Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] Le 13 mai 2016, l’appelant a présenté une demande initiale de prestations régulières qui lui a été accordée. L’appelant a travaillé pour l’employeur entre le 27 février 2017 et le 28 avril 2017.

[3] À la suite d’une enquête, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (ci-après « la Commission ») a découvert que l’appelant n’avait pas déclaré les heures travaillées pour l’employeur et la rémunération reçue. La Commission a alors considéré que l’appelant avait commis 3 déclarations fausses ou trompeuses et elle a donc imposé une pénalité et un avis de violation à l’appelant.

[4] Le Tribunal doit déterminer si l’appelant a commis des déclarations fausses ou trompeuses. Dans l’affirmative, le Tribunal doit déterminer si la Commission a agi de manière judiciaire en imposant une pénalité monétaire et un avis de violation à l’appelant.

Questions en litige

[5] Est-ce que l’appelant a sciemment fait 3 déclarations fausses ou trompeuses entre le 19 février 2017 et le 15 avril 2017?

[6] Si oui, est-ce que la Commission a agi de manière judiciaire en imposant une pénalité à l’appelant?

[7] Est-ce que la Commission a agi de manière judiciaire en imposant un avis de violation à l’appelant?

Analyse

Est-ce que l’appelant a sciemment fait des déclarations fausses ou trompeuses entre le 19 février 2017 et le 15 avril 2017 ?

[8] La Commission peut imposer une pénalité à un prestataire s’il fait sciemment une déclaration fausse ou trompeuse à l’occasion d’une demande de prestations (paragraphe 38(1) de la Loi sur l’assurance-emploi du Canada, ci-après « la Loi »). Ainsi, avant d’imposer une pénalité à un prestataire, la Commission doit conclure que celui-ci a fait une déclaration fausse ou trompeuse.

[9] Pour qu’une déclaration soit qualifiée de fausse ou trompeuse, le prestataire doit avoir une connaissance subjective du fait qu’il faisait une déclaration fausse ou trompeuse (paragraphe 38 (1) de la Loi; Mootoo c Procureur général du Canada, 2003 CAF 206; Procureur général du Canada c Purcell, [1996] 1 RCF 644).

« S’agissant de l’interprétation à donner au mot « sciemment », cette Cour a précisé qu’il fallait utiliser un critère subjectif pour déterminer si la connaissance requise existe. La question n’est donc pas de déterminer si le prestataire aurait dû savoir que sa déclaration était fausse ou trompeuse; une déclaration fausse, mais innocente ne donnera pas lieu à des pénalités. Ceci dit, il ne suffit pas de proclamer son ignorance pour échapper à des sanctions; il est permis de tenir compte du bon sens et de facteurs objectifs pour décider si un prestataire avait une connaissance subjective de la fausseté de ses déclarations. » (Procureur général du Canada c Bellil, 2017 CAF 104).

[10] L’analyse de ce critère subjectif doit se faire en tenant compte des facteurs objectifs et du bon sens. Ainsi, le Tribunal peut refuser de croire un prestataire qui nie un fait notoire et conclure qu’il connaissait le fait erroné (Purcell, supra).

[11] La Commission a le fardeau de prouver que le prestataire a sciemment fait une déclaration fausse ou trompeuse (Purcell, supra). Si la Commission rencontre son fardeau, il revient au prestataire d’expliquer la raison pour laquelle sa réponse était inexacte (Purcell, supra).

[12] Tout d’abord, le Tribunal est d’avis que la Commission a démontré que l’appelant a fait 3 déclarations fausses ou trompeuses. En effet, la Commission a déposé en preuve les déclarations subséquentes remplies par l’appelant entre le 19 février 2017 et le 15 avril 2017. À 3 reprises, l’appelant a répondu « NON » à la question suivante : « Avez- vous travaillé ou touché un salaire pendant » la période visée par la déclaration ?

[13] Or, le relevé d’emploi et le témoignage de l’appelant démontrent que l’appelant a travaillé pour l’employeur entre le 19 février 2017 et le 28 avril 2017. Au surplus, la question posée à l’appelant dans les déclarations était claire et ne laissait place à aucune interprétation.

[14] Selon la Commission, l’appelant ne pouvait pas ignorer qu’il faisait une déclaration fausse et il a volontairement induit la Commission en erreur dans le but d’obtenir des prestations. L’appelant savait qu’il avait travaillé ou reçu une rémunération durant la période visée et conséquemment, il savait qu’il ne rapportait pas adéquatement les faits.

[15] Le Tribunal compare les faits du présent dossier avec ceux de la décision Ftergiotis c Procureur général du Canada, 2007 CAF 55. Dans ce dossier, le prestataire a travaillé durant la période de prestations et il n’a pas déclaré son revenu lors de 9 déclarations subséquentes en raison, selon lui, d’une erreur humaine. La Cour d’appel fédérale n’a pas retenu la prétention du prestataire, car elle a considéré que celui-ci savait qu’il travaillait et par conséquent, il savait que ses déclarations étaient fausses.

[16] Ainsi, le Tribunal est d’accord avec la Commission, l’appelant savait qu’il avait travaillé durant les semaines visées et il savait que ses déclarations étaient fausses (Purcell, supra; Ftergiotis, supra).

[17] Il revenait donc à l’appelant d’expliquer les raisons pour lesquelles les réponses étaient inexactes (Purcell, supra).

[18] À l’audience, l’appelant a expliqué au Tribunal qu’au moment où il a commencé ses déclarations, soit en février 2017, il y avait une problématique avec son employeur quant au paiement des heures supplémentaires. En effet, le contrat de l’appelant prévoyait qu’il pouvait travailler 40 heures par semaines. Comme il travaillait pour une agence de placement et que ses heures supplémentaires n’avaient pas été autorisées par l’entreprise qui louait ses services, il ne savait pas s’il serait rémunéré pour ces heures.

[19] Ainsi, l’appelant a expliqué qu’il a d’abord répondu « OUI » à la question à savoir s’il avait travaillé ou reçu un salaire durant la période visée. Mais à la fin de la déclaration, l’appelant a répondu qu’il avait reçu 0 $, car il ne savait pas quel montant déclarer en raison du problème avec les heures supplémentaires. L’appelant a expliqué que sa déclaration a été refusée, car il ne pouvait pas recevoir 0 $ de salaire s’il avait travaillé. Vu cette problématique, l’appelant a donc répondu « NON » à la question à savoir s’il avait travaillé. De plus, l’appelant a expliqué qu’il y avait un message à la fin de la déclaration qui mentionnait que s’il avait fait une erreur dans sa déclaration, il pouvait le signaler, par téléphone, à un agent de Service Canada. L’appelant avait donc l’intention de signaler les erreurs plus tard.

[20] À cet effet, l’appelant a témoigné qu’il avait communiqué avec la Commission en avril 2017 pour divulguer ces erreurs. Cependant, il s’est ravisé et il a plutôt mentionné qu’il avait communiqué avec la Commission au mois de juillet 2017, soit au moment où il a réglé sa problématique avec l’employeur.

[21] Le Tribunal ne retient pas l’explication de l’appelant, car elle est invraisemblable.

[22] Premièrement, le Tribunal considère que l’explication de l’appelant est invraisemblable, car il pouvait déclarer ses heures normales de travail au moment de sa déclaration. En effet, la problématique se situait uniquement au niveau du paiement des heures supplémentaires. De plus, l’appelant a témoigné qu’il ne faisait pas des heures supplémentaires a toutes les semaines, tel qu’il appert du relevé d’emploi (GD3-30). Par conséquent, l’appelant n’avait aucune raison pour ne pas déclarer ses heures de travail et son salaire pour les semaines où il n’a pas travaillé des heures supplémentaires.

[23] Deuxièmement, le Tribunal considère que l’explication de l’appelant est invraisemblable, car la preuve démontre qu’il pouvait communiquer avec la Commission bien avant le mois de juillet 2017. En effet, l’appelant a témoigné qu’il a communiqué avec la Commission au moment où il a réglé la situation avec l’employeur. Or, l’employeur a émis le relevé d’emploi le 8 mai 2017, soit 2 mois avant le prétendu appel de l’appelant à la Commission. Ainsi, dès le mois de mai l’appelant connaissait les montants qu’il avait reçus.

[24] Au surplus, l’appelant n’a pas communiqué avec un agent au moment du dépôt de la déclaration pour informer la Commission de la problématique, bien qu’il savait qu’il devait l’aviser des erreurs dans sa déclaration.

[25] D’ailleurs, le Tribunal ne croit pas que l’appelant a tenté de divulguer ses erreurs à la Commission en juillet 2017. Tout d’abord, la Commission a mentionné qu’une enquête avait été ouverte à l’égard de l’appelant, car celui-ci avait communiqué avec la Commission pour mentionner qu’il n’avait pas été payé pour la semaine du 23 juillet au 29 juillet 2017 alors qu’il avait travaillé. C’est dans le cadre de cette enquête que la Commission a communiqué avec l’appelant.

[26] Lorsque la Commission s’est entretenue avec l’appelant, celui-ci a affirmé qu’il avait bien déclaré ses gains. L’appelant a mentionné que la preuve obtenue de l’employeur était inexacte et il a exigé de la Commission qu’elle lui fournisse la preuve des déclarations et la preuve du paiement des prestations. L’appelant s’est même rendu dans un bureau de Service Canada pour essayer d’obtenir une telle preuve. La réaction de l’appelant à l’enquête de la Commission ne concorde aucunement avec sa prétention qu’il a lui-même avisé la Commission de son erreur. Si l’appelant avait tenté de communiquer avec la Commission pour divulguer ses erreurs, il n’aurait pas nié les irrégularités et il n’aurait demandé de la preuve supplémentaire; il aurait acquiescé.

[27] Le Tribunal est d’avis que l’appelant n’a pas rencontré son fardeau d’expliquer les déclarations fausses ou trompeuses, car il savait qu’il avait travaillé pour l’employeur et il savait qu’il faisait des déclarations fausses ou trompeuses durant les périodes visées (Purcell, supra; Ftergiotis, supra).

[28] Par conséquent, l’appelant avait une connaissance subjective que ses déclarations étaient fausses (Ftergiotis, supra; Purcell, supra; Mootoo, supra).

[29] Le Tribunal est donc d’avis que l’appelant a sciemment fait 3 déclarations fausses ou trompeuses à la Commission.

Dans l’affirmative, est-ce que la Commission a agi de manière judiciaire en imposant une pénalité à l’appelant?

[30] Le Tribunal doit déterminer si la Commission a agi de manière judiciaire dans l’application de son pouvoir discrétionnaire (Purcell, supra). Ainsi, la Commission ne doit pas :

  1. avoir agi de mauvaise foi;
  2. tenu compte de facteur non pertinent ou ignoré un facteur pertinent;
  3. agi de manière discriminatoire (Purcell, supra).

[31] Le Tribunal ne peut modifier le montant de la pénalité que « s’il peut être établi que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire d’une manière non conforme à la norme judiciaire ou qu’elle a agi de façon abusive ou arbitraire sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. » (Procureur général du Canada c Uppal, 2008 CAF 388; Procureur général du Canada c Tong, 2003 CAF 281).

[32] La Cour d’appel fédérale a accepté que la Commission utilise des lignes directrices pour chiffrer le montant de la pénalité à imposer (Procureur général du Canada c Gagnon, 2004 CAF 351). Ainsi, si la Commission se fie à ces lignes et à toutes les circonstances atténuantes du dossier, le Tribunal ne devrait pas intervenir (Gagnon, supra).

[33] La Commission a soutenu qu’elle a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire étant donné qu’elle a tenu compte de toutes les circonstances pertinentes au dossier au moment de fixer le montant de la pénalité. En effet, la Commission a considéré que l’appelant n’a présenté aucune circonstance atténuante.

[34] La Commission s’est fiée à ses lignes directrices voulant qu’une pénalité de 50 % du trop-payé soit imposée à un prestataire pour son premier acte délictueux. Donc, le trop-payé de 2 430 $ multiplié par 50 % équivaut à une pénalité de 1 215 $.

[35] Le Tribunal est d’avis qu’il n’a pas à intervenir quant au montant de la pénalité (Uppal, supra; Tong, supra).

[36] En effet, la Commission n’a pas agi de mauvaise foi ou de manière discriminatoire en imposant une pénalité à l’appelant. De plus, la Commission a pris en considération l’ensemble des faits pertinents au dossier, dont le fait qu’il s’agissait de la première déclaration fausse de l’appelant et que les omissions étaient répétitives. Au surplus, la Commission a valablement considéré qu’il n’y avait aucune circonstance atténuante ou aggravante au dossier (Purcell, supra).

[37] Le Tribunal est d’avis que la Commission a agi de manière judiciaire quant à l’imposition de la pénalité (Uppal, supra; Tong, supra; Purcell, supra). L’appel est rejeté sur cette question.

Est-ce que la Commission a agi de manière judiciaire en imposant un avis de violation à l’appelant?

[38] La Commission a un pouvoir discrétionnaire d’émettre ou non un avis de violation à un prestataire qui fournit une déclaration fausse ou trompeuse (paragraphes 7.1 (4) et 38 (1); Gill c Procureur général du Canada, 2010 CAF 182).

[39] Ainsi, la Commission ne doit pas avoir agi de mauvaise foi, ou dans un but ou un motif irrégulier, pris en compte un facteur non pertinent ou ignoré un facteur pertinent, ou avoir agi de manière discriminatoire (Purcell, supra).

[40] La violation sera qualifiée de mineur si sa valeur est inférieure à 1 000$; de grave si elle est 1 000$ et 5 000$ et de très grave si elle est de 5 000$ ou plus (paragraphes 7.1 (5) de la Loi). La valeur de la violation correspond, dans le présent dossier, au trop-payé à l’appelant (alinéa 7.1 (6) a) de la Loi).

[41] Dans le présent dossier, un avis de violation grave a été imposé à l’appelant, puisque le montant du trop-payé était de 2 430 $.

[42] La Commission est d’avis qu’elle a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire en prenant la décision d’émettre l’avis de violation, puisqu’elle a tenu compte de l’ensemble des circonstances. En effet, la Commission a pris en considération l’impact global d’émettre un avis de violation à l’appelant, incluant les circonstances atténuantes, les violations antérieures et l’impact de l’avis de violation sur la capacité de l’appelant de se qualifier sur les prochaines demandes. Selon la Commission, l’appelant n’a présenté aucune circonstance atténuante.

[43] Tout d’abord, le Tribunal a déjà conclu que l’appelant avait fait 3 déclarations fausses ou trompeuses.

[44] Ensuite, le Tribunal est d’avis qu’il n’a pas à intervenir dans l’imposition de l’avis de violation (Gill, supra). En effet, la preuve démontre que la Commission a tenu compte de l’ensemble des circonstances. Au surplus, la preuve ne démontre pas que la Commission a agi de manière discriminatoire, de mauvaise foi ou dans un but irrégulier. Finalement, la preuve au dossier ne démontre aucune circonstance atténuante.

[45] La Commission a agi de manière judiciaire en imposant un avis de violation à l’appelant (Purcell, supra; Gill, supra). L’appel est rejeté sur cette question.

Conclusion

[46] L’appel est rejeté.

Date de l’audience :

Le 19 juillet 2019

Mode d’audience :

Vidéoconférence

Comparutions :

M. S., appelant

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