Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Décision et motifs

Décision

[1] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

Aperçu

[2] Il s’agit d’une demande de permission d’en appeler de la décision de la division générale datée du 6 mai 2019Note de bas de page 1. Cela signifie que la demanderesse, R. S. (prestataire) doit obtenir la permission de la division d’appel avant de pouvoir procéder à la prochaine étape de l’appel.

[3] La prestataire a travaillé comme commis aux postes jusqu’en septembre 2013 et qu’elle ait été blessée dans un accident de voiture. Elle a présenté une demande de prestations de maladie de l’assurance-emploi. La défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission), a accepté sa demande et lui a versé 15 semaines de prestations de maladie du 29 décembre 2013 au 26 avril 2014. La Commission a appris par la suite que la prestataire avait reçu des paiements de son employeur entre janvier 2014 et avril 2014. La Commission a rajusté la rémunération de la prestataire, ce qui signifiait qu’elle devait rembourser des prestations d’assurance-emploi qu’elle n’aurait pas reçues autrement. La Commission lui a également imposé une pénalité et émis un avis de violation, de sorte la prestataire devra travailler plus d’heures pour être admissible aux prestations d’assurance-emploi à l’avenir.

[4] La prestataire a déjà interjeté appel de cette affaire, que j’ai accueillie et renvoyée à la division générale pour réexamen. La Commission a obtenu des renseignements supplémentaires de l’employeur. Malheureusement pour la prestataire, ces renseignements se sont avérés défavorables à sa demande à long terme puisqu’ils ont fini par augmenter le montant du trop-payé.

[5] Après une deuxième audience devant la division générale, la membre a conclu que la prestataire avait reçu des paiements supplémentaires de son employeur pendant qu’elle recevait des prestations de maladie de l’assurance-emploi. La division générale a également conclu que ces paiements supplémentaires étaient une rémunération qui devait être répartie. La répartition a entraîné un trop-payé de prestations que la prestataire doit rembourser.

[6] La prestataire soutient qu’elle n’a pas eu droit à une audience équitable devant la division générale parce qu’elle n’était pas apte à témoigner. Elle soutient aussi que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée. Elle demande que j’annule le trop-payé et les pénalités ou que je reporte l’appel jusqu’à ce qu’elle se soit remise de ses blessures et qu’elle soit apte à témoigner. Je dois décider si l’appel a une chance raisonnable de succès.

[7] Je ne suis pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès et je rejette donc la demande de permission d’en appeler.

Questions en litige

[8] Les questions que je dois trancher sont les suivantes :

Question en litige no 1 : Est-il possible de soutenir que la prestataire n’a pas eu droit à une audience équitable?

Question en litige no 2 : Est-il possible de soutenir que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance concernant la question de savoir si la prestataire est retournée au travail après son accident de voiture?  

Analyse

[9] Avant que la prestataire puisse passer à l’étape suivante de l’appel, je dois être convaincue que ses motifs d’appel relèvent d’au moins un des trois moyens d’appel énoncés à l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS). L’appel doit également avoir une chance raisonnable de succès.  

[10] Seuls trois moyens d’appel sont permis par l’article 58(1) de la LMEDS. Ces moyens sont les suivants :

(a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;

(b) la division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;

(c) la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[11] Une chance raisonnable de succès équivaut à une cause défendable en droitNote de bas de page 2. Ce critère est relativement peu exigeant, car un prestataire n’a pas à prouver le bien-fondé de ses prétentions; il doit simplement démontrer qu’il existe une cause défendable en droit. Pour l’audience de l’appel, le critère juridique est beaucoup plus rigoureux.  

Question en litige no 1 : Est-il possible de soutenir que la prestataire n’a pas eu droit à une audience équitable?

[12] La prestataire soutient que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle parce qu’elle ne lui a pas accordé une audience équitable le 15 avril 2019. La prestataire prétend qu’elle était inapte à témoigner à cette audience car elle suivait des traitements et prenait des médicamentsNote de bas de page 3. Elle prétend que la membre de la division générale aurait dû ajourner l’audience jusqu’à ce qu’elle soit guérie des blessures subies lors de l’accident d’automobile le 28 septembre 2013. Toutefois, la prestataire n’a pas demandé l’ajournement des procédures et n’a pas informé la membre de la division générale qu’elle ne serait pas apte à témoigner.

[13] La prestataire n’a pas repris le travail après son accident de voiture en raison des symptômes persistants découlant de ses diverses blessures physiques et mentales. La prestataire fait valoir qu’elle éprouve encore des pertes de mémoire et qu’elle est incapable de se concentrer sur quoi que ce soit. Bien que je sois prête à accepter que la prestataire éprouve de la douleur et des problèmes psychologiques, y compris du stress, de l’anxiété et la dépressionNote de bas de page 4, elle n’a présenté aucun avis médical confirmant que son état de santé au moment de l’audience nuisait à sa mémoire et à sa capacité de se concentrer à un point tel qu’elle était inapte à témoigner.

[14] La prestataire a présenté deux notes médicales, ainsi que la première page d’une lettre de trois pages de son assureur, datée du 8 mai 2019. La prestataire prétend que son assureur a approuvé le paiement d’une évaluation et du traitement psychologique liés aux blessures subies à la suite de l’accident de voiture. La lettre mentionne qu’un psychologue a recommandé qu’une évaluation psychologique soit réalisée et que l’assureur a autorisé le paiement de cette évaluation. On ne sait pas exactement si l’assureur a également approuvé un traitement qui découlerait de l’évaluationNote de bas de page 5. Il serait toutefois raisonnable qu’un psychologue évalue la prestataire avant de recommander un plan de thérapie.

[15] Le médecin de famille de la prestataire a déclaré ce qui suit dans une note médicale datée du 27 mai 2019 : [traduction] « La patiente souffre d’anxiété, de douleur au genou gauche, à la jambe gauche et du côté gauche du corps. La patiente prend actuellement des médicaments et utilise des services en physiothérapie, à la clinique de la douleur et en psychothérapieNote de bas de page 6 ».

[16] Le chiropraticien de la prestataire a également rédigé une note datée du 24 mai 2019. Il a écrit que la prestataire [traduction] « n’est pas retournée au travail depuis l’accident en raison de ses problèmes orthopédiques actuelsNote de bas de page 7 ».

[17] Toutefois, aucune de ces deux notes médicales ni le fait que la prestataire fera l’objet d’une évaluation psychologique n’atteste qu’elle était inapte à témoigner à l’audience de la division générale.

[18] Si, comme l’allègue la prestataire, elle était inapte à témoigner à l’audience de la division générale, elle aurait dû en informer le Tribunal de la sécurité sociale ou la membre de la division générale avant ou pendant l’audience. À la fin de l’audience de la division générale, le représentant de la prestataire a déclaré que celle-ci n’avait pas travaillé depuis son accident. Il a déclaré que [traduction] « ses jambes sont enflées, tout son corps est un peu dérégléNote de bas de page 8 », sans toutefois parler précisément de problèmes de mémoire, de concentration ou de santé mentale.

[19] Le représentant de la prestataire n’a pas mentionné que la prestataire éprouvait des problèmes de santé qui affectaient sa capacité de témoigner. La prestataire n’a soulevé aucune préoccupation concernant sa capacité de témoigner ou de comprendre les procédures ou les questions posées. La membre de la division générale a demandé à la prestataire et à son représentant s’ils y avaient des difficultés avec la présentation de leur témoignage. Ils ont tous les deux répondu qu’ils étaient prêts à témoignerNote de bas de page 9.

[20] J’ai écouté attentivement l’enregistrement audio de la décision de la division générale. J’accepte les affirmations de la prestataire selon lesquelles elle se sentait stressée, mais rien n’indique qu’elle était embrouillée ou qu’elle avait des pertes de mémoire, et qu’elle était donc inapte à témoigner. Je constate qu’elle était cohérente, organisait ses réflexions et pouvait répondre aux questions, ce qui laisse entendre qu’elle comprenait les questions posées par la membre de la division. Il est vrai que la prestataire n’a pas pu répondre à certaines questions, mais c’était en partie parce que ni elle ni son représentant n’avaient les documents au dossier avec eux à l’audience. Je ne vois aucun motif qui aurait dû amener la membre de la division générale à remettre en question l’aptitude de la prestataire à témoigner.  

[21] En fait, la prestataire n’a pas été en mesure de fournir des éléments de preuve concernant les paiements déposés directement dans son compte bancaire par son employeur simplement parce qu’elle ne vérifiait pas son compte bancaire, cette responsabilité étant celle de son conjoint. Elle a déclaré qu’elle ignorait que des paiements avaient été effectués par son employeur ou la Commission de l’assurance-emploi entre janvier et avril 2014 parce qu’ils avaient été faits directement à son compte et que son conjoint s’occupait de ses activités bancaires. Son conjoint ne lui a pas dit que des paiements avaient été effectués pendant cette période. Elle se concentrait sur sa guérison, et non sur des paiements qui auraient pu être déposés à son compte. En fait, la prestataire a déclaré que ce n’est qu’en 2017, après avoir demandé des copies de ses relevés bancaires, qu’elle a appris que son employeur avait fait ces paiementsNote de bas de page 10.

[22] La prestataire ne conteste aucun des éléments de preuve qu’elle a présentés à l’audience de la division générale. La prestataire conteste l’exactitude de l’un des deux relevés d’emploi, mais ce point n’a pas été soulevé lors de l’audience devant la division générale, et elle n’a présenté aucun élément de preuve concernant le relevé d’emploi. Plus important encore, la division générale n’a pas fondé sa décision sur le relevé d’emploi.

[23] Dans ses observations datées du 19 juin 2019, la prestataire affirme qu’elle n’est pas retournée au travail après le 28 septembre 2013, ce qui est conforme à la preuve présentée lors de l’audience devant la division générale. L’employeur a également confirmé que la prestataire n’avait pas repris le travail. La division générale a accepté ces éléments de preuve.  

[24] La division générale devait établir la nature des paiements faits par l’employeur entre janvier et avril 2014. La prestataire a affirmé avoir demandé à son employeur de préciser la raison de ces paiements, mais qu’elle n’a pas reçu de réponse. La prestataire n’avait aucun élément de preuve expliquant les paiements de l’employeur. Les seuls renseignements précis concernant ces paiements étaient ceux qui avaient été fournis par l’employeur. Certains de ces éléments de preuve étaient contradictoires, mais la division générale a expliqué pourquoi elle penchait pour les renseignements que l’employeur avait fournis à la Commission le 12 avril 2019Note de bas de page 11. Je remarque que la prestataire ne laisse pas entendre qu’elle possède d’autres renseignements ou éléments de preuve qui réfuteraient les renseignements de l’employeur concernant ces paiements.

[25] Si une nouvelle audience avait lieu à une date ultérieure, la preuve de la prestataire daterait de plus longtemps, serait probablement moins fiable et aurait probablement moins de poids simplement en raison de la longue période écoulée. Quoi qu’il en soit, la prestataire n’était pas au courant des sommes versées à son compte au début de 2014 et n’a aucun autre renseignement à donner à ce sujet. Tout élément de preuve qu’elle pourrait présenter au sujet de la nature des paiements effectués entre janvier et avril 2014 ne serait pas très utile.

[26] Compte tenu de ces facteurs, je ne suis pas convaincue qu’il est possible de soutenir que la prestataire n’a pas eu droit à une audience équitable parce qu’elle était prétendument inapte à témoigner.

Question en litige no 2 : Est-il possible de soutenir que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance sur la question de savoir si la prestataire est retournée au travail après son accident de voiture?

[27] La prestataire fait valoir que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance sur la question de savoir si la prestataire est retournée au travail après son accident de voiture. La prestataire cite le paragraphe 35 de la décision de la division générale, où il est écrit :  

[traduction]

La Commission a conclu que la prestataire avait des « semaines entières de travail » pendant certaines semaines de la période de prestations, entraînant ainsi une rémunération non déclarée et un trop-payé. Un relevé d’emploi montre que la prestataire a tenté de retourner au travail en janvier 2014. Elle n’a pas réussi, mais un relevé d’emploi distinct montre qu’elle a de nouveau tenté de retourner au travail en avril 2014. La prestataire n’a pas réussi cette autre tentative de retour et a quitté son emploi pour cause de maladie.

[28] Toutefois, selon l’employeur, la prestataire n’a pas travaillé entre le 5 janvier 2014 et le 26 avril 2014Note de bas de page 12. Autrement dit, la prestataire n’a reçu aucune rémunération d’emploi au cours de cette période pour la simple raison qu’elle n’a pas travaillé. Toutefois, elle a tout de même reçu des paiements de l’employeur. La Commission a conclu en examinant les renseignements de l’employeur que ces paiements étaient des prestations d’invalidité de courte durée et des prestations supplémentaires de chômage ou un complément pour congé de maladieNote de bas de page 13.

[29] La division générale a déclaré qu’elle acceptait l’avis de la Commission, de sorte qu’elle a conclu que tous les paiements reçus par la prestataire étaient des prestations d’invalidité de courte durée et des prestations supplémentaires de chômage. Autrement dit, elle a accepté le fait que la prestataire n’est pas retournée au travail entre le 5 janvier 2014 et le 26 avril 2014.

[30] Je ne suis pas convaincue qu’il est possible de soutenir que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée selon laquelle la prestataire était retournée au travail après son accident de voiture, parce qu’elle n’a pas tiré cette conclusion.

[31] La prestataire soutient qu’il est injuste que l’employeur ait produit deux relevés d’emploi. Bien que cela soit peut-être vrai, outre le fait que la division générale n’a fondé sa décision sur aucun des relevés d’emploi, elle avait toutefois le droit d’examiner la preuve dont elle disposait et de s’y fier, à condition d’expliquer pourquoi elle accordait plus de poids à certains éléments de preuve qu’à d’autres. En l’espèce, elle mentionne que l’employeur a produit des renseignements contradictoires. La division générale a préféré le relevé du 11 avril 2019Note de bas de page 14 parce qu’il [traduction] « est complet et explique les relevés bancaires, qui comprennent les sommes nettes versées par l’employeur à la prestataire pendant sa période de prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 15 ».

[32] Je ne suis pas convaincue qu’il est possible de soutenir que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[33] J’ai examiné le dossier sous-jacent pour m’assurer que la division générale n’a commis aucune erreur de droit ni ignoré ou mal interprété des éléments de preuve ou des arguments importants. Le résumé des faits qu’a rédigé la membre de la division générale concorde avec le dossier de preuve et son analyse est complète et détaillée. Par conséquent, je ne suis pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

[34] Je remarque que la prestataire me demande de renoncer au trop-payé et à la pénalité qu’elle doit payer. Je n’ai pas la compétence de renoncer au trop-payé ou à la pénalité. Elle devra utiliser un autre recours, le cas échéant. J’ai aussi remarqué que la Commission encourage la prestataire à lui fournir un certificat médical valide pour prouver qu’elle était malade et incapable de travailler à partir du 27 avril 2014Note de bas de page 16. De cette façon, la Commission pourrait peut-être examiner s’il est possible d’appliquer des prestations non utilisées à la réduction du montant du trop-payé. La prestataire devrait également vérifier si elle a reçu d’autres sommes (notamment des prestations d’invalidité de longue durée) de son employeur, ou une compensation pour perte de revenu provenant de sa demande d’indemnisation pour son accident de voiture. La prestataire souhaitera peut-être examiner l’offre de la Commission à cet égard.

Conclusion

[35] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

Représentants :

R. S., demanderesse
S. S., représentant de la demanderesse

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.