Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] L’appelant, C. M. (prestataire), a quitté son emploi chez X (faisant affaire sous la dénomination X) après environ un mois parce qu’il a constaté qu’elle l’avait induit en erreur au sujet de la nature de son emploi et parce qu’il y avait eu une modification importante de ses fonctions. Il a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi, mais l’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) a rejeté sa demande, parce qu’elle a conclu que le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi et que son départ volontaire n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. Cela signifiait que le prestataire était exclu du bénéfice des prestations. Toutefois, lorsque la Commission a décidé que le prestataire était exclu du bénéfice des prestations, elle avait déjà versé plusieurs mois de prestations au prestataire. De fait, cela a donné lieu à un important versement excédentaire de prestations que le prestataire devait rembourser.

[3] Le prestataire a interjeté appel de la décision découlant de la révision de la Commission à la division générale, qui a rejeté son appel. La division générale a conclu que le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi et que son départ volontaire n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. Le prestataire interjette maintenant appel de la décision de la division générale au motif que la division générale n’a pas pleinement examiné ses arguments relatifs à sa justification et que le membre de la division générale ne lui a pas donné une possibilité équitable d’exposer ses arguments.

[4] Je rejette l’appel au motif que, bien que j’estime que la division générale n’a pas examiné s’il y avait eu une modification importante de ses conditions de rémunération au sens de l’article 29(c)(ix) de la Loi sur l’assurance-emploi, le prestataire n’a pas été en mesure de démontrer que son départ était la seule solution raisonnable dans son cas. De plus, j’estime que le membre de la division générale a expliqué le fardeau de la preuve auquel le prestataire devait satisfaire et qu’il lui a aussi donné une possibilité pleine et équitable de présenter ses arguments.

Questions en litige

[5] Voici les questions dont je suis saisie :

Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées, tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance ou a-t-elle commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de la question de savoir si l’article 29(c)(ix) de la Loi sur l’assurance-emploi s’appliquait?

Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle omis d’observer un principe de justice naturelle en ne donnant pas au prestataire la possibilité pleine et équitable de présenter ses arguments sur la question de la justification?

Moyens d’appel

[6] Voici les trois seuls moyens d’appel prévus à l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social :

a. la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;

b. elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;

c. elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Analyse

Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées, tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance ou a-t-elle commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de la question de savoir si l’article 29(c)(ix) de la Loi sur l’assurance-emploi s’appliquait?

(a) L’article 29(c)(ix) de la Loi sur l’assurance-emploi

[7] Le prestataire fait valoir qu’il était fondé à quitter son emploi parce qu’il y a eu une modification importante de ses fonctions, par rapport à ce à quoi il s’attendait et ce que son employeur lui demandait réellement de faire.

[8] Le prestataire a étudié la mécanique industrielle. Pendant le processus d’embauche, l’employeur lui a dit qu’il allait manœuvrer une machine en particulier. Le prestataire était satisfait du salaire offert par l’employeur. Une fois que le prestataire a été embauché dans l’entreprise, l’employeur lui a donné d’autres fonctions, principalement le lavage de casseroles, à un salaire considérablement réduit qui ne lui permettait pas de subvenir à ses besoins.

[9] Le prestataire a dit que l’entreprise aurait dû embaucher deux fois plus de personnel parce que tout le monde devait travailler [traduction] « beaucoup plus qu’il ne le devait ». Son employeur lui a imposé un [traduction] « horaire dément » de plus de 16 heures par jour, jusqu’à [sic] 2 heures du matin sans pause, et que son employeur s’attendait à ce qu’il revienne le lendemain matin.

[10] Le prestataire a dit que son employeur l’avait aussi forcé à manœuvrer des machines pour lesquelles il n’avait pas reçu de formation. Il considérait que cela pouvait être un problème de sécurité.

[11] Le prestataire estimait que son employeur le harcelait, mais il n’y avait personne vers qui se tourner pour obtenir de l’aide ni personne acceptant de l’écouter. Donc, puisque l’employeur lui avait menti au sujet de ses fonctions, il estimait qu’il n’était pas tenu de rester au sein de l’entreprise, d’autant plus qu’il ne gagnait pas suffisamment d’argent. S’il avait su en quoi consisterait réellement l’emploi, il n’aurait pas accepté le posteNote de bas de page 1.

[12] Le prestataire soutient que la division générale n’a pas tenu compte de ses arguments. Toutefois, comme je l’ai souligné dans ma décision de demande de permission d’appel, la division générale a tenu compte des arguments du prestataire selon lesquels son employeur l’avait harcelé. Cependant, j’ai noté qu’il était moins évident que la division générale avait tenu compte des allégations du prestataire selon lesquelles il était fondé à quitter son emploi en raison d’une modification importante de ses fonctions au sens de l’article 29(c)(ix) de la Loi sur l’assurance-emploi.

[13] L’article 29(c) de la Loi sur l’assurance-emploi énumère certains des scénarios factuels où un prestataire peut être fondé à quitter volontairement son emploi. L’article prévoit notamment ce qui suit :

  1. (c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
    [. . .]
    1. (iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité, […]
    2. (vii) modification importante de ses conditions de rémunération,
    3. (viii) excès d’heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci,
    4. (ix) modification importante des fonctions, […]
    5. (xi) pratiques de l’employeur contraires au droit.

[14] J’ai écouté l’enregistrement audio de la décision de la division générale et le membre de la division générale a dit qu’il examinerait chacune de ces questions.

[15] La division générale a fait référence à l’article 29(c) de la Loi sur l’assurance-emploi en général, mais il n’a pas fait référence à des paragraphes précis de l’article 29(c). Le membre a pris note du témoignage du prestataire selon lequel il croyait qu’il serait opérateur de machine et non un ouvrier non spécialisé. La division générale a également pris note de la preuve de l’employeur selon laquelle les nouveaux employés n’avaient pas accès au poste d’opérateur de machine; ils devaient gravir les échelons avant de pouvoir occuper ce posteNote de bas de page 2.

[16] La division générale semble avoir reconnu que le prestataire soutenait qu’il était fondé à quitter son emploi en raison d’une modification importante de ses fonctions. La division générale s’est exprimée ainsi : [traduction] « L’appelant a relevé ici un certain nombre de préoccupations qui, selon lui, l’ont mené à quitter son emploi. Il avait eu des problèmes avec cet employeur parce qu’il croyait avoir été embauché comme opérateur de machine, mais il accomplissait plutôt le travail d’un ouvrier non spécialisé. »

[17] Toutefois, la division générale n’a analysé aucun élément de preuve à cet égard. La division générale n’a tiré aucune conclusion dans un sens ou dans l’autre au sujet de l’un ou l’autre de ces éléments de preuve et n’a tiré aucune conclusion quant à savoir si le prestataire avait quitté son emploi en raison d’une modification de ses fonctions par rapport à ce à quoi il s’attendait lorsqu’il a commencé à travailler pour l’employeur.

[18] À cet égard, la division générale a commis une erreur de droit en omettant de déterminer si l’article 29(c)(ix) de la Loi sur l’assurance-emploi s’appliquait, lequel édicte que le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi, s’il y a eu une modification importante de ses fonctions. Il fallait donc tenir compte de cette question.

[19] De même, je remarque que la division générale a omis de déterminer si l’article 29(c)(iv) s’appliquait, lequel traite des conditions de travail étant dangereuses pour la santé ou la sécurité du prestataire. La division générale n’a pas non plus abordé la question de savoir s’il y avait eu une modification importante des conditions de rémunération, s’il y avait eu un excès d’heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci et si des pratiques de l’employeur étaient contraires au droit. Même s’il se peut que le membre de la division générale ait examiné chacune de ces questions, il n’est pas évident qu’il les a prises en considération puisqu’aucune discussion ou analyse significative de l’un ou l’autre de ces facteurs n’a eu lieu. Chacun de ces facteurs méritait une certaine analyse parce que le prestataire aurait pu être fondé à quitter volontairement son emploi en raison de ceux-ci, si le prestataire avait également démontré que son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas. La division générale a commis une erreur de droit en omettant de déterminer si les articles 29(c)(iv), (vii), (viii) et (xi) s’appliquaient.
(b) La justification et la « seule solution raisonnable »

[20] Bien que la division générale ait peut-être omis de déterminer si les articles 29(c)(iv), (vii), (viii), (ix) et (xi) de la Loi sur l’assurance-emploi s’appliquaient, le prestataire devait tout de même prouver que son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas.

[21] Le prestataire a quitté son emploi parce qu’il estimait que les conditions de travail étaient dangereuses pour sa santé ou sa sécurité, qu’il y avait une modification importante de ses fonctions, une modification importante des conditions de rémunération et excès d’heures supplémentaires. Il a déclaré que l’employeur l’avait payé en espèces pour qu’il n’y ait pas de relevé des heures de travail excédentaires. Il estimait également que les pratiques de l’employeur étaient illégales.

i. Les heures de travail

[22] Le prestataire a laissé entendre que l’employeur lui avait imposé un [traduction] « horaire dément » qui était contraire à la loi, mais il n’y a aucune preuve que la situation était devenue intolérable au point de ne plus pouvoir continuer à travailler pendant la recherche d’un autre emploi. Par exemple, il n’y avait pas de rapports médicaux ni de dossiers indiquant qu’il était incapable de continuer à travaillerNote de bas de page 3. Il y avait des bordereaux de paie démontrant que le prestataire avait travaillé le nombre d’heures ci-dessousNote de bas de page 4 :

Dates Heures régulières Heures de travail tardives
Du 10 au 23 septembre 2017 80  
Du 24 septembre au 7 octobre 2017 80 32
Du 8 au 21 octobre 2017 10 7,5

[23] Le prestataire a déclaré que travailler 48 heures par semaine était raisonnable, mais que l’employeur demandait aux employés d’excéder ce nombreNote de bas de page 5. D’après les bordereaux de paie, il est clair que le prestataire a travaillé des heures supplémentaires, mais cela ne semble pas excessif ni, d’ailleurs, bien au-delà de ce que permet la Loi sur les normes d’emploi.

[24] Le prestataire soutient que son employeur n’a pas documenté les heures supplémentaires qu’il a effectuées. L’employeur l’a niéNote de bas de page 6.

[25] La plupart des postes que le prestataire a occupés à l’Île-du-Prince-Édouard comportaient une semaine normale de travail de 48 heures, après quoi l’employé avait droit à une rémunération à taux et demi. Au lieu de payer l’employé à raison d’une heure et demie, l’employeur peut lui accorder une heure et demie de congé payé pour chaque heure supplémentaire travaillée. Mis à part l’« horaire dément », le prestataire ne laisse pas entendre qu’il y a un problème quant à l’absence de rémunération des heures supplémentaires.

[26] Même si l’employeur a omis de payer des heures supplémentaires ou autres au prestataire, ou même s’il avait un « horaire dément » comportant des heures supplémentaires que l’employeur n’a pas inscrites dans un registre, le prestataire devait quand même démontrer que son départ était la seule solution raisonnable dans son cas.

ii. La manœuvre des machines

[27] Le prestataire allègue qu’il ne se sentait pas en sécurité d’être obligé de manœuvrer des machines à l’égard desquelles il n’avait pas été formé. Pourtant, cela semble contredire quelque peu la propre déclaration du prestataire selon laquelle il y a eu une modification importante de ses fonctions et qu’il a fini par ne faire que le travail d’un ouvrier non spécialiséNote de bas de page 7, surtout en lavant des casseroles. L’employeur semble également confirmer qu’il a embauché le prestataire pour travailler comme ouvrier non spécialisé. L’employeur a également déclaré qu’une fois que le prestataire aurait commencé à travailler comme ouvrier non spécialisé, il pouvait postuler comme opérateur de machine si un poste devenait vacantNote de bas de page 8. En d’autres termes, l’employeur laisse entendre que si le prestataire venait à manœuvrer des machines, c’était parce qu’il avait choisi de le faire, et non parce que l’employeur l’y avait forcé.

[28] Même s’il y avait des conditions de sécurité dangereuses pour la santé ou la sécurité, une modification importante de ses fonctions ou une modification importante des conditions de rémunération, le prestataire devait quand même démontrer que son départ était la seule solution raisonnable dans son cas.

iii. La « seule solution raisonnable »

[29] La division générale s’est penchée sur la question de savoir si le départ était la seule solution raisonnable du prestataire. Elle a conclu que ce n’était pas le cas; il aurait pu, par exemple, conserver son emploi ou en chercher un autre avant de démissionner.

[30] La Commission fait valoir que les deux options, soit conserver son emploi ou en chercher un autre avant de démissionner, s’inscrivaient dans la gamme des issues possibles. La Commission fait remarquer que la Cour d’appel fédérale a également déclaré que la recherche d’un autre travail est une solution raisonnable et que l’insatisfaction à l’égard des conditions de travail ne constitue pas une justification pour quitter son travail. L’employé pourrait être fondé à quitter son emploi s’il était en mesure de démontrer que les conditions étaient telles qu’il n’avait d’autre choix que de démissionner et que l’employé avait tenté de corriger la situationNote de bas de page 9, mais il n’y pas une telle preuve devant la division générale.

[31] Dans l’affaire Hernandez à la Cour d’appel fédérale, le prestataire, M. Hernandez, a quitté son emploi parce qu’il craignait des conditions de travail dangereuses. Il a quitté son emploi parce qu’il estimait que c’était la seule solution raisonnable. Cependant, il a quitté son emploi sans même discuter des conditions de travail avec son employeur. Il n’a pas exploré la possibilité de modifier la nature ou les conditions de travail associées à son emploi auprès de son employeur en réponse à ses préoccupations. La Cour d’appel fédérale a conclu que « [l]a preuve matérielle au dossier ne révèle de la part [de M. Hernandez] aucun élément permettant de conclure que son départ constituait “la seule solution raisonnable dans son cas” ».

[32] Le prestataire affirme qu’il a approché tout le monde au travail, y compris le surveillant au parquet, au sujet de la sécurité et des heures supplémentaires, mais que personne ne voulait l’écouter. Toutefois, les éléments de preuve sur ces points sont contradictoires. Mis à part les éléments de preuve semblant contradictoires concernant le fait qu’il était ouvrier non spécialisé ou opérateur de machines pour lesquelles il n’avait pas été formé, l’employeur a nié les affirmations du prestataire concernant les heures supplémentaires non enregistrées. L’employeur a nié que le prestataire avait déjà exprimé des préoccupations au sujet de ses fonctions ou des heures travailléesNote de bas de page 10. Bien que l’employeur ait reconnu que des heures supplémentaires sont effectuées à l’occasion, il a fortement nié les allégations du prestataire selon lesquelles il obligeait les employés à faire des heures supplémentaires excessives ou qu’il payait pour ces heures supplémentaires en espèces. Il a aussi déclaré qu’il aurait été impossible de payer en espèces, compte tenu du système comptable de la sociétéNote de bas de page 11.

[33] Indépendamment du fait que le prestataire ait communiqué avec son employeur pour lui faire part de ses préoccupations, la démission n’était pas la seule solution raisonnable dans le cas du prestataire, puisque la division générale en a identifié d’autres. Le prestataire affirme qu’il a cherché du travail avant de démissionner, mais il n’a fourni aucune preuve de ses efforts à la division générale. Il n’y avait pas de copies justificatives de demandes d’emploi ni de documents montrant qu’il avait essayé de trouver du travail.

[34] Il n’y avait pas non plus de preuve documentaire appuyant le fait qu’il ait tenté de discuter avec son employeur pour dissiper ses préoccupations au sujet de ses conditions de travail, de la modification de ses fonctions, de toute modification des conditions de rémunération, du harcèlement, des longues heures de travail ou des pratiques de l’employeur.

[35] Bref, je ne vois aucune erreur de droit ou de fait dans l’analyse de la division générale sur la question de savoir si le prestataire avait des solutions raisonnables à sa disposition avant de quitter son emploi, compte tenu de sa situation.

[36] Le prestataire fait également valoir qu’il est jeune, qu’il ne savait pas ce qu’on attendait de lui et qu’il éprouve des difficultés financières. Par conséquent, une chance devrait lui être accordée en ne le tenant pas responsable d’un versement excédentaire important. Toutefois, je n’ai pas le pouvoir de fournir le genre de mesure réparatoire que demande le prestataire dans le cas d’un versement excédentaire. Le prestataire pourrait officiellement demander à la Commission de renoncer au remboursement du versement excédentaire ou en réduire le montant. Sinon, l’autre option du prestataire serait de présenter une demande à la Cour fédérale du Canada.

Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle omis d’observer un principe de justice naturelle en ne donnant pas au prestataire la possibilité pleine et équitable de présenter ses arguments sur la question de la justification?

[37] Le prestataire affirme que le membre de la division générale et lui ont longuement discuté avant que le membre commence à enregistrer l’audience. Le prestataire allègue que le membre de la division générale lui a dit, à titre officieux, qu’il n’était [traduction] « pas du côté [de la Commission] [...] Il est là pour aider [le prestataire] ». Le membre l’a également rassuré et lui aurait dit de ne pas s’inquiéter (de l’issue de l’instance) parce que le prestataire avait déjà donné plusieurs raisons prouvant qu’il était fondé à quitter volontairement son emploi.

[38] En raison de cette discussion officieuse, le prestataire allègue que le membre l’a induit en erreur en lui faisant croire qu’il avait déjà prouvé le bien-fondé de son recours, de sorte qu’il n’a pas senti qu’il devait dire quoi que ce soit d’autre après que le membre ait commencé à enregistrer l’audience. En fait, il a déclaré que l’audience n’a duré qu’une dizaine de minutesNote de bas de page 12, même si, plus tard, lorsqu’on lui a posé des questions à ce sujet, il a déclaré qu’il ne savait pas combien de temps l’audience avait vraiment duré. Il a déclaré : [traduction] « Je ne sais pas combien de temps cela a vraiment pris, combien de temps nous avons vraiment passé là-bas, mais mon impression est que nous avons eu une discussion plus longue et meilleure avant même de lancer l’enregistrement et de vraiment entrer dans la partie “réelle” de son travailNote de bas de page 13. »

[39] Si l’audience de la division générale a duré environ dix minutes, cela suggère que le prestataire n’a pas eu la possibilité de présenter tous ses arguments. Toutefois, l’enregistrement audio de l’audience indique qu’elle a duré près de 45 minutes, l’accent étant mis sur la question de savoir si le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi.

[40] J’estime qu’il est improbable que le membre de la division générale ait parlé avec le prestataire pendant une période approchant ou dépassant 45 minutes avant le démarrage de l’appareil d’enregistrement ou avant le début de l’audience en soi, bien que cela ne signifie pas ou ne laisse pas entendre qu’une discussion n’a pas pu avoir lieu avant le début de l’audience. Il ne fait toutefois aucun doute qu’il est tout à fait inapproprié pour un décideur de tenir une discussion de fond avec une partie avant le début d’une audience, surtout en l’absence des autres parties.

[41] Je reconnais qu’une discussion a eu lieu avant le début de l’audience, mais je rejette les affirmations du prestataire selon lesquelles la discussion a duré plus longtemps que l’audience en soi ou qu’elle a porté sur l’une ou l’autre des questions de fond. De toute évidence, le prestataire a l’impression qu’il n’a eu que très peu de temps pour présenter sa preuve et ses arguments pendant l’audience, mais après avoir écouté l’enregistrement audio de l’audience de la division générale, il est évident que l’audience a duré considérablement plus longtemps que ce dont le prestataire se souvient. Plus important encore, l’enregistrement audio révèle que le membre de la division générale a expliqué au prestataire le fardeau auquel il devait satisfaire et que le membre a donné au prestataire tout le temps dont il avait besoin pour présenter tous ses arguments de façon équitable sur la question de savoir s’il était fondé à quitter volontairement son emploi.

[42] Le prestataire fait valoir que le membre de la division générale l’a induit en erreur en lui faisant croire qu’il avait déjà prouvé le bien-fondé de son recours sur la question de la justification et qu’il n’avait donc pas à aborder la question. Je ne crois pas que ce soit le cas non plus.

[43] Au début de l’audience, le membre de la division générale a expliqué le processus et son propre rôle. Il a expliqué qu’il était indépendant et que c’était son [traduction] « rôle de jeter un nouveau regard sur la preuve et les circonstances entourant la preuve et les observations des deux parties, puis de rendre une décision équitable, impartiale et conforme à la loiNote de bas de page 14 ». Le membre a aussi expliqué les pouvoirs qu’il possède. Le membre a demandé au prestataire s’il avait des questions, mais le prestataire n’a soulevé aucune question. Le membre a invité le prestataire à témoigner et à lui fournir toute information qui pourrait être utile. Le membre a également invité le prestataire à poser des questions en tout temps.

[44] Le membre de la division générale a passé en revue l’historique des procédures. Le membre a également cerné les problèmes que le prestataire devait aborder. Le membre a passé en revue chacune des dispositions applicables en vertu de l’article 29(c) de la Loi sur l’assurance-emploi. Cette disposition donne une interprétation des situations où un prestataire est fondé à quitter volontairement un emploi.

[45] Il semble que le prestataire ait compris les problèmes à aborder ou le fardeau qu’il devait satisfaire, parce qu’il s’est concentré sur les raisons pour lesquelles il avait l’impression d’avoir été fondé à quitter son emploiNote de bas de page 15.

[46] Je ne constate pas que le membre de la division générale ait dit ou pu faire croire au prestataire qu’il agissait pour lui ou que le prestataire avait déjà prouvé le bien-fondé de son recours. Tout au long de l’audience, le membre de la division générale a déclaré qu’il ne savait pas quelle serait l’issue de l’instance et qu’il allait devoir examiner tous les éléments de preuve ainsi que la jurisprudence pertinente. Dans sa conclusion, le membre a répété qu’il ne voulait pas [traduction] « créer de faux espoirs »Note de bas de page 16 et qu’il ignorait l’issue de l’instance, puisqu’il devait examiner l’ensemble des circonstances.

[47] Dans les observations déposées après l’audition de l’appel dont je suis saisie, le prestataire a déclaré qu’il [traduction] « n’avai[t] pratiquement rien compris à la réunion et s’attendai[t] à plus d’explications de la part du [membre de la division générale] […] [Il avait] besoin de conseils et les [a] demandés à la mauvaise personne, soit un membre de la divisionNote de bas de page 17 ».

[48] Je constate que les remarques introductives et les remarques continues de la division générale tout au long de l’audience ont bien expliqué le processus et le fardeau que le prestataire devait satisfaire. Je ne vois aucune indication que le membre de la division générale a laissé entendre qu’il agissait pour le prestataire et qu’il le conseillerait. Je ne crois pas que le membre ait donné des conseils inappropriés au prestataire, ni des conseils pertinents en ce qui a trait aux problèmes soulevés par les faits de l’affaire, ni préjudiciables aux intérêts du prestataire sur les questions de fond que la division générale devait trancherNote de bas de page 18.

[49] Le prestataire laisse entendre qu’il ne savait pas ce qu’on attendait de lui, mais je vois que le prestataire a abordé la question de savoir s’il était fondé à quitter son emploi. La preuve qu’il a présentée à la division générale était conforme aux explications qu’il a données à la Commission. D’ailleurs, le prestataire a semblé fournir plus de détails à l’audience.

[50] Le prestataire fait valoir que la division générale aurait dû accepter sa preuve et ses arguments et conclure qu’il était fondé à quitter volontairement son emploi. Cela ne constitue toutefois pas une violation des principes de justice naturelle.

[51] Le prestataire me demande essentiellement de réévaluer la preuve et de trancher en sa faveur, mais ce n’est pas le rôle de la division d’appel. En outre, comme je l’ai mentionné ci-dessus, il y avait des solutions raisonnables que le prestataire aurait pu examiner avant de quitter son emploi.

Conclusion

[52] Bien que la division générale n’ait pas examiné si l’article 29(c)(ix) de la Loi sur l’assurance-emploi s’appliquait aux circonstances du prestataire, j’estime que le prestataire devait tout de même établir que son départ était la seule solution raisonnable dans son cas. La division générale s’est penchée sur cette question et a conclu qu’il y avait des solutions raisonnables dans son cas. Je ne crois pas qu’elle ait commis une erreur de droit ou qu’elle ait mal interprété ou négligé des éléments de preuve essentiels sur cette question.

[53] Le prestataire a également fait valoir que le membre de la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle en le portant faussement à croire qu’il n’avait pas à prouver le bien-fondé de son recours, pour diverses raisons. Je n’en vois aucune preuve. La division générale a décrit le fardeau auquel le prestataire devait satisfaire et elle lui a donné toute la possibilité dont il avait besoin pour de présenter ses arguments de façon équitable.

[54] Je ne vois pas non plus de preuve que le membre de la division générale a laissé entendre ou aurait pu porter le prestataire à croire que le membre agissait en son nom ou que le prestataire avait déjà prouvé le bien-fondé de son recours avant le début de l’audience. Le membre a dit clairement qu’il n’avait pas encore pris de décision et qu’il examinerait la preuve et la jurisprudence applicable.

[55] Pour ces motifs, je rejette l’appel.

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 18 juillet 2019

Téléconférence

C. M., appelant
S. Prud’Homme, représentante de l’intimée (observations écrites seulement)

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