Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] Je rejette l’appel. Monsieur B. F. (prestataire) n’est pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi, car il a perdu son emploi chez X en raison de sa propre inconduite.

Aperçu

[2] Le prestataire travaillait chez X jusqu’à ce que son employeur le congédie. Les faits révèlent que le prestataire a perdu son emploi parce qu’il a envoyé le message texte suivant à une collègue à propos de son directeur K. G. : [traduction] « K. G. m’a renvoyé chez moi. Il ne me laisse pas d’autre choix que de le conduire jusqu’à sa tombe. » Le prestataire a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi, mais la Commission de l’assurance-emploi du Canada a exclu le prestataire du bénéfice des prestations après avoir conclu qu’il avait perdu son emploi en raison de sa propre inconduite. La Commission a maintenu sa décision après révision. Le prestataire interjette appel de la décision devant le Tribunal de la sécurité sociale.

Questions en litige

[3] Je dois déterminer si le prestataire a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite. Les questions que je dois trancher sont les suivantes :

  1. Quel comportement a entraîné le congédiement du prestataire?
  2. Ce comportement constitue-t-il une inconduite?

Analyse

[4] Les prestations d’assurance-emploi ne sont pas payables à une partie prestataire qui perd son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 1. La Commission assume le fardeau de prouver que la perte de l’emploi était attribuable à une inconduiteNote de bas de page 2.

Quel comportement a entraîné le congédiement du prestataire?

[5] Les faits suivants ne sont pas contestés : le 16 février 2019, l’ancien directeur du prestataire, K. G., a demandé au prestataire d’accomplir une tâche, mais le prestataire a refusé. K. G. a donc renvoyé le prestataire chez lui pour la journée. Après cet incident, l’employeur a appris que le jour où K. G. a renvoyé le prestataire chez lui, celui-ci a envoyé le message texte suivant à une collègue : [traduction] « K. G. m’a renvoyé chez moi. Il ne me laisse pas d’autre choix que de le conduire jusqu’à sa tombeNote de bas de page 3. » L’employeur a considéré ce message texte comme étant une menace de violence envers la vie d’un autre employé, ce qui enfreint la politique de prévention en matière de violence et de harcèlement au travail. L’employeur a prévenu la police à propos de cette menace et a congédié le prestataire le 19 février 2019. Par conséquent, j’estime que l’employeur a congédié le prestataire parce qu’il estimait que ce dernier avait proféré une menace de violence dans son message texte.

Ce comportement constitue-t-il une inconduite?

[6] Le prestataire a admis avoir envoyé le message texte suivant : [traduction] « K. G. m’a renvoyé chez moi. Il ne me laisse pas d’autre choix que de le conduire jusqu’à sa tombe. » Toutefois, il soutient que son employeur l’a congédié injustement. Comme je l’ai expliqué lors de l’audience, il s’agirait d’une erreur de ma part de déterminer si le congédiement du prestataire était justifié ou si son comportement constituait un motif valable de congédiement. Mon seul rôle est de déterminer si le comportement du prestataire constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 4.

[7] Aux fins du présent appel concernant les prestations d’assurance-emploi, il y a inconduite lorsque la partie prestataire savait ou aurait dû savoir que son comportement était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’elle soit congédiéeNote de bas de page 5.

[8] En l’espèce, la politique de prévention en matière de violence et de harcèlement au travail précise que tout acte de violence est inacceptableNote de bas de page 6. De plus, la politique définit la violence au travail comme étant [traduction] « c) une déclaration ou un comportement qui est raisonnablement interprété par un membre du personnel comme étant une menace de force physique exercée contre lui au travail, pouvant causer une blessure physiqueNote de bas de page 7 ». La politique prévoit également que les mesures disciplinaires en cas de violation de la politique peuvent inclure le congédiementNote de bas de page 8. L’employeur a dit à la Commission que tous les membres du personnel sont au courant de cette politique parce qu’ils reçoivent une formation à cet égard et que la politique est visible sur le tableau de santé et sécurité au travail.

[9] Lors de l’audience, j’ai demandé au prestataire s’il était au courant de la politique en matière de violence au travail de l’employeur. Voici ce qu’il m’a répondu : [traduction] « Pas précisément. Je l’ai peut-être vue à un moment donné, mais je ne m’en souviens pas précisément. Je sais qu’une certaine formation était offerte au moment de l’embauche, mais tout était tellement désorganisé qu’il était difficile de retenir quoi que ce soit. J’imagine donc que la politique faisait partie de cette formation, mais je ne peux pas affirmer avec certitude que c’était le cas. À mon avis, cela n’a certainement jamais été suffisamment clair. » Lorsque je lui ai demandé ce qui n’était pas clair, il m’a répondu ce qui suit : [traduction] « C’est à cause de la façon dont cela a été présenté. Encore une fois, je ne suis pas au courant de la politique; je ne peux pas vous dire ce qu’elle prévoit ou ce qu’elle ne prévoit pas. » Par conséquent, le témoignage du prestataire me porterait soit à croire qu’il était au courant de la politique, soit qu’il ne l’était pas; qu’il l’avait peut-être déjà vue; qu’il ne connaissait rien à propos de la politique, mais qu’il connaissait son existence. Toutefois, j’estime que la preuve montre que le prestataire n’était pas seulement au courant de la politique, mais qu’il l’avait vue et lue et qu’il comprenait parfaitement son contenu, car le 25 juin 2018, il avait reçu la note de 100 pour sa participation au cours intitulé Intimidation et harcèlement liés à la violence au travailNote de bas de page 9. Par conséquent, j’estime que le prestataire était bien au courant de la politique étant donné qu’il avait terminé avec succès la formation en la matière.

[10] La politique de prévention en matière de violence et de harcèlement au travail a pour objectif d’offrir au personnel un milieu de travail exempt de violenceNote de bas de page 10. L’employeur du prestataire a inclus cette attente dans une politique, imposant ainsi à tout le personnel l’obligation de ne pas commettre d’actes de violence et faisant de cette obligation une condition d’emploi expresse. Compte tenu de ce qui précède, en faisant la déclaration [traduction] « K. G. m’a renvoyé chez moi. Il ne me laisse pas d’autre choix que de le conduire jusqu’à sa tombe », j’estime que le prestataire a manifesté l’intention de causer une blessure physique à K. G. J’estime donc que les mots utilisés par le prestataire dans son message texte concernant K. G. correspondent à un acte de violence au travail, comme le définit la politique de prévention en matière de violence et de harcèlement au travail. Par conséquent, j’estime que le prestataire a enfreint la politique.

[11] Pour les raisons qui précèdent, j’estime que le prestataire n’a pas respecté une condition d’emploi lorsqu’il a envoyé le message texte et qu’il savait ou aurait dû savoir que le fait d’envoyer ce message texte entraverait l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédié.

[12] Le prestataire a déclaré que son comportement ne constitue pas une inconduite parce que son message texte était un échange privé avec une collègue et qu’il ne lui a pas donné son consentement pour qu’elle partage le message avec son employeur. Il ajoute également qu’il a communiqué avec la collègue en question après les faits, et que celle-ci a confirmé la nature privée du message texte. Le prestataire affirme donc qu’il ne savait pas que le fait d’envoyer ce message texte à une collègue pouvait entraîner son congédiement. Je ne suis pas de cet avis, car la politique de prévention en matière de violence et de harcèlement au travail prévoit que chaque membre du personnel est responsable de signaler toute menace de violence au travailNote de bas de page 11. Par conséquent, dès que la destinataire du message texte a déterminé qu’il s’agissait d’une menace de violence, le fait de partager le message avec l’employeur était inévitable. J’estime donc que le prestataire, qui était au courant de la politique, savait ou aurait dû savoir que le fait d’envoyer le message texte [traduction] « Il ne me laisse pas d’autre choix que de le conduire jusqu’à sa tombe » à une collègue pourrait possiblement entraîner son congédiement.

[13] L’inconduite nécessite également un élément mental délibéré, ou un comportement d’une telle insouciance ou négligence de la part de la partie prestataire qu’il frôle le caractère délibéréNote de bas de page 12. En appliquant ce critère juridique aux faits, j’estime que la seule conclusion raisonnable est que le comportement du prestataire était délibéré et qu’il constitue une inconduite.

[14] Le prestataire a affirmé que lorsqu’il a écrit le message [traduction] « Il ne me laisse pas d’autre choix que de le conduire jusqu’à sa tombe », il ne proférait pas une menace de violence envers K. G. Il exprimait plutôt le fait qu’il souhaitait que K. G. perde son emploi. Je ne suis pas de cet avis, car selon moi, les propos tenus par le prestataire dans son message texte ne sont pas synonymes du fait de vouloir que la personne en question perde son emploi. J’estime que les explications que le prestataire a fournies après coup ne peuvent pas justifier le fait qu’il a proféré des menaces de violence au travail.

[15] Le prestataire soutient que son comportement ne constitue pas une inconduite parce qu’il n’avait pas l’intention de proférer des menaces et qu’il ne les a pas directement proférées envers K. G. Cet argument ne tient pas, car une personne visée par de telles menaces ne peut pas se permettre d’attendre de savoir si l’auteur des menaces a l’intention de la conduire jusqu’à sa tombe. Par conséquent, j’estime que le fait que le prestataire ait eu l’intention de causer un préjudice ne change pas la nature de son inconduite, c’est-à-dire les propos de violence menaçants tenus envers K. G. En réalité, c’est la menace de violence elle-même que je dois examiner. Par conséquent, je rejette l’argument selon lequel le prestataire n’a posé aucune menace réelle et selon lequel il ne pensait pas vraiment ce qu’il a écrit dans le message texte suivant : [traduction] « Il ne me laisse pas d’autre choix que de le conduire jusqu’à sa tombe. » Le prestataire était au courant de la politique de prévention en matière de violence et de harcèlement au travail, qui interdit toute forme de violence, et il savait ou aurait dû savoir que la destinataire de son message texte partagerait le message avec son employeur, mais le prestataire l’a quand même envoyé. Par conséquent, j’estime qu’étant donné que le prestataire était au courant de la politique de prévention en matière de violence et de harcèlement au travail, le fait d’avoir enfreint cette politique était à ce point insouciant qu’il frôle le caractère délibéré. J’estime également que le prestataire savait ou aurait dû savoir que son comportement pourrait entraîner son congédiement.

[16] Le prestataire a déclaré que l’employeur avait interdit la cigarette au travail, mais qu’il savait que le personnel fumait sur les lieux de travail et dans le véhicule de l’entreprise. Toutefois, il n’a pas congédié ces membres du personnel. De plus, le prestataire fait valoir qu’un autre membre du personnel a souvent adopté un comportement violent et agressif en lançant des balais et en tenant notamment les propos suivants : [traduction] « Tuez-moi, je veux mourir! », [traduction] « Allez, venez vous battre! » et [traduction] « Je me déteste et je déteste tout le monde. » Néanmoins, cette personne a conservé son emploi. Par conséquent, le prestataire soutient qu’il n’aurait pas nécessairement pu savoir que le fait d’envoyer le message texte [traduction] « K. G. m’a renvoyé chez moi. Il ne me laisse pas d’autre choix que de le conduire jusqu’à sa tombe » pourrait entraîner son congédiement, car l’employeur n’a pas congédié les autres membres du personnel qui ont commis des actes bien plus graves. En ce sens, j’ai tenu compte de l’argument du prestataire à la lumière de la jurisprudence dans Locke c Canada (Procureur général)Note de bas de page 13, où la Cour prévoit quela réponse de l’employeur au comportement semblable d’un autre membre du personnel est pertinente quant à la question de savoir ce que la partie prestataire savait ou pouvait être présumée avoir su. Toutefois, j’estime que l’arrêt Locke ne s’applique pas en l’espèce, étant donné que le prestataire n’a fourni aucun élément de preuve décrivant un incident au cours duquel l’employeur n’a pas congédié un membre du personnel après que celui‑ci eut manifesté l’intention de causer une blessure physique à un autre membre du personnel.

[17] Pour toutes ces raisons, je conclus que la Commission a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite.

Conclusion

[18] Pour les raisons qui précèdent, je rejette l’appel.

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparution :

Le 24 juillet 2019

Téléconférence

B. F., prestataire

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