Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

AE – La division générale a rejeté la demande formulée par le prestataire de répartir au prorata ses frais juridiques entre les deux volets de son règlement qui comprenait une somme accordée à titre de dommages-intérêts généraux et d’indemnité de préavis – Cet ajustement aurait réduit la valeur de l’indemnité versée pour compenser la perte de revenus – La division d’appel a conclu que la preuve appuie la position du prestataire selon laquelle les frais juridiques ont été engagés pour les deux volets de sa demande à l’encontre de son employeur – Il est donc approprié de déduire les frais juridiques engagés pour obtenir un règlement dans lequel un prestataire a reçu une somme à titre d’indemnité de remplacement de revenu.

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Décision et motifs

Décision

[1] Le Tribunal accueille l’appel.

Aperçu

[2] L’appelant, P. R. (prestataire), a poursuivi son ancien employeur afin d’être indemnisé pour divers types de dommages. Le règlement qu’il a obtenu couvrait la perte de gains, les dommages-intérêts généraux, les frais de justice et les intérêts. L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a réparti la somme accordée pour la perte de gains sur sa période de prestations. Elle a estimé que la somme relative aux dommages-intérêts généraux constituait aussi une rémunération, et a également réparti cette dernière, ce qui a donné lieu à un versement excédentaire de prestations. Elle n’a pas réparti la somme accordée pour couvrir les frais de justice. À la suite d’une révision, elle a maintenu ces conclusions. Le prestataire a porté la décision découlant de la révision en appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[3] La division générale a conclu que la poursuite du prestataire contre son employeur s’était réglée grâce au paiement des dommages-intérêts généraux. Elle a estimé que le prestataire s’était acquitté du fardeau de prouver que ces dommages-intérêts ne constituaient pas une rémunération au titre de l’article 35 du Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement sur l’AE), puisqu’ils représentaient une indemnisation pour un trouble émotionnel et un préjudice à sa réputation professionnelle, plutôt que pour une perte de revenu. La division générale a toutefois rejeté la demande du prestataire que ses frais de justice soient répartis proportionnellement sur les deux parties de son règlement. Cet ajustement aurait réduit la somme accordée pour la perte de gains.

[4] Le prestataire a obtenu la permission d’en appeler. Il soutient que la division générale a tiré une conclusion abusive lorsqu’elle a estimé qu’il n’avait pas engagé de frais de justice afin d’obtenir une indemnité de préavis de la part de l’employeur.

[5] Le Tribunal doit déterminer si la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a rejeté la demande du prestataire de répartir proportionnellement ses frais de justice sur les deux parties de son règlement qui comprenaient les dommages-intérêts généraux et l’indemnité de préavis.

[6] Le Tribunal accueille l’appel du prestataire.

Question en litige

[7] La division générale a-t-elle erré lorsqu’elle a rejeté la demande du prestataire de répartir proportionnellement ses frais de justice sur les deux parties de son règlement qui comprenaient les dommages-intérêts généraux et l’indemnité de préavis?

Analyse

Mandat de la division d’appel

[8] La Cour d’appel fédérale a déterminé que lorsque la division d’appel instruit des appels conformément à l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, la division d’appel n’a d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de cette loiNote de bas de page 1.

[9] La division d’appel agit à titre de tribunal administratif d’appel eu égard aux décisions rendues par la division générale et n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieureNote de bas de page 2.

[10] Par conséquent, à moins que la division générale n’ait pas observé un principe de justice naturelle, qu’elle ait erré en droit ou qu’elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le Tribunal doit rejeter l’appel.

Question en litige : La division générale a-t-elle erré lorsqu’elle a rejeté la demande du prestataire de répartir proportionnellement ses frais de justice sur les deux parties de son règlement qui comprenaient les dommages-intérêts généraux et l’indemnité de préavis?

[11] L’appel est accueilli.

[12] La division générale a estimé que le prestataire s’était acquitté du fardeau de prouver que les dommages-intérêts généraux ne constituaient pas une rémunération au titre de l’article 35 du Règlement sur l’AE, puisqu’ils l’indemnisaient pour un trouble émotionnel et un préjudice à sa réputation professionnelle, plutôt que pour une perte de revenu.

[13] Cependant, la division générale a rejeté la demande du prestataire de répartir proportionnellement ses frais de justice sur les deux parties de son règlement qui comprenaient les dommages-intérêts généraux et l’indemnité de préavis. Cet ajustement aurait réduit la valeur de la somme accordée pour la perte de gains.

[14] Le prestataire soutient que la division générale a commis une erreur en concluant que, puisque les dommages-intérêts généraux et les frais de justice avaient été regroupés dans le compte rendu de règlement, les frais de justice ne pouvaient d’aucune façon être alloués au volet « rémunération » de l’indemnité de préavis.

[15] Le prestataire fait valoir que rien dans le compte rendu de règlement n’indique qu’il n’a pas engagé de frais de justice afin d’obtenir une indemnité de préavis de la part de l’employeur. Il soutient que la division générale a tiré une conclusion abusive en estimant qu’il n’avait engagé aucuns frais de justice pour obtenir de la part de l’employeur une indemnité de préavis.

[16] La division générale a rejeté la demande du prestataire de répartir proportionnellement ses frais de justice sur les deux parties de son règlement parce qu’elle a constaté que le compte rendu de règlement accordait au prestataire la somme précise de 9 999,00 $ pour couvrir la perte de gains, sans aucune déduction pour les frais de justice. Elle a fait remarquer que, dans le compte rendu de règlement, une somme séparée était accordée, regroupant les dommages-intérêts généraux et les frais de justice.

[17] Le Tribunal est d’avis que l’interprétation de la division générale de l’entente de règlement est trop limitée. D’autres éléments de preuve oraux et documentaires appuient l’argument du prestataire selon lequel il a engagé des frais de justice pour les deux parties de sa poursuite contre l’employeur. La conclusion selon laquelle aucuns frais de justice n’ont été engagés pour obtenir l’indemnité de préavis est une conclusion de fait tirée de façon abusive ou arbitraire.

[18] Le Tribunal est donc fondé à intervenir et à rendre la décision que la division générale aurait dû rendre.

[19] En l’espèce, la division générale a ignoré la déclaration modifiée du prestataire, qui comprend des prétentions relatives à une assertion négligente et inexacte et à une rupture de contrat, dans laquelle il prétend qu’il a été licencié sans justification et sans préavis raisonnableNote de bas de page 3. La facture des frais de justice fait clairement référence à la poursuite entière contre l’employeurNote de bas de page 4. De plus, elle a été présentée le jour où les parties ont signé le règlement.

[20] Selon le Tribunal, le compte rendu de règlement faisait une distinction entre l’indemnité de préavis, les dommages-intérêts généraux et les frais de justice pour éviter la confusion entre ce qui devait être considéré comme une rémunération et faire l’objet de déductions obligatoires, et non dans le but d’exclure les frais de justice des deux parties de la demande.

[21] De plus, le Tribunal a écouté attentivement l’audience tenue devant la division générale, particulièrement le témoignage du prestataire concernant l’historique de sa demande. La division générale n’a jamais mis en doute sa crédibilité.

[22] Le Tribunal estime que la preuve démontre la position du prestataire selon laquelle il a engagé des frais de justice pour les deux parties de sa poursuite contre son employeur. Il convient donc de déduire les frais de justice engagés pour obtenir le règlement grâce auquel le prestataire a touché des sommes d’argent qui constituaient un revenu de remplacementNote de bas de page 5.

[23] La question est maintenant de déterminer quelle portion des frais de justice engagés doit être déduite.

[24] La somme de 9 999,00 $ en indemnité de préavis représente 40,53 % du total du règlement de 24 671,48 $ qui est payable au prestataire en plus des frais de justice. La Commission convient que lorsque l’employeur a accordé un règlement total de 45 000,00 $, y compris les frais de justice, il avait signifié qu’il tenait compte des frais de justice; autrement, il aurait accordé une plus petite sommeNote de bas de page 6.

[25] Si l’on applique ces 40,53 % au total de la facture de frais de justice du prestataire, soit 20 328,52 $, on obtient 8 239,15 $. Puis, si l’on déduit cette somme engagée pour les frais de justice de la part accordée pour la perte de revenu dans le règlement, cela provoque une réduction de la somme accordée pour la perte de revenu de 1 759,85 $ (9 999,00 $-8 239,15 $=1 759,85 $).

Conclusion

[26] Le Tribunal accueille l’appel.

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 1er août 2019

Vidéoconférence

P. R., appelant A. M., représentant de l’appelant

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