Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli. Je conclus qu’un montant de 2 000$ a été versé à l’appelante à titre de renonciation au droit à la réintégration de son emploi, que ce montant ne constitue pas une rémunération et qu’il n’a pas à être réparti sur la période de prestations de l’appelante.

Aperçu

[2] L’appelante a présenté une demande de prestations le 24 septembre 2018. Le 23 juillet 2019, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) a avisé l’appelante que le montant de 2 000$ reçu à titre de renonciation à son droit à la réintégration constitue une rémunération et qu’il sera réparti sur sa période de prestations. La Commission soutient que puisque l’appelante a reçu ce montant pendant sa période de probation, le droit à la réintégration n’existait pas. Je dois déterminer si le montant de 2 000$ reçu par l’appelante constitue une rémunération et s’il a correctement été réparti sur sa période de prestations.

Questions en litige

[3] Le montant de 2 000$ reçu par l’appelante a-t-il été versé pour sa renonciation à son droit à la réintégration?

[4] Ce montant constitue-t-il une rémunération? Si oui, a-t-il été correctement réparti sur sa période de prestations?

Analyse

Le montant de 2 000$ reçu par l’appelante a-t-il été versé pour sa renonciation à son droit à la réintégration?

[5] La Commission est d’avis que ce montant a été remis à l’appelante en raison de sa renonciation à son droit à la réintégration, mais, puisque l’appelante était dans sa période de probation, elle soutient que le droit à la réintégration n’existe pas. Elle affirme que l’appelante ne pouvait pas demander la réintégration de son poste en cas de congédiement.

[6] Le 18 septembre 2018, l’appelante a déposé un grief contestant son congédiement étant donné la présence de harcèlement et elle a demandé d’être réintégrée dans son emploi. Elle a déclaré n’avoir jamais négocié directement avec l’employeur, mais plutôt par l’entremise de son représentant syndical. Elle a expliqué que l’employeur lui a fait une offre pour régler le dossier et qu’elle l’a acceptée.

[7] L’appelante soutient que le droit à la réintégration existe, même pendant sa période de probation, puisque l’employeur l’a congédié de façon abusive. Elle fait valoir que la convention collective ne dispense pas l’employeur d’agir de bonne foi. Elle soutient que l’employeur a accepté de lui verser un montant en compensation de sa renonciation au droit d’être réintégrée parce qu’il savait justement qu’elle pouvait avoir le droit d’être réintégrée si elle en faisait la démonstration. En ce sens, l’appelante fait valoir qu’elle a vécu du harcèlement de façon quotidienne de la part d’une collègue et qu’elle a injustement été congédiée.

[8] La question de savoir si un montant a été versé à l’appelante parce qu’elle a été harcelée ou non est importante pour décider si, dans les circonstances, le droit à la réintégration peut exister pendant sa période de probation. La période de probation incluse à la convention collective de l’appelante ne dispense pas l’employeur d’agir de bonne foi ou de respecter les droits et libertés.

[9] Cependant, je ne suis pas saisi de la question du congédiement abusif allégué par l’appelante et afin d’établir la présence de harcèlement en milieu de travail, je dois disposer d’une preuve suffisamment circonstanciée et des faits déterminant si le harcèlement a eu lieu doivent être établis.

[10] L’appelante a expliqué que l’ambiance de travail était difficile et qu’en contexte de formation elle n’avait pas obtenu l’aide adéquate pour faire son travail. Elle a déclaré que la formation n’a eu une durée que d’une journée et demie et que personne ne lui répondait. L’appelante affirme qu’elle recevait des insultes quotidiennes de la part de sa collègue qui lui a d’ailleurs prédit qu’elle allait perdre son poste. Elle soutient qu’elle était constamment critiquée et rabaissée. Elle fait également valoir qu’au moins une autre employée a vécu des problèmes similaires étant donné l’attitude irrespectueuse de cette collègue.

[11] L’appelante a fourni sa version des faits, mais bien que je comprenne qu’elle était dépressive et qu’elle vivait cette situation difficilement, aucun rapport médical ne vient appuyer la preuve. L’appelante a expliqué qu’elle prenait des antidépresseurs pendant cette période et que son médecin voulait lui donner un billet médical pour un arrêt de travail avant le congédiement, mais elle a refusé. De plus, l’employeur n’a pas fourni à la Commission sa version des faits sur cet aspect. De cette manière, la preuve n’est pas suffisamment circonstanciée pour me permettre de conclure qu’il y a eu présence de harcèlement, cependant, étant donné la situation et les explications crédibles de l’appelante lors de l’audience, il est plus que probable que l’entente intervenue entre les parties visait à régler les circonstances entourant la fin d’emploi de l’appelante. C’est de cette manière que son droit à la réintégration existait pendant sa période de probation.

[12] La Cour Suprême du Canada a conclu dans l’arrêt Isidore GaronNote de bas de page 1 que l’obligation d’agir de bonne foi est compatible avec la relation collective de travail et qu’un employeur lié par une obligation collective de travail ne doit pas agir, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, de façon discriminatoire, abusive ou de mauvaise foi. Cette obligation s’applique même envers l’employé à l’essai.

[13] Étant donné que l’appelante avait déposé une plainte contestant son congédiement parce qu’elle était harcelée quotidiennement, elle fait valoir qu’elle avait le droit d’obtenir sa réintégration au travail.

[14] Je suis également de cet avis. Malgré la période de probation de l’appelante, cette situation n’exonère pas l’employeur d’agir de bonne foi. L’appelante pouvait demander sa réintégration au travail et faire valoir ses droits. Comme mentionné, je ne dispose pas des faits suffisants pour déterminer s’il y a eu présence de harcèlement, cependant, l’entente intervenue visait à régler cette situation et l’employeur a versé un montant à l’appelante à titre de renonciation à son droit à la réintégration de son emploi. Dans ce cas, je suis d’avis que le droit à la réintégration de l’appelante existait et, si elle avait fait valoir ses droits, elle aurait pu obtenir la réintégration de son emploi s’il était déterminé qu’il y avait absence de bonne foi de la part de l’employeur. En ce sens, il est établi que l’employeur ne peut au départ négocier des clauses qui empêcheraient un employé d’utiliser la procédure de grief pour contester un congédiement basé sur des motifs prohibés par la Charte ou d’une loi d’ordre publicNote de bas de page 2. Même pendant une période de probation.

[15] L’employeur admet accepter de verser un montant de 2 000$ à l’appelante à titre de renonciation à son droit à la réintégration qu’elle prétend avoir et c’est pour cette raison que ce montant est versé à l’appelante. Même s’il a écrit dans une lettre que, selon lui, ce droit n’existe pas, ça ne change pas le fait que le montant a été versé pour cette raison. L’employeur a jugé qu’un règlement devait être convenu sur cet aspect. Il a non seulement accepté de verser un montant à ce titre, mais il a indiqué à Service Canada que ce montant ne constituait pas une rémunération au sens de l’article 35 du Règlement, reconfirmant sa position. L’entente démontre également que ce montant est versé en guise de règlement à l’appelante à titre de renonciation à son droit à la réintégration.

[16] Je dois établir qu’elle est la nature du montant de 2 000$ versé à l’appelante et ce règlement intervenu est le résultat de l’intention des parties. Selon la preuve au dossier, il apparaît que l’intention des parties était de régler la contestation du grief de l’appelante quant à sa fin d’emploi qu’elle jugeait abusive laquelle demandait également la réintégration de son emploi. Suite aux échanges entre le syndicat et l’employeur, un montant compensatoire de 4 000$ a été convenu dont 500$ à titre de frais pour la recherche d’un emploi, 1 500$ en guise de dommages moraux et 2 000$ pour la renonciation de l’appelante à son droit à la réintégration.

[17] L’appelante était en période de probation et même si les faits ne sont pas suffisamment étayés pour déterminer s’il y a eu présence de harcèlement, suivant la balance des probabilités, les faits au dossier ainsi que les explications de l’appelante lors de l’audience, je suis d’avis que le montant de 2 000$ a été convenu à titre de renonciation au droit à la réintégration de l’appelante.

[18] Un montant versé suite à une cessation d’emploi peut être considéré comme ayant été versé en renonciation au droit à la réintégration d’un emploi si ce droit existe notamment en vertu d’une convention collective, d’un contrat de travail ou de la Loi, si l’appelante a demandé à être réintégrée et si l’entente de règlement démontre que ce montant a été versé à titre de compensation pour avoir renoncé à ce droit à la réintégrationNote de bas de page 3.

[19] Je suis d’avis que ces critères sont satisfaits. Le principe général induit que le droit à la réintégration n’existe pas en période de probation. Cependant, pendant une période de probation et en présence de harcèlement ou d’absence de bonne foi de l’employeur, le droit à la réintégration existe en vertu du droit provincial et l’appelante peut faire valoir ses droitsNote de bas de page 4. L’appelante a demandé la réintégration de son emploi, c’est notamment ce qui a fait l’objet d’une négociation avec l’employeur, et l’entente démontre qu’un montant de 2 000$ a été versé à titre de compensation à sa renonciation à être réintégrée dans son emploi. C’est pour cette raison que je suis d’avis que, dans ce cas particulier, l’ensemble des critères est satisfait.

[20] Comme l’appelante l’a fait valoir, l’entente intervenue entre les parties n’indique pas qu’elle ne répond pas aux exigences normales de la tâche. L’appelante soutient avoir été congédiée de façon abusive, qu’elle était constamment critiquée, rabaissée et que sa collègue lui avait dit qu’elle ne conserverait pas son emploi. Pour des raisons évidentes de confidentialité, le dossier de la Commission ne démontre pas l’ensemble des négociations intervenues entre l’appelante ou son représentant syndical et l’employeur jusqu’à la conclusion cette entente. Cependant, un règlement est intervenu et il a été convenu qu’un montant global de 4 000$ soit remis à l’appelante.

[21] Étant donné la preuve présentée au dossier ainsi que le témoignage et les arguments présentés par l’appelante lors de l’audience, je conclus que le montant de 2 000$ lui a été versé à titre de renonciation au droit à la réintégration de son emploi.

Ce montant constitue-t-il une rémunération? Si oui, a-t-il été correctement réparti?

[22] Un revenu provenant de tout emploi, que ce soit à titre de salaire, d’avantages ou autre rétribution, doit être pris en compte, sauf s’il est visé par une exceptionNote de bas de page 5.

[23] Le revenu intégral du prestataire provenant de tout emploi doit être pris en considération lors du calcul du montant à déduire de ses prestationsNote de bas de page 6.

[24] Un montant versé à titre de renonciation à la réintégration de l’emploi ne provient pas de l’emploi, il n’est pas un salaire ou un avantage. Dans le cas de l’appelante, c’est un montant compensatoire qui lui a été versé suite à des négociations avec l’employeur qui ne souhaitait pas la réintégrer dans son emploiNote de bas de page 7.

[25] J’ai conclu que le montant de 2 000$ a été versé à l’appelante à titre de renonciation à son droit à la réintégration donc ce montant ne constitue pas une rémunération et n’a pas à être réparti sur la période de prestations de l’appelante.

Conclusion

[26] L’appel est accueilli.

Date de l’audience :

Mode d’audience :

Comparution :

7 août 2019

Vidéoconférence

J. P., appelante
Gino Provencher, représentant de l’appelante

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