Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli en partie. L’intimée a surévalué la rémunération en y incluant les dommages-intérêts généraux obtenus dans le cadre d’une plainte en matière de droits de la personne. Elle a compté en double une continuation de salaire de neuf semaines, alors que l’appelant n’avait été rémunéré qu’une seule fois pour cet élément, et n’a pas correctement réparti cette partie de la paie de vacances versée à l’appelant en juin 2017.

Aperçu

[2] L’employeur a mis fin à l’emploi de l’appelant le 7 juin 2017. Ce dernier a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi (AE) le 5 juin 2018. L’appelant et l’employeur ont conclu une entente de règlement le 21 février 2018 aux termes de laquelle l’employeur a versé à l’appelant une somme forfaitaire de 17 000 $ en dommages-intérêts généraux pour son salaire de base, en raison de violations alléguées du Code des droits de la personne de l’Ontario, et lui a payé une continuation de salaire de neuf semaines. L’employeur a également remis une somme de 1 000 $ à l’appelant pour couvrir ses honoraires d’avocat. Il a produit quatre relevés d’emploi (RE) distincts, qui affichaient trois dates de fin d’emploi différentes et diverses sommes versées à l’appelant, sommes qu’il a catégorisées comme suit : paie de vacances, indemnité de départ, rémunération tenant lieu de préavis, prestation d’assurance-salaire ou continuation du salaire. Toutefois, les sommes indiquées variaient d’un relevé d’emploi à l’autre.

[3] Au cours du traitement de la demande de prestations d’AE de l’appelant, l’intimée a obtenu, le 6 mars 2019, une décision de l’Agence du revenu du Canada (ARC) selon laquelle l’appelant était un employé exerçant un emploi assurable au cours des deux périodes du 12 juin au 11 août 2017 et du 3 mars au 5 mai 2018. La décision de l’ARC ne portait pas sur le montant de la rémunération assurable pour ces périodes.

[4] En réponse à la demande de révision de l’appelant, l’intimée a modifié ses deux décisions initiales concernant la rémunération et la répartition des sommes versées par l’employeur. La rémunération s’entend des sommes reçues d’un employeur qui doivent être prises en compte pour déterminer si un prestataire de l’assurance-emploi a le droit de recevoir des prestations et, le cas échéant, toute réduction du montant de ces prestations. La répartition se rapporte à la période à laquelle la rémunération doit s’appliquer. La décision de réexamen datée du 9 mai 2019 a conclu comme suit.

[5] En ce qui a trait à la rémunération, d’abord, les montants reçus par l’appelant au titre de la continuation du salaire, de l’indemnité de cessation d’emploi, de l’indemnité de départ et de la paie de vacances constituaient une rémunération. Ensuite, le montant de 17 000 $ versé au titre des dommages-intérêts constituait également une rémunération, car l’appelant n’a pas démontré que cette somme ne constituait pas une indemnité pour perte de revenus d’emploi. Enfin, la somme de 1 000 $ versée par l’employeur à l’appelant afin de couvrir les honoraires d’avocat de l’appelant a été déduite du montant total payé par l’appelant à son avocat. Le solde du montant des honoraires payés par l’appelant à son avocat a été déduit de la rémunération, en application du sous-alinéa 36(10)a) du Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement).

[6] En ce qui concerne la répartition de la rémunération, d’abord, selon la décision de l’ARC, l’appelant a exercé un emploi assurable du 12 juin au 11 août 2017, de sorte que la rémunération provenant de la cessation d’emploi a été répartie sur les semaines postérieures au 11 août 2017. Deuxièmement, la rémunération, totalisant 53 852,06 $ a été répartie sur les semaines débutant le 13 août 2017 et se terminant le 3 mars 2018. Troisièmement, puisque l’appelant a exercé un emploi assurable auprès de l’employeur du 3 mars au 5 mai 2018, la répartition de la rémunération a été suspendue pour cette période. Quatrièmement, la répartition de la rémunération a repris dans la semaine débutant le 6 mai 2018 et s’est terminée le 20 octobre 2018.

[7] Alors que les deux premières décisions de l’intimée rendues à l’automne 2018 renvoyaient à la possibilité que l’appelant rembourse tout montant de prestations d’AE reçu, la révision des décisions ne mentionnait rien à ce sujet. Selon les deux premières décisions, l’appelant a été avisé de rembourser un trop-payé de 10 393,00 $.  

Questions en litige

[8] Les questions suivantes doivent être tranchées dans le présent appel :

  1. Les sommes versées à titre de paie de vacances, d’indemnité de départ, d’indemnité de préavis, de continuation de salaire ou d’assurance-salaire constituaient-elles une rémunération aux fins du bénéfice des prestations d’AE?
  2. Les dommages-intérêts généraux constituaient-ils une rémunération aux fins du bénéfice des prestations d’AE?
  3. L’intimée a-t-elle bien calculé le montant de la rémunération?
  4. La rémunération a-t-elle été correctement répartie?

Analyse

[9] Le terme « rémunération » s’entend du « revenu intégral du prestataire provenant de tout emploi » [paragraphe 35(2) du Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement)]. Cette rémunération doit être prise en compte pour fixer le montant qui doit être déduit des prestations. Le revenu doit être lié à un emploi en tant que somme reçue ou donnée en contrepartie du travail accompli, ou il doit exister un lien suffisant entre l’emploi et la somme reçue (Canada (P.G.) c Roch, 2003 CAF 356). L’indemnité de départ constitue une rémunération au sens du paragraphe 35(2) du Règlement [Canada (Procureur général) c Boucher Dancause, 2010 CAF 270 et Zadoyan c Canada (Procureur général), 2019 CAF 544]. Une somme versée à titre de règlement pour congédiement injustifié constitue un « revenu provenant d’un emploi », à moins que le prestataire puisse établir qu’en raison de circonstances spéciales, une partie de ce revenu devrait être considérée comme un dédommagement pour d’autres frais ou pertes (Canada [PG] c Radigan, A-567-99 et Bourgeois c Canada (Procureur général), 2004 CAF 117).

[10] La règle qui s’applique aux fins de répartir cette rémunération sur une certaine période (ce qu’on appelle la répartition) est énoncée au paragraphe 36 du Règlement. Suivant cette règle, énoncée au paragraphe 36(9), la rémunération payée ou payable au prestataire en raison de son licenciement ou de la cessation de son emploi doit être répartie sur le nombre de semaines commençant par la semaine de la cessation d’emploi, compte tenu de la rémunération hebdomadaire normale de la personne, jusqu’à ce qu’il ne reste plus d’argent. Ainsi, les prestations d’AE pour ces semaines seront éliminées ou réduites. Si des prestations ont été versées pendant ces semaines, le prestataire devra les rembourser en totalité ou en partie.

[11] Un prestataire qui a touché des prestations au titre d’une période pour laquelle il était exclu du bénéfice des prestations ou des prestations auxquelles il n’est pas admissible est tenu de rembourser la somme versée par la Commission à cet égard (Loi sur l’assurance-emploi, (Loi), article 43).

Première question en litige : Les sommes versées à titre de paie de vacances, d’indemnité de départ, d’indemnité de préavis, de continuation de salaire ou d’assurance-salaire constituaient-elles une rémunération aux fins du bénéfice des prestations d’AE?

[12] Le terme « rémunération » s’entend du « revenu intégral du prestataire provenant de tout emploi » [paragraphe 35(2) du Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement)]. Le revenu doit être lié à un emploi en tant que somme reçue ou donnée en contrepartie du travail accompli, ou il doit exister un lien suffisant entre l’emploi et la somme reçue (Canada (P.G.) c Roch, 2003 CAF 356).

[13] Toutes ces sommes sont des rémunérations aux fins des prestations d’assurance-emploi.

[14] La paie de vacances constitue une rémunération au sens du paragraphe 35(2) du Règlement. La paie de vacances est incluse dans l’indemnité de départ que l’employé reçoit de l’employeur en contrepartie du travail qu’il a accompli pour ce dernier. Elle correspond à un pourcentage du salaire versé à l’employé. Il existe un lien clair et direct entre l’emploi et la somme d’argent reçue. La paie de vacances est un revenu provenant de l’emploi, au sens du paragraphe 35(2) et de la décision rendue dans l’affaire Roch. Cette conclusion est renforcée par le paragraphe 36(8) du Règlement, qui traite spécifiquement de la répartition de la paie de vacances dans les cas autres qu’un licenciement ou une cessation d’emploi. Puisque les règles de répartition ne s’appliquent qu’à la rémunération, la paie de vacances est donc une rémunération.

[15] En ce qui concerne l’indemnité de départ, l’indemnité de préavis et la continuation du salaire, elles ont toutes ont un lien suffisant avec l’emploi. Ces indemnités constituent une rémunération versée à l’appelant pour la perte de revenus découlant de la cessation de son emploi sans préavis adéquat, et elles sont donc liées directement au revenu d’emploi.

[16] En ce qui concerne l’assurance-salaire, les prestations qui en découlent constituent également une rémunération. Il existe une exemption particulière pour les régimes d’assurance-salaire qui ne sont pas collectifs [Règlement, alinéa 35(7)b) et paragraphe (8)]. La somme de 627,36 $ au titre de l’assurance-salaire est associée à un régime collectif dans le Relevé d’emploi daté du 12 juin 2018. Rien ne prouve que ce régime ne soit pas collectif. Par conséquent, l’appelant ne s’est pas acquitté de son obligation de démontrer que ces sommes reçues de l’employeur ne constituent pas une rémunération.

[17] Toutes les sommes susmentionnées que l’appelant a reçues lors de la cessation de son emploi constituaient donc une rémunération au sens de l’article 35 du Règlement.

Deuxième question en litige : Les dommages-intérêts généraux constituaient-ils une rémunération aux fins du bénéfice des prestations d’AE?

[18] Une somme versée à titre de règlement pour congédiement injustifié constitue un « revenu provenant d’un emploi », et donc une rémunération, à moins que le prestataire puisse établir qu’en raison de circonstances spéciales, une partie de ce revenu devrait être considérée comme un dédommagement pour d’autres frais ou pertes (Règlement, paragraphe 35(2); Roch; Radigan; Bourgeois).

[19] Les dommages-intérêts généraux de 17 000 $ ne constituent pas une rémunération.

[20] Le procès-verbal de transaction (le « procès-verbal ») du règlement conclu entre l’employeur et l’appelant a été signé le 21 février 2018. Ce procès-verbal indique que la cessation d’emploi de l’appelant est entrée en vigueur le 9 juin 2017, et que l’appelant et l’employeur se sont entendus sur les conditions du règlement total et définitif de toutes questions non réglées liées de quelque façon que ce soit à l’emploi de l’appelant, à la cessation de son emploi et à toutes les questions connexes. Il décrit en détail les paiements faits à l’appelant et il était conditionnel à sa signature par l’appelant ainsi qu’à la quittance complète et définitive de toutes demandes visant l’employeur. Le procès-verbal indiquait que l’employeur n’avait pas admis quelque responsabilité que ce soit et que cette admission avait été expressément refusée. La quittance signifiait également la renonciation, par l’appelant, de toute nouvelle demande susceptible d’être faite dans le cadre du Code des droits de la personne.

[21] Les observations de l’intimée sur la question des dommages-intérêts généraux sont brèves. Il y est dit que l’appelant n’avait fourni aucun élément de preuve montrant que la seule raison de cette indemnité était le résultat d’un préjudice, de la violation des droits de la personne ou de dommages-intérêts personnels, et non de la perte de son emploi. L’intimée a déclaré qu’elle n’avait d’autre choix que d’appliquer la totalité de la somme à la réclamation de l’appelant. La décision de réexamen datée du 9 mai 2019 appuyait de façon plus détaillée le fait que les dommages-intérêts généraux constituaient une rémunération. L’intimée a énoncé un critère à deux volets pour renverser la présomption selon laquelle l’argent versé par un employeur constituait une indemnité pour perte de salaire ou d’autres avantages sociaux. D’abord, l’employeur a accepté d’indemniser l’appelant pour le préjudice que celui-ci a subi ou pour les dépenses qu’il a engagées. Ensuite, il doit être démontré que le préjudice a vraiment eu lieu ou que les dépenses ont vraiment été engagées, et que le paiement et le montant du dédommagement étaient raisonnables. La décision de réexamen exigeait également une preuve très substantielle que les dommages-intérêts généraux ne constituaient pas une rémunération. L’intimée a déclaré que l’accord de règlement portant sur les dommages-intérêts généraux à payer à l’appelant ne traitait pas des exigences suivantes : 1) il ne définissait ni ne précisait la nature des allégations concernant la violation du Code des droits de la personne de l’Ontario; 2) il n’admettait aucune responsabilité à l’égard des allégations; 3) il n’admettait aucune responsabilité à l’égard des allégations; 4) il ne détaillait pas l’indemnité accordée pour le préjudice et celle accordée pour les dépenses;

[22] Dans ses observations, l’intimée n’a pas réussi à soutenir sa position pour trois raisons : D’abord, l’intimée n’a pas appliqué le bon critère en affirmant qu’il doit être démontré que le préjudice a vraiment eu lieu et que les dépenses ont vraiment été engagées. Cela n’est pas conforme à la décision rendue dans l’affaire Radigan selon laquelle le fait d’exiger une preuve que les dépenses ont réellement été engagées pouvait imposer aux prestataires une norme de preuve trop exigeante. De même, le fait d’exiger la preuve qu’une violation des droits de la personne a effectivement eu lieu impose également aux prestataires une norme de preuve trop exigeante. Sans une admission de responsabilité de la part de l’employeur, l’appelant est placé dans une position où il doit tenter de prouver à l’intimée qu’il y avait bien eu de la discrimination, ce qui est contraire au Code des droits de la personne de l’Ontario. L’intimé est un organisme spécialisé ayant une expertise en matière d’assurance-emploi. Elle n’est absolument pas équipée pour prendre des décisions concernant les violations des droits de la personne. Elle ne doit pas s’engager à prendre de telles décisions ni exiger des prestataires qu’ils prouvent qu’il y a eu discrimination.

[23] La deuxième raison est que l’intimée a imposé à l’appelant un fardeau de preuve trop lourd en exigeant qu’il démontre que le montant reçu ne constituait pas une rémunération. Cette exigence comportait deux volets. D’abord, en exigeant de l’appelant qu’il démontre « que la seule raison de cette indemnité était le résultat d’un préjudice, de la violation des droits de la personne ou de dommages-intérêts personnels, et non liée à la perte d’emploi ». Bon nombre de réclamations au titre d’un préjudice, d’une violation des droits de la personne ou de dommages à la personne ont lieu dans le contexte d’une perte d’emploi, comme en l’espèce. Le fondement juridique de telles réclamations n’a aucun lien avec les réclamations découlant d’une perte d’emploi, notamment les réclamations d’indemnité de préavis pour congédiement injustifié ou d’indemnité pour perte d’avantages sociaux. Le fait que les réclamations au titre d’un préjudice, d’une violation des droits de la personne ou de dommages à la personne peuvent être faites dans le contexte d’un congédiement injustifié ne signifie pas que ces réclamations sont liées à une perte d’emploi. La « seule raison […] non liée à la perte d’emploi » est une norme trop rigoureuse. Il y a un risque, comme cela s’est produit en l’espèce, que le règlement d’une plainte distincte pour violation des droits de la personne dans le contexte de négociations liées à un congédiement injustifié soit confondu avec la réclamation pour perte d’emploi. Ensuite, l’intimée a imposé un fardeau de la preuve trop lourd en exigeant une preuve pour chacun des quatre facteurs déterminés dans sa décision de réexamen : définir ou préciser les allégations concernant la violation du Code des droits de la personne de l’Ontario; affirmer ou nier le bien-fondé des allégations; admettre sa responsabilité à l’égard des allégations; et préciser l’indemnité accordée pour le préjudice et celle accordée pour les dépenses. Si un prestataire portait sa réclamation pour violation des droits de la personne devant un tribunal, et que le jugement rendu était en sa faveur, il serait peut-être en mesure de fournir une preuve pour chacun des quatre facteurs (bien qu’il soit peu probable que l’employeur admette sa responsabilité si l’affaire était portée devant un tribunal). La grande majorité des poursuites au civil sont réglées hors procès. La documentation du règlement énonce spécifiquement que l’employeur n’admet aucune responsabilité, sans non plus affirmer ni nier que les allégations sont fondées. Par conséquent, le prestataire est dans la position impossible de ne jamais être en mesure de démontrer l’admission de responsabilité de l’employeur ou de ne jamais pouvoir démontrer le bien-fondé des allégations sans porter l’affaire devant un tribunal et obtenir un jugement. Des difficultés analogues pèsent sur les deux autres facteurs. Le prestataire est dans une position où il lui est impossible de fournir une preuve pour les quatre facteurs, que ce soit dans le cadre d’un règlement à l’amiable ou d’un procès. Par conséquent, il lui est également impossible de démontrer que les dommages-intérêts ne constituent pas une rémunération. Donc, le fardeau de la preuve est trop lourd.

[24] La preuve est le troisième critère pour lequel les soumissions de l’intimée à l’appui de sa position échouent. La preuve concourt au fait que le paiement de 17 000 $ en dommages-intérêts est visé par l’exception selon laquelle en raison de « circonstances particulières », une partie de la somme devrait être considérée comme un dédommagement pour une dépense ou une perte. Le procès-verbal indique un montant global à être versé à l’appelant, qui représente une rémunération pour 25 semaines de travail (salaire de base sur 60 semaines moins l’argent reçu jusqu’à ce jour). Le procès-verbal répartit ensuite ce montant en trois catégories : une somme forfaitaire de 10 456 $ pour un travail de 10 semaines au salaire de base, moins les retenues et les contributions obligatoires; [traduction] « une somme forfaitaire de 17 000 $ en dommages-intérêts généraux liés aux allégations de M. N. concernant la violation du Code des droits de la personne de l’Ontario (aucune retenue ni contribution obligatoire) »; et une continuation de salaire pour une période de neuf semaines, assujettie aux retenues et aux contributions obligatoires. Seules la somme forfaitaire liée à un travail de 10 semaines au salaire de base et la continuation de salaire sont assujetties aux retenues obligatoires. Cela permet d’inférer que les dommages-intérêts généraux, qui ne sont pas assujettis aux retenues obligatoires, ne constitue pas une rémunération aux fins du revenu ou de tout autre montant imposable. Cette conclusion concorde avec le témoignage de l’appelant, qui précise que la somme de 17 000 $ en dommages-intérêts généraux s’appliquait aux violations des droits de la personne qu’il a subies au travail en lien avec un accident et une demande d’indemnisation adressée à la CSPAAT. L’employeur se débarrassait d’un travailleur blessé, ce qui constitue une discrimination fondée sur une incapacité physique. L’échange de courriels entre les avocats de l’appelant et l’employeur montre clairement qu’ils négociaient un règlement lié à une réclamation au titre des droits de la personne. Cela est également étayé par les conditions de la quittance, dans laquelle l’appelant renonce à toutes réclamations visant l’employeur, y compris toutes formes de dommages-intérêts, ainsi que toutes réclamations au titre des droits de la personne découlant de son emploi ou de la cessation de son emploi. Cette renonciation a valu à l’appelant un dédommagement de 17 000 $ en dommages-intérêts généraux. Ces trois éléments établissent que la somme de 17 000 $ représentait, en raison de circonstances particulières, un dédommagement pour une perte, c’est à dire pour la violation des droits de la personne, et qu’elle ne constituait donc pas une rémunération au sens de l’article 35 du Règlement

Troisième question en litige : L’intimée a-t-elle correctement calculé le montant de la rémunération?

[25] La rémunération comprend les éléments énumérés à l’article 35 du Règlement.

[26] L’intimée a bien calculé l’indemnité de cessation d’emploi, l’indemnité de départ et la paie de vacances, mais elle a omis la prestation d’assurance-salaire, elle a commis une erreur en tenant compte de la somme de 17 000 $ en dommages-intérêts généraux dans la rémunération et elle a inclus en double le montant de la continuation de salaire dans ses calculs.

[27] Comme le montrent les relevés d’emploi, l’indemnité de cessation d’emploi s’établit à 8 364,80 $, l’indemnité de départ, à 17 879,76 $, la paie de vacances, à 2 842,66 $ plus 836,48 $ et la prestation d’assurance-salaire, à 627,36 $. D’après le procès-verbal, il y a eu une autre indemnité de départ de 10 456 $. Ces montants totalisent 41 007,06 $. Il faut déduire de ce total les frais d’honoraires d’avocat nets de l’appelant, qui s’établissent à 3 527,64 $. La rémunération totale pour l’indemnité de cessation d’emploi, l’indemnité de départ, la paie de vacances et l’assurance-salaire s’établit à 37 479,42 $.

[28] La continuation de salaire que l’appelant a reçue conformément au procès-verbal s’applique à une période de neuf semaines et représente son salaire de base normal. L’appelant n’a plus retravaillé pour l’employeur après sa cessation d’emploi, le 9 juin 2017. Il n’a pas non plus reçu de sommes de l’employeur autres que l’indemnité de cessation d’emploi, l’indemnité de départ, la paie de vacances, la prestation d’assurance-salaire et la continuation de salaire décrites dans la présente décision. Dans ses observations, l’intimée a clairement indiqué que l’appelant avait reçu la continuation de salaire en double, soit pour la période du 12 juin au 11 août 2017 et celle du 3 mars au 5 mai 2018. La preuve n’appuie pas cette affirmation. Ces deux périodes sont d’une durée neuf semaines chacune. Or, l’appelant n’a reçu qu’une seule continuation de salaire de neuf semaines. Selon la preuve, cette somme a en fait été versée au cours de la période du 3 mars au 5 mai 2018, à la suite de la signature du procès-verbal.

[29] Il faut traiter l’indemnité de continuation de salaire indépendamment de l’indemnité de cessation d’emploi mentionnée au paragraphe précédent. En effet, le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’AE pendant la période où il reçoit des indemnités de continuation de salaire, comme on peut le lire plus loin, tandis que l’indemnité de cessation d’emploi a pour effet de retarder le début du versement des prestations d’AE une fois que la période d’admissibilité commence.

[30] Pour qu’un prestataire ait droit aux prestations d’AE, il faut qu’il y ait eu arrêt de rémunération provenant de son emploi et qu’il ait accumulé un nombre suffisant d’heures d’emploi assurables (paragraphe 7(2) de la Loi). En l’espèce, l’appelant a accumulé suffisamment d’heures d’emploi assurables pour avoir droit à des prestations. Un prestataire a droit à des prestations d’AE pour chaque semaine de chômage comprise dans la période de prestation (article 9 de la Loi). Une semaine de chômage est une semaine pendant laquelle le prestataire n’effectue pas une semaine entière de travail (paragraphe 11(1) de la Loi). Une semaine durant laquelle se poursuit un contrat de louage de services d’un prestataire pour laquelle celui-ci reçoit ou recevra sa rétribution habituelle pour une semaine entière de travail n’est pas une semaine de chômage, même si le prestataire ne travaille pas (paragraphe 11(2) de la Loi). Par conséquent, les neuf semaines durant lesquelles les indemnités de continuation de salaire sont versées ne sont pas des semaines de chômage, et l’appelant est exclu du bénéfice des prestations d’AE durant cette période.

[31] On peut également inférer du paragraphe 11(2) de la Loi qu’un prestataire qui a conclu un contrat de louage de services, mais qui ne reçoit pas une semaine entière de salaire, peut considérer cette période comme une semaine de chômage. C’est une situation qu’on rencontre souvent dans les cas de mise à pied temporaire : le contrat de louage de services se poursuit, mais il y a interruption de rémunération et le prestataire a droit à des prestations s’il répond aux conditions. Aucune des exceptions prévues aux articles 29 à 33 du Règlement ne s’applique; il n’est donc pas possible de modifier la règle du paragraphe 11(2) en l’espèce. Le fait qu’un prestataire ait un contrat de louage de services, c’est-à-dire un emploi assurable, ne l’exclut pas automatiquement du bénéfice des prestations d’AE. Selon les constatations de l’ARC, l’appelant a subi un arrêt de rémunération pendant l’une des deux périodes de neuf semaines d’emploi assurable. Par conséquent, il a droit à des prestations d’AE pour cette période. Cette conclusion aura une incidence sur la décision de l’intimée concernant la répartition des indemnités, comme on peut le lire plus loin.

[32] Selon la décision de l’ARC, l’appelant était employé et occupait un emploi assurable durant deux périodes suivant la cessation d’emploi : du 12 juin au 11 août 2017 et du 3 mars au 5 mai 2018. L’ARC n’a rendu aucune décision en ce qui a trait au montant de la rémunération assurable durant ces deux périodes. Conformément aux articles 90 et 90.1 de la Loi sur l’assurance-emploi (la Loi), seule l’ARC peut rendre une décision à cet effet. Le Tribunal n’a pas le pouvoir de passer outre ni d’ignorer les décisions de l’ARC. Toutefois, aux termes de l’article 91 de la Loi, toute personne concernée peut porter la décision de l’ARC en appel. L’appelant a interjeté appel au titre de cet article. Le processus d’appel est toujours en cours. Aux fins de l’appel devant le Tribunal concernant la décision de l’intimée, je dois accepter la décision de l’ARC dans sa version actuelle. Mais pour rendre une décision en l’espèce, je dois tirer des conclusions concernant la rémunération aux termes de l’article 35 du Règlement. Ces conclusions ne veulent pas dire pour autant que je doive rendre une décision sur le montant de la rémunération assurable. Par conséquent, mes conclusions n’outrepassent pas la compétence exclusive de l’ARC sur la question de la rémunération assurable.

[33] L’article 88 du Règlement, qui interdit le versement de prestations d’AE tant que la décision finale d’un appel de la décision de l’ARC n’a pas été rendue, ne s’applique pas en l’espèce du fait que l’appelant a accumulé suffisamment d’heures d’emploi assurable pour avoir droit à des prestations sans qu’il faille tenir compte des heures comprises dans les deux périodes qui ont suivi la cessation d’emploi [paragraphe 88(2)].

Quatrième question en litige : La rémunération a-t-elle été répartie correctement?

[34] Les règles régissant la répartition de la rémunération sont prévues à l’article 36 du Règlement.

[35] La rémunération réduite dont il a été question précédemment sera répartie sur une période écourtée. Cette période est déterminée en fonction de deux facteurs. D’abord, la deuxième période de « continuation de salaire », du 3 mars au 5 mai 2018, était en fait une période d’arrêt de rémunération durant laquelle l’appelant avait droit à des prestations d’AE. Ensuite, la réduction de la rémunération a pour effet d’écourter la période de répartition.

[36] La continuation de salaire s’applique aux semaines du 12 juin au 11 août 2017, soit la première période de neuf premières semaines d’emploi assurable établie dans la décision de l’ARC. Il ne fait aucun doute que la continuation de salaire est une somme versée par suite de la cessation d’emploi, puisque ce montant fait partie de l’indemnité pour perte de revenu d’emploi, conformément au procès-verbal. Il faut donc répartir cette somme sur les semaines qui suivent immédiatement la cessation d’emploi, abstraction faite du moment où elle a effectivement été versée [Règlement, paragraphe 36(9)]. Cette mesure a pour but de repousser le début de la période d’admissibilité aux prestations d’AE à la semaine commençant le 13 août 2017, parce qu’il n’y a pas eu d’arrêt de rémunération d’emploi avant cette date.

[37] La répartition de la quasi-totalité de la somme de 37 479,42 $ versée au titre de l’indemnité de cessation d’emploi, de l’indemnité de départ, de la paie de vacances et de l’assurance-salaire doit commencer par la semaine du 13 août 2017, conformément au paragraphe 36(9) du Règlement. En effet, selon ce paragraphe, la répartition doit commencer le jour de la cessation d’emploi. En l’espèce, à la lumière de la décision de l’ARC concernant l’emploi assurable du 12 juin au 11 août 2017, et de la répartition de la continuation de salaire durant cette période, la cessation d’emploi dont il faut tenir compte pour la répartition des indemnités autres que la continuation de salaire a eu lieu le 11 août 2017.

[38] Dans le calcul de la répartition durant la période suivant la continuation de salaire, du 12 juin au 11 août 2017, il faut retirer des revenus une partie de la paie de vacances. L’appelant a affirmé que la somme de 2 842,66 $ était versée par l’employeur deux fois par année, en juin et en décembre. Par conséquent, il n’a pas reçu ce montant par suite de la cessation d’emploi. Ce témoignage est appuyé par deux des relevés des résultats de l’employeur. Celui faisant état de la période se terminant le 24 juin 2017 indique le versement d’une paie de vacances au montant de 2 842,66 $. Cette même somme correspond à celle du cumulatif de la paie de vacances. Selon ce relevé, l’appelant n’a reçu pour la première moitié de 2017 qu’une seule paie de vacances, en juin 2017. Le relevé faisant état de la période se terminant le 1er juillet 2017 indique quant à lui le versement d’une indemnité de 8 364,80 $ et une paie de vacances de 836,48 $. Il est donc évident que la paie de vacances versée à titre d’indemnité par suite de cessation d’emploi et la paie de vacances apparaissant seule dans le relevé faisant état de la période se terminant le 24 juin 2017 sont deux choses bien distinctes. Ainsi, les 2 842,66 $ n’ont pas été versés par suite de la cessation d’emploi, mais pour une autre raison. C’est le paragraphe 36(8) du Règlement qui s’applique à ce montant. En effet, conformément à l’alinéa 36(8)b), il faut que ce montant soit réparti sur un nombre de semaines qui commence par la première semaine pour laquelle il est payable et qu’il soit égal à la rémunération hebdomadaire normale du prestataire provenant de cet emploi. Comme la rémunération hebdomadaire normale de l’appelant s’élevait à 1 045,60 $, la répartition du montant de 2 842,66 $ se termine trois semaines après le 29 juin 2017, date à laquelle ce montant était payable. Cette paie de vacances doit s’ajouter au montant hebdomadaire de la continuation de salaire. La répartition de cette partie de la paie de vacances se termine donc bien avant que commence la répartition de la rémunération restante à la fin de la période de continuation du salaire, le 11 août 2017.

[39] Par suite de la première répartition de la paie de vacances de 2 842,66 $, il faut déduire ce montant de la rémunération à répartir après la fin de la période de continuation du salaire. Le montant à répartir est donc de 34 636,76 $. Réparti selon la rémunération hebdomadaire habituelle de 1 045,60 $, le retard dans le versement des prestations d’assurance-emploi est de 33,1 semaines, période qui commence le 13 août 2017. Cette répartition s’applique à la période débutant le 13 août 2017 et se terminant 31 mars 2018; il reste 131,96 $ à appliquer à la semaine débutant le 1er avril 2018. Les prestations d’AE sont payables à compter du 1er avril 2018 et il faudrait déduire des prestations la somme de 131,96 $ pour cette semaine-là.

[40] L’assurance-salaire payée par l’employeur s’appliquait à la période du 16 octobre au 4 novembre 2017. Conformément à l’alinéa 36(12)b) du Règlement, il faut répartir ce paiement sur les semaines visées. Cette mesure n’a pas d’incidence sur la période de répartition, car ce paiement s’ajoute à la rémunération hebdomadaire habituelle pour les semaines visées et ne prolonge pas la période de répartition.

[41] Si l’appel formé par l’appelant contre la décision rendue par l’ARC le 6 mars 2019 entraîne une modification à cette décision, cette modification pourrait avoir en l’espèce une incidence sur l’admissibilité de l’appelant aux prestations d’AE. Il faudra alors que l’intimée évalue l’incidence, le cas échéant, ce qui donnera lieu à une nouvelle décision de la Commission. L’appelant pourra demander une révision de cette nouvelle décision et interjeter appel s’il le souhaite.

[42] Bien que le trop-payé ne fasse pas partie du présent appel, la décision qui en découle aura pour effet de réduire le montant de la rémunération et la période de répartition. Par conséquent, le trop-payé précédemment calculé par l’intimée devra être recalculé et un avis sera envoyé à l’appelant.

Conclusion

[43] L’appel est accueilli en partie.

 

Date de l’audience :

Mode d’audience :

Comparutions :

Le 30 juillet 2019

Téléconférence

T. N., appelant

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