Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] L’appelante, L. G. (prestataire), a présenté une demande de prestations de maladie en janvier 2016, mais elle est retournée au travail le mois suivant. Trois demandes de renouvellement de prestations ont été présentées en 2016 et elles ont toutes été accordées. Des déclarations ont été présentées jusqu’en juillet 2017 pendant que des prestations étaient versées en lien avec ces trois demandes. Après avoir mené une enquête, l’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a déterminé que la prestataire avait travaillé pendant les périodes couvertes par les trois demandes de renouvellement. La Commission a déterminé que la prestataire n’était pas admissible à ces prestations. Elle a ensuite établi qu’il y avait eu un trop-payé de 20 848 $ et elle a imposé une pénalité de 5 000 $ pour 25 fausses déclarations ainsi qu’émis un avis de violation très grave.

[3] La prestataire a demandé à la Commission de réviser sa décision. Elle a expliqué qu’elle avait été dans une relation abusive de décembre 2015 à juillet 2017, qu’elle consommait de l’alcool à l’excès à cause d’un problème de dépendance; qu’elle n’avait pas présenté les trois demandes de renouvellement ni produit aucune des déclarations, et qu’elle n’avait reçu aucune des prestations d’assurance-emploi (AE) versées en lien avec ces demandes de renouvellement; que son copain abusif avait accès à ses renseignements personnels; et que c’était lui qui avait présenté les demandes de renouvellement, produit les déclarations et pris l’argent dans son compte bancaire, tout cela à son insu et sans son consentement. La Commission a maintenu sa décision initiale. La prestataire a interjeté appel devant la division générale.

[4] La division générale a conclu que, malgré le fait que la prestataire ait affirmé le contraire, celle-ci avait présenté les demandes de renouvellement, produit les déclarations électroniques et reçu les prestations d’AE. Elle a aussi conclu que la prestataire savait que les informations contenues dans les déclarations étaient fausses et que la Commission avait agi de façon judicieuse en imposant la pénalité et en émettant l’avis de violation. La division générale a enfin conclu que la rémunération avait été répartie adéquatement sur les semaines durant lesquelles la prestataire avait fourni les services, conformément à l’article 36(4) du Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement sur l’AE).

[5] La prestataire a obtenu la permission d’interjeter appel. Elle a fait valoir que la division générale avait fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées, tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Elle a aussi fait valoir que la décision de la division générale était fondée sur des hypothèses erronées et non sur des éléments de preuve. Elle soutient qu’on ne lui a pas donné l’occasion de s’exprimer par rapport à certaines suppositions faites par la division générale dans sa décision.

[6] Le Tribunal doit décider si la division générale a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées, tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Le Tribunal doit également déterminer si la division générale a omis d’observer un principe de justice naturelle.

[7] Le Tribunal rejette l’appel de la prestataire.

Questions en litige

La division générale a-t-elle omis de respecter un principe de justice naturelle en ne donnant pas à la prestataire l’occasion de s’exprimer par rapport aux conclusions qu’elle a tirées dans sa décision?

Est-ce que le fait que la division générale n’a pas respecté un principe de justice naturelle change le résultat de sa décision?

Analyse

Mandat de la division d’appel

[8] La Cour d’appel fédérale a conclu que lorsque la division d’appel instruit des appels conformément à l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), la division d’appel n’a d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de cette loiNote de bas de page 1.

[9] La division d’appel agit à titre de tribunal administratif d’appel eu égard aux décisions rendues par la division générale et n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieureNote de bas de page 2.

[10] Par conséquent, à moins que la division générale n’ait pas observé un principe de justice naturelle, qu’elle ait erré en droit ou qu’elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le Tribunal doit rejeter l’appel.

Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle omis de respecter un principe de justice naturelle en ne donnant pas à la prestataire l’occasion de s’exprimer par rapport à certaines conclusions dans sa décision?

[11] La prestataire soutient que la division générale avait supposé qu’elle avait reçu un feuillet T4E pour les prestations de 2016-2017. Elle a aussi supposé qu’elle était au courant que le feuillet T4E montrait les prestations d’AE et que cela avait une incidence sur sa crédibilité. Elle fait valoir qu’elle n’a pas eu l’occasion de s’exprimer par rapport auxdites suppositions et qu’elle aurait affirmé qu’elle ne les avait jamais reçus. 

[12] La prestataire fait également valoir que la division générale a supposé que le fiduciaire avait demandé d’examiner ses relevés bancaires, alors qu’il ne l’avait pas fait. La seule chose que le fiduciaire lui avait demandée était ses soldes au moment de la proposition de consommateur.

[13] Après avoir écouté l’audience devant la division générale, la Commission était d’accord avec la prestataire pour dire que la division générale n’avait pas demandé à la prestataire si elle avait accès aux feuillets T4E comprenant les prestations d’AE, et par la suite, elle a déterminé qu’il était difficile de croire que la prestataire ne les avait pas reçus.

[14] Selon le Tribunal, il est évident que la prestataire n’a pas eu l’occasion de présenter la preuve et les arguments qu’elle souhaitait produire devant la division générale.

[15] Par conséquent, le Tribunal estime que la division générale n’a pas respecté un principe de justice naturelle.

Question en litige no 2 : Est-ce que le fait que la division générale n’a pas respecté un principe de justice naturelle change le résultat de sa décision?

[16] Le Tribunal estime que le fait que la division générale n’a pas respecté un principe de justice naturelle ne change pas le résultat de sa décision.

[17] La division générale a conclu que, malgré le fait que la prestataire ait affirmé le contraire, elle avait présenté les demandes de renouvellement, fait les déclarations électroniques et reçu les prestations d’AE. Elle a aussi conclu que la prestataire savait que les informations dans les déclarations étaient fausses et que la Commission avait agi judicieusement en imposant la pénalité et en émettant un avis de violation. La division générale a finalement conclu que la rémunération avait été répartie adéquatement sur les semaines durant lesquelles la prestataire avait fourni les services, conformément à l’article 36(4) du Règlement sur l’AE.

[18] La prestataire fait valoir que la division générale a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées, tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Elle fait également valoir que la décision de la division générale est fondée sur des hypothèses erronées et non sur des éléments de preuve. 

[19] Le Tribunal est d’avis que l’analyse effectuée par la division générale est guidée par les principes établis par la Cour d’appel fédérale en semblable matièreNote de bas de page 3. La Cour a statué sur les situations où la prestataire prétend que ses déclarations d’assurance-emploi ont été produites par une tierce partie. La Cour a statué que la question à trancher dans toutes les affaires où il y a un trop-payé et où une partie prestataire prétend qu’il y a eu de la fraude est de décider :

  1. si une tierce partie a frauduleusement amené la Commission à effectuer des versements excédentaires et, le cas échéant,
  2. si la fraude a été commise à la connaissance de la partie prestataire et avec son consentement.

[20] Le Tribunal souhaite souligner qu’il incombait à la prestataire de démontrer que quelqu’un d’autre avait présenté les demandes, fait les déclarations et reçu les prestations à son insu et sans avoir obtenu son consentement.

[21] Il n’est pas contesté que les versements par dépôt direct des prestations d’AE liés aux trois demandes de renouvellement concernant la présente affaire ont été effectués dans le même compte bancaire de la prestataire que les dépôts liés à la demande initiale de prestations de maladie. Le compte était au nom de la prestataire seulement. Le montant total de 20 848 $ a été déposé dans son compte personnel d’avril 2016 à juillet 2017.

[22] Devant la division générale, la prestataire a fait valoir que son ancien copain aurait pu obtenir ses renseignements personnels, étant donné qu’elle gardait son information bancaire, son NIP et son code d’accès de l’AE dans un livre près de son ordinateur à la maison. Après s’être rendu compte en 2018 des versements d’AE de 2016 et 2017, elle a conclu que son ancien copain avait retiré les versements d’AE, qui étaient faits les mardis, de son compte avant qu’elle accède à son compte les jeudis. Elle n’aurait donc pas pu être au courant des prestations d’AE.

[23] Toutefois, à plus d’une reprise, la prestataire a avoué qu’elle n’avait aucune preuve que c’était son ancien copain qui avait commis la fraude sur sa demande d’assurance-emploiNote de bas de page 4.

[24] En mai 2018, lorsque l’enquêtrice ou l’enquêteur de la Commission a demandé à la prestataire si les retraits qu’elle prétendait que son ancien copain avait faits figureraient sur les relevés bancaires, elle a répondu par l’affirmativeNote de bas de page 5. Elle n’a toutefois jamais procédé à obtenir l’information bancaire pour corroborer sa version des faits. En août 2018, lorsqu’elle a demandé une révision de la décision initiale de la Commission, la prestataire n’a toujours pas fourni ses relevés bancaires pour appuyer son allégation selon laquelle les montants avaient été immédiatement retirés de son compte bancaire et qu’elle ne les voyait donc pas lorsqu’elle payait ses factures chaque jeudi.

[25] Dans ses observations supplémentaires à la division générale, la prestataire a reconnu l’importance et la pertinence des relevés bancaires à sa situation, mais elle a choisi, au moins à partir de mai 2018, de ne pas les obtenir pour démontrer qu’elle disait la vérité et qu’elle n’était pas au courant que son ancien copain commettait de la fraudeNote de bas de page 6. Elle soutient maintenant qu’elle ne peut plus les obtenir étant donné que selon les normes des banques, il est trop tard. Lors de l’audience relative à l’appel, la prestataire a reconnu qu’elle n’avait pas informé la division générale de sa tentative tardive et infructueuse pour obtenir les relevés bancaires de son institution financière.

[26] La prestataire a aussi affirmé devant la division générale qu’elle était sobre depuis juin 2018, et qu’elle suivait un traitement continu. Elle a aussi cessé de travailler depuis juin 2018. À la lumière de ces deux dernières déclarations, la division générale a déterminé que son état de santé n’aurait pas dû l’empêcher d’obtenir ces documents bancaires essentiels pour confirmer sa version des événements.

[27] Le fait que la prestataire n’a pas obtenu l’information bancaire en temps voulu, après s’être fondée spécifiquement sur ces documents pour prouver son innocence durant l’enquête, et après avoir affirmé que la Commission avait ignoré un fait pertinent en ne les obtenant pas, appuie la conclusion de la division générale selon laquelle les documents n’appuieraient pas la position de la prestataire et qu’ils ont donc une grande incidence sur sa crédibilité.

[28] La division générale n’a pas non plus accordé de poids au témoignage de la prestataire selon lequel elle n’avait jamais remarqué qu’il y avait de l’argent supplémentaire dans son compte bancaire provenant du versement de prestations d’AE durant les périodes en question que voici : du 3 au 23 avril 2016; du 3 juillet au 3 septembre 2016; et du 20 novembre au 22 juillet 2017. La somme totale de 20 848 $ a été déposée dans son compte personnel.

[29] La division générale a aussi des doutes au sujet de la fiabilité du témoignage de la prestataire étant donné que durant l’enquête menée en mai 2018, elle avait déclaré qu’en 2012, elle allait au travail alors qu’elle était ivre, qu’elle se procurait de la vodka à l’heure du dîner, et qu’elle ne se souvenait pas de ce qu’elle avait fait pendant ces périodes. Elle a confirmé que lorsqu’elle était avec son ancien copain, durant les périodes dont il est question, elle consommait encore de l’alcool à l’excès en raison de son problème de dépendance. La prestataire a affirmé que durant ces périodes, elle n’était pas fiable. Elle a aussi fait référence à des problèmes de mémoire et elle n’arrivait pas à se souvenir d’un certain nombre de choses.

[30] À partir de cela, la division générale a déterminé que la prestataire ne s’était pas acquittée de son fardeau de démontrer qu’une autre personne avait présenté les demandes, envoyé les déclarations et reçu les prestations. Elle a donc conclu que la prestataire avait présenté les demandes de renouvellement, envoyé les déclarations électroniques et reçu les prestations d’AE.

[31] Il est de jurisprudence constante qu’à moins de circonstances particulières évidentes, la question de crédibilité doit d’abord être laissée à la division générale qui est mieux en mesure d’en décider. La division d’appel n’interviendra que s’il devient manifeste que le prononcé de la division générale sur cette question n’est pas fondé sur la preuve des faits mis devant elle pour lui permettre d’en décider. Même si la prestataire n’a pas eu l’occasion d’expliquer qu’elle n’avait pas reçu les feuillets T4E ou de clarifier ce que le fiduciaire lui avait demandé, le Tribunal estime qu’il n’y a pas suffisamment de raisons d’intervenir en l’espèce sur la question de la crédibilité, comme évaluée par la division générale.

[32] Comme il a été expliqué lors de l’audience relative à l’appel, le Tribunal n’a pas non plus le pouvoir de juger de nouveau une affaire ni de substituer son pouvoir discrétionnaire à celui de la division générale. Les compétences du Tribunal sont limitées par l’article 58(1) de la Loi sur le MEDS.

[33] Le Tribunal en vient à la conclusion que la décision de la division générale s’appuie sur les éléments de preuve portés à sa connaissance, et qu’elle est conforme aux dispositions législatives ainsi qu’à la jurisprudence.

[34] Pour les motifs susmentionnés, le Tribunal rejette l’appel.

Conclusion

[35] L’appel est rejeté.

 

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 18 juillet 2019

Téléconférence

L. G., appelante

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.