Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] L’appelant est enseignant. Il a eu son premier enfant le 11 décembre 2017. Selon sa convention collective, des prestations complémentaires aux prestations d’assurance‑emploi peuvent être versées à un employé qui touche des prestations d’assurance‑emploi durant son congé parental. Toutefois, à ce moment‑là, l’appelant a omis de présenter une demande de prestations d’assurance‑emploi. Par conséquent, il n’a jamais reçu de prestations d’assurance‑emploi ni de prestations complémentaires. À la naissance de son deuxième enfant en janvier 2019, l’appelant a examiné plus attentivement les dispositions entourant ses prestations et s’est rendu compte qu’il avait omis de réclamer ces sommes d’argent. Le 7 janvier 2019, il a présenté à la Commission de l’assurance‑emploi (Commission) une demande d’antidatation de sa demande de prestations parentales au 13 décembre 2017.

[3] La Commission a rejeté la demande d’antidatation au motif que l’appelant n’a pas démontré qu’il avait, pendant toute la période de retard à présenter sa demande de prestations, un motif valable justifiant son retard.

Question en litige

[4] Le Tribunal doit décider si la demande de prestations présentée par l’appelant peut être considérée comme ayant été présentée à une date antérieure (le 13 décembre 2017) en application de l’article 10(5) de la Loi sur l’assuranceemploi (Loi sur l’AE).

Analyse

[5] L’article 10(4) de la Loi sur l’AE prévoit que, lorsque le prestataire présente une demande initiale de prestations après le délai prévu par règlement pour la présenter, la demande doit être considérée comme ayant été présentée à une date antérieure si le prestataire remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations et démontre qu’il avait, durant toute la période écoulée entre cette date antérieure et la date à laquelle il présente sa demande, un motif valable justifiant son retard.

Question en litige : La demande de l’appelant doit‑elle être antidatée au 13 décembre 2017?

[6] Dans les cas d’antidatation, le fardeau de la preuve incombe à l’appelant. Par conséquent, l’appelant doit démontrer, conformément à l’article 10(4) de la Loi sur l’AE, qu’il avait, durant toute sa période de retard s’échelonnant du 13 décembre 2017 au 7 janvier 2019, un motif valable justifiant son retard à présenter sa demande de prestations.

[7] En l’espèce, je ne suis pas convaincue que l’appelant s’est acquitté du fardeau qui lui incombait.

[8] La Cour d’appel fédérale a conclu que, pour établir l’existence d’un motif valable de retarder la présentation d’une demande de prestations, l’appelant doit démontrer qu’il a agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans la même situation pour s’assurer de ses droits et de ses obligations sous le régime de la LoiNote de bas de page 1.

[9] L’appelant a affirmé qu’il ignorait qu’il devait toucher des prestations d’assurance‑emploi pour pouvoir bénéficier des prestations complémentaires de son employeur. L’appelant a fourni le libellé de la convention collective concernant les prestations d’emploi supplémentaires (PES), qui représentent un complément aux prestations d’assurance‑emploi versées durant le congé parental. Il a affirmé qu’il avait présenté une demande de PES directement à son employeur et qu’il avait supposé que tout le reste serait réglé.

[10] L’appelant a expliqué que sa confusion découle du fait qu’il a reçu un généreux paiement d’environ 12 000 $ de son employeur juste avant d’entamer son congé parental en décembre 2017. Il a déclaré qu’il croyait que ses prestations parentales d’assurance‑emploi lui avaient été versées par l’intermédiaire du paiement forfaitaire versé par son employeur. Toutefois, ce n’était pas le cas. L’appelant a découvert par la suite que ces sommes étaient liées à l’étalement du revenu et qu’il n’avait en fait jamais touché de prestations d’assurance‑emploi ni ses prestations complémentaires.

[11] À plusieurs reprises, l’appelant a répété qu’il souhaitait davantage recevoir les prestations complémentaires de son employeur que les prestations d’assurance‑emploi proprement dites. Toutefois, même si le Tribunal est très sensible à la situation de l’appelant, il ne peut faire droit à la demande d’antidatation seulement pour aider une personne à toucher d’autres prestations, comme des prestations complémentaires.

[12] Lorsque l’appelant a présenté sa demande de prestations complémentaires à son employeur, ce dernier lui a répondu par lettre en ces termes : [traduction] « Une fois que vous aurez reçu votre relevé de prestations d’assurance‑emploi de Service Canada, veuillez me le faire parvenir afin que je puisse calculer votre versement du régime de PES (vos prestations complémentaires) conformément à la convention collective. » L’appelant fait valoir que ni la lettre de l’employeur ni la convention collective ne sont claires quant à la nécessité de présenter une demande de prestations d’assurance‑emploi. Il regrette d’avoir peut‑être mal interprété les détails du fonctionnement du programme de PES. En effet, je suis d’avis que l’appelant fait face à une question d’interprétation de sa convention collective. La question de savoir si l’appelant tente de récupérer des sommes auxquelles il aurait eu droit par l’entremise de son employeur sous la forme de prestations complémentaires n’est pas pertinente en l’espèce.

[13] Pour ce qui est de la présente demande d’antidatation, la question à laquelle je dois répondre est celle de savoir si le prestataire a agi comme l’aurait fait une personne raisonnable dans la même situation pour s’assurer de ses droits et de ses obligations sous le régime de la Loi sur l’AENote de bas de page 2. Je ne peux pas répondre à cette question par l’affirmative. Il est attendu d’une personne raisonnable qu’elle lise les lettres et les documents qui lui sont envoyés. En l’espèce, le libellé de la lettre de l’employeur datée du 4 décembre 2017 est très clair à mes yeux. La lettre parle clairement du rôle de Service Canada et des prestations d’assurance‑emploi. Le bon sens veut qu’il soit par conséquent évident qu’une personne doit présenter une demande pour recevoir les prestations en question. Je ne peux accepter qu’une personne raisonnable puisse croire que ses prestations d’assurance‑emploi lui seront versées par l’entremise de son employeur comme le soutient l’appelant. Selon la prépondérance des probabilités, je conclus que l’appelant avait des connaissances de base du système d’assurance‑emploi puisque son épouse recevait des prestations et qu’elle devait en faire la demande pour les toucher.

[14] Même en supposant que l’appelant ignore tout du système d’assurance‑emploi, la Cour d’appel fédérale a réaffirmé que l’ignorance de la loi, même combinée à la bonne foi, ne constitue pas un motif valableNote de bas de page 3. La Cour d’appel fédérale a également établi que le prestataire doit prendre des mesures raisonnables auprès de la Commission pour vérifier ses croyances personnelles ou les renseignements obtenus par l’intermédiaire de tiers. Cette obligation impose un devoir de prudence sévère et strict. En l’espèce, l’appelant s’est fié à ses propres hypothèses relatives au montant forfaitaire reçu et n’a pris aucune mesure raisonnable pour vérifier assez rapidement si ses croyances personnelles étaient justes.

Dans son appel, l’appelant a affirmé que, au moment de son omission de présenter une demande, ses conditions de vie étaient difficiles et exigeantes, car il devait à la fois traiter les documents administratifs, préparer ses plans d’enseignement pour la personne qui allait le remplacer durant son absence, essayer de finir l’étage supérieur de sa maison et aider sa femme enceinte. Encore une fois, je suis sensible à la situation de l’appelant et je reconnais qu’il a pu vivre des moments difficiles. Toutefois, je ne suis pas convaincue que l’appelant a démontré qu’il vivait une situation si exceptionnelle qu’elle représentait un motif valable de retard. L’antidatation d’une demande doit demeurer une mesure exceptionnelle qu’il faut utiliser avec prudence. La Loi sur l’AE ne permet pas aux prestataires de reporter leurs demandes simplement parce qu’ils ne sont pas encore prêts à les déposer, et il existe de bonnes raisons de principe pour exiger que les prestataires déposent leurs demandes en temps opportun. Comme l’a souligné la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Canada (Procureur général) c Chalk :

[S]i la demande de prestations doit être présentée le plus rapidement possible, c’est parce que le paiement rétroactif de prestations empêche la Commission de bien administrer le versement des prestations au prestataire. Ainsi, des questions comme la disponibilité pour le travail et l’effet de toute rémunération éventuelle du prestataire ne peuvent être traitées de manière contemporaine.

[15] Pendant une année entière, l’appelant n’a pas communiqué avec Service Canada ou avec son employeur pour s’assurer d’avoir bien compris le processus qui lui aurait permis de toucher des prestations d’assurance‑emploi et des prestations complémentaires. En toute déférence, je ne suis pas convaincue qu’une personne raisonnable aurait attendu aussi longtemps pour s’informer au sujet de ses droits et de ses privilèges.

Conclusion

[16] L’appel est rejeté.

 

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 26 juin 2019

Téléconférence

G. S., appelant

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