Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

L’appel est accueilli en partie. Le prestataire n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations selon l’article 18(1)(a) de la Loi après le 22 juin 2016.

Aperçu

[1] L’appelant, P. C. (prestataire), recevait des prestations d’assurance-emploi lorsqu’il a appris que sa mère était gravement malade et que son décès était vraisemblablement imminent. Il a été très affecté par cette nouvelle et a eu de la difficulté à poursuivre ses recherches d’emploi, allant jusqu’à repousser l’acceptation d’une offre d’emploi jusqu’à ce que le poste ne soit plus disponible. Cependant, le prestataire détenait un emploi à temps partiel qu’il avait toujours conservé depuis l’époque précédant le début du versement de ses prestations, et il a continué à déclarer qu’il était disponible et capable de travailler. La Commission de l’assurance-emploi (intimée) a finalement déterminé que le prestataire n’était pas disponible pour travailler et a déclaré un trop-payé de prestations.

[2] Le prestataire a demandé une révision, mais la Commission a décidé de maintenir sa décision. Le prestataire a ensuite interjeté appel de la décision découlant de la révision devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale, qui a rejeté son appel. Il porte maintenant cette décision en appel devant la division d’appel.

[3] L’appel est accueilli en partie. La division générale a commis une erreur en n’appliquant pas le droit de façon adéquate et en interprétant mal ou en ignorant le témoignage du prestataire concernant ses démarches de recherche d’emploi.

Questions préliminaires

[4] Initialement, cet appel devait être instruit par téléconférence. Par la suite, la Commission a informé la division d’appel qu’elle ne comparaîtrait pas à l’audience. Le prestataire a aussi informé la division d’appel qu’il ne souhaitait pas comparaître, mais qu’il voulait que l’appel soit instruit sur la foi du dossier et des documents s’y trouvant déjà.

[5] Par conséquent, l’appel est tranché sur la foi du dossier.

Questions en litige

[6] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en n’appliquant pas le critère juridique approprié applicable à la disponibilité pour travailler?

[7] La division générale a-t-elle établi que le prestataire n’était pas disponible pour travailler sans tenir compte de son témoignage au sujet de ses démarches de recherche d’emploi?

Analyse

[8] La division d’appel ne peut intervenir dans une décision de la division générale que si elle peut déterminer que cette dernière a commis l’une des erreurs correspondant aux moyens d’appel prévus à l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS).

[9] Les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en n’appliquant pas le critère juridique applicable à la disponibilité pour travailler?

[10] L’article 18(1)(a) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE) énonce qu’une partie prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations pour tout jour ouvrable d’une période de prestations pour lequel il ne peut prouver qu’il était, ce jour-là, capable de travailler et disponible à cette fin et incapable d’obtenir un emploi convenable.

[11] Selon la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Faucher c Canada (Procureur général)Note de bas de page 1, trois facteurs doivent être analysés pour déterminer la disponibilité à travailler au titre de l’article 18(1) de la Loi sur l’AE. Les trois facteurs sont les suivants :

  1. a) un désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable est offert;
  2. b) l’expression de ce désir par des efforts pour trouver un emploi convenable;
  3. c) l’absence de conditions personnelles pouvant limiter indûment les chances de retour sur le marché du travail.

[12] La division générale n’a pas fait référence à l’arrêt Faucher en le nommant, mais elle semble avoir appliqué le critère Faucher en partie. Elle a déterminé que le prestataire [traduction] « avait établi des conditions personnelles qui avaient limité indûment ses chances de retourner sur le marché du travail », et qu’il n’avait « pas montré que ses efforts pour trouver un emploi convenable étaient habituels et raisonnables ».

[13] Bien que la division générale soit habileté à apprécier les trois facteurs de l’arrêt Faucher au besoin, elle a omis d’évaluer l’un des facteurs : la division générale n’a pas évalué la question de savoir si le prestataire avait le désir de retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable lui serait offert. Cela pourrait être perçu comme étant contraire aux indications dans Faucher et comme une erreur de droit au titre de l’article 58(1)(b) de la Loi sur le MEDS.

[14] De plus, la décision de la division générale a mal appliqué l’exigence relative à l’arrêt Faucher selon laquelle le prestataire doit exprimer son désir de retourner au travail en déployant des efforts pour trouver un emploi convenable. La division générale énonce qu’il appartient au prestataire d’effectuer une recherche d’emploi soutenue et ciblée, et elle estime qu’il n’a pas prouvé qu’il avait fait des efforts de recherche d’emploi habituels et raisonnablesNote de bas de page 2. La décision conclut en disant que le prestataire [traduction] « n’a pas démontré qu’il était disponible pour travailler ou qu’il a déployé des efforts habituels et raisonnables pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 3 ».

[15] L’exigence d’une recherche d’emploi soutenue et orientée provient de l’article 9.001 du Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement). L’article 9.001 définit également les « démarches habituelles et raisonnables » pour l’application de l’article 50(8) de la Loi sur l’AE. L’article 50(8) énonce que la Commission peut exiger qu’un prestataire prouve qu’il fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenable (vraisemblablement lorsque la Commission doute d’une déclaration faite par une partie prestataire sur sa fiche de demande d’AE selon laquelle il est disponible).

[16] La Commission se fonde généralement sur les déclarations d’une partie prestataire dans ses rapports de demandes d’AE pour déterminer sa disponibilité. Elle a aussi la capacité d’exiger une preuve de démarches de recherche d’emploi conformément à l’article 9.001 du Règlement, mais cela demeure entièrement à sa discrétion. La preuve portée à la connaissance de la division générale ne laissait pas entendre que la Commission avait exercé son pouvoir discrétionnaire d’exiger une preuve précise au-delà des déclarations faites pendant la période où le prestataire soumettait ses rapports de demandes d’AE, ou à tout autre moment. La Commission n’a même pas mené d’enquête au sujet des rapports de demandes d’AE du prestataire jusqu’en 2018 et à ce moment, elle a questionné le prestataire au sujet de sa recherche d’emploi en 2016 en termes généraux seulementNote de bas de page 4.

[17] J’accepte que la division générale doit soupeser la preuve pour déterminer si un prestataire a exprimé son désir de retourner sur le marché du travail en faisant des démarches pour trouver un emploi convenable. J’accepte aussi que la division générale peut prendre en compte la présence ou l’absence de l’une ou l’autre des activités de recherche d’emploi énumérées à l’article 9.001 du Règlement.

[18] Cependant, en l’espèce, la division générale a exigé que le prestataire démontre à la division générale que sa recherche d’emploi était suffisante conformément aux critères de l’article 9.001 en imposant effectivement ces critères comme une norme ou un critère juridique. Ce faisant, la division générale a erré dans son interprétation et son application du facteur Faucher qui concerne les démarches de recherche d’emploi faites par un prestataire. Soit il s’agit d’une erreur de droit ou d’une erreur de droit isolable dans l’application du critère Faucher aux faits.

[19] La division générale a omis d’examiner la question de savoir si le prestataire avait le désir de retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable lui serait offert (le premier facteur de l’arrêt Faucher) et elle a mal interprété le deuxième facteur de l’arrêt Faucher portant sur l’expression du désir de retourner travailler en faisant des démarches pour trouver un emploi convenable.

[20] Par conséquent, je conclus que la division générale a commis une erreur de droit pour l’application de l’article 58(1)(b) de la Loi sur le MEDS.

Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle établi que le prestataire n’était pas disponible pour travailler sans tenir compte de son témoignage au sujet de ses démarches de recherche d’emploi?

[21] La division générale a mentionné que le prestataire avait déclaré à la Commission que [traduction] « [...] en raison de la maladie de sa mère, il n’était pas "capable mentalement" d’entrer en fonctions dans un nouveau poste et qu’il avait décidé de conserver seulement son emploi à temps partiel ».

[22] Lorsque la division générale a mentionné la déclaration du prestataire selon laquelle il n’était pas « capable mentalement », elle faisait référence à la réponse du prestataire à l’une des questions du questionnaire. Le questionnaire portait sur le refus du prestataire d’accepter une offre d’emploi en particulierNote de bas de page 5. Dans son témoignage, le prestataire a confirmé qu’il n’était [traduction] « pas apte mentalement à entreprendre quoi que ce soit ». Cependant, cette déclaration a été faite à la suite de la partie de son témoignage dans laquelle il a expliqué pourquoi il a omis de répondre à l’employeur qui lui avait offert un emploi, et juste avant qu’il affirme qu’il avait commencé à chercher du travailNote de bas de page 6.

[23] La division générale a aussi mentionné que le prestataire [traduction] « n’aurait accepté aucun autre emploi ni un emploi à temps plein de la fin du mois de mai jusqu’en septembre 2016 », et qu’il « ne cherchait pas de travail activement pendant cette période ». La division générale a tiré cela des déclarations antérieures du prestataire à la CommissionNote de bas de page 7. Plus précisément, les notes de la Commission datées du 13 juin 2018 montrent que le prestataire a dit à la Commission qu’il ne cherchait pas de travail dans la période de mai à septembre et qu’il n’aurait accepté aucun autre emploi ni aucun emploi à temps pleinNote de bas de page 8.

[24] Le témoignage du prestataire contredit sa déclaration de juin 2018. Le prestataire a affirmé qu’il a commencé à chercher du travail et qu’il n’était pas exact qu’il n’était pas disponibleNote de bas de page 9. Il a affirmé qu’il avait fourni un dossier par courriel qui prouve qu’il avait posé sa candidature au moins une foisNote de bas de page 10. Il a également dit qu’il avait dû faire des appels et regarder les annonces dans les journaux et en ligneNote de bas de page 11. Il a dit qu’il avait communiqué avec une agence de placementNote de bas de page 12, et qu’il avait sauvegardé son curriculum vitae sur un site de recherche d’emploi en ligneNote de bas de page 13. Il a insisté sur le fait qu’il avait [traduction] « essayé de se remettre sur le marchéNote de bas de page 14 ».

[25] La division générale n’a pas questionné le prestataire au sujet de la contradiction apparente entre sa déclaration à la Commission et son témoignage ni exprimé de préoccupations au sujet de la contradiction. Elle n’a pas conclu non plus dans sa décision que le témoignage du prestataire n’était pas fiable ou crédible. En fait, la division générale n’a pas fait du tout référence au témoignage du prestataire. Si elle a privilégié les déclarations antérieures du prestataire à la Commission, la division générale n’a pas dit pourquoi.

[26] Comme l’a formulé la Commission dans les observations à l’appui de cet appel, [traduction] « la question de savoir si la division générale a examiné, mal compris ou simplement ignoré le témoignage du prestataire à l’audience n’est pas claire ».

[27] J’estime que la division générale a commis une erreur au titre de l’article 58(1)(c) de la Loi sur le MEDS en fondant sa décision sur une conclusion selon laquelle le prestataire n’était pas disponible pour travailler après le 26 mai 2016, sans tenir compte du témoignage du prestataire qui disait le contraire.

[28] La prestataire a invoqué des moyens d’appel au titre des articles 58(1)(b) et 58(1)(c) de la Loi sur le MEDS.

Réparation

[29] J’estime que le dossier de la division générale est complet. Je vais donc exercer ma compétence en vertu de l’article 59 de la Loi sur le MEDS pour rendre la décision que la division générale aurait dû rendre.

[30] Je reconnais que les notes de juin 2018 de la Commission mentionnent que le prestataire a dit à la Commission qu’il ne cherchait pas de travail et qu’il n’aurait accepté aucun autre emploi ni poste à temps plein entre mai et septembre 2016. Cependant, ce ne pouvait pas être une réponse complète. Si le prestataire n’avait aucun désir de retourner travailler, il aurait pu refuser l’offre d’emploi de juin 2016. Cependant, il ne l’a pas refusée : à peu près à la même période où il a parlé avec la Commission, il demandait également à son employeur éventuel d’avoir plus de temps pour décider s’il allait accepter le posteNote de bas de page 15.

[31] De plus, le prestataire a donné à la division générale une preuve documentaire qui semble confirmer sa participation à un salon de l’emploi, et confirmer également une demande d’emploi qui s’est ensuivie en juillet 2016Note de bas de page 16. Le prestataire a discuté de cette demande avec la Commission en novembre 2018Note de bas de page 17. Cet élément de preuve remet en question l’exactitude ou l’exhaustivité avec laquelle le prestataire a rapporté sa situation à la Commission en juin 2018 ou dans quelle mesure la teneur de sa déclaration à la Commission a été consignée dans les notes de la Commission.

[32] Ces notes de juin 2018 sont également contraires au questionnaire du prestataire dans lequel, de sa propre main, il répond aux questions qui demandent s’il a cherché du travail depuis qu’il a reçu l’offre d’emploi. Il répond : [traduction] « OuiNote de bas de page 18 ». Comme il en a déjà été question, le prestataire a aussi affirmé avoir fait des démarches de recherche d’emploi de la fin du mois de mai jusqu’en septembre 2016, et qu’il avait été disponible pour travaillerNote de bas de page 19. Il a affirmé qu’il croyait avoir présenté plus d’une demande d’emploi en juin, mais qu’il n’était plus en mesure de le prouver compte tenu du temps qui s’était écoulé. Je note que l’enquête menée par la Commission en 2018 portait essentiellement sur le refus du prestataire d’accepter une offre d’emploi en particulier et que, encore là, on n’a pas demandé au prestataire de soumettre une preuve détaillée de toute autre recherche d’emploi.

[33] J’ai écouté l’intégralité de l’enregistrement audio du témoignage du prestataire devant la division générale. J’estime que son témoignage est crédible en général. J’estime que son témoignage est plausible en ce qui concerne sa réaction à la maladie de sa mère, le soutien sur lequel il a compté relativement à son emploi continu à temps partiel et ses démarches pour trouver un autre travail. Son témoignage était aussi cohérent en soi et cohérent avec la plupart des renseignements figurant dans le dossier de la Commission. Je note également qu’il aurait pu facilement, sans avoir peur de se contredire, avoir confirmé avec certitude qu’il avait fait des appels et avoir passé en revue les annonces dans les journaux et en ligne, toutefois il a affirmé qu’il [traduction] « doit avoir » fait ces choses.

[34] Les souvenirs du prestataire quant à certains aspects de sa recherche d’emploi étaient vagues, ce qui, d’après moi, est attribuable du moins en partie au temps considérable qui s’est écoulé, bien que je comprenne qu’il était dans un certain état de détresse psychologique à l’époque. Par conséquent, je ne peux pas me fier sur sa croyance selon laquelle il doit avoir effectué les démarches de recherche d’emploi qu’il a nommées.

[35] Cependant, je suis convaincu que, selon la prépondérance des probabilités, le prestataire se souvient qu’il désirait chercher du travail, qu’il cherchait activement du travail, et qu’il a fait au moins quelques-unes des activités que ferait normalement une personne qui cherche activement un emploi.

[36] Dans les observations à l’appui de son appel, la Commission a examiné les éléments de preuve des démarches de recherche d’emploi du prestataire et a mentionné qu’elle est maintenant convaincue que le prestataire s’est acquitté du fardeau de prouver sa disponibilité. Je conviens que le prestataire a démontré qu’il désirait réintégrer le marché du travail dès que possible (le premier facteur de l’arrêt Faucher), après s’être remis du choc initial que lui a causé la nouvelle concernant la maladie de sa mère. Je conviens aussi qu’il a exprimé ce désir au moyen de démarches pour trouver un emploi convenable (le deuxième facteur de l’arrêt Faucher), dans la même période.

[37] Je n’admets pas que le prestataire s’est limité à l’emploi à temps partiel qu’il occupait déjà. De plus, je ne considère pas que la demande du prestataire de reporter une offre d’emploi limitait [traduction] « indûment » ses possibilités d’emploi, alors que l’occasion s’est présentée au moment où le prestataire devait composer avec la maladie de sa mère ou vers la même période. Rien d’autre ne laisse entendre que le prestataire a fixé des conditions personnelles quant à son emploi qui ont limité indûment son emploi (le troisième facteur Faucher).

[38] Le prestataire n’a pas expliqué combien de temps il lui a fallu pour reprendre sa recherche d’emploi après avoir été mis au courant de la maladie de sa mère. Il a de toute évidence trouvé un certain réconfort dans son emploi régulier à temps partiel pour [traduction] « conserver son équilibre mentalNote de bas de page 20 ». La première preuve qui appuie le fait qu’il cherchait autre chose, outre son emploi à temps partiel, est le courriel du 22 juin 2016 envoyé apparemment à la suite d’un salon de l’emploiNote de bas de page 21. Ce courriel a été envoyé environ une semaine après qu’il ait écrit un courriel à l’employeur qui lui avait fait une offre pour lui demander plus de temps pour réfléchir. J’estime par conséquent que le prestataire était capable de travailler et disponible à cette fin en date du 22 juin 2016, et ce, jusqu’à la fin de sa demande à la mi‑septembre 2016.

Conclusion

[39] L’appel est accueilli en partie. Le prestataire n’est pas exclu du bénéfice des prestations au titre de l’article 18(1)(a) de la Loi après le 22 juin 2016.

Mode d’instruction :

Comparutions :

Sur la foi du dossier

Aucune comparution

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