Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Je conclus que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite, en vertu des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi »).

Aperçu

[2] L’appelant a travaillé comme mécanicien industriel chez l’employeur X (« l’employeur »), du 10 décembre 2018 au 6 février 2019 inclusivement. L’employeur a indiqué avoir congédié l’appelant parce qu’il avait enfreint les règles de cadenassage à l’usine où il travaillait, en omettant de couper l’interrupteur d’alimentation électrique et de le cadenasser, une opération permettant d’éviter que pendant qu’une machine est réparée ou inspectée, elle soit mise en marche.

[3] L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la « Commission ») a déterminé que l’appelant avait perdu son emploi en raison de son inconduite et a refusé de lui verser des prestations d’assurance-emploi.

[4] L’appelant a soutenu ne pas avoir perdu son emploi en raison de son inconduite. Il a expliqué avoir omis de « se cadenasser » à plusieurs reprises, mais qu’il ne s’agissait pas de gestes volontaires, délibérés ou intentionnels de sa part. L’appelant a indiqué qu’il n’avait pas été en mesure de gérer son stress lorsqu’il a accompli son travail. Le 6 juin 2019, l’appelant a contesté la décision rendue à son endroit après que celle-ci ait fait l’objet d’une révision de la part de la Commission. Cette décision fait l’objet du présent appel devant le Tribunal.

Questions en litige

[5] Je dois déterminer si l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite, en vertu des articles 29 et 30 de Loi.

[6] Pour établir cette conclusion, je dois répondre aux questions suivantes :

  1. Quels sont les gestes reprochés à l’appelant?
  2. L’appelant a-t-il commis les gestes en question?
  3. Si tel est le cas, les gestes posés par l’appelant avaient-ils un caractère conscient, délibéré et intentionnel, de telle sorte qu’il savait ou aurait dû savoir qu’ils seraient susceptibles d’entraîner la perte de son emploi?
  4. La Commission s’est-elle acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombe de démontrer si les gestes posés par l’appelant représentent de l’inconduite?
  5. Est-ce que les gestes posés par l’appelant sont à l’origine de son congédiement?

Analyse

[7] Bien que la Loi ne définisse pas le terme d’inconduite, la jurisprudence mentionne que pour constituer de l’inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins procéder d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement au travailNote de bas de page 1.

[8] Il y a inconduite lorsque la conduite du prestataire est délibérée, c’est-à-dire que les actes qui ont mené au congédiement sont conscients, voulus ou intentionnels. En d’autres mots, il y a inconduite lorsque le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédiéNote de bas de page 2.

[9] Pour qu’une conduite soit considérée comme une « inconduite », en vertu de la Loi, elle doit être délibérée ou si insouciante qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas de page 3.

[10] Pour déterminer si l’inconduite peut mener à un congédiement, il doit exister un lien de causalité entre l’inconduite reprochée au prestataire et la perte de son emploi. L’inconduite doit donc constituer un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travailNote de bas de page 4.

Quels sont les gestes reprochés à l’appelant?

[11] Dans le cas présent, les gestes reprochés à l’appelant sont d’avoir enfreint les règles relatives au cadenassage en vigueur à l’usine où il travaillait (X). Ces règles font en sorte que lorsqu’un mécanicien travaille à réparer ou à inspecter une machine, il a l’obligation de couper l’interrupteur d’alimentation électrique et de le cadenasser afin d’éviter que la machine faisant l’objet d’une réparation ou d’une inspection soit mise en marche au même moment.

[12] Dans une déclaration faite à la Commission, en date du 23 mars 2019, l’employeur a expliqué que l’appelant a été congédié pour avoir enfreint les règles de cadenassage en vigueur à l’usine où il travaillait. Il a précisé que l’appelant a omis de suivre la procédure de cadenassage à trois reprises, ce qui a mené à son congédiement selon la règle de gradation des sanctions. L’employeur a également indiqué que l’appelant avait aussi fait preuve d’insubordination en contestant les mesures disciplinaires qui lui ont été imposées à la suite de ses manquements. Une lettre de congédiement a été adressée à l’appelant en date du 6 février 2019Note de bas de page 5.

L’appelant a-t-il commis les gestes en question?

[13] Oui. L’appelant a reconnu avoir posé les gestes qui lui ont été reprochés. Il a indiqué avoir oublié de se cadenasser à trois reprises (4, 5 et 6 février 2019) et ne pas avoir respecté la procédure en vigueur chez l’employeurNote de bas de page 6.

[14] Je dois maintenant déterminer si ces gestes constituent de l’inconduite.

Les gestes posés par l’appelant avaient-ils un caractère conscient, délibéré ou intentionnel, de telle sorte qu’il savait ou aurait dû savoir qu’ils seraient susceptibles d’entraîner la perte de son emploi?

[15] Oui. Je considère que les gestes reprochés à l’appelant revêtaient un caractère délibéré.  Ses gestes étaient conscients, voulus ou intentionnelsNote de bas de page 7.

[16] Je considère qu’en regard de ces gestes et malgré les explications qu’il a fournies, l’appelant a manqué à une obligation fondamentale résultant expressément ou implicitement du contrat de travailNote de bas de page 8.

[17] Il ressort de la preuve au dossier, du témoignage et des déclarations de l’appelant, les éléments suivants :

  1. Les gestes qui lui ont été reprochés ne représentent pas de l’inconduite. Ces gestes n’étaient pas volontaires, délibérés ou intentionnels de sa part. Ils n’ont pas été prémédités non plusNote de bas de page 9 ;
  2. L’appelant savait qu’il devait se cadenasser et connaissait la procédure à suivre à cet égard. Il savait également que l’employeur avait une politique en cette matière et qu’il risquait d’être congédié à la troisième offenseNote de bas de page 10 ;
  3. L’appelant n’a jamais eu de problème de cadenassage lorsqu’il a travaillé aux usines de l’employeur situées à X ou à X. Il recevait des appels, parfois plusieurs en même temps pour effectuer des réparations, et était assez habitué à ce type de stress ;
  4. L’usine de X, où il a travaillé de décembre 2018 à février 2019, avant qu’il ne soit congédié, n’est pas un moulin à scie (scierie), comme les usines de X et de X, mais un planeur. L’appelant n’avait jamais travaillé dans ce type d’usine (planeur). À l’usine de X, il y avait des spécialistes en place, car plusieurs mécaniciens d’expérience n’arrivaient pas à trouver de solutions aux problèmes de fonctionnement de ce planeur. L’appelant a travaillé seul à cet endroit et pouvait recevoir plusieurs appels (trois ou quatre « calls ») en même temps. Les cadenassages ne fonctionnent pas tous de la même façon puisque dans des usines, le cadenassage s’effectue à un seul endroit, mais à celle de X, il s’effectuait à deux endroits. L’appelant a oublié de se cadenasser à trois reprises à cette usine. Son omission de suivre les règles de sécurité (ex. : se cadenasser) n’était pas voulue, bien qu’il s’agissait des mêmes règles dans toutes les usines où il a travaillé. Il a passé outre ces règles et a oublié de se cadenasser en raison du stress (ex. : nouvelle machine complexe à ajuster, pression mise par le patron afin que la réparation se fasse rapidement afin de faire fonctionner le moulin au plus tôt, devoir effectuer d’autres réparations sur d’autres équipements, présence des patrons de l’entreprise à l’usine de X au cours de ses derniers jours de travail, soit du 4 au 6 février 2019). L’appelant ne ressentait pas ce stress lorsqu’il a travaillé aux usines de X et de X puisqu’il connaissait ce type d’usine et savait ce qu’il devait réparer, mais que cela avait été différent à l’usine de X où l’ambiance était aussi assez spéciale. Par exemple, le contremaître se promenait dans le moulin avec ses lunettes de soleil pour lui mettre de la pression. Après que l’appelant ait apporté des ajustements au planeur, le contremaître passait après lui et faisait des ajustements à son tour pour s’assurer qu’il l’avait bien ajustéNote de bas de page 11 ;
  5. L’appelant a été congédié pour avoir omis de se cadenasser. Il a reçu les trois avis disciplinairesNote de bas de page 12 au même moment, et n’a donc pas purgé les suspensions prévues (trois ou cinq jours ou plus) des deux premiers avis disciplinaires qu’il a reçus avant d’être congédié. Il n’a pas reçu de lettre de congédiement. Son congédiement s’est fait verbalement dans le bureau de l’employeur en présence du contremaître et du directeur de l’usine. Le syndicat qui représentait l’appelant lui a indiqué qu’il ne pouvait pas faire grand-chose concernant les gestes qui lui ont été reprochés. L’appelant n’a pas déposé de grief pour contester les suspensions qui lui ont été imposées et le congédiement dont il a fait l’objetNote de bas de page 13 ;
  6. L’appelant savait que c’était dangereux de ne pas se cadenasser avant d’effectuer son travail de réparation ou d’entretien. Ce n’est pas son genre de ne pas se cadenasser. Il ne serait pas entré dans un endroit pouvant présenter un danger (une aire dangereuse) sans le faire. Jamais il ne risquerait de se blesser volontairement. L’appelant a déjà donné des cours ou de la formation en santé et en sécurité au travail à des mécaniciens (usine de X). Il n’a jamais eu d’avertissement de la part de l’employeur dans le passé, ailleurs qu’à l’usine de X, pour ne pas s’être cadenassé ni pour d’autres motifs. L’appelant est un père de famille honnête et travaillant. Il a toujours donné son 100 % pour l’employeurNote de bas de page 14.

[18] La preuve au dossier indique que des mesures disciplinaires (documents intitulés « Enregistrement de mesure disciplinaire ») ont été imposées à l’appelant pour ne pas avoir respecté la procédure de cadenassage dans l’accomplissement de son travail, les 4, 5 et 6 février 2019Note de bas de page 15.

[19] Des suspensions de trois et de cinq jours ont été respectivement imposées à l’appelant pour ne pas s’être cadenassé les 4 et 5 février 2019. Le commentaire suivant est inscrit sur le document « Enregistrement de mesure disciplinaire » émis à l’endroit de l’appelant, en date du 6 février 2019, parce que celui-ci ne s’était pas cadenassé pour accomplir son travail, le 5 février 2019 : « Conséquences en cas d’incapacité à améliorer le comportement ou à corriger la conduite : congédiement »Note de bas de page 16. Un document similaire, émis à l’endroit de l’appelant, également en date du 6 février 2019, parce que celui-ci ne s’était pas non plus cadenassé pour accomplir son travail cette journée-là, indique qu’il a été congédiéNote de bas de page 17.

[20] L’appelant a signé les trois documents en questionNote de bas de page 18.

[21] Le document intitulé « Tableau de gradation des mesures disciplinaires » précise aussi que le non-respect de la procédure de cadenassage entraîne une suspension minimum de trois jours (suspension d’un à quatre jours), de cinq jours ou plus, ou encore, un congédiementNote de bas de page 19.

[22] Je considère qu’en omettant de suivre la procédure de cadenassage pour effectuer son travail de mécanicien, et ce, à trois reprises, soit les 4, 5 et 6 février 2019, l’appelant a consciemment choisi de ne pas tenir compte des normes de comportement que l’employeur avait le droit d’exiger à son endroit et de passer outre une exigence fondamentale liée à son emploiNote de bas de page 20. En agissant de la sorte, l’appelant a brisé le lien de confiance qui l’unissait à son employeur.

[23] Malgré les raisons données par l’appelant concernant les gestes qui lui ont été reprochés (ex. : nouvelle machine à réparer avec laquelle il n’était pas familier, pressions exercées par l’employeur, stress ressenti par l’appelant), il lui appartenait de s’assurer qu’il respectait la procédure établie par l’employeur concernant le fait qu’il devait se cadenasser pour accomplir son travail.

[24] Je suis d’avis que l’appelant avait la possibilité d’éviter de compromettre son emploi en appliquant cette procédure. L’appelant ne pouvait ignorer une exigence aussi fondamentale. Il a d’ailleurs indiqué qu’il savait qu’il devait se cadenasser lorsqu’il travaillait sur des machines et il connaissait la procédure à suivre à cet égardNote de bas de page 21.

[25] Je suis d’avis que les actes reprochés à l’appelant étaient d’une portée telle que celui-ci pouvait normalement prévoir qu’ils seraient susceptibles de provoquer son congédiement. L’appelant savait que sa conduite était de nature à entraver les obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié en omettant de se cadenasser pour effectuer son travail de réparation ou d’entretien à l’usine où il travaillaitNote de bas de page 22.

[26] L’appelant savait que l’employeur avait une politique en cette matière et qu’il risquait d’être congédié à la troisième offense, ce qui s’est produit le 6 février 2019. Le fait que l’appelant ait reçu, en même temps, les trois avis disciplinaires concernant le non-respect de la procédure de cadenassage, ne change rien à cette situation. Il connaissait les règles et la procédure en vigueur à cet égard et savait qu’il devait s’y conformer pour ne pas compromettre son emploi.

[27] Je considère que l’appelant a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ces omissions auraient sur son rendement au travailNote de bas de page 23.

La Commission s’est-elle acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombe de démontrer si les gestes posés par l’appelant représentent de l’inconduite?

[28] Oui. Je suis d’avis que dans le cas présent, la Commission s’est acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombe de démontrer si les gestes posés par l’appelant représentent de l’inconduite. La jurisprudence nous informe que la Commission doit prouver l’existence d’éléments de preuve démontrant l’inconduite d’un prestataireNote de bas de page 24.

[29] La preuve démontre que l’appelant n’a pas respecté, et ce, à plusieurs reprises, la politique de l’employeur prévoyant qu’il devait se cadenasser pour effectuer son travail, alors qu’il aurait pu continuer d’occuper son emploi en respectant cette règle de base en matière de santé et de sécurité au travail. L’appelant a choisi de ne pas tenir compte d’une exigence légitime faite par son employeur.

Est-ce que l’inconduite de l’appelant est la cause de son congédiement?

[30] Oui. Je suis d’avis que le lien de causalité entre les gestes posés par l’appelant et son congédiement a été démontré. La jurisprudence nous indique qu’il doit être établi que l’inconduite a constitué la cause du congédiement du prestataireNote de bas de page 25.

[31] La preuve démontre que le fait que l’appelant ait enfreint à plusieurs reprises les règles concernant la procédure de cadenassage représente la cause réelle de son congédiement.

[32] L’employeur a expliqué avoir congédié l’appelant pour ces raisons puisqu’il a omis de suivre la procédure à cet effet, à trois reprises, ce qui a mené à son congédiement selon la règle de gradation des sanctions.

[33] L’appelant a indiqué avoir été congédié pour ces mêmes motifsNote de bas de page 26.

[34] En résumé, je considère que l’appelant a été congédié en raison d’actes qu’il a posés de manière volontaire et délibéréeNote de bas de page 27.

[35] C’est pourquoi j’estime que ces gestes constituent de l’inconduite au sens de la Loi et que l’appelant a perdu son emploi par sa propre faute. Son congédiement est la conséquence directe des gestes qui lui ont été reprochésNote de bas de page 28.

[36] En conséquence, la décision de la Commission d’exclure l’appelant du bénéfice des prestations d’assurance-emploi, en vertu des articles 29 et 30 de la Loi, est justifiée dans les circonstances.

Conclusion

[37] L’appel est rejeté.

 

Date de l’audience :

Mode d’audience :

Comparutions :

Le 17 juillet 2019

Téléconférence

R. C., appelant

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