Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. L’appelant a démontré qu’il était fondé à quitter son emploi lorsqu’il l’a fait étant donné qu’il n’avait aucune autre solution raisonnable. Cela signifie qu’il n’est pas exclu du bénéfice des prestations.

Aperçu

[2] L’appelant a travaillé comme gestionnaire pour une entreprise dans une région éloignée de l’Alberta pendant trois ans environ. Il a présenté une demande de prestations de maladie de l’assurance-emploi le 21 janvier 2019 et il a quitté son emploi le 23 janvier 2019. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a approuvé sa demande de prestations de maladie du 13 janvier 2019 au 11 mai 2019 environ.

[3] Le 26 avril 2019, l’intimée a déterminé que l’appelant avait quitté son emploi sans justification étant donné qu’il avait d’autres solutions raisonnables. Cela a fait en sorte que l’appelant a été exclu du bénéfice des prestations régulières de l’assurance-emploi. L’appelant a affirmé qu’il avait quitté son emploi parce qu’il faisait le travail de deux personnes et que cela était devenu insupportable, accablant et stressant, et que cela avait des répercussions sur sa santé mentale, ce qui l’a mené à déménager en Ontario pour être plus près de sa famille. L’appelant a interjeté appel auprès du Tribunal de la sécurité sociale. 

Questions en litige

[4] Question en litige no 1 : Quelle est la raison de la cessation d’emploi?

[5] Question en litige no 2 : L’appelant était-il fondé à quitter son emploi? Existait-il d’autres solutions raisonnables?

Analyse

[6] Une partie prestataire est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 1. Il n’est pas suffisant d’avoir une bonne raison de quitter son emploi pour prouver que l’on était justifié à le faire.

[7] Selon la loi, une personne est justifiée à quitter son emploi si, compte tenu de toutes les circonstances, elle n’avait aucune autre solution raisonnable que de quitter son emploi lorsqu’elle l’a faitNote de bas de page 2. Il incombe à l’appelant de prouver celaNote de bas de page 3. L’appelant doit démontrer qu’il est plus probable que le contraire qu’il n’avait aucune autre solution raisonnable que de quitter son emploi lorsqu’il l’a fait. Pour trancher cette question, je dois examiner toutes les circonstances qui existaient au moment où l’appelant a quitté son emploi.

Question en litige no 1 : Quelle est la raison de la cessation d’emploi?

[8] J’accepte que l’appelant ait quitté volontairement son emploi parce qu’il reconnaît avoir démissionné le 23 janvier 2019. Ce fait n’a pas été contesté par les parties. Cela était aussi conforme à son message texte de démission et à son relevé d’emploi (GD3-17; GD3-65 à GD3‑67).

Question en litige no 2 : L’appelant était-il fondé à quitter son emploi? Existait-il d’autres solutions raisonnables?

[9] Oui, j’estime que l’appelant était fondé à quitter son emploi compte tenu de toutes les circonstances étant donné que ses conditions de travail nuisaient à sa santé en raison du changement important de ses fonctions. J’estime aussi que demeurer employé et prendre un congé de maladie prolongé n’aurait pas été une solution raisonnable pour les raisons qui suivent.   

[10] Les parties ne s’entendent pas au sujet du fait que l’appelant était fondé à quitter volontairement son emploi au moment où il l’a fait.

[11] L’appelant affirme qu’il a quitté son emploi parce qu’il était responsable d’assumer les fonctions d’un autre gestionnaire qui avait démissionné. Il a reconnu que c’était acceptable pendant une courte période, mais que lorsque la période a été prolongée, cela a vraiment commencé à avoir des répercussions sur sa santé mentale. Cela l’a amené à prendre un congé de maladie, à démissionner, à quitter la province pour être avec sa famille, et à recevoir des prestations de maladie de l’assurance-emploi.

[12] L’appelant soutient qu’il n’avait aucune autre solution raisonnable que de quitter son emploi au moment où il l’a fait étant donné qu’il avait initialement tenté d’obtenir des prestations d’invalidité auprès de son employeur. Il a rempli une demande de la Croix bleue et l’a remise à son superviseur afin qu’il la vérifie et la signe. Toutefois, son superviseur n’a pas vérifié les formulaires, ce que l’appelant affirmé était délibéré. L’appelant s’est appuyé sur une copie du message texte qu’il avait envoyé à son superviseur pour lui demander s’il avait vérifié ses formulaires pour la Croix Bleue, et son superviseur avait répondu qu’il ne l’avait pas fait (GD6-6). Il lui a posé la question à plus d’une reprise, mais son superviseur lui répondait toujours qu’il ne l’avait pas fait. Il ne lui a jamais non plus dit quand ou s’il le ferait.

[13] L’appelant a affirmé qu’il occupait un poste de haut gestionnaire et que son environnement de travail n’était pas un endroit qui appuyait les membres du personnel qui partaient en congé de maladie et qui retournaient au travail par la suite. Par exemple, il s’est souvenu que son superviseur lui avait déjà dit que lorsqu’un membre du personnel revient d’un congé de maladie, ils doivent trouver une façon de s’en débarrasser peu de temps après leur retour. Cela a rendu l’appelant mal à l’aise et il a hésité à prendre un congé de maladie prolongé parce qu’il savait ce que pensait son superviseur des membres du personnel dans une situation semblable et il s’attendait à ce qu’on le congédie peut-être de toute façon.  

[14] L’appelant travaillait de près avec un autre gestionnaire, le gestionnaire des opérations. Ils avaient chacun des tâches et des responsabilités différentes. L’appelant s’occupait de la gestion générale de l’entreprise, y compris la supervision de tous les gestionnaires, l’image de l’entreprise, les ventes, l’affectation des comptes du grand livre sur une base hebdomadaire ainsi que d’autres tâches connexes. Le gestionnaire des opérations était responsable du fonctionnement de l’entreprise au quotidien, ce qui comprenait l’inventaire, les camions, l’établissement des horaires, les réunions des conducteurs, etc.

[15] Durant ses trois ans au sein de cette entreprise, il dit avoir travaillé avec trois différents gestionnaires des opérations, dont certains sont partis parce qu’ils n’avaient pas une bonne relation avec le superviseur. Le dernier gestionnaire des opérations est parti en avril 2018 et l’appelant a initialement cru qu’il aurait peut-être quelques tâches supplémentaires à accomplir en attendant qu’une nouvelle personne soit embauchée. Toutefois, les choses sont devenues plus difficiles en juillet 2018 parce que son anxiété a augmenté. Il faisait aussi beaucoup d’efforts pour plaire à son superviseur, mais il souffrait au quotidien. Il consultait son psychiatre et un thérapeute régulièrement pour arriver à gérer ses problèmes au travail, mais il était évident que son rendement commençait à en souffrir.

[16] L’appelant a dit que cela faisait environ un an qu’il consultait son psychiatre. Son superviseur était au courant de son anxiété et du fait qu’elle empirait au fil du temps. Il lui a dit qu’ils l’appuieraient, mais l’appelant soutient qu’il s’agissait d’une offre [traduction] « à peine voilée » étant donné qu’elle n’avait aucune signification réelle. Par exemple, le superviseur n’a fait aucun effort pour embaucher un autre gestionnaire des opérations à partir d’avril 2018, ou quand son anxiété a empiré en juillet 2018, ou alors quand il est parti en congé de maladie le 15 janvier 2019. Il a plutôt suggéré qu’il travaille de plus longues heures. Le superviseur a suggéré qu’il commence à entrer au bureau plus tôt (à 5 h plutôt qu’à 7 h 30) et qu’il travaille en soirée et les fins de semaine afin de s’assurer que tout le monde travaille.  

[17] L’appelant soutient que les tâches du gestionnaire des opérations avaient été déléguées aux membres du personnel parce qu’il était responsable de tout faire lui-même. Il note que le superviseur se trouvait à quatre heures de là à Regina et qu’il n’avait aucune façon d’aider avec les tâches quotidiennes et le travail en cours. De plus, l’autre gestionnaire des mécaniciens était trop occupé pour l’aider étant donné qu’ils manquaient toujours de mécaniciens.

[18] Le 15 janvier 2019, l’appelant est allé voir son psychiatre, qui a déterminé qu’il était nécessaire qu’il parte en congé de maladie pendant un mois à compter du 15 janvier 2019. La note médicale présentée indique le 3 janvier 2019, mais l’appelant a affirmé qu’il s’agissait d’une erreur (GD3-25).

[19] L’appelant a démissionné le 23 janvier 2019 parce qu’il avait l’impression qu’il serait incapable de surmonter sa dépression et son anxiété tout en demeurant et en travaillant dans une région éloignée sans famille (GD3-65). L’appelant a décidé de déménager en Ontario vers le 12 ou le 13 février 2019 pour aller vivre avec sa mère et pour des raisons financières. Il avait des difficultés financières parce que lorsqu’il est parti en congé de maladie, il n’avait aucun revenu, il a dû retourner la voiture et le téléphone de l’entreprise, et il ne pouvait pas payer son loyer.

[20] Il y a une autre note médicale dans son dossier provenant de son psychiatre. On y mentionne que l’appelant s’est fait offrir un congé de maladie prolongé jusqu’en avril 2019 (GD3-46). J’ai demandé à l’appelant pourquoi il n’avait pas accepté cette offre. Il a répondu qu’il ne pouvait pas se permettre de rester en Alberta, qu’il souffrait d’anxiété et de dépression, qu’il voulait seulement être avec sa famille en Ontario et qu’il craignait de retourner au travail parce que son superviseur avait la pratique informelle de congédier les employés environ 13 semaines après leur retour d’un congé de maladie (GD3-46).

[21] La Commission affirme que l’appelant n’était pas fondé à quitter son emploi au moment où il l’a fait, car il avait d’autres solutions raisonnables. Plus précisément, elle affirme que l’appelant aurait pu obtenir des prestations d’invalidité par l’intermédiaire de son employeur et demeurer en congé jusqu’à ce qu’il puisse retourner à une date ultérieure (GD4-5).

[22] J’ai examiné l’article 29(c)(iv) de la Loi sur l’AE : conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité et l’article 29(c)(ix) : modification importante des fonctions.

[23] Je suis convaincue que l’appelant était fondé à quitter son emploi en raison de conditions de travail dangereuses pour sa santé et de la modification importante de ses fonctions pour les raisons suivantes.

[24] La preuve médicale au dossier démontre que l’appelant avait des problèmes de santé importants, plus précisément de l’anxiété et de la dépression. J’accepte que son état de santé se soit détérioré en janvier 2019 lorsque son psychiatre a déterminé qu’il devrait prendre un congé de maladie en raison du stress qu’il ressentait au travail (GD3-25). Ce congé de maladie a été prolongé de trois mois jusqu’en avril 2019; toutefois, l’appelant était déjà retourné vivre en Ontario pour être avec sa mère (GD3-46, GD3-56 et GD3-60). Une note subséquente de son médecin de famille en Ontario mentionne aussi qu’il était incapable de travailler pour des raisons médicales (GD3-61). Je note que l’appelant recevait aussi des prestations de maladie de l’assurance-emploi en raison de ses problèmes de santé. 

[25] Je suis convaincue que l’ensemble de la preuve appuie le fait que l’appelant n’était pas capable de travailler en raison de ses problèmes de santé et que c’était ses conditions de travail, entre autres ses tâches supplémentaires, qui ont fait augmenter son anxiété. Par conséquent, j’estime que l’appelant était fondé à quitter son emploi étant donné que certaines conditions de travail étaient dangereuses pour sa santé.

[26] J’estime qu’il est plus probable que le contraire que l’appelant était responsable d’assumer deux rôles de gestionnaire ainsi que les tâches associées à chaque rôle sans le soutien de son superviseur ou de ses collègues. J’accorde plus d’importance au témoignage direct de l’appelant qu’aux déclarations du superviseur étant donné qu’il se trouvait à quatre heures de là et qu’il n’était pas sur place pour gérer les problèmes qui survenaient. Cela signifiait que l’appelant faisait son propre travail en plus d’assumer le rôle du gestionnaire des opérations, c’est-à-dire qu’il gérait les questions opérationnelles au quotidien. Ainsi, je conclus que l’appelant était fondé à quitter son emploi en raison de la modification importante de ses fonctions.

[27] Je note que le gestionnaire des opérations précédent est parti plusieurs mois avant et que même si le superviseur savait que le rendement et la santé mentale de l’appelant déclinaient en raison du stress qu’il ressentait au travail, il ne lui a donné aucune assurance et il n’a fait aucun effort pour lui offrir un soutien efficace au travail, mais il lui a plutôt mis plus de pression en lui suggérant de travailler davantage. J’admets que cela ne reflète pas un milieu de travail fondé sur le soutien compte tenu des problèmes de santé de l’appelant.  

[28] J’admets aussi que l’appelant a fait des efforts pour essayer d’obtenir des prestations d’invalidité du travail, mais qu’il était découragé lorsque son superviseur tardait à vérifier ses formulaires. L’appelant a fourni des éléments de preuve démontrant qu’il avait fait un suivi auprès de son employeur. J’estime qu’il est plus probable que le contraire que le superviseur a délibérément tardé à vérifier les formulaires, ce qui a causé de l’anxiété supplémentaire et de l’incertitude chez l’appelant. J’admets que cela a fait en sorte qu’il se soit senti comme si la seule solution raisonnable était de démissionner et de retourner en Ontario où il sentait qu’il pourrait obtenir un meilleur soutien médical et financier de sa famille.

[29] Par conséquent, je juge que ce n’était pas une solution raisonnable pour l’appelant de demeurer employé et de prolonger son congé de maladie jusqu’en avril 2019. Plus précisément, l’appelant vivait dans une région éloignée et rien ne lui garantissait qu’il pourrait obtenir des prestations d’invalidité par l’intermédiaire de son employeur, il n’avait aucun revenu et son employeur tardait à vérifier ses formulaires de demande de prestations d’invalidité alors que sa santé mentale se détériorait. Étant donné que l’entreprise avait comme pratique de trouver des raisons pour congédier les employés qui partaient en congé de maladie 13 semaines après leur retour au travail, il n’aurait pas été raisonnable pour l’appelant de demeurer employé compte tenu de ses circonstances uniques.

Conclusion

[30] Je conclus que l’appelant n’est pas exclu du bénéfice des prestations. Cela signifie que l’appel est accueilli.

 

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 12 août 2019

Téléconférence

R. B., appelant

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.