Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

AE – La division d’appel n’a pas accepté que le stage non rémunéré de la prestataire constitue un emploi pour l’application de l’article 29(c)(vi) de la Loi sur l’assurance emploi (Loi sur l’AE), car ce n’est pas l’interprétation qui permet de mieux respecter les objets de la loi, comme l’exige la Loi d’interprétation – La prestataire a quitté volontairement son emploi en sachant qu’elle disposerait certainement d’une période de trois mois au cours de laquelle elle aurait besoin de prestations d’assurance emploi – Bien que le stage était une étape essentielle pour obtenir sa maîtrise et que cela hausserait probablement son salaire en plus d’élargir ses perspectives de carrière, il ne s’agit pas de l’objet de la Loi sur l’AE.

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] La prestataire a établi que la division générale a erré au titre de l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS). J’ai rendu la décision que la division générale aurait dû rendre, mais je dois tout de même confirmer la décision de la Commission.

Aperçu

[3] L’appelante, L. N. (prestataire), a quitté son emploi à la fin d’août 2018 pour accepter une offre d’emploi dans son domaine. La prestataire n’a pas reçu de salaire de la part de son nouvel employeur jusqu’à ce qu’elle termine une période de stage initiale, du mois de septembre au 3 décembre 2018. Elle a demandé des prestations d’assurance-emploi et l’intimée, à savoir la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a rejeté sa demande parce qu’elle avait volontairement quitté son emploi sans justification en août. Elle a maintenu sa décision après que la prestataire a demandé qu’elle la révise.

[4] La prestataire en a appelé à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale, mais celle-ci n’a pas accepté qu’elle avait l’assurance raisonnable d’un emploi dans un avenir immédiat lorsqu’elle a quitté son emploi, et la division générale a rejeté son appel. Elle demande maintenant la permission d’en appeler.

[5] La division générale a commis une erreur de droit au titre de l’article 58(1)(b) de la Loi sur le MEDS, car elle a fourni des motifs insuffisants relativement à la façon dont elle a recouru à l’autorisation légale. Elle a aussi erré au titre de l’article 58(1)(c) de la Loi sur le MEDS en fondant sa décision sur une conclusion sans fondement.

[6] Cependant, l’appel est rejeté. J’ai rendu la décision que la division générale aurait dû rendre et je suis d’avis que la prestataire n’était pas fondée à quitter son emploi.

Questions en litige

[7] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en définissant le terme « avenir immédiat » à l’aide d’une jurisprudence qui concernait des circonstances différentes de celles de la prestataire?

[8] La division générale a-t-elle fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance?

Analyse

[9] La division d’appel ne peut intervenir dans une décision de la division générale que si elle peut conclure que celle-ci a commis l’un des types d’erreurs nommés « moyens d’appel » à l’article 58(1) de la Loi sur le MEDS.

[10] Les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en définissant le terme « avenir immédiat » à l’aide d’une jurisprudence qui concerne des circonstances différentes de celles de la prestataire?

[11] Il existait des différences factuelles importantes entre les circonstances de la prestataire et celles de l’arrêt Canada (Procureur général) c LessardNote de bas de page 1. Par conséquent, la division générale commettrait une erreur de droit si elle s’estimait liée par cette décision et tenue de tirer la même conclusion.

[12] Dans Lessard, l’appelant a démissionné, mais a ensuite dû suivre un programme de 13 semaines dans un institut de formation indépendant, comme condition préalable à une offre d’emploi chez un autre employeur. En l’espèce, la prestataire a accepté une offre de stage non payé débutant le 4 septembre 2018, quelques jours après avoir quitté son emploi. Au moment où elle a accepté le stage, elle a aussi accepté une offre d’emploi payé chez le même employeur, devant commencer le 4 décembre 2018. La relation de la prestataire avec le nouvel employeur a commencé immédiatement après son départ de son emploi précédent et il n’y avait aucun changement entre les tâches ou les attentes au cours du stage et celles de l’emploi payé qui allait suivre. De plus, le volet stage constituait une exigence de son programme de maîtrise en service social, mais il ne constituait pas une condition préalable à son contrat d’emploi payé.

[13] Les distinctions entre les circonstances dans lesquelles se trouvait la prestataire et celles décrites dans Lessard sont clairement pertinentes pour déterminer si l’offre d’emploi de la prestataire visait l’avenir immédiat. L’arrêt Canada (Procureur général) c BordageNote de bas de page 2 est une autre affaire au cours de laquelle la Cour d’appel fédérale a déterminé si un prestataire avait l’assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat. Lorsqu’elle a conclu que le prestataire n’avait pas l’assurance raisonnable d’un emploi dans un avenir immédiat, la Cour a déclaré ce qui suit :

Au moment où il choisit de lui-même de devenir chômeur, le défendeur ne sait pas s’il aura un emploi, il ne sait pas de quel emploi auprès de quel employeur il s’agirait, il ne sait pas à quel moment dans l’avenir il aurait un emploi [...].

[14] En l’espèce, lorsqu’elle a quitté son emploi, la prestataire savait qu’elle aurait un emploi, elle savait de quel emploi auprès de quel employeur il s’agirait et elle savait à quel moment dans l’avenir elle aurait un emploi.

[15] Selon Bordage, ces distinctions sont à tout le moins pertinentes. Par conséquent, le raisonnement de la division générale voulant que le nouvel emploi de la prestataire ne soit pas dans un « avenir immédiat », simplement parce qu’on avait conclu dans l’arrêt Lessard, en se fondant sur les faits dans cette affaire, qu’un intervalle similaire ne représentait pas un emploi dans un avenir immédiat, était insuffisant. La division générale aurait dû aborder ces différences factuelles ou expliquer la façon dont elle croyait que Lessard devait s’appliquer, ou dans quelle mesure.

[16] Il est possible que la division générale ait fait référence à Lessard seulement parce que cet arrêt fournissait une certaine perspective, ou comme point de repère général, pour l’aider à déterminer si l’emploi que la prestataire anticipait se situait dans un « avenir immédiat ». Elle a cité Lessard comme étant l’autorité en ce qui concerne la notion qu’une [traduction] « période de 13 semaines ou plus ne constitue pas un avenir immédiatNote de bas de page 3 ». Dans Lessard, il avait été conclu « qu’un emploi qui ne se concrétisera qu’à l’expiration d’un stage non encore commencé, d’une durée de treize semaines, n’est pas un emploi “dans un avenir immédiat” ». Sans doute par hasard, la date à laquelle la prestataire a commencé son emploi payé chez son nouvel employeur était un peu plus de 13 semaines après la date à laquelle elle avait quitté son emploi précédent.

[17] J’admets qu’il était approprié que la division générale fasse référence à l’arrêt Lessard. La décision dans l’affaire Lessard portait sur la même question essentielle que celle dans le présent appel, soit le fait de déterminer si la ou le prestataire avait l’« assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat ».

[18] Les motifs de la division générale ne laissent pas croire qu’elle se serait considérée comme liée par Lessard, ou que sa conclusion était prédéterminée. Malgré tout, la division générale n’a fourni aucun motif, autre que ce qui se trouvait dans Lessard, pour conclure que le nouvel emploi de la prestataire n’était pas dans l’« avenir immédiat ». Lessard se distingue de l’espèce et les motifs de la division générale n’expliquent pas autrement pourquoi le report d’un emploi payé, dans les circonstances de la prestataire, devrait signifier qu’elle n’avait pas l’assurance raisonnable d’un emploi dans un avenir immédiat. J’estime que les motifs de la division générale n’expliquent pas sa décision et je suis donc d’avis que la division générale a commis une erreur de droit en ne fournissant pas des motifs adéquats pour sa décision.

[19] Il s’agit d’une erreur de droit au titre de l’article 58(1) de la Loi sur le MEDS.

Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance?

[20] Dans sa décision, la division générale a reconnu que, selon le témoignage de la prestataire, son employeur avait refusé de lui offrir un stage ou de lui accorder un congé autorisé afin de lui permettre d’effectuer un stage. Elle a fait remarquer que la prestataire n’avait présenté aucune preuve selon laquelle elle avait effectué un stage de septembre à décembre 2018 et elle a conclu qu’une solution raisonnable aurait été que la prestataire garde son emploi et attende qu’une autre occasion se présenteNote de bas de page 4.

[21] La prestataire a soutenu que le membre de la division générale ne lui a pas demandé si elle devait effectuer un stage. Elle a affirmé qu’elle aurait pu prouver qu’elle devait effectuer un stage à ce moment précis, afin de satisfaire aux exigences de son programme de maîtrise.

[22] La division générale a affirmé qu’on ne lui avait présenté aucune preuve relativement au fait que la prestataire devait effectuer un stage au cours de cette période précise. Le membre de la division générale semble avoir déduit de cette absence de preuve que la prestataire aurait pu effectuer son stage à un autre moment.

[23] Il incombe toujours à la partie appelante de présenter tout élément de preuve qui, selon elle, appuie sa position. La division générale est un organisme juridictionnel et elle n’a pas le mandat de se renseigner activement au sujet des circonstances. Cela dit, le silence de la prestataire sur ce qu’elle a pu considérer comme un fait secondaire ne justifie pas une conclusion défavorable. La présomption de la division générale selon laquelle la prestataire aurait pu effectuer le stage plus tard est incorrecte.

[24] Le fait que la prestataire soit fondée ou non à quitter son emploi dépend de si son départ constituait la seule solution raisonnable. La division générale a établi un lien clair entre sa présomption voulant que la prestataire aurait pu attendre avant d’effectuer son stage à sa conclusion selon laquelle il y avait une autre solution raisonnable. Cette conclusion ne découle pas d’une preuve, mais d’une présomption, et elle a donc été tirée de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments de preuve présentés.

[25] La division générale a fondé sa décision sur la conclusion voulant qu’il existait une autre solution raisonnable. Ce faisant, elle a commis une erreur au titre de l’article 58(1)(c) de la Loi sur le MEDS.

Réparation

[26] J’estime que le dossier de la division générale est complet. Par conséquent, je vais exercer ma compétence en vertu de l’article 59 de la Loi sur le MEDS, et je vais rendre la décision que la division générale aurait dû rendre.

[27] Selon l’article 29(c) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE), une partie prestataire est fondée à quitter son emploi si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ constitue la seule solution raisonnable dans son cas. Vient ensuite une énumération non exhaustive des circonstances possibles. La prestataire a soutenu qu’elle était fondée à quitter volontairement son emploi en raison d’une de ces circonstances, soit qu’elle avait l’« assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat » (Loi sur l’AE, art 29(c)(vi)).

[28] L’arrêt Canada (Procureur général) c LangloisNote de bas de page 5 a énoncé que l’article 29(c)(vi) est unique parmi les circonstances énumérées et que l’exigence du législateur qu’il s’agisse de la seule solution raisonnable dans son cas prévue à l’article 29(c) doit être interprétée différemment lorsqu’on l’applique à une situation à laquelle l’article 29(c)(vi) pourrait s’appliquer. Selon Langlois, cela découle du fait qu’une personne qui quitte volontairement son emploi pour en occuper un autre ne le fait pas nécessairement parce que son départ constitue la seule solution raisonnable dans son cas. Dans Langlois, il est aussi mentionné que la circonstance voulant que la ou le prestataire avait l’assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat découle seulement de la volonté de la partie prestataire. La Cour a déclaré que « cette caractéristique du sous-alinéa 29(c)(vi) nous ramène au fondement même et aux principes du régime de l’assurance qui [...] est un régime d’indemnisation fondée sur le risque ». [mis en évidence par le soussigné]

[29] L’arrêt Langlois précise ce qui suit : « S’il est légitime pour un travailleur de vouloir améliorer son sort en changeant d’employeur ou la nature de son travail, il ne peut faire supporter le coût de cette légitimité par ceux et celles qui contribuent à la caisse de l’assurance-emploi. Cela est vrai autant pour ceux qui décident de retourner aux études pour parfaire leur formation ou de partir en entreprise que pour ceux qui sont simplement désireux d’accroître leur rémunération ». Une partie prestataire qui quitte son emploi parce qu’ elle a l’« assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat » ne devrait pas sciemment augmenter son risque d’être au chômage.

[30] Les faits principaux ne sont pas contestés. La prestataire a quitté son emploi le 29 août 2018. Lorsqu’elle a démissionné, elle avait déjà reçu l’offre de travailler pour son futur employeur du 4 septembre au 4 décembre 2018 en effectuant un stage non payé, ainsi que l’offre d’un emploi payé chez ce même employeur à partir du 4 décembre 2018. Je suis convaincu que la prestataire avait l’assurance raisonnable d’un emploi lorsqu’elle a quitté son emploi. Cependant, je suis aussi tenu de déterminer si l’assurance d’emploi de la prestataire se situait dans un « avenir immédiat ».

[31] L’espèce exige que l’on se penche sur l’interprétation du terme « emploi ». Si l’emploi comprend le travail non payé, seulement quelques jours se sont écoulés entre le moment où la prestataire a quitté son emploi et le moment où elle a commencé son stage chez son nouvel employeur. D’autre part, si la prestataire ne pouvait être considérée comme employée que quelques mois plus tard, lorsque son contrat rémunéré commencerait, alors il serait plus difficile d’estimer que son assurance d’un autre emploi concernait un « avenir immédiat ».

[32] La Loi sur l’AE définit l’emploi comme étant « [l]e fait d’employer ou l’état d’employé », ce qui est peu utile. La version électronique du dictionnaire Merriam WebsterNote de bas de page 6 n’est pas beaucoup plus utile; elle confirme que le terme anglais « employment » se définit comme étant [traduction] « l’action d’employer » et que le terme anglais « employing » signifie soit [traduction] « 1) utiliser ou retenir les services de quelqu’un » ou [traduction] « 2) fournir un travail moyennant une rémunération ou un salaire ».

[33] La jurisprudence contient également peu de pistes aidant à définir « emploi » ou « avenir immédiat ». La division générale a cité quatre facteurs prévus dans l’arrêt Bordage. Bien que ces facteurs soient pertinents à la question de l’assurance raisonnable, ils n’aident pas à interpréter le sens d’« emploi » ou d’emploi dans un « avenir immédiat » dans le contexte des circonstances particulières de la prestataire.

[34] La division générale s’est aussi appuyée sur Lessard. Dans Lessard, la Cour ne s’est pas penchée sur la question de savoir quel type de travail devrait être considéré comme un emploi. Elle n’a même pas pu déterminer quand l’emploi lui-même devait commencer, car le prestataire dans cette affaire n’aurait pas pu commencer son nouvel emploi sans d’abord obtenir un diplôme de son programme de formation.

[35] Je dois me tourner vers l’interprétation des lois. La Cour suprême du Canada a formulé certaines directives quant à la façon dont on peut interpréter des lois. Dans l’arrêt Rizzo & Rizzo ShoesNote de bas de page 7, la Cour a déclaré ce qui suit :

Il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur.

[...] conformément à plusieurs arrêts de notre Cour, [une loi conférant des avantages] doit être interprétée de façon libérale et généreuse. Tout doute découlant de l’ambiguïté des textes doit se résoudre en faveur du demandeur [...]

[36] L’article 12 de la Loi d’interprétation confirme que « [t]out texte est censé apporter une solution de droit et s’interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet ».

[37] Comme la loi étudiée dans l’arrêt Rizzo, la Loi sur l’AE est une loi conférant des avantages. Toutefois, une interprétation généreuse ou libérale n’exige pas que j’interprète l’« emploi » comme comprenant l’« emploi non payé » lorsqu’une telle interprétation ne viserait pas l’atteinte des objectifs de la Loi sur l’AE.

[38] Comme l’énonce le Guide de la détermination de l’admissibilitéNote de bas de page 8, « Le régime d’[assurance-emploi] est [...] conçu pour accorder des prestations à ceux qui sont en chômage sans que ce ne soit de leur faute ». Citant la décision rendue dans Tanguay c Canada (Commission de l’assurance‑chômage)Note de bas de page 9, la Cour d’appel fédérale a énoncé ce qui suit dans Langlois :

[...] il incombe à l’assuré, comme contrepartie de sa participation au régime, de ne pas, sans justification, provoquer le risque et, encore moins faut-il le dire, de ne pas transformer un simple risque en une certitude de chômage [...]

[39] Je rejette l’idée voulant que le stage non payé de la prestataire constitue un emploi pour l’application de l’article 29(c)(vi), parce qu’il ne s’agit pas de l’interprétation qui est la plus compatible avec les objectifs de la Loi sur l’AE, comme l’exige la Loi d’interprétation. La prestataire a quitté son emploi volontairement, tout en sachant qu’il y aurait certainement une période de trois mois durant laquelle elle aurait besoin du soutien des prestations d’assurance-emploi. Malgré le fait que le stage constituait une étape nécessaire à l’obtention de son diplôme de maîtrise, ce qui allait probablement mener à un meilleur salaire et améliorer ses perspectives d’emploi, cela n’est pas l’objectif de la Loi sur l’AE. Les prestations d’assurance-emploi visent à indemniser les parties prestataires qui ont perdu leur emploi sans qu’elles en soient responsables. Je suis d’avis que la prestataire a provoqué son risque de chômage.

[40] La question suivante est de déterminer si l’éventuel emploi payé de la prestataire allait commencer dans un avenir « immédiat ». Je rejette l’idée que la date de début du 4 décembre 2018 représentait un avenir « immédiat » lorsque la prestataire a quitté son emploi le 29 août 2018. Le dictionnaire Merriam Webster offre une piste de réponse sur le sens du terme anglais « immediate » en langage clair. Il y a deux définitions possibles qui semblent adéquates dans le contexte actuel, soit [traduction] « qui se produit, agit ou s’accomplit sans délai ou sans intervalle » ou « près du présent ou relatif au présent ». Même si l’« avenir immédiat » est interprété comme signifiant l’avenir « rapproché », je rejette l’idée qu’un emploi qui doit commencer trois mois plus tard est dans un avenir « rapproché » dans le contexte de l’AE. La Loi sur l’AE concerne habituellement des délais d’un an ou moins. Par exemple, les périodes d’admissibilité et les périodes de prestations sont généralement d’une durée d’un an. Les semaines de prestations s’étalent habituellement sur moins d’un an. Une période de trois mois représente une période importante dans le contexte de l’AE.

[41] De plus, comme je l’ai fait pour le terme « emploi », je dois interpréter le terme « immédiat » de la façon la plus compatible avec les objectifs de la Loi sur l’AE. La prestataire savait avant de quitter son emploi qu’elle avait une offre et un contrat d’emploi formel pour un emploi payé qui devait commencer le 4 décembre 2018, mais elle a tout de même démissionné, sachant qu’elle n’aurait pas de revenu pendant trois mois. Il ne serait pas compatible avec les objectifs de la Loi sur l’AE d’interpréter le terme « immédiat » de façon à permettre à la prestataire de choisir volontairement les prestations au lieu de l’emploi.

[42] J’estime que la prestataire n’avait pas l’« assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat ».

[43] L’article 29(c) exige que le départ de la partie prestataire constitue la seule solution raisonnable dans son cas, compte tenu de toutes les circonstances. Si j’avais conclu que [traduction] « la prestataire a[vait] l’assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat » au sens de la Loi sur l’AE, cela aurait signifié que la division générale aurait été tenue d’en tenir compte au titre de l’article 29(c).

[44] La prestataire n’a pas laissé entendre qu’une ou l’autre des circonstances décrites à l’article 29(c) s’appliquait et aucune n’est évidente d’après le dossier. Toutefois, l’article 29(c) ne vise pas à offrir une liste exhaustive de toutes les circonstances applicables.

[45] J’ai estimé que la situation de la prestataire ne correspondait pas aux circonstances décrites à l’article 29(c)(vi), mais cela ne signifie pas que je ne peux pas tenir compte de sa situation ainsi que de toutes autres circonstances que je considère comme pertinentes, pour effectuer ma propre évaluation de la question de savoir si le départ de la prestataire constituait la seule solution raisonnable dans son cas.

[46] La prestataire a fait valoir devant la division d’appel que son programme de maîtrise exigeait qu’elle effectue un stage durant la période entre la fin d’août 2018 et décembre 2018, lorsqu’elle a commencé à occuper un emploi payé. Cet élément de preuve n’a pas été présenté à la division générale, et je ne peux pas en tenir compteNote de bas de page 10.

[47] Par conséquent, je dois décider si le départ de la prestataire constituait la seule solution raisonnable dans son cas à partir des faits suivants : au moment de sa démission, elle avait reçu une offre de stage qui répondait aux exigences de son programme de maîtrise; le stage devait commencer quelques jours après sa démission; la prestataire avait aussi reçu une offre d’emploi payé qui devait commencer environ trois mois plus tard; cet emploi payé était offert par le même employeur et elle devait y effectuer les mêmes tâches.

[48] Dans son témoignage, la prestataire a affirmé que son offre d’emploi ne dépendait pas du fait qu’elle termine ou non le stage. Toutefois, cela est vrai seulement au sens le plus strict. La prestataire pouvait commencer son emploi en tant qu’X grâce à son baccalauréat en service social, mais le poste était, en soi, un poste pour une personne ayant obtenu une maîtrise en service social, selon le contrat. Le contrat prévoyait qu’elle gravirait des échelons de la grille salariale une fois qu’elle recevrait sa maîtriseNote de bas de page 11. De plus, la prestataire a mentionné dans ses observations relatives à la révision qu’elle s’était fait [traduction] « offrir un meilleur emploi qui exigeait une maîtrise en service social, qui exigeait qu’elle effectue un stage non payéNote de bas de page 12 ». Elle a de plus expliqué qu’on lui avait [traduction] « offert un meilleur emploi [...] à la condition [qu’elle] réponde aux exigences de [son] stage ». Plus tard, elle a confirmé à une agente ou un agent de la Commission qu’elle était tenue d’effectuer un stage non payé pour obtenir le nouvel emploiNote de bas de page 13.

[49] La lettre d’offre et les modalités du contrat donnent à croire que la prestataire aurait pu commencer son nouvel emploi sans effectuer son stage ou obtenir formellement sa maîtrise en service social. Cependant, le même employeur lui offrait le stage durant la période qui précédait le début de son nouvel emploi payé. Il pouvait être raisonnablement assuré que la prestataire allait effectuer le stage. Par conséquent, j’accepte l’idée que l’employeur s’attendait à ce que la prestataire effectue le stage avant de commencer son emploi.

[50] Le seul objectif visé par le délai non payé avant que l’emploi commence était de donner à la prestataire l’occasion d’effectuer son stage et de satisfaire à la dernière exigence de son programme de maîtrise en service social. Même si l’emploi chez son employeur n’exigeait pas que la prestataire obtienne d’abord sa maîtrise, elle devait tout de même l’obtenir. Pour occuper le poste précis pour lequel la prestataire avait été engagée et pour obtenir l’augmentation de salaire y étant associée, il lui fallait obtenir son diplôme de maîtrise en service social. La prestataire a affirmé que la maîtrise lui permettrait d’obtenir une augmentation de salaire de près de 20 000,00 $Note de bas de page 14.

[51] La prestataire a volontairement accepté une période non payée d’environ trois mois afin de pouvoir terminer ses études et faire avancer sa carrière. Toutefois, la Cour d’appel fédérale a énoncé ce qui suit dans l’arrêt Canada (Procureur général) c MartelNote de bas de page 15 :

Le but premier de l’assurance-chômage est donc de prévoir une compensation pour tout assuré qui se trouve involontairement sans emploi, ce risque étant malheureusement trop courant, et non d’assister ceux qui, par choix personnel, décident de parfaire leur formation. J’admets qu’elle avait un motif valable de démissionner, mais je n’admets pas l’idée qu’elle était fondée à le faire au titre de la Loi sur l’AE.

[52] La prestataire avait aussi un motif valable de démissionner, mais il s’agissait d’un choix personnel qu’elle a fait pour faire avancer sa carrière. Je ne suis pas convaincu qu’elle était fondée à quitter son emploi au titre de la Loi sur l’ AE.

Conclusion

[53] Bien que la prestataire a établi que la division générale a erré selon l’article 58(1) de la Loi sur le MEDS, j’ai maintenu la décision de la Commission en concluant que la prestataire n’était pas fondée à quitter son emploi.

[54] L’appel est rejeté.

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparution :

Le 1er août 2019

Téléconférence

L. N., appelante

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