de violation donné antérieurement. À l’audience, le prestataire a indiqué qu’il interjetait appel de la sanction et de l’avis de violation.

[5] Le Tribunal peut, de sa propre initiative ou sur dépôt d’une demande par une partie, joindre plusieurs appels ou demandes si les appels ou demandes soulèvent des questions de droit ou de fait qui leur sont communes et si une telle mesure ne risque pas de causer d’injustice aux partiesNote de bas de page 1. J’ai entendu les deux appels du prestataire (GE-19-2207 et GE-19-2208) ensemble parce qu’ils portent sur des faits communs et qu’ils concernent des périodes de prestations qui sont séquentielles, ainsi que parce je suis convaincue qu’aucune injustice ne sera vraisemblablement causée à quelque partie que ce soit par la jonction des appels. Le prestataire a été avisé dans l’avis d’audience délivré le 12 juin 2019 que les appels avaient été joints et qu’ils seraient entendus en même temps.

Questions en litige

[6] Question en litige : Le prestataire a-t-il sciemment fait de fausses déclarations en ne déclarant pas la rémunération totale qu’il a reçue?

[7] Question en litige : Si le prestataire a sciemment fait de fausses déclarations, la Commission a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire judiciairement lorsqu’elle a calculé le montant de la sanction?

Analyse

[8] La Commission peut imposer une sanction à un prestataire ou à toute autre personne qui agit pour lui pour chacun des gestes ou des omissions qu’il savait être faux ou trompeurNote de bas de page 2. En l’espèce, la Commission a imposé au prestataire une sanction de 470 $ pour sept fausses déclarations au cours de la période du 18 juin 2017 au 8 octobre 2017. Elle a également imposé au prestataire une sanction de 654 $ et lui a donné un avis de violation grave pour sept fausses déclarations au cours de la période du 29 octobre 2017 au 4 février 2018.

[9] Il ne suffit pas que la déclaration ou l’omission soit fausse ou trompeuse; le prestataire doit avoir fait sciemment la déclaration ou l’affirmation fausse ou trompeuse. Le terme sciemment signifie que le prestataire savait que les renseignements qu’il fournissait étaient erronés lorsqu’il les a fournis, et ne comprend aucune intention de tromperNote de bas de page 3.

[10] Il incombe à la Commission de démontrer que la déclaration ou l’affirmation est fausse ou trompeuse et que le prestataire savait qu’elle était fausse ou trompeuseNote de bas de page 4. Si la Commission parvient à prouver cela, il revient ensuite au prestataire de prouver que les déclarations n’ont pas été faites sciemment et de fournir une explication raisonnable des renseignements erronésNote de bas de page 5. Dans la présente affaire, le fardeau de la preuve consiste en une prépondérance des probabilités, ce qui signifie qu’il est « probable » que les événements se soient produits ainsi qu’ils ont été décrits.

[11] La décision d’imposer une sanction et le calcul du montant de la sanction sont des décisions discrétionnaires de la CommissionNote de bas de page 6. La décision d’émettre un avis de violation est également une décision discrétionnaire de la CommissionNote de bas de page 7.

[12] Si la Commission a agi de mauvaise foi ou pour un motif inapproprié, si elle a tenu compte de facteurs non pertinents ou omis de tenir compte de facteurs pertinents, ou si elle a agi de manière discriminatoire, la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire d’une manière judiciaireNote de bas de page 8. Si je conclus que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire, je peux prendre la décision que la Commission aurait dû prendre. Autrement dit, je peux réduire le montant de la sanction, annuler entièrement le montant de la sanction ou supprimer l’avis de violation. Je ne peux pas annuler une sanction si je conclus que la Commission peut en vertu de la loi l’imposerNote de bas de page 9.

Première question en litige : Le prestataire a-t-il sciemment fait de fausses déclarations lorsqu’il n’a pas déclaré la rémunération totale qu’il a reçue?

[13] La Commission a fait valoir qu’elle s’est acquittée du fardeau d’établir que le prestataire a fait sept fausses déclarations au cours de chacune des deux périodes de prestations en omettant sciemment de déclarer toute sa rémunération. À l’appui de sa position, la Commission a fourni des transcriptions provenant du service de déclaration sur Internet des déclarations bimensuelles du prestataire pour la période échelonnée de la semaine ayant commencé le 28 mai 2017 à celle ayant commencé le 14 octobre 2017 ainsi que pour la période échelonnée de la semaine ayant commencé le 29 octobre 2017 à celle ayant commencé le 10 février 2018. La Commission a soutenu que le prestataire était un prestataire fréquent, qu’il avait déclaré toute sa rémunération dans ses déclarations antérieures et qu’il connaissait assurément les procédures de déclaration appropriées. À l’appui de sa position, la Commission a fourni une transcription provenant du service de déclaration par Internet pour la période du 28 mai 2017 au 10 juin 2017. Cette transcription montre que le prestataire a déclaré 16 heures de travail et une rémunération de 384 $ au cours de la première semaine de la déclaration et qu’il a répondu « non » à la question de savoir s’il avait travaillé ou touché une rémunération au cours de la deuxième semaine de la déclaration. Les dossiers d’appel montrent qu’au cours de chacune des semaines suivant la période de prestations du 28 mai 2017 au 10 juin 2017, alors qu’il touchait des prestations d’AE, le prestataire a déclaré, lorsqu’il travaillait, diverses heures travaillées et que sa rémunération totale était de 24 $. Le dossier d’appel indique que pour les semaines ayant commencé le 24 décembre 2017 et le 31 décembre 2017, l’employeur a dit à la Commission qu’il avait versé 192 $ au prestataire chaque semaine, mais le prestataire n’a déclaré aucune heure ni aucune rémunération pendant ces semaines.

[14] Le prestataire a déclaré à la Commission qu’il ne contestait pas sa rémunération, mais qu’il avait commis une erreur parce qu’il n’était pas un prestataire fréquent. Il croyait qu’il déclarait correctement sa rémunération. Il recevait ses prestations d’AE par dépôt direct. Le prestataire a dit à la Commission qu’il est chef de famille monoparentale, qu’il est le seul à contribuer au revenu familial et que le remboursement de la sanction lui causerait des difficultés financières.

[15] Le prestataire a témoigné qu’il ne travaillait pas beaucoup au moment où il a présenté sa demande de prestations d’AE. Il avait déclaré les heures qu’il avait travaillées, et elles étaient exactes. Il se référait à ses talons de paye bimensuels, que son employeur lui envoyait par courriel, pour connaître ses heures de travail. Le prestataire a témoigné que c’était son erreur d’avoir déclaré une rémunération de 24 $. Il avait mal lu la question et avait constamment indiqué son taux horaire. Le prestataire a témoigné qu’à l’époque, il se précipitait à faire ses déclarations pour obtenir ses prestations rapidement. À l’époque où il a produit ses déclarations, il traversait une période difficile, il travaillait à peine et était stressé. Il a déclaré qu’il aurait dû quitter son emploi plus tôt, mais que l’employeur continuait de lui promettre plus de travail, mais que cela ne s’était jamais concrétisé. Le prestataire a fait valoir qu’il n’y aurait eu aucun avantage pour lui à induire le gouvernement en erreur, qu’il « ne le ferait pas sciemment » et qu’il n’avait aucune idée qu’il faisait une erreur. Il a témoigné qu’il n’avait aucun problème à rembourser les prestations d’AE. Il a déclaré qu’il aurait aimé être informé plus tôt de ces erreurs et que de se voir imposer une sanction de cette façon avait été un choc pour lui Le prestataire a témoigné qu’il n’avait pas les moyens de payer les sanctions. Le prestataire a témoigné qu’il ne s’était pas demandé pourquoi ses prestations d’AE ne variaient pas malgré les diverses heures qu’il déclarait; il acceptait ce qu’il recevait.

[16] En ce qui concerne les 192 $ que son employeur lui a versés au cours des semaines ayant commencé le 24 décembre 2017 et le 31 décembre 2017, le prestataire a témoigné qu’il ignorait que son employeur l’avait payé durant ces semaines puisqu’il n’avait pas travaillé pour lui pendant celles-ci.

[17] Le dossier d’appel contient une lettre datée du 7 novembre 2018 de la Commission au prestataire concernant une liste de 10 semaines, soit de la semaine ayant commencé le 18 juin 2017 à la semaine ayant commencé le 8 octobre 2017. Dans cette lettre, la Commission a conclu que le prestataire avait « fait sciemment une fausse déclaration dans sept déclarations pour obtenir des prestations ». Je remarque qu’il y a sept déclarations bimensuelles pour les dix semaines indiquées, mais que certaines déclarations bimensuelles n’indiquent qu’une semaine de rémunération.

[18] Je conclus que la Commission ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait de prouver que le prestataire a omis de déclarer sa rémunération au cours de la semaine ayant commencé le 24 septembre 2017, parce qu’elle n’a pas fourni une preuve suffisante. La Commission a affirmé que le prestataire avait déclaré un revenu de 24 $ pour la semaine ayant commencé le 24 septembre 2017 alors que sa rémunération était de 588 $. La Commission n’a pas fourni de copie de la transcription provenant du service de déclaration par Internet de la déclaration bimensuelle du prestataire pour cette semaine. Par conséquent, je ne peux pas tirer de conclusion quant à savoir s’il a fait une fausse déclaration pour cette semaine-là parce qu’il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve.

[19] La Commission a également envoyé une lettre datée du 29 novembre 2018 au prestataire relativement à une liste de 10 semaines, soit de la semaine ayant commencé 29 octobre 2017 à celle ayant commencé le 4 février 2018. Dans cette lettre, la Commission a conclu que le prestataire avait « sciemment fait sept fausses déclarations dans sept déclarations pour obtenir des prestations ». Je note qu’il y a une déclaration couvrant une période d’une semaine et sept déclarations bimensuelles pour les dix dates indiquées, mais que certaines déclarations bimensuelles n’indiquent qu’une semaine de rémunération.

[20] Le prestataire a témoigné qu’il n’avait pas travaillé au cours des semaines ayant commencé le 24 décembre 2017 et le 31 décembre 2017 et qu’il ne savait pas qu’on lui avait versé de l’argent. Ce témoignage est conforme aux transcriptions provenant du service de déclaration par Internet dans lesquelles le prestataire a répondu « non » à la question « Avez vous travaillé ou reçu une rémunération pendant la [première / deuxième] semaine de cette déclaration? » Compte tenu de ce qui précède, je conclus que le prestataire ignorait véritablement qu’il avait été payé pendant ces deux semaines et qu’il ne pouvait donc pas avoir sciemment omis de déclarer sa rémunération pendant ces deux semaines. Par conséquent, je conclus que le prestataire ne savait pas subjectivement que les déclarations qu’il a faites pour les deux semaines au cours desquelles il a omis de déclarer sa rémunération étaient fausses.

[21] Je conclus que la Commission n’a pas prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que le prestataire a sciemment fait des fausses déclarations dans les autres déclarations bimensuelles mentionnées dans ses lettres datées du 7 novembre 2018 et du 29 novembre 2018. Le fait que le prestataire a correctement déclaré sa rémunération hebdomadaire totale dans une déclaration pour la période du 28 mai 2017 au 10 juin 2017 ne démontre pas comme la Commission le laisse entendre qu’il a sciemment fait de fausses déclarations dans des déclarations subséquentes. La déclaration correctement remplie démontre seulement que la déclaration pour cette période a été correctement remplie. Elle démontre également que le taux de rémunération horaire du prestataire était de 24 $ (rémunération de 384 $ ÷ 16 heures = 24 $). Le nombre d’heures de travail déclarées par le prestataire pour la période du 18 juin 2017 au 10 février 2018 variait d’un minimum de 0 à un maximum de 45 heures. Bien que j’accepte que le prestataire ait répondu incorrectement à la question concernant sa rémunération dans 11 cas en indiquant son taux de rémunération horaire, je conclus que le prestataire a véritablement commis une erreur lorsqu’il a déclaré son taux de rémunération horaire plutôt que la rémunération totale qu’il a reçue. Cela est corroboré par le fait que le prestataire a indiqué systématiquement 24 $ dans chaque déclaration, peu importe le nombre d’heures travaillées pendant la période échelonnée de la semaine ayant commencé le 18 juin 2017 à celle ayant commencé le 4 février 2018. Je me fonde sur le témoignage ouvert et crédible que le prestataire a livré à l’audience selon lequel il avait commis une erreur en indiquant son taux de rémunération horaire à la question portant sur la rémunération totale. Par conséquent, je conclus que le prestataire n’a pas fait sciemment une fausse déclaration lorsqu’il a déclaré que sa rémunération était de 24 $ plutôt que la totalité de la rémunération qu’il a reçue. Par conséquent, je conclus que le prestataire ne savait pas subjectivement qu’il faisait de fausses déclarations lorsqu’il a déclaré son taux de rémunération horaire plutôt que sa rémunération hebdomadaire.

[22] Comme le prestataire n’a pas sciemment fait de déclarations fausses ou trompeuses, on ne peut lui imposer une sanction ni lui donner un avis de violation.

Deuxième question en litige : Si le prestataire a sciemment fait de fausses déclarations, la Commission a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire lorsqu’elle a calculé le montant de la sanction?

[23] Ayant conclu que le prestataire n’a pas sciemment fait de déclarations fausses ou trompeuses, il n’est pas nécessaire de déterminer si la Commission a correctement exercé son pouvoir discrétionnaire lorsqu’elle lui a imposé une pénalité et lui a donné un avis de violation.

Conclusion

[24] L’appel est accueilli.

 

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 4 juillet 2019

Téléconférence

S. M., appelant

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