Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli. Le prestataire a démontré qu’il était fondé de quitter son emploi lorsqu’il l’a fait, parce qu’il ne disposait d’aucune solution raisonnable. Cela signifie qu’il n’est pas exclu du bénéfice des prestations.

Aperçu

[2] Le prestataire a quitté son emploi chez X, puis il a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi. La Commission a examiné les motifs du départ du prestataire. Elle a ensuite décidé que le prestataire avait volontairement quitté cet emploi sans justification, de sorte qu’elle n’était pas en mesure de lui verser les prestations régulières.

[3] Je dois décider si le prestataire a prouvé qu’il ne disposait d’aucune solution raisonnable pour quitter son emploi. La Commission affirme que le prestataire aurait pu tenter de résoudre les problèmes avec son employeur, demander l’aide auprès des autorités provinciales en matière de santé en milieu de travail et de son médecin, ou obtenir un autre emploi avant de démissionner. Le prestataire n’est pas d’accord et affirme que son état de santé se détériorait sérieusement en raison des conditions de travail malsaines et de l’augmentation des frais de déplacement vers le lieu de travail. J’estime que le prestataire n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi lorsqu’il l’a fait

Questions en litige

[4] Je dois décider si le prestataire est exclu du bénéfice des prestations pour la raison qu’il a volontairement quitté son emploi sans motif valable. À cette fin, je dois d’abord examiner la question du départ volontaire du prestataire. Je dois ensuite décider si le prestataire était fondé de quitter son emploi.

Analyse

Il ne fait aucun doute que le prestataire a volontairement quitté son emploi.

[5] Je reconnais que le prestataire a volontairement quitté son emploi. Le prestataire convient qu’il a démissionné à compter du 21 décembre 2018, mais son dernier jour payé était le 4 janvier 2019. Je ne vois rien qui puisse contredire cela.

Les parties ne s’entendent pas pour dire que le prestataire était fondé de quitter volontairement son emploi.

[6] Il y a désaccord entre les parties sur la question de savoir si le prestataire avait un motif valable de quitter volontairement son emploi lorsqu’il l’a fait.

[7] La loi prévoit qu’une personne est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 1 . Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver qu’une personne est fondée à le faire.

[8] Toujours selon la loi, une personne est fondée à quitter son emploi si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ constituait à ce moment-là la seule solution raisonnable dans son casNote de bas de page 2 . Il incombe à la partie prestataire d’en faire la preuveNote de bas de page 3 . Le prestataire doit démontrer qu’il est plus probable que le contraire qu’il ne disposait pas d’autre solution raisonnable que de partir quand il l’a fait. Pour me prononcer sur cette question, je dois examiner toutes les circonstances associées au moment où la prestataire a démissionné.

[9] Le prestataire travaillait dans une exploitation minière à ciel ouvert d’août 2018 à décembre 2018, avec une rotation de 14 jours en chantier. Il dit qu’il a quitté cet emploi parce que sa santé mentale et physique s’était détériorée en raison de conditions de travail malsaines et dangereuses, ce qui a fait augmenter les frais de déplacement et le stress de quitter son épouse à un moment où l’état de santé de cette dernière déclinait.

[10] À l’audience, le prestataire a déclaré qu’il a travaillé dans des chantiers pendant plus de 30 ans, et que les conditions de travail dans ce chantier étaient si insalubres et malsaines que son anxiété a augmenté et qu’il a développé des problèmes de santé physique. Il a déclaré avoir été traité par ses médecins pour un trouble anxieux pendant la majeure partie de sa vie.

[11] Le prestataire a présenté un témoignage détaillé sur les conditions de travail malsaines et dangereuses. Il a fait valoir qu’il était en bonne santé avant de commencer à travailler pour X. Il a dit qu’il avait commencé à souffrir de maladies physiques et que son anxiété avait augmenté au cours de la période où il a commencé à occuper cet emploi. Il a déclaré que, lorsqu’il a trouvé cet emploi grâce à Internet, il ignorait que les conditions du chantier étaient si malsaines. Il a soutenu que les choses continuaient de s’aggraver pendant qu’il travaillait là-bas, parce que l’employeur faisait faillite.

[12] Le prestataire a déclaré que les toilettes étaient souvent hors service et qu’il y avait parfois tellement d’excréments qu’il ne pouvait pas libérer la chasse d’eau. Des excréments jonchaient les planchers des douches. Les éviers, sales, étaient remplis de cheveux. Il a dit que des plaques d’une substance brune inconnue tapissaient les murs de sa chambre, que sa literie n’était jamais changée pendant ses rotations de 14 jours au chantier, et qu’il y avait de la moisissure dans les toilettes et d’autres bâtiments. Il a déclaré que ce chantier était [traduction] « tellement sale », que le seul fait d’y vivre le rendait malade, ses collègues et lui.

[13] Le prestataire a déclaré qu’il était en bonne santé lorsqu’il a commencé à travailler pour X. Il a ajouté qu’une fois rendu au chantier, il a développé une éruption cutanée au dos, pour laquelle son médecin a diagnostiqué une dermatite. Il a contracté un champignon au pied dans les douches sales, une conjonctivite à bacille de Weeks et une infection pulmonaire. Il a consulté un médecin pour toutes ces maladies, alors qu’il était à l’extérieur du chantier. Lorsqu’il a eu une infection pulmonaire, son médecin l’a placé en arrêt de travail pendant quelques semaines. Le prestataire a dit que son médecin l’avait autorisé à retourner au travail le 16 octobre 2018.

[14] Il dit qu’il ne pouvait pas discuter de ses problèmes médicaux avec ses employeurs ou avec le personnel de premiers soins sur place, parce que s’il le faisait, il ne se ferait plus jamais offrir un autre emploi dans ce secteur de l'industrie. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi, il a répondu que personne ne l’embaucherait en raison des médicaments qu’il prend pour traiter son anxiété. Il a aussitôt précisé qu’il prenait une faible dose de ses médicaments, qui ne nuit pas à sa capacité de travailler.

[15] Le prestataire a déclaré qu’il avait demandé l’aide à son médecin lorsqu’il était à l’extérieur du chantier et qu’ils avaient discuté du fait que les maladies pouvaient provenir de son lieu de travail. Il a dit que son médecin lui avait dit [traduction] « ce lieu de travail ne vous convient peut-être pas », mais que, pour une raison ou une autre, elle ne ferait pas cette remarque par écrit. Il a fait valoir qu’il lui fallait attendre jusqu’à six semaines pour consulter son médecin, de sorte qu’il s’était également rendu à un centre médical externe pour recevoir un traitement lorsqu’il n’était pas au chantier.

[16] Voici ce que le médecin du prestataire a écrit après avoir examiné le billet médical du 2 janvier 2019 : [traduction] « Il a signalé des champignons du pied, des infections pulmonaires répétées et une dermatite. » Le prestataire a déclaré qu’il ne peut pas expliquer pourquoi son médecin a choisi d’écrire la lettre en ces termes, en soutenant sans relâche qu’elle était au courant de ses problèmes de santé continus. Il a fait valoir que son anxiété allait en augmentant et qu’elle atteignait des sommets inégalés à cause de tous ces ennuis de santé, des conditions de vie insalubres, du coût accru des déplacements, de son aversion pour l’avion, et de ses inquiétudes au sujet de la maladie de son épouse. Il admet que son médecin ne lui a pas précisé [traduction] « vous devez quitter votre emploi », mais elle a bien parlé de la façon dont les maladies du prestataire s’aggravaient à cause raison de ces conditions de travail.

[17] Le prestataire a expliqué que l’employeur n’assurait pas un déplacement sécuritaire dans le chantier, parce qu’il était en faillite. L’employeur a loué ou nolisé des avions vétustes et mal entretenus et il a offert du transport automobile dans des autobus avec lesquels il n’était pas sécuritaire sur le plan mécanique de circuler. Il a fait valoir qu’il avait toujours eu peur de prendre l’avion, mais que par le passé, lorsqu’il travaillait dans d’autres chantiers, il était capable de gérer sa peur, parce qu’il n’était pas malade ou qu’il n’avait pas à composer avec un état d’anxiété accru.

[18] Le prestataire a toujours soutenu que son employeur n’avait versé que 200 $ pour payer ses frais de déplacement et que, pendant son emploi, ses frais de déplacement ont continué d’augmenter. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il n’avait pas parlé à son employeur de l’augmentation des coûts, le prestataire a déclaré que cet employeur était [traduction] « de la vieille école ». Il a expliqué que cet employeur répondait toujours la même chose : [traduction] « si vous n’aimez pas ça, partez ». Il a affirmé que l’entreprise faisait faillite et que cela causait de l’animosité chez les gestionnaires, de sorte qu’il était très dur de discuter avec eux et qu’ils lançaient des jurons à tout le monde. Il a dit qu’il ne voulait pas aborder ses préoccupations avec qui que ce soit au travail, parce qu’il était trop malade pour s’en occuper.

[19] Le prestataire a déclaré que la maladie de son épouse s’aggravait à ce moment là, de sorte qu’il éprouvait aussi cette inquiétude au chantier. Il a fait valoir que la maladie de son épouse n’était pas la principale raison pour laquelle il avait quitté son emploi, mais que cela avait aggravé son anxiété.

[20] Le prestataire a dit qu’il a cherché un autre emploi avant de démissionner. Il a dit qu’il était entêté, qu’il essayait de continuer à travailler jusqu’à ce qu’il trouve un autre emploi, mais qu’il a été forcé de démissionner lorsque ses ennuis de santé physique et mentale ont augmenté en raison des conditions de travail.

[21] La Commission a fourni la preuve que, malgré ses tentatives de joindre l’employeur, ce dernier n’a jamais retourné ses appels. La Commission n’explique pas pourquoi elle n’a pas accordé le bénéfice du doute au prestataire en l’absence de preuve provenant de l’employeurNote de bas de page 4. Elle s’est plutôt contentée de décider que le prestataire disposait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi.

[22] La Commission affirme que le prestataire n’avait pas de motif valable, parce qu’il existait d’autres solutions raisonnables que celle de quitter son emploi. Plus précisément, la Commission affirme que le prestataire aurait pu demander un congé de maladie prolongé, signaler les conditions de travail malsaines ou dangereuses à l’employeur ou à l’organisme provincial compétent, parler à son médecin du caractère malsain du milieu de travail, demander une lettre dans laquelle il lui serait conseillé de quitter son emploi ou de trouver un autre travail avant de partir.

[23] Selon la Commission, le prestataire n’a pas démontré qu’il était fondé de quitter son emploi pour des raisons de santé ou à cause des conditions de travail dangereuses, puisqu’il n’a pas démontré qu’il avait de bonnes raisons de ne pas signaler les conditions à son employeur ou aux autorités provinciales, ou bien de demander un congé de maladie prolongéNote de bas de page 5. La Commission affirme également que le Tribunal décidera si les documents médicaux du prestataire constituent un motif valable.

[24] Le prestataire a contesté les observations de la Commission, en déclarant qu’il avait pris un congé de maladie en octobre 2018, en suivant les conseils de son médecin, et qu’il éprouve toujours des ennuis de santé. Au cours de l’audience, il a lu en preuve le formulaire de retour au travail que son médecin avait signé, et qui l’autorisait à retourner au travail le 18 octobre 2018. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il n’avait pas pris un autre congé de maladie, le prestataire a répondu qu’il ne s’était jamais complètement remis de sa maladie et que chaque fois qu’il retournait au chantier, ses symptômes s’aggravaient et son anxiété augmentait. Il a dit que c’était à peu près à ce moment-là que son médecin a dit que cet emploi ne lui convenait peut-être pas.

[25] Le prestataire a répété qu’il ne pouvait pas signaler les conditions de travail dangereuses, parce que son employeur lui aurait simplement dit de partir. Il a toujours soutenu que cet employeur était en faillite, qu’il n’avait donc pas l’argent pour réparer quoi que ce soit et qu’il se fichait que les autorités provinciales reçoivent un rapport. Il a affirmé que dans ce travail, celui qui était mécontent de quelque chose se faisait dire de partir. Lorsqu’on a demandé au prestataire pourquoi il n’avait pas conservé son emploi jusqu’à ce que l’entreprise soit vendue, jusqu’à ce que de nouveaux propriétaires prennent la relève ou jusqu’à qu’il trouve un autre emploi ailleurs, le prestataire a déclaré qu’il était trop malade pour continuer à travailler là-bas, en ajoutant que son anxiété augmentait et qu’il ne dormait plus.

[26] Le prestataire a déclaré qu’après son départ, il est resté, malade, à la maison, du 24 décembre 2018 au 29 janvier 2019, comme le montre le billet médical déposé en preuve. Pendant cette période de rétablissement, il a toujours activement cherché un emploi, sachant qu’il devait subvenir à ses besoins et à ceux de son épouse. Le prestataire a déclaré qu’il avait trouvé un autre emploi dans un chantier. Il y travaille depuis le 30 janvier 2019, selon une rotation de trois semaines en chantier et trois semaines hors du chantier. Il a dit qu’il était en mesure de se rendre dans ce chantier, qui est salubre, sans danger pour la santé et que l’équipement est sécuritaire; il arrive donc à gérer son anxiété. Il a demandé à déposer son relevé d’emploi (RE) afin de démontrer qu’il était retourné au travail le 30 janvier 2019. Le Tribunal a recueilli les éléments de preuve postérieurs à l’audience; ils comprenaient un courriel avec son RE en pièce jointe, lequel faisait état d’une première journée de travail chez X le 30 janvier 2019.

[27] Même si le prestataire a expliqué à la Commission qu’il avait démissionné en partie à cause de l’augmentation de ses frais de déplacement et de son inquiétude au sujet de la maladie de son épouse, il a prouvé que ces problèmes n’ont pas nui à sa capacité de travailler. Il a aussi toujours affirmé que ce n’était pas les principales raisons pour lesquelles il avait quitté son emploi. Je reconnais que ces facteurs supplémentaires ont aggravé son anxiété et ses problèmes de santé physique causés par un milieu de travail malsain et dangereux.

[28] D’après le témoignage sous serment du prestataire et les billets médicaux déposés en preuve, je reconnais qu’il éprouvait de graves symptômes de santé physique et mentale à cause des circonstances liées à la culture du lieu de travail et aux conditions de travail insalubres et dangereuses dans leur ensemble. Je crois le prestataire quand il affirme que son médecin lui a dit que ce milieu de travail ne lui convenait peut-être pas et qu’elle a choisi de ne pas le mentionner dans ses notes médicales. Pour ces motifs, je conclus que le prestataire n’avait aucune autre solution raisonnable que de quitter son emploi lorsqu’il l’a fait.

[29] Comme le prestataire ne disposait d’aucune autre solution raisonnable, j’estime qu’il était fondé de quitter volontairement son emploi chez X. Par conséquent, il n’est pas exclu du bénéfice des prestations régulières.

Conclusion

[30] L’appel est accueilli.

 

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 14 août 2019

Vidéoconférence

W. A., appelant (prestataire)

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