Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] L’appelante a établi une période de prestations d’assurance-emploi le 1er décembre 2013. Elle a fait ses déclarations chaque deux semaines par internet et reçu des prestations. Suite à une enquête, la Commission de l’assurance-emploi (la Commission) a conclu que l’appelante avait travaillé et reçu un salaire durant les semaines du 17 août 2014, du 24 août 2014, du 31 août 2014 et du 7 septembre 2014, mais qu’elle ne l’avait pas déclaré. La Commission a déterminé que le salaire reçu par l’appelante constituait de la rémunération au sens de la Loi sur l’assurance-emploi et l’a réparti sur les semaines travaillées, causant un trop payé de 1 528$.

[3] La Commission a de plus décidé d’imposer une pénalité à l’appelante pour avoir sciemment fait des déclarations fausses ou trompeuses. La pénalité est toutefois non-monétaire et sous forme d’avertissement.

Questions préliminaires

[4] L’appelante a deux dossiers d’appel auprès du Tribunal (GE-19-1812, GE-19-1813). Les dossiers concernent des questions en litige similaires, mais des périodes de prestations différentes.  Une seule audience a été tenue pour les deux appels, mais des décisions distinctes ont été rédigées pour chaque appel.

Questions en litige

[5] Le Tribunal doit décider les questions suivantes :

  1. Le salaire provenant de X reçu par l’appelante pour la période entre le 17 août et le 13 septembre 2014 constitue-t-il de la rémunération?
  2. Si oui, la Commission a-t-elle réparti les montants correctement?
  3. Y a-t-il lieu d’imposer à l’appelante une pénalité pour avoir perpétré des actes délictueux en faisant sciemment des déclarations fausses ou trompeuses?

Analyse

Question en litige no 1 : Le salaire provenant de X reçu par l’appelante pour la période entre le 17 août et le 13 septembre 2014 constitue-t-il de la rémunération?

[6] La règle générale en assurance-emploi est que toute somme ayant valeur de rémunération au sens de la Loi doit ensuite être répartie. C’est l’article 35 du Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement) qui prévoit les règles afin de déterminer si un montant constitue ou non de la rémunération.

[7] Selon la preuve du présent dossier, le Tribunal conclut que les sommes reçues par l’appelante à titre de salaire constituent de la rémunération.

[8] En l’espèce, la Commission estime que l’appelante a travaillé et reçu un salaire de la compagnie X de 984.41$ par semaine pour la semaine du 17 août 2014, du 24 août 2014, du 31 août 2014 et du 7 septembre 2014. Le litige concerne donc ces quatre semaines. Lors de l’audience, l’appelante a confirmé avoir travaillé pour la compagnie X et elle confirme les dates d’emploi au dossier, c’est-à-dire du 18 août 2014 au 12 décembre 2015.

[9] Lorsque questionnée à savoir si elle pouvait confirmer avoir reçu ou non la somme de 984.41$ hebdomadaire pour les 4 semaines en litige, l’appelante a refusé de répondre directement et a référé le Tribunal aux pièces GD3-73 et GD-10. Or, la pièce GD3-73 constitue un tableau fourni par la Commission détaillant l’historique des paiements versés à l’appelante. On peut lire au tableau pour les 4 semaines en litiges (du 17 août au 13 septembre 2014) que le code #80 est inscrit dans la description avec la mention «Rémunération déclarées –Aucune prestation payée». La pièce GD-10 quant à elle constitue une lettre de Service Canada datée du 29 mai 2019 indiquant que le code #80 utilisé comme description pour les semaines du 17 août au 13 septembre 2014 représentait une semaine de prestations ou une rémunération a été déclarée et qu’aucune prestation n’a été payée. Puisque l’appelante réfère à ce document, le Tribunal en conclut qu’elle reconnait avoir reçu de la rémunération.

[10] De plus, l’employeur a déclaré par écrit que l’appelante avait reçu la rémunération de 984.41$ pour la semaine du 17 au 23 août 2014, pour celle du 24 au 30 août 2014, pour celle du 31 août au 6 septembre 2014 et pour celle du 7 au 13 septembre 2014. Le relevé d’emploi corrobore aussi ces informations.

[11] Considérant cette preuve, le Tribunal conclut que l’appelante a bel et bien travaillé pour X entre le 17 août et le 13 septembre 2014 et reçu un salaire pour ce travail de 984.41$ par semaine.

[12] Ce que constitue de la rémunération en assurance-emploi est défini à l’article 35(2) du Règlement. Le concept a aussi été défini par la jurisprudence. En effet, la Cour d’appel fédérale considère comme ayant valeur de rémunération les montants gagnés par un travailleur grâce à son travail, en contrepartie d’un travail ou s’il existe un lien suffisant entre l’emploi et la somme reçue (Roch, 2003 CAF 356).

[13] Il est établi que l’appelante a reçu 984.41$ de salaire pour chacune des 4 semaines en litige. Les montants qui proviennent directement de salaire émanant d’un emploi constituent clairement une somme versée en contrepartie d’un travail. Ces sommes constituent donc de la rémunération au sens de la Loi.

Question en litige no 2 : Si oui, la Commission a-t-elle réparti les montants correctement?

[14] En matière de répartition, la Cour d’appel fédérale a confirmé le principe selon lequel les sommes qui constituent une rémunération aux termes de l’article 35 du Règlement doivent être réparties aux termes de l’article 36 du Règlement (Boone et al c Canada (PG), 2002 CAF 257).

[15] Le Tribunal doit donc déterminer comment les sommes versées à l’appelante doivent être réparties sur sa période de prestations.

[16] Le Tribunal conclut que la Commission a réparti la rémunération de l’appelante correctement.

[17] Selon l’article 36(4) du Règlement, la rémunération payable au prestataire aux termes d’un contrat de travail en échange de services rendus est répartie sur la période pendant laquelle ces services ont été fournis. En d’autres mots, la Commission doit répartir la rémunération de l’appelante à chaque semaine qui correspond à celle pour laquelle elle a travaillé et gagné ce salaire. Dans le présent cas, le Tribunal estime que les revenus hebdomadaires de l’appelante provenant de son emploi pour X ont été répartis correctement par la Commission, conformément à l’article 36(4) et correspondant à chaque semaine de travail de l’appelante (celles du 17 août 2014 jusqu’à celle du 7 septembre 2014) selon les chiffres non contestés fournis par l’employeur.

[18] En l’espèce, la particularité de cet appel est qu’en renvoyant systématiquement le Tribunal à la pièce GD3-73, l’appelante semble vouloir insinuer qu’elle a déjà déclaré ses revenus de 984.41$ par semaine de X et qu’elle n’a pas reçu de prestations d’assurance-emploi pour les 4 semaines en litige.

[19] En réponse aux prétentions de l’appelante, la Commission a fait valoir que l’appelante n’avait pas déclaré son salaire pour les 4 semaines en litige et bel et bien reçu des prestations. La Commission fait remarquer que le relevé détaillant l’historique des paiements versés à l’appelante (GD3-73) indiquant le code 80 pour les 4 semaines en litige a été imprimé le 25 février 2019, suite aux modifications par la Commission.  Par ailleurs, la Commission a soumis en preuve un certificat d’attestation démontrant l’état des prestations avant que la Commission procède aux modifications nécessaires. Ainsi, l’historique de paiement pour ces périodes sans que la case «Modifiée» soit sélectionnée indique que des prestations ont bel et bien été versées. On peut y constater pour les trois périodes de déclarations que le 22 août 2014 un paiement a été émis pour la période du 10 août 2014 au 23 août 2014, que le 5 septembre 2014, un paiement a été émis pour la période du 24 août 2014 au 6 septembre 2014 et que le 19 septembre 2014, un paiement a été émis pour la période du 7 au 13 septembre 2014. Le certificat d’attestation indique de plus que pour ces trois périodes, aucune rémunération n’a été considérée.

[20] Devant deux versions contradictoires, le Tribunal estime que la preuve soumise par la Commission est plus crédible. La seule preuve de l’appelante appuyant la version qu’elle aurait déclaré ses revenus consiste du tableau au dossier à GD3-73. Or, l’explication de la Commission permet de réfuter cette preuve puisque les données ont été modifiées au moment de l’impression, suite à l’enquête de la Commission et de ses ajustements. Le Tribunal estime que les dates attestent que l’explication de la Commission rend sa version plausible. En effet, la Commission ayant pris action et décidé de répartir la rémunération le 5 février 2019, il est plausible que lorsque le relevé des prestations a été imprimé le 25 février 2019, l’information ait été modifiée suite à la décision de la Commission.

[21] Le Tribunal est de plus d’avis que si la situation avait été telle que le code 80 était appliqué depuis plus de temps, le présent litige serait pratiquement caduc. Or, la Commission n’a pas concédé le litige au prétexte d’une simple erreur tel qu’allégué par l’appelante. Elle fournit plutôt une explication plausible pour la confusion de l’appelante et maintient que l’appelant a reçu des prestations et n’a pas déclaré sa rémunération, suite aux questions précises du Tribunal.

[22] Le Tribunal reconnait que les événements qui nous occupent se sont produits il y a quelques années et il se peut que la mémoire ne soit pas parfaite. Cependant, le fait que l’appelante n’ait jamais pu affirmer de façon convaincue et convaincante qu’elle avait déclaré ses revenus entre le 10 août et le 13 septembre 2014 soulève certains doutes concernant sa crédibilité.

[23] Le Tribunal accorde peu de poids à la pièce GD3-73 puisque les informations ne reflètent pas la situation de l’appelante au moment de faire ses déclarations en 2014. L’ensemble de la preuve mène le Tribunal à conclure sur la balance des probabilités que l’appelante a reçu un salaire hebdomadaire de 984.41$ de X pour les quatre semaines en litige et que cette rémunération a été répartie adéquatement aux semaines de travail conformément à l’article 36(4) du Règlement. L’appelante doit donc rembourser le trop payé de 1 528$.

Question en litige no 3 : Y a-t-il lieu d’imposer à l’appelante une pénalité pour avoir perpétré des actes délictueux en faisant sciemment des déclarations fausses ou trompeuses?

[24] Le paragraphe 38(1) de la Loi indique que lorsqu’elle prend connaissance de faits qui, à son avis, démontrent qu’un prestataire commet un acte délictueux cité dans les alinéas de ce paragraphe, la Commission peut lui infliger une pénalité pour chacun de ces actes (38(2)).

[25] En l’espèce, le Tribunal conclut qu’il y a lieu d’imposer une pénalité non monétaire à l’appelante pour les raisons suivantes.

[26] Afin de déterminer si une pénalité doit être imposée, le Tribunal doit répondre aux sous-questions suivantes :

  • La Commission a-t-elle démontré que l’appelante a fait des déclarations fausses ou trompeuses ?
  • Si oui, ces déclarations fausses ou trompeuses ont-elles été faites sciemment ?
  • Si oui, la Commission a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire en déterminant le montant de la pénalité à être imposée ? Sinon, quelle doit être la pénalité imposée ?

[27] D’abord, en ce qui a trait à l’existence de déclarations fausses ou trompeuses, la cour d’appel fédérale dans Gates, A-600-94 a indiqué que le fardeau de la preuve revient à la Commission d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que le prestataire a fait une déclaration fausse ou trompeuse. Dans le présent dossier, le Tribunal est d’avis que la Commission a réussi à démontrer que l’appelante a effectivement fait des fausses déclarations. Les fausses déclarations découlent du fait que l’appelante a déclaré ne pas avoir travaillé ou touché un salaire pour les semaines entre le 17 août et le 13 septembre 2014. Elle n’a pas non plus déclaré ses gains d’emploi lorsqu’elle a fait ses déclarations en ligne pour les mêmes périodes. En effet, la preuve documentaire inclut une copie des déclarations électronique de l’appelante qui démontre ses réponses aux questions posées dans le formulaire de déclaration en ligne.

[28] Or, tel que conclut à la deuxième question en litige, la preuve démontre que l’appelante a reçu des prestations durant cette période et qu’elle a travaillé pour X. L’employeur a confirmé les montants reçus par l’appelante. N’ayant pas déclaré son emploi et ses gains, les déclarations de l’appelante étaient vraisemblablement fausses ou trompeuses.

[29] La Cour d’appel fédéral a par ailleurs précisé dans Mootoo, 2003 CAF 206 (Mootoo) que pour qu’une pénalité soit imposée, il est nécessaire que le prestataire l’ait faite en sachant qu’elle était fausse ou trompeuse. Il doit donc être évident qu’il avait l’intention de faire sciemment une fausse déclaration ou de fournir des renseignements trompeurs à l’intimée.

[30] Dans ce cas-ci, la Commission soutient qu’elle a rempli son fardeau de preuve et démontré que l’appelante savait qu’elle fournissait des informations erronées lorsqu’elle a déclaré ne pas avoir travaillé ou reçu de rémunération pour les semaines du 17 août, du 24 août, du 31 août et du 7 septembre 2014. L’appelante n’a ni confirmé ni infirmé avoir fait ses déclarations.

[31] L’interprétation du mot « sciemment » doit considérer un critère subjectif pour déterminer si la connaissance requise existe. La Cour d’appel fédérale a indiqué qu’ « Il ne suffit pas de proclamer son ignorance pour échapper à des sanctions : il est permis de tenir compte du bon sens et de facteurs objectifs pour décider si un prestataire avait la connaissance subjective de la fausseté de ses déclarations » (Canada (Procureur général) c Bellil, 2017 CAF 104). En l’absence d’explication satisfaisante, le Tribunal estime qu’en répondant « Non » à la question « Avez-vous travaillé ou touché un salaire pendant la période visée par cette déclaration? Ceci inclut un travail à votre compte ou un travail pour lequel vous ne serez pas payé ou serez payé plus tard », l’appelante avait la connaissance subjective qu’elle faisait une fausse déclaration. Elle a admis avoir travaillé pour l’employeur bien que les dates étaient vagues pour elle. Puisque l’appelante travaillait, le Tribunal se demande comment n’aurait-elle pas su qu’elle ne répondait pas correctement à la question demandée lors de ses déclarations. Le Tribunal estime que la question est claire et que le fait de ne pas y répondre correctement correspond à une déclaration fausse et trompeuse faite sciemment, soit en toute connaissance de cause.

[32] Pour ce qui est du montant de la pénalité imposée, il est bien établi dans la jurisprudence qu’il s’agit d’une décision discrétionnaire qui relève exclusivement de la Commission et non du Tribunal (Uppal, 2008 CAF 388 et Gill, 2010 CAF 182). Ainsi, le Tribunal n’aura le pouvoir de modifier la décision de la Commission à moins de prouver que celle-ci a exercé son pouvoir discrétionnaire d’une manière non conforme à la norme judiciaire ou qu’elle a agi de façon abusive ou arbitraire sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance (Uppal, 2008 CAF 388, Mclean, 2001 CAF 5 et Rumbolt, A-387-99).

[33] En l’espèce, la Commission a imposé une lettre d’avertissement parce que l’acte délictueux a eu lieu plus de 36 mois avant la découverte de celui-ci. Le Tribunal estime que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a imposé une pénalité non monétaire conformément à l’article 41.1 de la Loi. En effet, les 3 actes délictueux ont été posés plus de 36 mois avant la décision du 5 février 2019, mais à l’intérieur du délai maximal de 72 mois permettant l’imposition d’une pénalité. En appliquant ces normes, le Tribunal est forcé d’admettre que la Commission a exercé son pouvoir de bonne foi sans élément arbitraire.  De plus, je ne vois aucune circonstance qui aurait été laissée en plan par la Commission. Je suis satisfaite que tous les éléments pertinents du dossier aient été considérés dans la détermination de la pénalité à imposer à l’appelante (Canada (procureur général) c Uppal, 2008 CAF 388).

Conclusion

[34] L’appel est rejeté.

 

Date de l’audience :

Mode d’audience :

Comparutions :

Le 11 juillet 2019

Vidéoconférence

L. B., appelante

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