Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Je conclus que la prestataire est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi (AE). Elle a falsifié un document, ce qui a brisé la relation employeur-employée et entraîné son congédiement.

Aperçu

[2] L’appelante, E. R. (prestataire) a présenté une demande de prestations d’AE après avoir été congédiée pour avoir apparemment falsifié un document. L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a établi que la prestataire avait perdu son emploi en raison de sa propre inconduite. La prestataire n’est pas d’accord avec la décision et a interjeté appel devant le Tribunal de la sécurité sociale, soutenant qu’elle avait été forcée de réécrire le document.

Questions préliminaires

[3] La représentante de la prestataire n’a pas participé à l’audience. La prestataire a affirmé que sa représentante lui avait dit qu’elle devrait défendre sa cause elle-même. De plus, la prestataire n’avait pas en main les documents GD3, mais elle a affirmé qu’elle avait été directement impliquée dans le processus de révision et qu’elle savait ce qu’elle avait dit. La prestataire a affirmé qu’elle était d’accord pour procéder à la tenue de l’audience en l’absence de sa représentante et sans avoir en main les documents manquants.

Questions en litige

[4] La prestataire a-t-elle perdu son emploi en raison de l’inconduite alléguée?

[5] La prestataire a-t-elle commis l’infraction alléguée?

[6] Est-ce que l’infraction alléguée constituait une inconduite?

Analyse

[7] Il y a inconduite lorsque la conduite d’une partie prestataire est délibérée, c’est-à-dire que les actes qui ont mené au congédiement sont conscients, voulus ou intentionnels. En d’autres mots, il y a inconduite lorsque la partie prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’elle soit congédiéeNote de bas de page 1.

[8] Il incombe à la Commission d’établir que c’est en raison de l’inconduite de la prestataire qu’elle a perdu son emploiNote de bas de page 2.

Question en litige no 1 : La prestataire a-t-elle perdu son emploi en raison de l’infraction alléguée?

[9] Oui. Je conclus que la prestataire a perdu son emploi en raison de l’allégation selon laquelle elle a falsifié un document. L’employeur a produit un relevé d’emploi modifié qui indiquait que la prestataire avait été congédiée sans préjudice.

[10] La prestataire a initialement indiqué, sur son formulaire de demande, qu’elle avait été congédiée en raison de son inaptitude. Elle a plus tard déclaré à la Commission que l’incident ultime avait été l’incident avec l’autocollant vert, dont elle n’était pas responsable. Toutefois, elle a plus tard affirmé que l’incident ultime qui a entraîné son congédiement était les changements qu’elle avait apportés au document.

[11] Dans sa demande de prestations d’AE, la prestataire a indiqué qu’elle avait été congédiée parce que son employeur la considérait comme inapte pour le poste. Le relevé d’emploi indiquait que la prestataire avait démissionné. Toutefois, lorsque la Commission a communiqué avec la prestataire, elle a de nouveau affirmé qu’elle avait été congédiée parce qu’elle n’avait pas de connexions. Elle a déclaré que son employeur lui mettait de la pression et qu’il lui avait remis une lettre l’informant de ses attentes.

[12] La prestataire a expliqué à la Commission qu’elle avait subi du harcèlement de la part de S. C. et de L. J. pendant environ quatre mois avant d’être congédiée. Elle a affirmé qu’en novembre, elle avait reçu une lettre l’informant des attentes de son employeur. S. C. l’a informée qu’elle était dans un processus disciplinaire progressif. Elle a déclaré qu’on la blâmait également pour des erreurs qu’elle n’avait pas commises.

[13] La prestataire a expliqué qu’elle a décidé de communiquer avec la directrice des ressources humaines (RH) pour l’information du comportement de S. C. et de L. J. envers elle. La directrice des RH lui a dit que leurs conversations seraient confidentielles. Toutefois, cela n’a pas été le cas. Deux jours plus tard, on l’a congédiée. Avant cela, on lui avait imposé une suspension de deux jours pour une erreur qui avait été faite avec un conducteur au sujet d’un produit périmé. La prestataire a affirmé que l’employeur n’avait pas suivi la politique de l’entreprise sur la discipline et qu’à son avis, on avait sauté des étapes dans son cas parce qu’elle avait consulté la directrice des RH. Elle a affirmé qu’elle ressentait une détresse et une pression émotionnelles provoquées par ces personnes.

[14] La Commission a demandé à la prestataire d’expliquer l’incident ultime qui a entraîné son congédiement. La prestataire a affirmé à la Commission qu’elle était embauchée comme agente d’assurance de la qualité (AQ) et qu’elle était notamment responsable de vérifier la qualité de produits alimentaires. Elle a affirmé qu’elle avait été accusée d’avoir commis l’erreur de ne pas avoir pris un échantillon de viande selon l’horaire fixé. Elle a dit qu’elle n’avait pas vérifié la viande parce que cette activité n’était pas à l’horaire et qu’elle n’était pas responsable de préparer l’horaire. Elle a déclaré qu’elle avait reçu une lettre l’informant des attentes de son employeur et lui indiquant qu’elle était dans un processus disciplinaire progressif, malgré que l’employeur ne pouvait pas prouver que c’était elle qui avait commis l’erreur. Elle a affirmé qu’elle a reçu plusieurs avertissements par la suite.

[15] La prestataire a affirmé à la Commission qu’elle avait été suspendue et renvoyée chez elle parce qu’elle avait utilisé des produits périmés. Elle a expliqué qu’il y avait deux cages remplies de produits périmés, utilisés par le conducteur de camion. Elle a indiqué que la faute revenait au conducteur de camion et pas à elle. Elle a déclaré qu’elle avait dit à l’employeur que la responsabilité pour l’une des cages était celle du conducteur et que pour l’autre cage, la responsabilité était la sienne. Elle a affirmé qu’elle n’était au travail que jusqu’à 22 h, le vendredi, et que le conducteur de camion avait pris la viande périmée le lundi, soit après la période de 72 heures. Elle a dit que lorsque l’incident a été découvert, elle a été renvoyée à la maison même si ce n’était pas de sa faute. Elle a déclaré qu’elle était inquiète et qu’elle a donc communiqué avec le service des RH, qui lui a recommandé d’écrire une lettre. Elle a affirmé que le jour suivant, on lui a demandé de se présenter au travail et qu’on l’a congédiée.

[16] La Commission a parlé avec la directrice des RH, qui a déclaré que la prestataire avait été congédiée en raison de problèmes de rendement. Elle a affirmé qu’il y avait eu plus d’un incident et que la prestataire avait eu plusieurs chances. La directrice des RH a affirmé que les actions de la prestataire n’étaient pas malicieuses, mais qu’elles se répétaient malgré plusieurs discussions et avertissements. Elle a affirmé que l’incident ultime était lié à un manque de minutie dans ses inspections et à des inspections non effectuées. L’incident ultime était une inspection non effectuée et à un manque d’information. Une inspection devait être faite, mais la prestataire ne l’aurait pas effectuée. De plus, il manquait des renseignements pour une période de trois heures. Elle a dit que la directrice, L. J., avait demandé à la prestataire de s’expliquer et de refaire la documentation en incluant les renseignements manquants, ce qui en faisait un document falsifié. Elle a affirmé que lorsque la question a été posée à la prestataire, celle-ci n’a fourni aucune explication pour l’inspection manquante ni pour les renseignements manquants.

[17] La directrice des RH a affirmé que la prestataire devait effectuer des inspections à certains moments précis et de la manière prescrite, ce qu’elle n’avait pas fait. Elle a déclaré que les inspections étaient exigées selon les règlements de l’Agence canadienne d’inspection des aliments et selon la politique relative à la salubrité alimentaire. Elle a affirmé que le fait de ne pas effectuer les inspections n’entraînait pas de risque pour la vie ou la santé, mais que cela causait des retards, puisque le produit devait être mis de côté pour que des inspections supplémentaires soient effectuées, et que cela entraînait donc du travail supplémentaire et des pertes.

[18] La directrice des RH a déclaré que la prestataire avait reçu plusieurs lettres l’informant des attentes de l’employeur en septembre, novembre et au début de janvier. Elle ne pouvait pas confirmer si le fait de ne pas effectuer une inspection allait entraîner un congédiement parce qu’elle avait reçu la lettre. Elle a accepté de transmettre à la Commission les avertissements, la politique et les approbations. La directrice des RH a affirmé que l’incident avec le conducteur de camion était un incident indépendant qui n’était pas lié à l’incident ultime, mais qui ne constituait qu’un autre exemple d’inspection non effectuée. Elle a confirmé que l’incident final était la falsification du document. La directrice des RH a soumis les documents relatifs à la formation et au processus disciplinaire de la prestataireNote de bas de page 3.

[19] Je constate qu’il y a une exception (GD3-46), qui est liée à une autre personne et que selon la prépondérance des probabilités, l’employeur a commis une erreur. Je conclus que cela n’a pas de conséquence négative sur le présent appel.

[20] Dans GD3-90 à GD3-99 0, on peut lire un courriel dans lequel on peut trouver des renseignements sur les formations suivies par la prestataire, la lettre de congédiement et des détails sur l’incident ultime.

[21] Un courriel date du 14 mars 2019 indique que la prestataire a manqué à son devoir à 10 reprises depuis son embauche, le 4 juin 2018. Il y a eu un autre cas, après le dernier incident, où elle a falsifié un dossier après avoir falsifié un dossier alors qu’on ne lui avait demandé que de le corriger. Il n’y a eu aucun signalement d’incident pour celui-ci (GD3-93).

[22] La lettre de congédiement datée du 22 janvier 2019 indique qu’après plusieurs discussions, avertissements et mesures disciplinaires liées à son rendement constamment insuffisant, l’employeur a décidé d’immédiatement mettre fin à l’emploi de la prestataireNote de bas de page 4.

[23] L’employeur a fourni un exemplaire du formulaire de gestion du rendement et de mesure disciplinaire relatif à l’incident ultime qui a entraîné le congédiement de la prestataireNote de bas de page 5.

[24] L’employeur a fourni un exemplaire du formulaire de gestion du rendement et de mesure disciplinaire qui indiquait qu’il y avait eu un avertissement final et une discussion concernant l’incident du 7 janvier 2019, ainsi qu’une lettre indiquant les attentes de l’employeur datée du 29 novembre 2018Note de bas de page 6.

Question no 2 : La prestataire a-t-elle commis l’infraction alléguée?

[25] Oui. Je conclus que la prestataire a falsifié le document et que la prestataire a admis avoir réécrit le document. La preuve montre le document original et le document réécrit, sur lequel la prestataire avait décrit cinq inspections (soulevant une anomalie) pendant la période où la production était à l’arrêt.

[26] La Commission a communiqué avec la prestataire pour lui dire que l’employeur n’était pas d’accord au sujet de l’incident final et pour lui dire que son congédiement était dû à un incident relatif à un dossier qu’on lui avait demandé de corriger, mais qu’elle avait plutôt falsifié en le réécrivant complètement et en y ajoutant des inspections qui n’avaient pas réellement été effectuées puisque la production était à l’arrêt.

Question en litige no 3 : Est-ce que l’infraction alléguée constitue une inconduite?

[27] Oui. Je conclus que le fait d’avoir réécrit le document et d’y avoir inclus de l’information incorrecte constitue une falsification du document, en infraction avec la politique de l’entreprise sur la correction de l’information sur un formulaireNote de bas de page 7. Le document indique clairement qu’il est strictement interdit de falsifier de l’information sur un formulaire de contrôle. Je conclus que les actions de la prestataire ont brisé le lien de confiance nécessaire à la relation employeur-employée.

[28] Je conclus qu’il y a un lien causal entre l’emploi de la prestataire et la raison du congédiementNote de bas de page 8. La prestataire a admis avoir réécrit le document, mais prétend qu’elle a été forcée de le faire par S. C.

[29] L’employeur a fourni des copies du document original et le document d’inspection modifié par la prestataire (intitulé « GSP Raw Material Inspection »)Note de bas de page 9.

[30] La Commission a dit à la prestataire que le document concernant la [traduction] « correction de l’information sur un formulaire » était très clair. De plus, ce document indique comment la correction doit être apportée et mentionne ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas. La prestataire a affirmé qu’elle était très stressée, qu’elle avait été blâmée à la place du conducteur de camion et qu’elle avait été suspendue. Elle a déclaré qu’elle avait suivi les instructions de l’employeur de son mieux.

[31] La prestataire a déclaré que le formulaire n’avait pas été falsifié parce qu’elle avait précédemment indiqué que la production avait cessé et qu’elle ne pouvait pas effectuer les inspections puisqu’elle n’était pas présente. Elle a affirmé que les inspections n’avaient pas été effectuées et qu’elle avait réécrit le document parce que S. C. lui avait demandé de le faire. C’est pourquoi elle a inscrit des inspections qui n’avaient jamais été faites pendant que la production était à l’arrêt.

[32] La Commission a demandé à la prestataire pourquoi, si on lui avait demandé de faire quelque chose d’incorrect, elle ne l’avait pas signalé. Elle a répondu qu’on la rendait confuse et qu’on la menaçait. Elle a dit que son rendement était surveillé de près et qu’on avait placé des attentes envers elle. Elle a déclaré qu’elle avait signalé ses préoccupations auparavant, sentant qu’on allait la congédier.

[33] La Commission a communiqué avec L. J., la directrice de l’assurance de la qualité. Elle a déclaré que la prestataire avait été congédiée parce qu’elle avait falsifié un document. Elle a déclaré que l’incident ultime était que la prestataire avait modifié de l’information sur un document. Elle a précisé que S. C. avait demandé à la prestataire de corriger de l’information sur un document. Elle a expliqué qu’il y avait des renseignements manquants et que la prestataire devait expliquer pourquoi. Elle a affirmé que lorsqu’une information incorrecte devait être modifiée, elle devait être biffée avec une ligne simple et que les modifications devaient être paraphées. Si une inspection avait été faite, mais que les conclusions n’avaient pas été inscrites, il fallait fournir une explication.

[34] L. J. a déclaré que la prestataire avait resoumis le formulaire et inscrit des inspections qui n’ont pas pu être effectuées parce que la production était à l’arrêt. Elle a demandé à la prestataire si elle était mélangée ou si elle avait inscrit de l’information pour une autre journée. Elle a affirmé que la prestataire était habituée à faire des inspections à des heures précises et que l’information n’était pas celle d’une autre journée.

[35] L. J. a indiqué qu’ils utilisaient des Post-it sur les formulaires lorsque quelque chose devait être fait. Celui qui était apposé sur ce formulaire indiquait [traduction] « commentaires pour les inspections non effectuées ». Elle a indiqué qu’on avait parlé à la prestataire le 15 pour lui dire que si elle avait des questions ou qu’elle n’était pas certaine de quelque chose, elle pouvait demander de l’aide. Elle a dit que la prestataire ne lui a parlé de l’incident ultime qu’après les événements. Elle a déclaré que la seule explication fournie à ce moment-là était qu’elle savait qu’elle faisait les inspections quotidiennement et qu’elle était peut-être mélangée. L. J. a expliqué qu’elle avait examiné le formulaire au cas où elle avait recopié la mauvaise information. Ce n’était toutefois pas le cas et a inscrit des inspections qui n’ont pas réellement été effectuées puisque la production était à l’arrêt. Elle a indiqué qu’ils ont eu une discussion seulement lorsqu’ils ont découvert le problème et que la prestataire était très bouleversée.

[36] L. J. a indiqué que l’incident ultime s’est produit quelques jours après que la prestataire a été visée par une mesure disciplinaire en raison de l’incident relatif à l’autocollant vert et au produit qu’elle n’avait pas réellement inspecté. Elle a indiqué qu’on lui avait alors donné un avertissement final. Elle a affirmé que la prestataire n’était pas d’accord sur le fait qu’elle n’avait pas adéquatement fait l’inspection et soutenait qu’ils étaient trop durs avec elle. Elle sentait que la séparation était le résultat d’une rancune envers elle. Elle a déclaré que la prestataire avait refusé de signer les formulaires de mesures disciplinaires.

[37] La prestataire a présenté une demande de révision indiquant qu’elle n’avait jamais reçu de lettre d’avertissement de son employeur, mais qu’il y avait plutôt eu des problèmes avec les procédures ou le protocole. Elle a affirmé que S. C. lui a demandé de réécrire les documents, mais qu’ils avaient déjà les documents corrigés. Elle a affirmé qu’il ne s’agissait que d’une erreur et a réitéré sa version des faits.

[38] La Commission a communiqué avec L. J., qui a de nouveau fourni des détails sur l’incident ultime. Elle a confirmé auprès de la Commission que dans le cas de l’incident précédent avec le conducteur de camion, c’était le conducteur qui était responsable, mais que la prestataire l’avait couvert.

[39] La Commission a communiqué avec la prestataire pour lui poser des questions au sujet des rapports d’inspection. La prestataire a affirmé qu’un collègue, et non un superviseur, lui avait demandé de modifier le rapport. Elle a répété qu’elle était stressée et qu’on lui avait fait clairement comprendre qu’à son retour de sa suspension, elle pouvait être congédiée à tout moment.

[40] La prestataire a affirmé qu’au moment où on lui a demandé de modifier le rapport, il était plutôt normal pour eux de réécrire des rapports et que d’autres membres du personnel le faisaient fréquemment. Elle a répété qu’il s’agissait d’une erreur : elle avait confondu le rapport du 15 janvier 2019 avec un autre rapport de la journée précédente. Elle a affirmé qu’elle n’avait pas l’intention de falsifier un rapport.

[41] La Commission a parlé à la prestataire, qui a affirmé qu’elle n’avait pas falsifié le document. Elle a déclaré qu’elle avait rempli le rapport d’inspection le 15 janvier 2019, et que l’employeur lui était revenu trois jours plus tard pour lui demander de refaire le document. Elle a affirmé qu’ils reviendraient, le jour suivant, et pas trois jours plus tard. Elle a déclaré que S. C. lui avait demandé de modifier le rapport et d’y inclure des commentaires relatifs à l’arrêt de la production dans le secteur. Elle a affirmé qu’elle était stressée et a admis qu’elle avait fait une erreur lorsqu’elle a réécrit les documents plusieurs jours plus tard.

[42] La prestataire a affirmé qu’elle a parlé avec les RH après l’incident, le lundi, ce qui aurait été autour du 21 janvier, et qu’elle leur a remis une lettre dans laquelle elle exprimait qu’elle avait l’impression qu’on tentait de la congédier et de la blâmer pour des erreurs. Elle a déclaré qu’elle n’avait pas reçu d’avertissement préalable au sujet de la falsification de documents. La Commission l’a informée que l’employeur avait déclaré qu’elle avait reçu un avertissement pour avoir prouvé [sic] un autocollant vert alors qu’elle n’avait pas fait l’inspection. Elle a répondu qu’elle avait été suspendue pour cet incident, mais qu’elle n’avait pas reçu l’avertissement final avant le lundi, juste avant qu’elle ne soit congédiée. Elle a déclaré que c’était la même journée qu’elle s’était rendue aux RH et que ceux-ci ne s’étaient pas donné la peine d’imprimer le formulaire et de lui faire signer.

[43] La prestataire a présenté une lettre qu’elle avait remise au service des RH du siège social au sujet de son congédiement, qu’elle considérait comme étant injuste. La prestataire a fourni sa version des faits pour les journées du 29 novembre, du 7 janvier et du 22 janvier et a indiqué qu’elle avait l’impression que les procédures appropriées n’avaient pas été suivies en ce qui concerne les mesures disciplinaires. La prestataire a également fourni la correspondance entre elle-même et son porte-parole communautaire.

[44] La prestataire a fourni une lettre de L. T., qui travaillait pour l’entreprise et qui soutenait que L. J. et S. C. créaient un environnement de travail toxique. Elle a indiqué qu’elle devait maintenir la confidentialité, mais qu’elle fournirait les noms de collègues qui attesteraient le comportement de S. C.

[45] La Commission a communiqué avec la directrice des RH de l’entreprise, qui a confirmé que le relevé d’emploi avait été modifié pour refléter le fait que la prestataire n’avait pas démissionné, mais qu’elle avait plutôt été congédiée. La directrice des RH a confirmé que la prestataire avait communiqué avec eux après son congédiement et qu’elle avait allégué qu’elle avait été victime d’intimidation et de harcèlement. Elle a indiqué qu’ils enquêtaient sur ces allégations.

[46] La prestataire a répété à plusieurs reprises pendant son témoignage qu’elle avait été forcée de réécrire les documents par S. C. et qu’elle n’avait fait que ce que S. C. lui avait demandé. Elle a affirmé que normalement, on demandait de faire les corrections la journée suivante, mais que dans ce cas, on lui avait demandé de modifier les documents cinq jours plus tard. Elle a déclaré qu’ils avaient le document original, qui était exact, et qu’elle avait l’impression qu’il y avait quelque chose de louche. Elle a affirmé qu’elle avait modifié les documents de bonne foi.

[47] La prestataire a témoigné au sujet de l’incident qui a entraîné sa suspension. La conclusion était qu’elle n’était pas responsable de l’incident avec les autocollants verts, et que la faute revenait plutôt au conducteur de camion. Elle a indiqué qu’elle avait mené ses inspections la journée qu’elle devait les faire, mais que le conducteur de camion avait pris le produit périmé. Elle a affirmé qu’on l’avait convoquée à une réunion pour lui dire qu’on lui donnait une dernière chance. Elle a déclaré qu’elle était terrifiée.

[48] La prestataire a témoigné qu’après l’incident relatif à l’autocollant vert, elle a consulté les RH et a porté plainte au sujet de la façon dont S. C. et L. J. la traitaient. Elle a déclaré qu’on l’a convoquée dans une réunion, en présence de S. C. et de L. J. et qu’on lui a demandé quel était le problème. Elle a déclaré qu’elle avait l’impression qu’ils ne l’aimaient pas parce qu’elle était Russe. Elle a affirmé qu’elle ne se fondait que sur ses propres impressions pour affirmer cela.

[49] La prestataire a témoigné que son employeur avait également falsifié son relevé d’emploi, parce qu’il l’avait modifié : il avait d’abord indiqué qu’elle avait démissionné, puis qu’elle avait été congédiée sans préjudice. Elle a déclaré qu’elle avait porté plainte aux RH du siège social et qu’ils enquêtaient toujours à ce sujet. Elle a affirmé qu’elle ne savait pas où en était l’enquête et qu’on lui avait dit qu’elle n’obtiendrait que le rapport final.

[50] La prestataire a témoigné que dans l’information présentée à la Commission, l’employeur avait aussi fourni une lettre d’avertissement qui ne lui était pas adressée à elle, et qu’ils avaient ajouté des avertissements datant d’après sa suspension. Elle a déclaré que l’information au dossier est relative au rendement et qu’il ne s’agit pas d’avertissements. Elle a affirmé qu’elle n’avait jamais vu ces lettres avant son congédiement et que son avocate avait demandé à obtenir l’information.

[51] La prestataire a témoigné que la lettre qu’elle a fournie vient prouver que S. C. n’est pas digne de confiance.

[52] J’ai demandé à la prestataire si elle connaissait la politique selon laquelle elle devait biffer les erreurs d’une simple ligne, d’apposer ses initiales et de fournir une explication. Elle a affirmé qu’elle a modifié le document de bonne foi. Elle était confuse et stressée. Elle a affirmé qu’elle pensait qu’ils tentaient de l’aider. Elle a déclaré qu’ils laissaient les autres employés modifier les documents fréquemment et qu’elle pensait que cela était normal. Elle a affirmé que S. C. avait des employés préférés et que ceux-ci n’étaient pas punis.

[53] J’ai redemandé à la prestataire si elle connaissait la politique et elle a répondu que non, pas si on nous demande de réécrire les documents [sic]. Elle l’avait fait de bonne foi et savait qu’elle devait le faire.

[54] La prestataire a admis qu’on lui avait remis le document original, mais cinq jours plus tard. Elle pensait qu’ils planifiaient quelque chose pour elle.

[55] J’ai tenu compte de l’argument de la prestataire selon laquelle on l’a forcée à réécrire le document. Toutefois, je ne suis pas convaincue que cela a été le cas, puisqu’elle a donné un témoignage contradictoire, selon lequel elle n’a jamais parlé à S. C., et selon lequel ce serait un collègue qui lui aurait fourni le document original comportant un feuillet autocollant sur lequel on lui demandait de fournir des explications pour les inspections manquantes.

[56] La prestataire a déclaré à la Commission que S. C. l’avait piégée. Elle a affirmé qu’elle ne connaissait pas la date exacte, mais que c’était environ une semaine avant son congédiement. Elle a déclaré que S. C. lui avait demandé de falsifier le document que S. C. avait elle-même falsifié. Elle a affirmé qu’au cours d’une conversation, S. C. lui a demandé de réécrire le document. Elle a déclaré que S. C. lui avait posé la question suivante : [traduction] « Pourquoi me donnez-vous ces inspections, elles n’ont pas été faites? » Elle a répondu que ce n’était pas possible parce que ces inspections n’avaient pas été effectuées et qu’elle refusait de signer le document. Elle a déclaré que S. C. la terrifiait. Elle a affirmé qu’elle lui avait dit qu’elle en était à sa dernière chance et qu’elle devait couvrir ses arrières. Elle a déclaré qu’elle avait soumis les formulaires parce qu’elle sentait qu’on lui mettait de la pression pour qu’elle les corrige, sans quoi elle perdrait son emploi.

[57] Pendant l’audience, j’ai posé des questions à la prestataire au sujet des déclarations de L. J., dans lesquelles elle indique que S. C. lui avait demandé de corriger l’information. La prestataire a témoigné qu’il s’agissait d’un mensonge, qu’elle n’avait jamais parlé à S. C. et qu’ils avaient le document original. Elle a témoigné qu’un collègue lui a remis le document original sur lequel était apposé un feuillet autocollant. Elle a témoigné que S. C. avait écrit la demande de changement d’information sur l’autocollant jaune, mais qu’elle ne lui avait jamais parlé.

[58] J’ai demandé à la prestataire de confirmer que ce que L. J. avait écrit sur le feuillet autocollant était [traduction] : « Commentaires pour l’intervalle de temps, l’absence de production. Veuillez expliquer. » La prestataire n’a pas répondu à ma question directement, mais a déclaré qu’elle sentait qu’on la piégeait.

[59] J’estime que les déclarations de L. J. sur la procédure relative aux modifications sont crédibles et que c’est S. C. qui a écrit la note sur le feuillet autocollant. La prestataire n’a pas contesté le fait qu’on ne lui avait pas précisément demandé de réécrire la note et n’a pas indiqué qu’elle n’était pas au courant de la politique.

[60] Puisque la prestataire n’a pas répondu directement à ma question sur le fait qu’elle connaissait ou non la politique sur la modification des documents, j’estime que selon la prépondérance des probabilités, elle connaissait la politique et que rien ne l’empêchait de simplement effectuer les modifications sur le document original.

[61] J’ai tenu compte de l’argument de la prestataire selon lequel elle était stressée et confuse, puisqu’on lui avait dit qu’elle en était à sa dernière chance. Je suis d’avis que si cela avait été le cas, il aurait été raisonnable, pour la prestataire, qu’elle s’assure de suivre les politiques et que si elle sentait qu’on lui demandait de faire quelque chose d’incorrect, qu’elle le signale à un supérieur de son superviseur.

[62] J’ai tenu compte de l’argument de la prestataire selon lequel l’employeur avait le bon document et selon lequel on lui a remis le document pour qu’elle le modifie cinq jours plus tard. Toutefois, j’estime que sa déclaration sur le déroulement chronologique est contradictoire parce qu’elle a initialement dit à la Commission qu’on lui avait remis le document trois jours plus tard. De plus, si le document original était exact, il aurait été raisonnable pour elle de conserver les mêmes heures d’inspection.

[63] Je conclus que le témoignage de la prestataire contenait plusieurs incohérences : elle avait notamment soutenu qu’elle n’avait pas reçu d’avertissement, mais la preuve de l’employeur m’indique le contraire.

[64] J’ai tenu compte de l’argument de la prestataire selon lequel elle avait été suspendue pour l’incident relatif à l’autocollant vert alors que la faute ne lui revenait pas. Je reconnais que L. J. a confirmé que la faute revenait au conducteur de camion qui avait pris le produit périmé, mais que l’employeur a maintenu que c’était la responsabilité de la prestataire de surveiller le produit. Toutefois, cette action n’était pas une justification pour un congédiement.

[65] La prestataire a fourni des documents additionnels et a demandé au Tribunal de prendre en considération que l’employeur avait fait modifier le relevé d’emploi pour refléter qu’elle avait été renvoyée sans justificationNote de bas de page 10.

[66] La prestataire a fourni des documents additionnels relatifs à l’entente l’amiableNote de bas de page 11.

[67] La prestataire a fourni une copie du relevé d’emploi modifié qui indique que la prestataire a été congédiée sans justification, qu’elle a reçu son indemnité de congé, une indemnité de préavis et une indemnité de départNote de bas de page 12.

[68] La prestataire a fourni de la correspondance indiquant que le siège social avait retenu les services d’une agence externe pour mener une enquêteNote de bas de page 13.

[69] La prestataire a fourni de la correspondance relative à sa demande auprès de l’organisme responsable des normes du travailNote de bas de page 14.

[70] La prestataire a fourni de la correspondance dans laquelle son représentant demandait à l’employeur au sujet de son admissibilité au titre de l’Alberta Employment Standards Act (la loi sur les normes d’emploi de l’Alberta).

[71] Je reconnais que la prestataire a déclaré qu’elle se sentait intimidée et harcelée et qu’elle avait de plus l’impression que L. J. et S. C. ne l’aimaient pas parce qu’elle est Russe. Toutefois, je considère que cette raison est pertinente à l’action d’avoir réécrit les documents. À partir du témoignage de la prestataire, je conclus que ses accusations n’étaient pas fondées et qu’il s’agissait simplement de ses impressions.

[72] J’ai tenu compte des renseignements additionnels de la prestataire et du fait qu’elle conteste son congédiement auprès de son employeur en invoquant les normes du travail. Toutefois, je ne suis pas tenue par les lois sur les normes en matière d’emploi. Je dois appliquer la législation relative à l’AE et déterminer comment le critère juridique s’applique au cas de la prestataire.

[73] À mon avis, il n’y a aucune preuve présentée par l’employeur qu’après le congédiement, il a changé sa position et a établi que la prestataire n’avait pas falsifié les documents. La prestataire a admis que même si une enquête était en cours, il n’y avait pas eu de conclusion, et qu’on ne l’avait pas informée sur le déroulement de l’enquête. Elle ne serait informée que du résultat de l’enquête.

[74] J’ai tenu compte de l’argument de la prestataire selon laquelle elle a commis une erreur et j’éprouve de la sympathie à son égard. La notion d’inconduite délibérée n’implique pas qu’il soit nécessaire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Un manque de jugement n’est pas pertinent à la question de savoir si ses actions constituaient une inconduiteNote de bas de page 15.

[75] Je conclus que la preuve est incontestable. La prestataire a admis avoir réécrit le document et elle l’a fait de son plein gré. Je conclus que les actions de la prestataire étaient volontaires et délibérées et qu’elle savait ou aurait dû savoir qu’ils pouvaient entraîner son congédiementNote de bas de page 16.

Conclusion

[76] L’appel est rejeté.

Date de l’audience :

Le 4 juillet 2019

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparution :

E. R., appelante

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