Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Je conclus que l’appelante a cessé d’occuper son emploi en raison de sa propre inconduite.

Aperçu

[2] L’appelante était technicienne administrative au X. Elle a déclaré avoir été congédiée parce qu’elle avait écrit une lettre sous l’identité de son employeur adressée à sa sœur qui la harcelait. Par ce comportement, l’appelante souhaitait que le comportement de sa sœur cesse et elle déplore que son employeur n’ait pas pris ses responsabilités. Le 25 juin 2019, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) a rejeté la demande de l’appelante parce qu’elle a conclu qu’elle avait cessé d’occuper son emploi en raison de sa propre inconduite. Je dois déterminer si l’appelante a cessé d’occuper son emploi en raison de sa propre inconduite.

Questions en litige

[3] L’appelante a-t-elle posé les gestes reprochés par l’employeur?

[4] Si oui, les gestes posés par l’appelante constituent-ils de l’inconduite?

Analyse

L’appelante a-t-elle posé les gestes reprochés par l’employeur?

[5] L’appelante a déclaré avoir écrit une lettre sous l’identité de son employeur, X, adressée à sa sœur qui selon elle la harcelait.

[6] Bien qu’elle admette avoir écrit cette lettre, l’appelante estime que l’employeur ne l’a pas aidé alors qu’elle vivait du harcèlement au travail et dans sa vie personnelle. L’appelante a déclaré qu’elle n’avait d’autres choix que de transmettre cette lettre.

[7] L’appelante a écrit et signé une lettre sous l’identité de l’employeur et je conclus qu’elle a commis le geste reproché par l’employeur.

Les gestes posés par l’appelante constituent-ils de l’inconduite?

[8] Afin de déterminer si les gestes posés constituent de l’inconduite, l'intention coupable n'est pas un aspect essentiel. Dans la mesure où l'omission ou l'acte sur lequel s'appuie un employeur pour congédier son employé est délibéré, c'est-à-dire qu'il s'agit d'une omission ou d'un acte conscient, voulu ou intentionnel, l'inconduite est prouvéeNote de bas de page 1.

[9] Je précise également qu’une conduite répréhensible ne constitue pas nécessairement une inconduite. L’inconduite est un manquement d’une portée telle que son auteur pouvait normalement prévoir qu’il serait susceptible de provoquer son congédiementNote de bas de page 2.

[10] Le 8 novembre 2018, l’employeur a remis une lettre à l’appelante lui indiquant que, suite à des comportements inappropriés portés à son attention, elle était suspendue avec solde pendant une enquête interneNote de bas de page 3.

[11] Le 28 novembre 2018, l’employeur a transmis une lettre de congédiement à l’appelante. Cette lettre explique que, le 10 octobre 2018, l’appelante a écrit une lettre, sous l’identité du X, demandant que cesse le harcèlement psychologique auprès d’une employée. La lettre explique que l’appelante a admis les faits et qu’elle a expliqué à l’employeur lors d’une rencontre qu’elle vivait du harcèlement de la part de sa famille. L’appelante aurait alors indiqué à l’employeur qu’elle vivait cette situation à l’extérieur de l’organisation.

[12] Dans cette lettre, l’employeur précise qu’au moment de la rencontre, l’appelante n’avait aucun remords d’avoir rédigé cette lettre se demandant si elle pouvait avoir un peu de paix. L’appelante aurait expliqué avoir réfléchi aux autres options afin de faire cesser le harcèlement, mais que rédiger cette lettre s’imposait comme la seule option. L’employeur indique que l’appelante occupe un poste qui demande un haut niveau de confiance et que le geste qu’elle a posé est grave et hautement répréhensible. L’appelante a été congédiée parce qu’elle a, sans autorisation, utilisé l’identité de l’organisation à des fins personnelles, ce qui constitue une confection d’un faux document. L’employeur termine en disant que ce comportement contrevient aux obligations d’honnêteté, d’intégrité et de loyauté de l’appelante envers son employeur.

[13] La Commission affirme que l’appelante a rédigé une lettre en se faisant passer pour la direction du X et qu’elle savait qu’elle ne faisait pas un bon usage des ressources de l’employeur en agissant de la sorte. La Commission soutient que le fait d’utiliser l’identité de l’organisation à des fins personnelles sans son autorisation constitue de l’inconduite. Elle fait valoir que la politique contre le harcèlement de l’employeur s’applique pour les situations qui surviennent dans le milieu du travail et ne pouvait être appliquée au cas de l’appelante.

[14] L’appelante a expliqué qu’en septembre 2018, elle a avisé une coordonnatrice qu’elle vivait du harcèlement au travail. L’appelante soutient qu’elle recevait des messages électroniques ainsi que sur sa boîte vocale. Le 19 octobre 2018, l’appelante a avoué à la coordonnatrice qu’elle avait fait quelque chose de « pas correct » parce qu’elle avait transmis une lettre adressée à sa sœur sous l’identité du X afin que cesse le harcèlement qu’elle subissait. L’appelante a expliqué qu’elle avait communiqué avec le service policier, mais le policier n’avait pas voulu recevoir sa plainte.

[15] L’appelante a déclaré que les problèmes éprouvés avec sa sœur étaient en lien avec les soins apportés à ses parents. Elle affirme qu’il lui était difficile de faire son travail dans ce contexte et elle sentait qu’elle était dans une impasse puisque son employeur n’avait rien fait jusqu’à ce moment. L’appelante soutient que même si sa sœur ne travaillait pas au X, elle vivait du harcèlement de la part d’un tiers et l’employeur avait des responsabilités envers elle. La seule autre option qui se présentait à elle plutôt qu’écrire cette lettre aurait été de demander un congé de maladie, mais elle estime que c’est elle qui aurait alors été pénalisée.

[16] Tel que mentionné, pour déterminer qu’il y a une inconduite, il n’est pas nécessaire que le comportement en cause résulte d’une intention coupable. Il suffit que l’acte répréhensible ou l’omission reproché à l’intéressée soit « volontaire », c’est-à-dire conscient, délibéré ou intentionnelNote de bas de page 4.

[17] Je comprends que l’appelante éprouvait des difficultés personnelles qui se répercutaient au travail. L’appelante était syndiquée et il est également possible de bloquer des courriels indésirables ou des numéros de téléphone non sollicités. L’appelante a d’ailleurs témoigné qu’elle avait bloqué les courriels provenant de sa sœur.

[18] Je comprends des explications de l’appelante qu’elle vivait des difficultés et qu’elle aurait aimé que l’employeur la protège. Elle aurait aimé que l’employeur change son adresse courriel ou sa boîte vocale.

[19] Malgré la situation vécue, l’appelante a posé ce geste. Elle a réfléchi avant d’écrire cette lettre et elle admet qu’elle a choisi cette option parce qu’elle pensait que c’était la meilleure solution. En ce sens, l’appelante explique avoir fait preuve de transparence et s’être excusée auprès de l’employeur en lui disant qu’une telle situation ne se reproduirait plus. Cependant, et même si je comprends que l’appelante vivait des moments difficiles, elle a posé ce geste et, même si je comprends qu’avec du recul elle regrette l’avoir posé, ce geste intentionnel et délibéré constitue une inconduite.

[20] Je comprends le contexte vécu et expliqué par l’appelante et celle-ci disposait d’autres ressources que de transmettre une lettre au nom de son employeur. En ce sens, l’appelante a déclaré qu’elle était syndiquée dans son milieu de travail et, au niveau personnel, elle a expliqué, qu’accompagnée d’un avocat, elle a rencontré ses frères et sœurs en novembre 2018. Quoi qu’il en soit, en rédigeant une lettre sous l’identité de son employeur, l’appelante pouvait normalement prévoir qu’il était possible qu’elle soit congédiéeNote de bas de page 5.

[21] Je conclus que le comportement de l’appelante, soit d’avoir écrit une lettre adressée à sa sœur sous l’identité du X est un geste « volontaire ou délibéré ou résulte d’une insouciance telle qu’il frôle le caractère délibéré »Note de bas de page 6.

[22] Je conclus que l’appelante a cessé d’occuper son emploi en raison de sa propre inconduite.

Conclusion

[23] L’appel est rejeté.

Date de l’audience :

Mode d’audience :

Comparution :

23 août 2019

Téléconférence

D. P., appelante

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