Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli. E. S. (la prestataire) a démontré qu’elle avait un motif valable justifiant le retard dans la présentation de sa demande de prestations de compassion.

Aperçu

[2] La prestataire recevait des prestations régulières d’assurance-emploi. À la fin de juillet 2017, elle a appris que son grand-père en Égypte avait été hospitalisé en raison d'une grave maladie et qu'elle devait prendre soin de lui. Elle s’est rendue à un bureau de Service Canada pour expliquer sa situation et obtenir des conseils. On lui a dit de cesser de présenter ses demandes de prestations pour la durée de son absence. Elle est ensuite partie pour l’Égypte. À son retour au Canada, la prestataire est retournée au bureau de Service Canada pour obtenir d’autres conseils sur sa demande de prestations.

[3] En février 2019, elle a appris l’existence de prestations de compassion par l’entremise d’un autre agent de Service Canada. Elle a présenté une demande le 7 février 2019. Elle souhaite maintenant que sa demande soit traitée comme si elle avait été présentée plus tôt, soit le 1er août 2017. La Commission a refusé cette demande parce qu’elle estime que la prestataire n’avait pas de motif valable justifiant ce retardFootnote 1.

[4] Je dois décider si la prestataire a prouvé qu’elle avait un motif valable de retarder la présentation de sa demande de prestations de compassion. Selon la Commission, la prestataire n’a pas de motif valable puisque le retard est attribuable à son ignorance de la loi. La prestataire n’est pas d’accord et affirme que la Commission l’a mal informée de ses droits.

[5] Je conclus quela prestataire avait un motif valable pour justifier son retard, car elle a agi comme l’aurait fait toute personne raisonnable et prudente dans les circonstances.

Questions préliminaires

[6] Dans la décision découlant de la révision portée en appel, on peut lire que la demande d’antidatation de la demande de prestations de compassion a été rejetée. Soulignons toutefois que la décision relative à la demande de révision rendue par la Commission visait uniquement à déterminer si la requérante avait un motif valable de retarder le dépôt de sa demande et non à déterminer si elle était admissible à des prestations depuis une date antérieure. Par conséquent, je conclus que ma compétence se limite à la question du motif valable, car rien ne permet de conclure que la Commission a rendu une décision quant à savoir si la prestataire satisfaisait à tous les critères d’admissibilité aux prestations de compassion le 1er août 2017.

Questions en litige

[7] La prestataire a-t-elle démontré qu’elle avait un motif valable pendant toute la période de retard, soit du 4 août 2017 au 6 octobre 2017?

Analyse

[8] Lorsqu’un prestataire ne respecte pas le délai de présentation d’une demande de prestations ou de renouvellement et souhaite que sa demande soit traitée comme si elle avait été présentée à temps, la question de l’antidatation (règlement rétroactif) se pose. Lorsqu'il présente une demande de prestations d'assurance-emploi, le prestataire doit agir avec diligence. Le prestataire qui demande des prestations pour une semaine de chômage comprise dans une période de prestations doit présenter sa demande dans les trois semaines qui suivent ladite semaineFootnote 2.

[9] Lorsque le prestataire présente une demande de prestations après le délai prévu, la demande est considérée comme ayant été présentée à une date antérieure seulement si le prestataire démontre qu’il avait, durant toute la période écoulée entre cette date antérieure et la date à laquelle il présente sa demande, un motif valable justifiant son retardFootnote 3. Si le prestataire peut prouver qu’il avait un motif valable, on considère que la demande a été présentée dans les délaisFootnote 4.

[10] Je dois déterminer si la prestataire avait un motif valable en examinant les circonstances qui lui sont propres.

Première question en litige : La prestataire a-t-elle démontré qu’elle avait un motif valable pendant toute la période de retard, soit du 4 août 2017 au 6 octobre 2017?

[11] Je conclus que la prestataire avait un motif valable justifiant le retard durant la période écoulée entre le 4 août 2017 et le 6 octobre 2017.

[12] Pour prouver qu'elle avait un motif valable, la prestataire doit démontrer qu’elle a agi comme toute personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances semblablesFootnote 5. La prestataire doit le démontrer pour toute la période du retardFootnote 6.

[13] La prestataire doit également démontrer qu’elle a rapidement pris des mesures pour comprendre son admissibilité aux prestations et ses obligations aux termes de la loiFootnote 7. Si la prestataire n’a pas pris de telles mesures, elle doit démontrer que des circonstances exceptionnelles l’en ont empêchéeFootnote 8.

[14] La prestataire doit prouver qu’il est plus probable qu’improbableFootnote 9 qu’elle avait un motif valable.

[15] La prestataire affirme qu’entre avril 2017 et juillet 2017, elle recevait des prestations régulières d’assurance-emploi. Elle a appris que son grand-père était hospitalisé en Égypte en raison d’une grave maladie. Elle a dû s’y rendre pour s’occuper de lui. Elle soutient que ce voyage n’était pas prévu et qu’il s’agissait d’une urgence. La prestataire affirme qu’avant de partir, elle s’est posé des questions sur son statut quant à l’assurance-emploi. Elle s’est donc rendue au bureau de Service Canada le plus près de chez elle pour parler à un agent et savoir ce qu’elle devait faire compte tenu de son voyage à l’étranger. La prestataire soutient qu’elle a dit à l’agent qu’elle recevait des prestations d’assurance-emploi, mais qu’elle devait quitter le pays d’urgence pour prendre soin d’un membre de sa famille malade. L’agent l’a informée qu’elle devait simplement cesser de produire ses rapports bimensuels pendant son séjour à l’étranger.

[16] La prestataire affirme que pendant son absence, elle a de nouveau tenté de communiquer avec Service Canada pour s’assurer de l’exactitude des renseignements qu’elle avait reçus. Mais elle avait oublié son NIP et elle a eu de la difficulté à joindre Service Canada depuis une ligne téléphonique à l’étranger.

[17] La prestataire ajoute qu’à son retour au Canada, elle est retournée au même bureau de Service Canada, à la fin septembre 2017. Encore une fois, elle a expliqué à l’agent qu’elle avait dû quitter le pays pour s’occuper d’un membre de sa famille malade. Maintenant de retour, elle voulait savoir ce qu’elle devait faire pour régulariser sa situation quant à l’assurance-emploi. L’agent lui a répondu de recommencer à remplir ses rapports bimensuels.

[18] La prestataire affirme qu’aucun des agents de Service Canada avec qui elle a parlé ne l’a informée de la possibilité de présenter une demande de prestations de compassion. Ce n’est qu’en février 2019 que la prestataire a appris d’un autre agent de Service Canada qu’elle aurait peut-être été admissible à ce type de prestations pendant qu’elle s’occupait de son grand-père à l’étranger. Lorsque la prestataire a été mise au courant de cette possibilité, elle a présenté sa demande de prestations de compassion et demandé à ce que celle-ci soit antidatée.

[19] La prestataire ajoute qu’elle a présenté une demande de prestations de compassion parce que l’écart dans les prestations d’assurance-emploi pour la période entre août 2017 et le début d’octobre 2017 a eu une incidence sur une demande subséquente de prestations de maternité qu’elle a présentée au titre du Régime québécois d’assurance parentale (RQAP).

[20] La prestataire affirme qu’elle a un motif valable parce que le retard dans sa demande est attribuable aux renseignements erronés qu’elle a reçus des deux agents de Service Canada qu’elle a consultés.

[21] La Commission affirme que la prestataire n’a pas de motif valable parce que le retard est attribuable à son ignorance de la loi. Comme la prestataire n’était pas au courant de l’existence des prestations de compassion, elle n’a pas pu s’informer spécifiquement sur ce type de prestations auprès de la Commission, et n’a donc pas présenté sa demande dans les délais.

[22] Je conclus que le prestataire a agi comme toute personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances semblables. J’admets le témoignage de la prestataire voulant qu'elle ait expliqué sa situation avant de partir pour l’Égypte et se soit informée sur ce qu’elle devait faire dans de telles circonstances. La prestataire a été honnête dans son témoignage et a répondu aux questions en toute bonne foi. J’estime que ses réponses sont crédibles et je suis convaincue qu’elle a fourni suffisamment de renseignements sur sa situation pour conclure que le retard de sa demande de prestations de compassion est attribuable au fait qu'elle s'en est remise aux conseils des agents de Service Canada.

[23] J’admets le témoignage de la prestataire voulant qu’elle se soit rendue en personne à un bureau de Service Canada à deux reprises au cours de la période en question. J’estime que la requérante s’est renseignée sur ses droits et ses obligations au titre de la loi. Elle a demandé conseil aux agents chargés de fournir aide et conseils aux demandeurs. De plus, j’estime que les renseignements que la prestataire a fournis aux agents étaient suffisamment détaillés; conclure que sa demande ne portait que sur ses droits et obligations relativement à sa demande de prestations régulières serait une interprétation indûment restrictive de la situation. Par conséquent, je suis convaincue que la prestataire cherchait à obtenir des conseils généraux sur ce qu’elle devait faire dans sa situation. J’estime également que les explications que la prestataire a données aux agents contenaient suffisamment d’éléments pour que ceux-ci aient des raisons de penser qu’elle puisse être admissible à des prestations de compassion. La prestataire a fait confiance aux agents et lorsque ceux-ci lui ont proposé comme seule solution de suspendre sa demande de prestations régulières, elle a cru avoir épuisé toutes les options possibles. Le fait que les agents aient omis d’informer la prestataire des prestations de compassion équivaut à de fausses informations quant à ses droits en vertu de la LoiFootnote 10. Conclure le contraire reviendrait à dégager la Commission de son mandat d’informer le prestataire des différentes possibilités et des divers programmes disponibles. Je remarque que dans les responsabilités de Service Canada, on peut lire que « lorsque vous demandez des prestations d’assurance-emploi, nous [Service Canada] avons visons à […] vous informer des programmes et services offerts ».

[24] J’estime que l’argument de la Commission voulant que le retard soit uniquement attribuable à l’ignorance de la prestataire quant à la loi est trop restrictif, qu’il ne tient pas compte du fait qu’elle a pris des mesures pour comprendre quels étaient ses droits et obligations en vertu de la Loi et qu’elle a expliqué sa situation aux agents de Service Canada. Sa demande de renseignements ne se limitait pas à des conseils sur ce que doit faire un prestataire lorsqu’il s’absente du pays.

[25] La preuve démontre que la prestataire a rapidement pris des mesures pour comprendre son admissibilité aux prestations et ses obligations aux termes de la loi et qu’elle a reçu des renseignements incomplets, à l’origine de toute la période du retardFootnote 11. J’estime que la prestataire a fait preuve de diligence dans ses demandes de renseignements. En effet, elle s'est renseignée juste avant de partir pour l’Égypte et dès son retour.

[26] Qui plus est, la nature des prestations en question (prestations de compassion) m’incite d’autant plus à conclure que la prestataire avait un motif valable. La présente Cour reconnaît qu’il faut faire preuve d’un peu plus de clémence lorsque la demande concerne des prestations spéciales [prestations de compassion], car les demandeurs ne sont pas tenus de prouver qu’ils sont disponibles pour travailler. Par conséquent, les problèmes administratifs au moment d’établir la disponibilité de la prestataire au travail pendant la période de retard ne doivent pas être pris en compte dans la détermination de la validité du motif de retardFootnote 12.

[27] Par conséquent, je conclus que la prestataire avait un motif valable justifiant le retard.

Conclusion

[28] L’appel est accueilli.

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

17 juillet 2019

Téléconférence

E. S., appelante

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