Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est accueilli en partie. Le prestataire était capable de travailler et disponible à cette fin, mais seulement jusqu’au 3 mai 2017 inclusivement.

Aperçu

[2] L’appelant, M. L. (prestataire) a d’abord présenté une demande de prestations d’assurance-emploi en février 2016, mais il est retourné travailler chez son employeur habituel en septembre 2016. En raison de la nature périodique de son travail, le prestataire a maintenu une demande de prestations active et a déclaré ses revenus d’emploi à l’aide de rapports hebdomadaires de septembre 2016 à janvier 2017.

[3] Le prestataire a terminé un projet pour son employeur le 5 janvier 2017 et il a arrêté de travailler de nouveau. L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a plus tard mené une enquête sur un trop-payé potentiel lié à ses revenus non déclarés, et elle a appris que le prestataire était atteint d’une maladie ou invalidité. La Commission a déterminé que le prestataire avait quitté son emploi le 5 janvier 2017 en raison de cette maladie ou invalidité et qu’il n’aurait pas dû recevoir de prestations régulières. Elle a admis que le prestataire avait droit à 15 semaines de prestations de maladie du 5 janvier 2017 au 24 avril 2017, mais qu’il n’était pas admissible à recevoir des prestations pour le reste de sa période de prestations étant donné qu’il n’avait pas été capable de travailler ni disponible à cette fin.

[4] Le prestataire a demandé une révision, mais la Commission a décidé de maintenir sa décision. Le prestataire a interjeté appel sans succès à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale, et il interjette maintenant appel à la division d’appel.

[5] L’appel est accueilli en partie. Le prestataire était capable de travailler et disponible à cette fin durant la période qui a commencé lorsqu’il a quitté son emploi le 5 janvier 2017 et qui a pris fin le 3 mai 2017, la date de son relevé d’emploi (RE).

Questions en litige

[6] Existe-t-il une cause défendable selon laquelle la division générale a ignoré ou mal interprété les éléments de preuve démontrant que le prestataire était physiquement capable de travailler de janvier 2017 jusqu’à la fin de sa période de prestations en août 2017?

[7] La division générale a-t-elle commis une erreur en omettant d’appliquer correctement le critère juridique pour déterminer la disponibilité à travailler du prestataire?

Analyse

[8] La division d’appel ne peut intervenir dans une décision de la division générale que si elle peut déterminer que cette dernière a commis l’une des erreurs correspondant aux moyens d’appel prévus à l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS).

[9] Les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige no 1 : Existe-t-il une cause défendable selon laquelle la division générale a ignoré ou mal interprété les éléments de preuve démontrant que le prestataire était physiquement capable de travailler de janvier 2017 jusqu’à la fin de sa période de prestations en août 2017?

[10] La division générale a compris que le prestataire se croyait prêt, disposé à travailler et capable de le faire de janvier 2017 jusqu’à août 2017; mais pas dans son domaine habituel comme conducteur d’équipement. La division générale a aussi compris que le prestataire disait qu’il aurait pu travailler dans un bureau, puisqu’il aurait s’agit d’un environnement moins stressantNote de bas de page 1.

[11] Le prestataire n’a pas contesté le fait que son dernier jour de travail était le 5 janvier 2017, mais il a affirmé tout au long de son témoignage qu’il était demeuré disponible, en attendant à X, en Alberta, pour le [traduction] « prochain projet » chez son employeur habituelNote de bas de page 2. Il a affirmé qu’il était normal que le travail sur le pipeline [traduction] « augmente et diminue » et qu’il ait à attendre pour que le prochain projet commenceNote de bas de page 3. Il a aussi dit que cela était habituel pour lui de ne pas travailler et ensuite de recevoir un appel pour qu’il retourne travailler. C’est ce qu’il croyait qu’il allait se produire lorsqu’il a terminé son dernier projet en janvier 2017Note de bas de page 4. Le prestataire a expliqué qu’il essayait aussi de trouver un autre travail parce qu’il avait un tout nouveau prêt hypothécaireNote de bas de page 5.

[12] Le prestataire a fini par obtenir un diagnostic d’ataxieNote de bas de page 6, ce qu’il a décrit comme un problème de santé ayant une incidence sur sa démarche. Il a affirmé qu’il avait quitté X pour retourner chez lui en Colombie-Britannique (C.-B.) en décembre 2017 parce qu’il y était plus facile et rapide de voir des spécialistes pour son problème de santé, ainsi que pour des raisons personnelles. Lorsque le membre de la division générale a dit au prestataire qu’il avait compris qu’il n’avait pas hâte de retourner à son ancien emploi à cause de son problème de santéNote de bas de page 7, le prestataire a dit que c’était bien ça. Toutefois, il a dit que cela remontait à décembre (après son retour en C.-B.Note de bas de page 8). Le prestataire a insisté sur le fait qu’il était tout à fait capable de faire son ancien travail en tant que conducteur d’équipement, et que son seul problème était qu’il marchait de façon un peu [traduction] « inhabituelleNote de bas de page 9 ».

[13] Le prestataire a joint une déclaration écrite qu’il avait aussi jointe à sa demande de révisionNote de bas de page 10. Cette déclaration écrite est le seul élément de preuve sur lequel la division générale aurait pu se fonder pour déterminer que le prestataire ne se croyait pas capable de faire son travail habituel depuis janvier 2017. Dans cette déclaration, le prestataire a affirmé qu’il n’était pas incapable de travailler avant la fin d’août 2017, lorsqu’il a fait une crise d’épilepsie. Il a commencé le prochain paragraphe en disant [traduction] « [qu’il] était prêt, disposé à travailler et capable de le faire, mais non de reprendre [son] emploi actuel comme conducteur de machinerie lourde dans un environnement de travail stressant où les activités se déroulent à un rythme rapide ». Le prestataire a expliqué qu’il avait cherché un emploi de bureau ou de répartition, mais qu’il n’avait aucune expérience dans le travail de bureau.

[14] La signification de la déclaration écrite du prestataire est ambiguë. On pourrait comprendre qu’il se considérait comme étant capable de travailler à partir de sa dernière journée de travail en janvier 2017, mais qu’il n’était pas capable de faire son travail habituel. Par ailleurs, on pourrait comprendre la déclaration du prestataire comme signifiant qu’il se considérait comme étant capable de faire son travail habituel à partir de sa dernière journée de travail jusqu’en août, mais qu’il ne s’en sentait pas capable après cela, et que c’est pour cette raison qu’il a cherché un autre emploi.

[15] La déclaration n’a pas été présentée directement au prestataire et il n’a offert aucune précision à son sujet. Le prestataire n’a pas non plus tenté de faire concorder sa déclaration et son témoignage. Toutefois, le prestataire a affirmé qu’il avait attendu qu’on l’appelle pour revenir au travail (plutôt que de postuler pour un autre emploi semblable au sien) au moins jusqu’au mois d’août. Il a mentionné qu’il avait aussi cherché un autre emploi. Cela concorde avec la deuxième interprétation possible de sa déclaration écrite seulement (voir ci-dessus). La division générale n’a pas remis en question le témoignage du prestataire sur ce point.

[16] Ce qui me pose problème dans la décision de la division générale n’est pas que le membre a omis de présenter la déclaration écrite du prestataire à celui-ci durant l’audience. Le problème est que la division générale n’a jamais fait référence au témoignage complet du prestataire.

[17] Dans son témoignage, le prestataire a insisté sur le fait qu’il avait été capable de faire son travail habituel du 5 janvier 2017 au moins jusqu’en août 2017. Il s’agissait clairement de sa position et de ce qu’il prétendait. La division générale pourrait choisir d’interpréter la déclaration antérieure du prestataire d’une façon qui ne concorde pas avec son témoignage, et ensuite de privilégier cette déclaration par rapport à son témoignage. Toutefois, dans ce cas, la division générale serait quand même tenue d’expliquer comment elle a interprété la déclaration écrite du prestataire, d’indiquer qu’elle a privilégié la déclaration écrite, et d’expliquer pourquoi.

[18] Le témoignage du prestataire selon lequel il était capable de faire son travail habituel et il attendait qu’on le rappelle était pertinent à la conclusion de la division générale selon laquelle le prestataire n’avait pas fait d’effort soutenu et ciblé pour trouver un emploi. Si la division générale avait cru le témoignage du prestataire, la preuve de celui-ci aurait nui à la conclusion et minimisé son importance. Dans l’arrêt Canada (Procureur général) c MacDonaldNote de bas de page 11, on laisse entendre qu’une partie prestataire qui s’attend à être rappelée à son emploi habituel pourrait ne pas être tenue d’effectuer le même type de recherche d’emploi, une recherche aussi longue, ou même toute recherche d’emploi supplémentaire. Dans MacDonald, la Cour d’appel fédérale a maintenu une décision qui avait confirmé que l’appelante était disponible pour travailler même si elle [traduction] « était seulement prête à accepter du travail de [son employeur] pour lequel elle travaillait depuis un certain temps bien que, aux moments pertinents, elle travaillait de façon intermittente ».

[19] J’estime que le membre de la division générale n’a pas pris en considération le témoignage du prestataire selon lequel il était demeuré capable de faire son travail habituel jusqu’au moins en août 2017, et il attendait que son employeur habituel le rappelle. J’estime aussi que cet élément de preuve était important et pertinent à la conclusion de la division générale selon laquelle le prestataire n’avait pas fait d’effort soutenu et ciblé pour trouver un emploi, et que la décision de la division générale était aussi fondée sur cette conclusionNote de bas de page 12.

[20] Ainsi, la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée sans tenir compte du témoignage du prestataire, ce qui constitue une erreur aux termes de l’article 58(1)(c) de la Loi sur le MEDS.

[21] Par ailleurs, la division générale a commis une erreur de droit au titre de l’article 58(1)(b) en ne fournissant pas de raison adéquate pour expliquer pourquoi elle a privilégié la déclaration écrite du prestataire à l’appui de sa révision par rapport à son témoignage de vive voix. Je note que la division générale n’a pas laissé entendre au prestataire durant l’audience ni dans sa décision, que sa déclaration ultérieure n’était pas conforme à son témoignage. Elle n’a pas non plus tiré de conclusion défavorable concernant la crédibilité du prestataire.

Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en omettant d’appliquer correctement le critère juridique pour déterminer la disponibilité à travailler du prestataire?

[22] La loi qui s’applique aux décisions concernant l’inadmissibilité aux prestations en raison de la non-disponibilité à travailler se trouve à l’article 18(1) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE) et dans les décisions des tribunaux d’instance supérieurs qui interprètent la Loi sur l’AE. La division générale a appliqué le critère juridique concernant la disponibilité décrit dans la décision Faucher c Canada (Procureur général) de la Cour d’appel généraleNote de bas de page 13.  

[23] J’ai discuté de l’approche de la division générale dans Faucher de façon assez détaillée dans ma décision concernant la demande de permission d’en appeler lorsque j’ai conclu qu’il existait une cause défendable selon laquelle la division générale pourrait ne pas avoir appliqué correctement le critère. En l’espèce, je dois déterminer si la division générale a commis une erreur par rapport à la norme plus élevée de prépondérance des probabilités. Je suis conscient de la norme stricte, mais je considère que la majeure partie de mon analyse antérieure demeure applicable à la présente. Par souci d’exhaustivité, j’intégrerai une partie de cette analyse à la présente.

[24] Selon l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’AE, une partie prestataire est seulement admissible à recevoir des prestations pour les jours de travail où elle peut démontrer qu’elle était capable de travailler, disponible à cette fin et incapable d’obtenir un emploi convenable (à l’exception de la période de 15 semaines durant laquelle la Commission lui a versé des prestations de maladie). Conformément à Faucher c Canada (Procureur général)Note de bas de page 14, la disponibilité à travailler doit être déterminée en analysant trois facteurs.

[25] Ces facteurs sont les suivants :

  1. un désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable est offert;
  2. l’expression de ce désir par des efforts pour trouver un emploi convenable;
  3. l’absence de conditions personnelles pouvant limiter indûment les chances de retour sur le marché du travail.

[26] La division générale a effectivement seulement pris en considération le deuxième des trois facteurs relatifs à Faucher. La division générale a examiné les efforts du prestataire conformément à l’article 50(8) de la Loi sur l’AE et à l’article 9.001 du Règlement sur l’assurance-emploi. L’article 50(8) de la Loi sur l’AE prévoit que, pour démontrer qu’une partie prestataire est disponible à travailler et incapable d’obtenir un emploi convenable (ce qui correspond à l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’AE), la Commission peut exiger d’une partie prestataire qu’elle fasse des efforts raisonnables et habituels pour obtenir un emploi convenable. L’article 9.001 du Règlement prévoit les critères servant à déterminer si une partie prestataire a fait des démarches habituelles et raisonnables. L’article 9.001 énumère les types d’efforts habituellement déployés pour trouver un nouvel emploi et il exige que les efforts soient soutenus et orientés vers l’obtention d’un emploi convenable, comme il a été noté par la division généraleNote de bas de page 15.

[27] La division générale n’était pas convaincue que la preuve appuyait une recherche soutenue et ciblée, et elle a affirmé que le prestataire n’avait pas fourni de détails sur ses efforts de recherche d’emploiNote de bas de page 16. Elle a jugé qu’il ne s’était pas acquitté du fardeau de prouver qu’il était capable de travailler et disponible à cette fin au moyen de ses efforts de recherche d’emploi. Elle a plutôt déterminé qu’il n’était pas disponible pour travailler en raison de ses problèmes de santéNote de bas de page 17. Toutefois, la division générale n’a pas analysé séparément les deux autres facteurs relatifs à l’affaire Faucher, et elle ne s’est pas non plus prononcée sur ceux-ci.

[28] La division générale a compris que le prestataire affirmait qu’il était prêt et capable de retourner à un emploi [traduction] « de bureau » à compter du 5 janvier 2017, plutôt que de retourner à son emploi régulier en tant que conducteur d’équipement lourd.Note de bas de page 18 Toutefois, elle n’a pas accepté cela comme étant vrai. Elle a déterminé que la preuve ne démontrait pas que le prestataire était prêt, désireux et apte à travailler selon la note de son médecin, son RE et sa demande de prestations du RPC et de prestations de maladie de l’AE. La division générale n’a pas non plus déterminé si un autre type d’emploi de bureau serait [traduction] « convenable » compte tenu de la maladie ou l’invalidité du prestataire, comme l’exige l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’AE ou l’analyse des facteurs relatifs à Faucher.

[29] Le troisième facteur relatif à l’affaire Faucher exigerait que la division générale détermine si le prestataire s’est imposé des restrictions qui l’ont [traduction] « indûment » limité dans sa recherche d’emploi. La division générale a exclu la possibilité que le prestataire ait la capacité physique pour retourner à son emploi habituelNote de bas de page 19, même s’il avait été rappelé à cette fin. Par conséquent, la division générale semble seulement avoir vérifié s’il avait effectué une recherche adéquate pour trouver un autre emploi, sans déterminer s’il s’était indûment limité dans sa recherche.

[30] Si le prestataire s’était limité à chercher certains emplois ou à accepter certains projets, il aurait pu être tout à fait approprié d’exclure des emplois de conducteur d’équipement lourd ou des occupations semblables pour chercher davantage un travail de bureau (comme il est entendu qu’il a fait ou qu’il avait l’intention de faire). Cela aurait probablement eu une influence sur les emplois auxquels il avait accès et sur sa démarche pour trouver un autre emploi, et cela aurait également pu avoir une incidence sur la détermination de la division générale relative au seul facteur de l’affaire Faucher qu’elle a pris en considération, qui concernait les efforts du prestataire pour trouver un emploi convenable.

[31] Toutefois, il faudrait examiner les efforts du prestataire pour trouver un emploi sous une toute autre perspective si sa maladie ou son invalidité ne l’ont pas nécessairement empêché de retourner à son emploi régulier.

[32] Le prestataire a déclaré qu’il avait la capacité physique d’occuper son emploi régulier, et qu’il s’attendait à ce que son employeur habituel lui demande de retourner travailler pour lui comme cela est la pratique dans l’industrie et selon son expérience de travail. Si la division générale avait pris en considération le témoignage du prestataire et lui avait accordé du poids, elle aurait peut-être déterminé que son emploi régulier demeurait convenable et qu’il souhaitait y retourner en analysant le premier facteur dans l’affaire Faucher. Elle aurait pu aussi conclure que la recherche d’emploi du prestataire était seulement secondaire et qu’il espérait et attendait principalement que son ancien employeur l’appelle pour lui demander de revenir. Ainsi, elle serait peut-être arrivée à une conclusion différente en ce qui concerne le deuxième facteur de l’affaire Faucher et dans sa décision finale.

[33] J’ai lu Faucher comme exigeant une analyse des trois facteurs. La Commission a soutenu que le silence de la division générale par rapport à deux des facteurs de Faucher ne signifie pas qu’elle a négligé de les prendre en considération. Elle a cité Simpson c Canada (Procureur général)Note de bas de page 20 à l’appui de la proposition selon laquelle la division générale est présumée avoir pris en considération et examiné l’ensemble de la preuve portée à sa connaissance. En ce qui concerne la Commission, cela ne ressemble en rien à une situation où la division générale ne fait pas mention de la preuve. La division générale n’a pas analysé pleinement la preuve puisqu’elle n’a pas tenu compte de tous les facteurs dans Faucher pour appliquer le critère juridique. Simpson ne s’applique pas à une erreur de droit.

[34] J’estime que la division générale a commis une erreur de droit au titre de l’article 58(1)(b) de la Loi sur le MEDS en omettant d’analyser la situation du prestataire en fonction des trois facteurs relatifs à l’affaire Faucher.

[35] Le prestataire a invoqué des moyens d’appel au titre des articles 58(1)(b) et 58(1)(c) de la Loi sur le MEDS.  

Réparation

[36] J’estime que le dossier de la division générale est complet. Je vais donc exercer ma compétence en vertu de l’article 59 de la Loi sur le MEDS pour rendre la décision que la division générale aurait dû rendre.

[37] La décision dans le cadre de cet appel tourne autour d’une grande question. Le prestataire [sic] était-il incapable de travailler du 5 janvier 2017 et tout au long de sa période de prestations?

[38] Si le prestataire était physiquement incapable de faire tout type de travail, alors je ne pourrais que conclure qu’il était incapable de travailler aux termes de l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’AE et inadmissible au bénéfice de toute prestation au-delà des prestations de maladie qui découleraient de l’applicabilité de l’article 18(1)(b).

[39] Par contre, si le prestataire était physiquement incapable de travailler, j’aurais besoin de déterminer s’il était physiquement capable de faire son travail habituel. Cela est important, car ses efforts pour trouver un emploi convenable devraient être évalués différemment si l’on pouvait raisonnablement s’attendre à ce qu’il se fasse rappeler et à ce qu’il retourne travailler pour son employeur régulier. Si je juge qu’il est demeuré capable physiquement de faire son travail régulier, il faudrait quand même que je décide s’il est demeuré capable de travailler et disponible à cette fin en tenant compte des trois facteurs décrits dans Faucher.

[40] Toutefois, si je détermine que le prestataire est devenu incapable d’occuper son emploi habituel, je pourrais quand même juger qu’il était capable physiquement d’un certain type de travail. Si j’accepte que la preuve appuie une telle conclusion, j’appliquerais le critère relatif à Faucher pour déterminer si le prestataire avait prouvé qu’il était capable de faire un autre travail convenable, et disponible à cette fin.

Le prestataire était-il physiquement incapable d’occuper un emploi à compter de janvier 2017?

[41] À mon avis, les éléments de preuve les plus importants concernant la capacité physique à travailler du prestataire après le 5 janvier 2017 comprennent les suivants :

  1. le relevé d’emploi daté du 3 mai 2017 (GD3-13);
  2. la déclaration de l’employeur à la Commission datée du 4 juin 2018 (GD3-15);
  3. la déclaration du prestataire à la Commission datée du 7 août 2018 (GD3-22);
  4. la note du Dr F datée du 14 août 2018 (GD3-27);
  5. la déclaration écrite du prestataire datée du 1er novembre 2018 et jointe à sa demande de révision (GD3-34);
  6. la déclaration du prestataire à la Commission datée du 11 décembre 2018 (GD3-35);
  7. le témoignage de vive voix du prestataire devant la division générale.

[42] Le RE indique que la dernière journée du prestataire a été payée le 5 janvier 2017 et que le RE a été émis en raison d’une maladie ou d’une blessure. Lorsqu’on lui a demandé d’expliquer pourquoi la cessation d’emploi avait eu lieu longtemps après la dernière journée de travail du prestataire, l’employeur a affirmé que le prestataire avait des problèmes de [traduction] « dépendance », qu’il n’était pas revenu au travail et qu’il avait déménagé. Il s’agit de la seule mention de problèmes de dépendance au dossier. L’employeur ne s’est pas fait demander pourquoi il croyait que le prestataire avait des problèmes de dépendance et on n’a jamais demandé au prestataire pourquoi l’employeur aurait dit cela. Il n’a pas mentionné l’état véritable du prestataire. Dans son témoignage, le prestataire a expliqué qu’il avait des problèmes avec sa démarche et son équilibre, et qu’il avait fini par obtenir un diagnostic d’ataxie.

[43] Le prestataire a aussi affirmé qu’il avait terminé un travail particulier en janvier 2017, mais que les pénuries de travail temporaires étaient normales. Il travaillait dans une industrie où le travail fluctuait et il continuait de s’attendre à ce qu’on le rappelle pour d’autres projets. Il n’a pas dit exactement quand il a reçu son RE de 2017, mais il a dit qu’il avait trouvé son RE sur [traduction] « le babillard » à son travail alors qu’il vérifiait s’il y avait du travail. Il a affirmé qu’il avait reçu des RE par le passé pour obtenir des prestations d’assurance-emploi pendant les pénuries de travail temporaires. Le prestataire a dit qu’il ne s’en était pas soucié à ce moment-là, parce qu’il recevait déjà des prestations dans le cadre d’une demande continue.

[44] Le RE est daté du 3 mai 2017, et rien dans ce dernier ni l’entrevue de la Commission avec l’employeur ne contredit l’affirmation du prestataire selon laquelle il avait encore un emploi durant la période avant cette date, ou qu’il était capable de travailler et qu’il attendait qu’on le rappelle.

[45] La Commission n’a pas remis en question la déclaration du prestataire relative à sa capacité jusqu’à ce qu’elle le questionne le 7 août 2018 au sujet de la date à partir de laquelle il est devenu incapable de travailler. Dans ses notes, la Commission mentionne que le prestataire s’est fait demander s’il [traduction] « allait mieux depuis qu’il avait quitté son emploi le 5 janvier 2017 et s’il était retourné au travailNote de bas de page 21 » et le prestataire a répondu qu’il ne pouvait pas travailler, qu’il n’allait pas mieux et qu’il avait présenté une demande de prestations du RPC.

[46] Cette question était maladroite. La Commission aurait pu interpréter la réponse du prestataire comme étant une déclaration qu’il n’avait pas été capable de travailler depuis le 5 janvier 2017, mais cela n’est pas la seule interprétation possible, ou même l’interprétation la plus probable. Lorsqu’on lui a posé la question en août 2018, le prestataire ne pouvait pas travailler, il n’allait pas mieux et il avait présenté une demande de prestations du RPC, alors sa réponse pourrait très bien ne représenter que son état à ce moment. De plus, la question de la Commission semble être une continuation d’une discussion durant laquelle le prestataire a affirmé qu’il avait fait une demande de prestations de maladie, mais qu’on lui avait dit qu’il n’avait pas assez d’heures.

[47] La discussion concernant les prestations de maladie pouvait seulement faire référence aux prestations de maladie demandées un certain temps après que le prestataire a reçu son RE en mai 2017, et probablement demandées lorsqu’il a épuisé ses prestations en août 2017. À mon avis, le contexte laisse croire que le prestataire souhaitait informer la Commission de son état au moment de la conversation. Il ne laisse pas croire que le prestataire confirmait qu’il ne pouvait pas travailler depuis le 5 janvier 2017.

[48] Le prestataire a été informé que la Commission pouvait vérifier s’il était possible de modifier sa demande pour qu’il reçoive des prestations de maladie. La Commission lui a demandé d’obtenir une note médicale, et le prestataire a obtenu et fourni une note médicale datée du 14 août 2018.

[49] Encore une fois, le prestataire aurait pu facilement comprendre l’offre de la Commission et le fait qu’elle lui ait demandé de fournir une preuve médicale comme étant une réponse à son insatisfaction face au fait qu’on ne lui avait pas accordé de prestations de maladie, maintenant qu’il n’était plus capable de travailler à cause de son ataxie. Il semble peu probable que le prestataire se soucie de savoir si la Commission considérait ses 15 premières semaines de prestations comme des prestations de maladie ou des prestations régulières. Il serait raisonnable de supposer que le prestataire a obtenu et fourni cette note en s’attendant à ce que cela l’aide à obtenir des prestations de maladie supplémentaires et non à remplacer les 15 premières semaines de prestations régulières par des prestations de maladie.

[50] La note du Dr F, datée d’une semaine après que la Commission a demandé au prestataire de lui fournir une lettre médicale précisant la date de son incapacité, a probablement été préparée pour le prestataire à sa demande et pour permettre au prestataire d’obtenir des prestations de maladie supplémentaires. Elle indique que le prestataire était incapable de travailler depuis le 5 janvier 2017 et que ses problèmes de santé se poursuivaient.

[51] Toutefois, je n’accepte pas l’opinion d’une seule phrase du Dr F comme étant l’avis médical d’un spécialiste. Le papier à correspondance officielle du Dr F et sa signature ne portent pas à croire qu’il est neurologue ou un autre type de spécialiste, ou qu’il possède une expertise particulière au-delà de celle d’un médecin généraliste. Le Dr F ne fournit pas de diagnostic ni de pronostic, et il ne mentionne pas non plus s’il a examiné le dossier du prestataire ni tout autre dossier médical avant de fournir son opinion. Le Dr F ne précise pas depuis combien de temps il traite le prestataire ni si ce dernier l’avait déjà consulté avant qu’il rédige la note.

[52] J’accepte la preuve incontestée du prestataire selon laquelle il a consulté le Dr F en C.-B. après être retourné vivre là-bas à la fin de 2017. J’accepte aussi la déclaration du prestataire à la Commission selon laquelle le Dr F, le médecin en C.-B. qui a rédigé la note médicale, n’était pas le médecin de famille du prestataire. Par conséquent, j’estime que le Dr F ne participait pas au traitement du prestataire en 2017 et qu’il n’avait donc aucune connaissance directe de l’apparition ou la progression du problème de santé du prestataire en 2017.

[53] Je comprends qu’il n’y a aucune autre preuve médicale au dossier, mais la note du Dr F est une opinion sans fondement et je ne peux donc pas lui accorder beaucoup de poids. Elle a une valeur probante dans la seule mesure où elle porte à croire que le prestataire a dit à son médecin qu’il était incapable de travailler depuis le 5 janvier 2017.

[54] La note du médecin constitue du ouï-dire et elle est directement contredite par le prestataire en ce qui concerne la date de son invalidité. Le prestataire a soutenu qu’il n’avait pas dit au médecin qu’il était incapable de travail en raison de problèmes de santé. Dans sa déclaration du 1er novembre 2018, le prestataire a dit que le médecin n’était pas au courant de ses problèmes de santé à ce moment et qu’il avait seulement supposé qu’il était incapable de travailler [traduction] « à ce moment » (comme il est écrit dans sa lettre). Il a affirmé que le Dr F avait demandé au prestataire la date à laquelle il avait travaillé pour la dernière fois et qu’il avait ensuite inscrit cette date dans la note médicale.

[55] Selon la déclaration du 1er novembre 2018 du prestataire, il était physiquement incapable de travailler, quel que soit le type de travail, du 5 janvier 2017 au mois d’août 2017. Si sa déclaration est comprise comme étant organisée selon l’ordre dans lequel les événements ont eu lieu, la déclaration écrite soutient que le prestataire était capable d’occuper son emploi régulier jusqu’à ce qu’il fasse une crise d’épilepsie, après quoi il est demeuré capable d’occuper d’autres types d’emplois dans l’industrie pétrolière, comme répartiteur ou un autre travail de bureau. Comme il a été noté précédemment, cette interprétation est conforme avec son témoignage de vive voix devant la division générale.

[56] Le témoignage du prestataire contredit directement la note du médecin en ce qui concerne ce qu’il a dit au médecin au sujet de la date à partir de laquelle il est devenu incapable de travailler. Ce témoignage est conforme à sa déclaration à la Commission avant qu’il consulte le Dr F. De plus, la note du médecin constituait du ouï-dire. Le témoignage du prestataire pouvait être remis en question par le membre alors qu’il était impossible de le faire pour la note du médecin. Ainsi, je privilégie le témoignage du prestataire selon lequel il a seulement dit au médecin que son dernier jour de travail était le 5 janvier 2017, et non qu’il était physiquement incapable de travailler depuis le 5 janvier 2017.

[57] La Commission et la division générale (dans le cadre de l’appel) ont considéré comme important le fait que le prestataire avait obtenu des prestations d’invalidité du RPC et que l’on avait approuvé qu’il commence à recevoir des prestations à compter de janvier 2017. Lors de sa dernière conversation avec la Commission le 11 décembre 2018, le prestataire a confirmé que le RPC avait réexaminé et approuvé sa demande prestations et que, selon le RPC, l’invalidité du prestataire avait commencé en janvier 2017. Le prestataire a affirmé qu’il avait seulement présenté une demande de prestations du RPC en 2018, et qu’il l’avait fait parce que son médecin en C.-B. lui avait dit qu’il devrait le faire.

[58] Selon ce que le prestataire a dit à la Commission, j’accepte que le RPC a déterminé que le prestataire était invalide à compter de janvier 2017. Toutefois, je ne suis aucunement lié par cette décision du RPC, dont le but était de statuer sur une demande de prestations d’invalidité du RPC. Même si j’étais tenu de statuer ainsi sur cette affaire de façon à concorder avec l’admissibilité du prestataire aux prestations du RPC, le critère du RPC relatif à l’invalidité est différent de l’exigence de l’AE selon laquelle la partie prestataire doit être « capable ».

[59] Le RPC exige qu’une partie demanderesse démontre qu’elle est atteinte d’une invalidité grave et prolongée. Une invalidité grave est une invalidité qui rend une personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Selon la Cour d’appel fédérale dans Villani c Canada (Procureur général),Note de bas de page 22 les détails réalistes comme la formation scolaire, l’expérience acquise au travail et les activités habituelles de la personne s’avèrent pertinents pour déterminer si une invalidité est grave aux fins de la pension du RPC.

[60] Le simple fait que le RPC a déterminé que le prestataire était invalide à partir du 5 janvier 2017 est intéressant, mais pas convaincant. La division générale n’avait pas accès à des copies des éléments de preuve pris en considération par le RPC lors de sa décision initiale ou de sa révision, ni même à une copie de la décision du RPC.

[61] Si l’on présume que le prestataire était régulièrement incapable de détenir tout type d’occupation véritablement rémunératrice comme il semble avoir été déterminé par le RPC, il aurait peut-être été quand même possible qu’il demeure périodiquement, ou peut-être imprévisiblement, capable de travailler durant certaines périodes. Autrement dit, il est possible qu’il ait été capable d’occuper un emploi « convenable » aux fins de la Loi sur l’AE, mais pas de détenir une occupation « véritablement rémunératrice » aux fins du RPC.

[62] J’ai déjà examiné le témoignage pertinent du prestataire. Son témoignage est le seul élément de preuve disponible concernant la nature de son état physique et ses répercussions sur son travail. Il a expliqué que la maladie qui a enfin été diagnostiquée chez lui, l’ataxie, a créé chez lui des problèmes d’équilibre en marchant, mais que cela n’avait rien à voir avec sa capacité à faire son travail. Il a insisté sur le fait qu’il avait été capable d’utiliser l’équipement et qu’il avait continué de chercher à ce que son employeur habituel lui demande de revenir travailler, et à ce qu’il le fasse.

[63] Il y a aussi un certain doute quant à la fiabilité de la preuve appuyant la décision de la Commission, compte tenu du temps écoulé. Selon ce que l’employeur pouvait se souvenir 17 mois après la remise du RE de mai 2017, ce document avait été produit parce que le prestataire avait un problème de dépendanceNote de bas de page 23, mais cela n’a pas été prouvé. La Commission n’a pas contesté cela ni mené une enquête sur l’affirmation de l’employeur, et on ne semble pas y avoir accordé beaucoup de poids ou en avoir tenu compte pour prendre quelque décision que ce soit.

[64] La lettre du Dr F est aussi fondée sur des événements passés. Il a vu le prestataire en août 2018, environ 20 mois après le dernier jour de travail du prestataire. La seule chose que nous savons au sujet des fondements de son opinion est que le prestataire lui a dit qu’il avait cessé de travailler le 5 janvier 2017.

[65] Le RPC a rendu une décision presque deux ans après le début de l’invalidité à ses propres fins. Cela a suivi une demande de prestations du RPC présentée en 2018, ce qui aurait été un an ou plus après que le prestataire a cessé de travailler. Le prestataire a expliqué que le RPC avait rejeté sa demande initialement parce qu’il n’avait pas encore ses résultats de la tomodensitométrie et de l’imagerie par résonance magnétiqueNote de bas de page 24 (qui ont seulement été disponibles en 2018). Selon le prestataire, avant la révision du RPC, celui-ci avait demandé au prestataire de la date de son dernier jour de travail, et il l’a ensuite utilisée pour antidater les prestations d’invalidité d’au moins deux ans.

[66] La décision de la Commission est fondée sur une enquête qui a commencé en septembre 2018 portant sur les événements de janvier à août 2017. Je reconnais qu’il est possible de mener une enquête rétrospective et de tout de même rendre une décision judicieuse, mais en l’espèce, l’enquête a produit peu d’éléments de preuve permettant de réfuter l’insistance du prestataire selon lequel il était physiquement capable de travailler durant sa période de prestations.

[67] J’ai écouté au complet l’enregistrement audio du témoignage du prestataire devant la division générale. J’estime qu’il est crédible. Son témoignage était cohérent en soi et cohérent avec ses autres déclarations à la Commission (sauf qu’on ne lui a pas demandé de clarifier sa déclaration du 1er novembre). Sa conviction qu’il était toujours capable de travailler et qu’il s’attendait à retourner au travail était inébranlable, et il semblait répondre aux questions du membre de façon directe et au meilleur de ses capacités. De plus, la note médicale du Dr F est tellement courte qu’on dirait qu’il l’a rédigée hâtivement et l’explication du prestataire selon laquelle le Dr F lui a simplement demandé quand il avait cessé de travailler et qu’il l’a inscrit dans sa brève note est parfaitement plausible.

[68] La division générale n’a pas fait référence au témoignage du prestataire, mais je lui accorde beaucoup d’importance. J’estime qu’il a cessé de travailler en janvier 2017 parce qu’il venait de terminer un projet particulier et parce que son employeur n’avait aucun autre travail à lui offrir à ce moment. J’accepte qu’il se considérait comme étant capable de travailler comme conducteur d’équipement jusqu’en août 2017 et qu’il était capable de faire certains types de travaux durant la période pendant laquelle il a touché des prestations régulières du 5 janvier 2017 au mois d’août 2017.

Le prestataire était-il capable d’occuper son emploi régulier?

[69] Cette question est seulement pertinente parce que j’accepte que la décision dans Macdonald signifie qu’une partie prestataire qui s’attend réellement à ce que son employeur habituel le rappelle ne devrait pas avoir à démontrer qu’elle a fait le même type de démarche de recherche d’emploi, ou une démarche aussi poussée, qu’une partie prestataire qui n’a pas cette attente et qui doit chercher un emploi ailleurs.

[70] Toutefois, il faudrait tout de même qu’une partie prestataire soit physiquement capable d’occuper cet emploi particulier pour que son attente de se faire rappeler soit réaliste. Le prestataire a affirmé que son ataxie ne l’empêchait pas du tout d’utiliser de l’équipement, mais il a aussi dit qu’il devait marcher dans la boue pour se rendre à son équipement, et qu’il croit que cela pourrait être un facteur de sécuritéNote de bas de page 25.

[71] Juste avant de mentionner sa préoccupation pour sa sécurité liée à son ataxie, le prestataire a mentionné qu’il croyait avoir été tout à fait capable [traduction] « jusqu’à maintenant » (date de l’audience) d’utiliser de l’équipement, mais qu’il ne pouvait pas travailler s’il devait marcher avec une canne ou un déambulateur. Il avait affirmé précédemment qu’il avait seulement commencé à utiliser un déambulateur en décembre 2018, ce qui représente presque deux ans après qu’il a cessé de travailler et environ 15 à 16 mois après la conclusion de sa demande. J’accepte donc que son ataxie n’était pas rendue au point où elle nuisait à sa capacité de faire son travail habituel de conducteur d’équipement durant sa période de prestations.

Analyse de Faucher

Le prestataire souhaitait-il retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable lui serait offert?

[72] Le prestataire souhaitait effectivement retourner sur le marché du travail le plus tôt possible. J’accepte qu’à tous les moments pertinents jusqu’à la fin de la période de prestations en août 2017, le prestataire souhaitait retourner travailler pour son employeur habituel comme conducteur d’équipement. Il a affirmé qu’il attendait que le prochain projet commence, et qu’il était resté à X où se trouvait son employeur, avant de retourner chez lui en C.-B. en décembre 2017, la fin de [sic] était resté en contact avec son employeur. Il a dit qu’il n’avait même pas de RE avant de le trouver sur le babillard de son employeur en mai 2017, et même à ce moment, il ne s’y est pas arrêté. Il a dit que c’était simplement la façon dont l’employeur fonctionnait. Lorsqu’il n’y avait pas beaucoup de travail, il était préférable que les employés reçoivent de l’assurance-emploi, alors l’employeur leur remettait un RE. Le prestataire recevait déjà des prestations, alors il n’y a pas vraiment porté attention.

Le prestataire a-t-il exprimé son désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable lui était offert en faisant des efforts pour trouver un tel emploi?

[73] J’accepte que le prestataire s’attendait de façon réaliste à ce que son employeur habituel l’appelle pour revenir travailler jusqu’au 3 mai 2017, soit la date de son RE. J’admets aussi que le prestataire a fait des efforts pour trouver un autre emploi dans l’industrie pétrolière un certain temps après avoir obtenu son RE.

[74] Dans les circonstances, j’estime qu’il est raisonnable que le prestataire ait attendu que son employeur habituel l’appelle pour revenir travailler jusqu’à ce qu’il obtienne son RE, sans entreprendre d’autres démarches pour trouver un autre emploi. Cela faisait plusieurs années qu’il travaillait pour le même employeur et il a dit qu’il y avait souvent des périodes creuses entre les contrats ou les projets. Il a aussi affirmé qu’il était commun de recevoir un appel de l’employeur et d’avoir à retourner au travail avec peu de préavis. À mon avis, le prestataire avait une attente réaliste qu’on le rappelle, et il ne serait pas raisonnable d’exiger que le prestataire cherche ou accepte un autre emploi qu’il pourrait avoir à quitter peu de temps après ou avec peu de préavis si jamais son employeur habituel l’appelait pour lui demander de revenir travailler pour lui.

[75] Toutefois, le prestataire n’a pas précisé à quel moment il avait trouvé son RE sur le babillard de son employeur. Même si je reconnais qu’il est possible que le prestataire n’ait pas obtenu son RE immédiatement après qu’il a été produit, le seul élément de preuve sur ce point est la date du RE. Le prestataire n’aurait pas pu le ramasser avant cette date. Si la priorité du prestataire était vraiment le travail comme il l’a affirmé, il communiquait probablement régulièrement avec son employeur et il l’aurait ramassé peu de temps après qu’il a été produit. En me fondant sur le seul élément de preuve dont je dispose, qui est que le RE est daté du 3 mai 2017, j’estime que le prestataire a obtenu le RE le 3 mai 2017.

[76] Le RE précise que le prestataire a quitté son emploi en raison d’une [traduction] « maladie ou [d’une] blessure ». Le prestataire n’a pas discuté de l’incidence du RE avec son employeur. Il a simplement supposé qu’on lui avait remis un RE comme à l’habitude et que cela n’aurait aucune répercussion sur la possibilité qu’on le rappelle.

[77] Toutefois, le RE précise la façon dont l’employeur perçoit la disponibilité du prestataire à retourner travailler. Peu importe si [traduction] « maladie ou blessure » reflétait adéquatement l’état physique du prestataire ou sa capacité à retourner au travail à l’époque, il est très peu probable qu’un employeur prenne l’initiative de rappeler un prestataire qui a quitté son emploi, pris un congé, ou a été congédié pour des raisons de [traduction] « maladie ou blessure », comme il est précisé dans le RE du prestataire.

[78] J’estime que, au minimum, le prestataire aurait besoin de clarifier son état de santé et sa capacité à travailler auprès de son employeur et de s’assurer que son employeur avait toujours l’intention de l’appeler aussitôt qu’il y avait d’autre travail. Le prestataire n’a pas discuté du RE avec son employeur ni confirmé son statut d’emploi, et il n’a pas non plus fait de démarche ou établi comment procéder pour trouver un autre emploi. Cela signifie que lorsqu’il a obtenu son RE, ce qui était le 3 mai 2017 selon moi, le fait que le prestataire s’attendait à ce qu’on le rappelle ne permettrait pas de déterminer que ses activités de recherche d’emploi étaient suffisantes.

[79] Le prestataire a fourni très peu de détails pour étayer l’ampleur de ses activités pour trouver un autre emploi après le 3 mai 2017. J’estime qu’il n’a pas démontré qu’il [traduction] « avait exprimé son désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable lui était offert en faisant des efforts pour trouver un tel emploi » après le 3 mai 2017.

[80] Le prestataire a-t-il établi des conditions personnelles pouvant limiter indûment ses chances de réintégrer le marché du travail?

[81] Le prestataire n’a pas établi de conditions personnelles pouvant limiter indûment ses chances de retourner au travail. Il s’attendait raisonnablement à retourner faire un travail pour lequel il avait été formé et dans lequel il avait de l’expérience ainsi qu’à travailler pour l’employeur pour lequel il travaillait depuis plusieurs années. Après avoir fait un AVC en août, il a apparemment commencé à chercher un emploi moins stressant ou où le rythme était moins rapide, ce qui aurait bien pu être approprié.

[82] J’ai examiné les trois facteurs relatifs à l’affaire Faucher, et les trois appuient la disponibilité à travailler du prestataire au titre de l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’AE pour au moins une partie de la période après le 3 janvier 2017. Toutefois, j’accorde une importance particulière au deuxième facteur en arrivant à la conclusion que le prestataire n’était pas capable de travailler et disponible à cette fin après le 3 mai 2017.

Conclusion

[83] L’appel est accueilli en partie. Le prestataire était capable de travailler et disponible à cette fin du 3 janvier 2017 au 3 mai 2017, et il est admissible à des prestations régulières pour cette période.

[84] La Commission voudra peut-être déterminer si le prestataire est aussi admissible à des prestations de maladie pour toute période après le 3 mai 2017.

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 16 juillet 2019

Téléconférence

M. L., appelant

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