Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli. Je conclus que l’appelante a quitté volontairement son emploi, mais qu’elle était justifiée de le faire étant donné une modification importante de ses conditions de rémunération.

Aperçu

[2] L’appelante a travaillé chez X. (X) jusqu’au 28 février 2019. Elle a cessé d’occuper son emploi parce que l’employeur a refusé de lui accorder l’augmentation salariale qu’elle avait demandée. Le 6 mai 2019, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) a rendu une décision indiquant à l’appelante qu’elle ne pouvait lui verser des prestations d’assurance-emploi parce qu’elle avait volontairement quitté son emploi le 28 février 2019 et que ce n’était pas la seule solution raisonnable dans ce cas. Je dois déterminer si l’appelante a quitté volontairement son emploi et, si oui, si elle était justifiée de le faire.

Questions en litige

[3] L’appelante a-t-elle quitté volontairement son emploi ?

[4] Si oui, est-ce qu’elle a subi une modification importante de ses conditions de rémunération ?

[5] Si non, l’appelante disposait-elle d’autres solutions que de quitter son emploi le 28 février 2019 ?

L’appelante a-t-elle quitté volontairement son emploi ?

[6] L’appelante a initialement déclaré à la Commission avoir quitté volontairement son emploi le 28 février 2019 parce que l’employeur avait refusé de lui accorder l’augmentation de salaire qu’elle avait demandée.

[7] Lors de l’audience, l’appelante a expliqué qu’elle ne souhaitait pas quitter son emploi, mais qu’elle avait utilisé une stratégie de négociation auprès de l’employeur afin d’obtenir cette l’augmentation salariale.

[8] L’appelante a témoigné que, le 28 janvier 2019, elle avait annoncé à son supérieur immédiat, monsieur X, qu’elle demandait une augmentation salariale à 18$/heure. Elle lui a également annoncé que si cette demande lui était refusée, elle quitterait son emploi.

[9] X était présent à titre de témoin et il a confirmé que l’appelante lui avait annoncé qu’elle quitterait son emploi le 28 février 2019 si elle n’obtenait pas l’augmentation salariale demandée.

[10] X a expliqué qu’à titre de copropriétaire de la succursale X de X, il devait en discuter avec X, copropriétaire et président de l’entreprise. Certains pourparlers ont eu lieu et, le 14 février 2019, l’employeur a annoncé à l’appelante qu’il n’était pas possible de lui accorder l’augmentation salariale demandée. Les parties sont d’accord sur cette version. Certes, certaines divergences diffèrent quant à l’embauche d’une nouvelle personne et certaines affirmations qui auraient été dites lors de cette rencontre, notamment quant à une possible négociation de la demande de l’appelante, mais lors de cette rencontre l’employeur a annoncé à l’appelante qu’il ne pouvait accéder à sa demande, notamment en raison de la situation financière de l’entreprise et de la concurrence du marché.

[11] La preuve ainsi que le témoignage de l’appelante démontrent qu’elle souhaitait obtenir cette augmentation parce qu’elle jugeait sa situation salariale inacceptable notamment en raison de l’impôt qu’elle devait assumer sur les bonis reçus. L’appelante a posé un certain ultimatum à l’employeur et, même si elle a témoigné qu’elle ne souhaitait pas quitter son emploi, qu’elle souhaitait plutôt le conserver et qu’elle a agi ainsi afin d’obtenir une augmentation salariale qu’elle considérait mériter, il n’en demeure pas moins qu’elle a annoncé à l’employeur, le 28 janvier 2019, qu’elle allait quitter son emploi le 28 février 2019 si l’augmentation salariale demandée ne lui était pas accordée.

[12] Lorsque questionnée lors de l’audience, l’appelante a admis avoir quitté son emploi. D’ailleurs, la preuve présentée démontre que l’appelante a annoncé sa démission et que l’employeur lui a proposé une rencontre pour en discuterNote de bas de page 1.

[13] Même si je comprends les difficultés éprouvées par l’appelante et qu’elle considérait mériter cette augmentation salariale, en usant de cette stratégie elle a bel et bien annoncé sa démission le 28 janvier 2019 laquelle serait effective le 28 février 2019 si elle n’obtenait pas l’augmentation salariale souhaitée.

[14] L’employeur a pu croire que l’appelante lui posait un ultimatum et, malgré que je comprenne qu’elle a exercé une certaine pression dans le but d’obtenir gain de cause, elle a véritablement annoncé sa démission à l’employeur le 28 janvier 2019. Il y a des divergences de versions quant aux pourparlers qui ont eu lieu entre l’appelante et l’employeur, mais l’appelante, comme l’employeur, évoque que la demande de l’appelante n’a pas été accordée.

[15] Je conclus que l’appelante a quitté volontairement son emploi le 28 février 2019.

[16] Puisque l’appelante a quitté volontairement son emploi, elle doit démontrer qu’elle était justifiée de le faire.

Est-ce que l’appelante a subi une modification importante de ses conditions de rémunération ?

[17] L’appelante a déclaré à la Commission qu’il n’avait pas été convenu d’éventuelles augmentations salariales au moment de l’embaucheNote de bas de page 2. Elle a soutenu, également auprès de la Commission, que l’employeur lui aurait fait miroiter une augmentation salariale de 0,50$ par année au moment de l’embauche et qu’elle n’avait pas obtenu d’augmentation depuis trois ans.

[18] L’appelante a expliqué qu’elle recevait une rémunération sous forme de boni et que cette rémunération était imposable depuis 2017 ce qui diminuait considérablement le montant qui lui restait réellement. Elle affirme qu’elle perdait de l’argent depuis 2017.

[19] L’appelante a déclaré à la Commission qu’elle n’avait pas obtenu d’augmentation salariale depuis trois ans malgré que ses tâches avaient été augmentées. Le 28 janvier 2019, elle a demandé une augmentation de 15,50$/heure à 18$/heure à l’employeur lui disant que s’il n’acceptait pas de lui accorder cette augmentation, elle quitterait son emploi le 28 février 2019.

[20] Elle a témoigné qu’en avril 2017, une modification à sa rémunération est survenue. L’employeur a d’ailleurs corroboré cette version des faits lors de l’audience. Cette modification à la rémunération de l’appelante n’est pas imputable à l’employeur, mais à une directive de la part de Revenu Québec concernant le versement des bonis aux employés.

[21] L’appelante a témoigné que cette manière de verser les bonis avait un impact fiscal important pour elle de sorte que sa rémunération était diminuée. C’est cette situation qui est notamment à l’origine de la demande d’augmentation salariale de l’appelante.

[22] Comme mentionné dans la section précédente, l’employeur a déclaré que l’appelante avait demandé une augmentation salariale, mais étant donné la situation financière de l’entreprise, il n’était pas possible de lui accorder cette augmentation. Il a expliqué à la Commission qu’il n’y avait eu aucune entente d’augmentation salariale au moment de l’embauche.

[23] La Commission soutient que l’insatisfaction quant au taux de rémunération et le refus d’une augmentation de salaire ne justifient pas en soi l’abandon d’un emploi. La Commission est d’avis que l’appelante n’a pas fait la démonstration que l’employeur lui a fait une offre salariale formelle au moment de l’embauche. La Commission fait valoir que même si l’appelante était insatisfaite, elle n’est pas dispensée de l’obligation de se trouver un autre emploi avant de quitter celui qu’elle occupait.

[24] De plus, la Commission affirme que les rapports d’impôts de l’appelante démontrent plutôt une augmentation salariale entre 2016 et 2018. L’appelante était rémunérée à un taux horaire de 15,50$ depuis des années, mais elle recevait un boni salarial qui variait. La Commission fait valoir que ce n’est pas l’employeur qui détermine le taux d’imposition.

[25] La Commission fait également valoir que l’appelante a choisi de suivre une formation de perfectionnement «Office». Lors de l’audience, l’appelante a confirmé que c’est une fois qu’elle a quitté son emploi qu’elle a obtenu une recommandation d’Emploi-Québec pour suivre ce cours.

[26] À la lumière des documents fiscaux présentés à la Commission, l’appelante a déclaré des revenus d’emploi de 32 755,76 en 2017 et de 34 419,76$ en 2018. Cette rémunération est à la hausse comme le fait remarquer la Commission. Seulement, contrairement à la remarque de la Commission, sur la déclaration de 2016, l’appelante a déclaré des revenus d’emploi de 30 722,25$ en plus d’un montant de 7 250$ comme revenu provenant d’un travail indépendant. Son revenu d’emploi a donc diminué de 2016 à 2018 puisque l’employeur a expliqué que le montant remis en boni était auparavant versé aux employés sous forme de revenus provenant d’un travail indépendant. L’appelante a expliqué que c’est le taux d’imposition relié au boni, soit au revenu provenant d’un travail indépendant déclaré qui est pénalisant.

[27] Les versions des faits de l’appelante comme de l’employeur concordent sur ce point et comme l’appelante le fait valoir, l’employeur admet qu’une modification reliée au versement des bonis a eu comme conséquence de diminuer la rémunération de l’appelante.

[28] Suite à la lettre reçue par Revenu Québec, l’employeur a rencontré les employés pour les aviser de ce changement qu’il n’avait d’autre choix d’appliquer. Cependant, l’appelante est demeurée insatisfaite de cette modification de 2017 à 2019 demandant périodiquement à l’employeur de modifier sa façon de faire ou, comme elle l’a fait en janvier 2019, en demandant une augmentation salariale pour compenser les pertes reliées au taux d’imposition sur les bonis versés. Ce n’est que le 14 février 2019 que l’employeur a refusé d’accéder à sa demande et que l’appelante a réalisé qu’elle ne pourrait récupérer la baisse de rémunération d’une autre manière.

[29] En ce sens et malgré certaines divergences dans la preuve présentée, je suis d’avis qu’il y a eu une modification importante à la condition de rémunération de l’appelante en avril 2017 et qu’elle ne l’a pas accepté tentant plutôt, par plusieurs demandes formulées à l’employeur, de modifier sa façon de faire et ultimement, de lui demander une augmentation salariale en compensation de cette nouvelle méthode de versement des bonis. La réponse ultime de l’employeur, qui refusait de compenser cette perte, est survenue le 14 février 2019 et l’appelante avait annoncé le 28 janvier 2019 que si elle n’obtenait pas l’augmentation salariale demandée, elle quitterait son emploi le 28 février 2019.

[30] Je dois rendre ma décision en fonction de la balance des probabilités et l’employeur et l’appelante sont d’accord sur le fait que la nouvelle méthode de versement des bonis a causé un impact fiscal important à l’appelante et que, pour cette raison, elle a subi une baisse de revenus conséquente.

[31] Je suis d’avis que l’appelante a subi une modification importante de sa rémunération suite à la nouvelle méthode de versement des bonis par l’employeur. Cette baisse de la rémunération n’est pas imputable à l’employeur qui a dû appliquer la directive de Revenu Québec. Il n’en demeure pas moins que l’appelante a subi une baisse de sa rémunération.

[32] Je conclus que l’appelante était justifiée de quitter volontairement son emploi le 28 février 2019 parce qu’elle a subi une modification à ses conditions de rémunération.

Conclusion

[33] L’appel est accueilli.

Date de l’audience :

Mode d’audience :

Comparutions :

19 août 2019

En personne

S. A., appelante
Héloïse Varin, représentante de l’appelante
X, employeur X
X, témoin
X, témoin

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