Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli. Je conclus que la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) n’a pas prouvé que le prestataire avait quitté volontairement son emploi.

Aperçu

[2] Le prestataire travaillait au X. Il a parlé d’une augmentation à son superviseur immédiat. Le superviseur a répondu qu’il faudrait que le prestataire parle au patron. Le prestataire s’est adressé à son patron pour discuter d’une augmentation. Son patron a commencé à lui crier après et lui a dit de partir. Le prestataire a quitté le lieu de travail et n’est pas retourné.

[3] Le prestataire a présenté une demande de prestations régulières d’assurance-emploi. Il a déclaré dans sa demande qu’il avait été congédié. La Commission a décidé que le prestataire était admissible à des prestations parce que les circonstances de son départ ne constituaient pas de l’inconduite. L’employeur a demandé un réexamen de la décision de la Commission et a fait valoir que le prestataire n’avait pas été congédié, mais qu’il avait quitté volontairement son emploi. En révision, la Commission a exclu le prestataire du bénéfice des prestations parce qu’elle a décidé que le prestataire avait quitté volontairement son emploi sans justification. Il en est résulté un trop-payé de prestations.

[4] Le prestataire a interjeté appel à l’encontre de cette exclusion devant le Tribunal de la sécurité sociale. Il a soutenu qu’il n’avait pas quitté volontairement son emploi parce que son patron lui avait dit de partir.

Questions préliminaires

[5] Au début de l’audience, il était évident que le prestataire parlait très peu le français et que son anglais était médiocre.

[6] J’ai demandé au prestataire s’il voulait ajourner l’audience afin que le Tribunal puisse prendre des dispositions pour qu’un interprète soit présent. Le prestataire a confirmé qu’il témoignerait en anglais et qu’il souhaitait poursuivre l’audience.

[7] J’ai reconfirmé avec le prestataire qu’il voulait que l’audience se déroule en français, car son représentant parlait davantage le français, que le prestataire voulait témoigner en anglais et que le prestataire voulait que la correspondance du Tribunal soit rédigée en anglais.

Questions en litige

Première question : Le prestataire a-t-il quitté volontairement son emploi au X?

Deuxième question : Dans l’affirmative, le prestataire était-il fondé à quitter volontairement son emploi parce que son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas?

Analyse

[8] Je dois décider si le prestataire est exclu du bénéfice des prestations parce qu’il a quitté volontairement son emploi sans justification. Pour ce faire, je dois d’abord traiter du départ volontaire du prestataire. Je dois ensuite décider si le prestataire était fondé à quitter son emploi.

[9] La Commission a le fardeau de prouver que le départ était volontaire. Puis, le fardeau passe au prestataire, qui doit prouver qu’il était fondé à quitter son emploiNote de bas de page 1. Le fardeau de la preuve du prestataire et de la Commission tient à la prépondérance des probabilités, ce qui signifie qu’ils doivent prouver qu’il est « plus probable qu’improbable » que les événements se sont produits ainsi qu’ils ont été décrits.

Première question : Le prestataire a-t-il quitté volontairement son emploi au X?

[10] Pour déterminer si le prestataire a quitté volontairement son travail, la Commission doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il a pris l’initiative de rompre la relation employeur-employéNote de bas de page 2.

[11] Je conclus que le prestataire n’a pas quitté volontairement son emploi.

[12] La Commission s’est appuyée sur les déclarations de l’employeur, qui a constamment affirmé que le prestataire avait démissionné. C’était la position de l’employeur tant dans le relevé d’emploi que dans les déclarations soumises à la Commission. L’employeur a déclaré que le prestataire avait l’habitude de quitter son travail sans avertir son gestionnaire et donc d’abandonner son poste. La déclaration de l’employeur indique que, le 17 juin 2018, le prestataire a quitté le lieu de travail après avoir demandé une augmentation à son patron et lui avoir demandé d’emprunter de l’argent pour des raisons personnelles. L’employeur a déclaré que le prestataire ne s’était pas présenté au travail, même si son superviseur avait tenté de communiquer avec lui lorsqu’il ne s’était pas présenté pour ses quarts plus tard cette semaine-là. Le prestataire n’a communiqué avec son employeur qu’à la fin de la semaine pour demander son dernier chèque de paie. La Commission soutient que le prestataire a quitté volontairement son emploi parce qu’il a abandonné son poste.

[13] Toutefois, le prestataire a toujours soutenu qu’il n’avait pas démissionné. Il a soutenu que l’employeur l’avait congédié. Il a maintenu cette position lorsqu’il a déposé sa demande initiale et tout au long de ses discussions avec la Commission. Il a également maintenu cette position lorsqu’il a déposé une plainte de congédiement injuste contre son employeur en vertu de la Loi sur les normes du travail.

[14] Le prestataire a témoigné qu’il avait parlé d’une augmentation à son superviseur à plusieurs reprises puisqu’il n’avait pas reçu d’augmentation depuis environ cinq ans. Son superviseur, qui était le frère de son patron, a dit qu’il faudrait que le prestataire parle au patron. Le prestataire a témoigné que, le 17 juin 2018, il s’était adressé à son patron parce que celui-ci semblait être de bonne humeur. Le prestataire prenait sa pause. Le prestataire a témoigné qu’il avait commencé à demander une augmentation. Le prestataire a témoigné que, dès qu’il avait abordé la question de son augmentation, son patron s’était mis à crier et à l’empêcher de parler. Le patron avait crié au prestataire qu’il se plaignait toujours de son salaire au superviseur et qu’il rendait le superviseur et le patron fous avec ses demandes d’augmentation. Le prestataire a dit que le patron lui avait crié après, avait pointé la porte et lui avait dit de partir et de ne pas revenir.

[15] Le compte rendu des événements du 17 juin 2018 de l’employeur et du prestataire est très différent. J’estime que le témoignage du prestataire au sujet de ces événements était crédible et sincère. Le prestataire a décrit en détail l’interaction avec son patron et a expliqué le contexte de la discussion ainsi que la manière dont son patron lui avait dit de quitter le lieu de travail.

[16] De plus, je préfère le témoignage de première main du prestataire à la preuve présentée par la Commission. Je note que la Commission s’est fondée sur la déclaration de la gestionnaire des ressources humaines et n’a pas produit de déclaration du patron ou de toute personne ayant a été témoin de la discussion entre le prestataire et son patron. Lors du premier contact avec la Commission, la gestionnaire des ressources humaines a déclaré qu’elle ne pouvait pas confirmer exactement ce qui avait été dit ou demandé ce jour-làNote de bas de page 3. Questionnée plus avant, la gestionnaire des ressources humaines a déclaré que le prestataire avait demandé à son patron une augmentation de salaire et un prêt personnel. Elle a déclaré que le patron avait répondu qu’il ne pouvait pas lui prêter d’argent et qu’il devrait prendre sa pause et retourner au travail. L’employeur a déclaré qu’il n’avait jamais dit au prestataire de rentrer chez luiNote de bas de page 4. L’employeur a produit une déclaration lorsqu’il a demandé un réexamen. La déclaration traite de la tendance du prestataire à abandonner son travail, mais ne fait aucune mention d’une discussion entre le prestataire et son patron le 17 juin 2018Note de bas de page 5. Dans la déclaration finale fournie par l’employeur, celui-ci affirme une fois de plus que le prestataire a quitté le travail parce qu’il avait l’habitude de quitter son poste et qu’il n’a pas été congédié. L’employeur affirme que le patron a dit au prestataire de retourner au travail.

[17] Outre ces déclarations, aucune information fournie par la Commission n’a trait à la teneur de la discussion survenue entre le prestataire et son patron ni aux détails de cette interaction.

[18] J’estime qu’il est plus probable qu’improbable qu’une discussion a eu lieu au sujet du salaire du prestataire et que le patron a haussé le ton. Le témoignage du prestataire au sujet du comportement de son patron est corroboré par la déclaration de l’employeur. L’employeur a déclaré : le patron est [traduction] « direct et parle fort » et « il est vrai que le patron parle fort ».

[19] J’estime également qu’il est plus probable qu’improbable que le patron a dit au prestataire de partir et de ne pas revenir. Le prestataire a témoigné qu’au cours des 14 années où il avait travaillé pour ce patron, il avait vu celui-ci congédier plusieurs employés. Il a témoigné qu’il n’avait jamais vu son patron se fâcher autant qu’il l’avait fait avec lui. Le prestataire a témoigné que c’est en raison du niveau de colère de son patron et de la façon dont ce dernier avait pointé la porte, en lui disant de partir et de ne pas revenir, que le prestataire avait compris qu’il avait été congédié.

[20] De plus, je n’accepte pas l’argument de la Commission selon lequel le prestataire a abandonné son travail parce qu’il est parti le 17 juin 2018 et ne s’est pas présenté pour ses quarts de travail subséquents. Le prestataire a témoigné que son superviseur n’avait pas communiqué avec lui pour qu’il se présente au travail les jours ayant suivi la rencontre avec son patron. J’accepte le témoignage du prestataire sur ce point. Il a affirmé catégoriquement qu’il n’avait pas reçu d’appel de son superviseur. Bien que l’employeur ait déclaré que le prestataire avait été appelé par son superviseur dans les jours ayant suivi les événements, l’employeur n’a pas pu fournir de relevé de ces appels et n’a pas pu confirmer si un message avait été laissé au prestataire.  

[21] Je conclus que le comportement du prestataire après la discussion avec son patron était compatible avec le comportement d’un employé qui croyait sincèrement qu’on lui avait dit de quitter le lieu de travail. Le prestataire a communiqué avec son employeur le 25 juin 2018, soit son jour de paie. Il a témoigné qu’il voulait s’assurer de recevoir sa dernière paie. L’employeur a confirmé que le prestataire avait demandé son salaire et avait demandé qu’il soit remis à l’un de ses collègues pour qu’il le lui apporte. Je conclus que la conduite du prestataire entre le 17 juin 2018 et le 25 juin 2018 renforce le témoignage du prestataire selon lequel on lui a dit de quitter le lieu de travail. Bref, il n’était pas nécessaire que le prestataire communique avec l’employeur avant son jour de paie parce qu’il comprenait que sa présence au travail n’était plus souhaitée.

[22] Enfin, je n’accepte pas l’argument de la Commission selon lequel le prestataire a abandonné son poste le 17 juin 2018 parce qu’il avait des antécédents de départ du lieu de travail sans autorisation. Le prestataire a témoigné que, par le passé, il n’avait pas quitté le travail sans permission. Le prestataire a témoigné qu’il y avait effectivement eu des périodes au cours de ses 14 années de service où il avait été absent du travail. Il a déclaré qu’il était parti une fois parce qu’il s’était blessé au dos. Il a également témoigné que son superviseur lui disait de rentrer chez lui lorsque le supermarché était peu achalandé ou l’appelait à la dernière minute pour lui dire de rester à la maison. J’accepte le témoignage du prestataire selon lequel il y avait beaucoup de fluidité autour de ses heures de travail et qu’il n’avait pas quitté le lieu de travail par le passé sans le consentement de son superviseur.

[23] Je préfère la position du prestataire à celle de la Commission parce que celle-ci n’a fourni aucune autre information que la déclaration selon laquelle le prestataire avait tendance à abandonner son travail. L’employeur a affirmé dans sa déclaration qu’il essayait de remédier à cette tendance du prestataire. Toutefois, il n’y avait ni lettres disciplinaires ni avertissements pour étayer la déclaration de l’employeur. Par conséquent, je ne peux accepter la déclaration de l’employeur selon laquelle le prestataire avait tendance à quitter le lieu de travail sans autorisation (ce à quoi l’employeur tentait de remédier) et avait donc abandonné son poste le 17 juin 2018.

[24] Bref, je conclus que le prestataire n’a pas mis fin à la relation d’emploi et qu’il n’avait pas le choix de rester ou de quitter son emploiNote de bas de page 6. Par conséquent, je conclus que la Commission n’a pas prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que le prestataire avait quitté volontairement son emploi.

Deuxième question : Le prestataire était-il fondé à quitter volontairement son emploi parce que son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas?

[25] Puisque j’ai conclu que la Commission n’a pas démontré que le prestataire avait quitté volontairement son emploi, il n’est pas nécessaire d’examiner cette question.

Conclusion

[26] L’appel est accueilli.

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

30 juillet 2019

En personne

G. A., appelant
S. S., représentant de l’appelant

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