Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

AE – Il est établi en droit que la division générale (DG) doit tenir compte des trois critères dans l’arrêt Faucher c Canada (Emploi et Immigration), A-56-96 (Faucher) lorsqu’elle détermine si une prestataire était capable de travailler et disponible à cette fin au titre de l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’assurance-emploi – La question juridique en l’espèce est de savoir si les trois critères visent à déterminer si une prestataire est capable de travailler et disponible à cette fin ou s’ils ne sont que des facteurs pertinents à considérer – Autrement dit, une prestataire doit-elle satisfaire à chacun des critères afin d’être réputée capable de travailler et disponible à cette fin? – La division d’appel (DA) est tenue de suivre les directives de la Cour d’appel fédérale ainsi que son interprétation de Faucher, comme énoncé dans les décisions Canada (Procureur général) c Bois, 2001 CAF 175 et Canada (Procureur général) c Boland, 2004 CAF 251 – La DA a reconnu que la DG n’avait pas commis d’erreur de droit au titre de l’article 58(1)(b) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social en obligeant le prestataire à satisfaire aux trois critères de Faucher.

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] Selon le relevé d’emploi de l’appelant, D. I. (prestataire), son dernier jour de travail était le 30 avril 2018 et il a cessé de travailler pour cause de maladie ou de blessure. Le prestataire a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi. L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a déterminé qu’il n’était pas admissible au bénéfice des prestations régulières en date du 30 avril 2018, car il n’avait pas prouvé sa disponibilité pour travailler.

[3] Lorsque le prestataire a demandé une révision, la Commission a maintenu sa décision originale. Le prestataire a interjeté appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale, mais celle-ci a rejeté son appel. Il interjette maintenant appel devant le Tribunal d’appel.

[4] La demande est rejetée. La division générale n’a commis aucune erreur au titre de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) en concluant que le prestataire n’était pas disponible pour travailler selon l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’assurance‑emploi (Loi sur l’AE) et qu’il n’était donc pas admissible au bénéfice des prestations.

Questions en litige

[5] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en appliquant incorrectement le critère, la menant conclure que le prestataire n’avait pas la capacité de travailler et n’était pas disponible à cette fin?

[6] La division générale a-t-elle manqué à un principe de justice naturelle ou commis une erreur relative à sa compétence?

[7] La division générale a-t-elle fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée selon laquelle le prestataire ne manifestait pas son désir de travailler en déployant les efforts pour trouver un emploi convenable?

Analyse

[8] La division d’appel peut intervenir dans une décision de la division générale seulement si elle peut conclure que la division générale a commis l’un des types d’erreurs nommés « moyens d’appel » à l’article 58(1) de la Loi sur le MEDS.

[9] Les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en appliquant incorrectement le critère, la menant à conclure que le prestataire n’avait pas la capacité de travailler et n’était pas disponible à cette fin?

[10] L’article 18(1)(a) de la Loi sur l’AE énonce que la partie prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations si elle ne peut prouver sa capacité de travailler et sa disponibilité à cette fin, ainsi que son incapacité à obtenir un emploi convenable.

[11] La permission d’en appeler a été accordée sur le fondement que la division générale avait pu appliquer incorrectement le critère juridique. Il est de droit constant que la division générale doit tenir compte des trois facteurs énoncés dans la décision Faucher lorsqu’elle détermine si une partie prestataire était capable de travailler et disponible à cette fin selon l’article 18(1)(a). La question juridique en l’espèce est de déterminer si les trois facteurs constituent les critères permettant de décider si une partie prestataire est capable de travailler et disponible à cette fin, ou s’ils représentent seulement des facteurs pertinents à considérer. Autrement dit, une partie prestataire doit-elle satisfaire à chacun des facteurs afin d’être considéré comme capable de travailler et disponible à cette fin?

[12] Il ne fait nul doute que la division générale a tenu compte des trois facteurs de Faucher et elle a conclu que le prestataire avait satisfait à deux d’entre eux. La division générale a tranché la question sur le fondement selon lequel le prestataire ne satisfaisait pas à l’un des trois facteurs; il n’avait pas manifesté le désir de retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable lui avait été offert en déployant des efforts pour trouver un emploi convenable.

[13] Comme il a été souligné dans la décision relative à la permission d’en appeler, la décision Faucher ne définissait pas les trois facteurs comme étant des critères, mais exigeait seulement que les trois facteurs soient pris en compte. En fait, selon Faucher, le juge-arbitre et le conseil arbitral (les premiers niveaux d’appel du processus précédent) avaient tranché la question sur un fondement trop étroit lorsqu’ils ont conclu que le prestataire n’avait pas la capacité de travailler conformément à l’un des trois facteurs seulement. La décision Faucher énonce ce qui suit :

Or, il appert, à la lecture des motifs de décision du Conseil arbitral comme du juge-arbitre, que seul le troisième élément a vraiment joué, éclipsant les deux autres, ce qui a conduit à une conclusion qui paraît sans correspondance véritable avec la situation dégagée de l’ensemble des circonstances.

[...] Nous ne croyons pas que la conclusion d’indisponibilité puisse se dégager d’une base aussi restreinte [...]

Dans Faucher, l’omission du prestataire de satisfaire à l’un des facteurs n’a pas été décisive.

[14] La Commission a adopté la position selon laquelle une partie prestataire doit satisfaire à tous les facteurs afin de prouver sa disponibilité. Elle a cité Canada (Procureur général) c BoisNote de bas de page 1 et Canada (Procureur général) c BolandNote de bas de page 2.Ces deux arrêts de la Cour d’appel fédérale ont tenu compte et ont appliqué Faucher. Dans Bois, on décrit les facteurs de Faucher comme étant un ensemble de critères auxquels une partie prestataire doit satisfaire. Dans Boland, la Cour a décrit les facteurs comme étant des critères obligatoires, lesquels doivent tous être remplis.

[15] Je trouve l’argument de la Commission convaincant. Je suis tenu de suivre les traces de la Cour d’appel fédérale et de son interprétation de Faucher, comme cela s’est manifesté dans Bois et Borland. J’accepte l’idée selon laquelle la division générale n’a pas commis une erreur de droit au titre de l’article 58(1)(b) de la Loi sur le MEDS en exigeant que le prestataire satisfasse à tous les facteurs énoncés dans Faucher.

Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle manqué à un principe de justice naturelle ou commis une erreur relative à sa compétence?

[16] Lorsque le prestataire a rempli sa demande de permission d’en appeler, il a sélectionné le moyen d’appel relatif à l’article 58(1)(a). Cependant, durant l’audience devant la division d’appel, il n’a pas soutenu qu’une erreur relative à la justice naturelle ou à la compétence avait été commise.

[17] La justice naturelle se rapporte à l’équité du processus et comprend les garanties procédurales telles que le droit d’avoir un décideur impartial et le droit des parties d’être entendues et de connaître les arguments avancés contre elles. Le prestataire n’a pas contesté le caractère adéquat de l’avis d’audience de la division générale, l’échange ou la divulgation des documents avant l’audience, le déroulement de l’audience devant la division générale, sa compréhension du processus ou l’une ou l’autre des actions ou processus qui aurait pu avoir une incidence sur son droit d’être entendu ou de répondre aux arguments avancés contre lui. Il n’a pas non plus laissé croire que le membre de la division générale avait fait preuve de partialité ou qu’il avait préjugé l’affaire.

[18] Par conséquent, il n’est pas défendable que la division générale a erré au titre de l’article 58(1)(a) de la Loi sur le MEDS en manquant à un principe de justice naturelle.

[19] La division générale a examiné la seule question qui est ressortie de la décision découlant de la révision qui lui a été présentée, soit la question de déterminer si le prestataire devait être exclu du bénéfice des prestations parce qu’il n’était pas capable de travailler ou disponible à cette fin. Aucune erreur de compétence n’est apparente sur la foi du dossier et le prestataire n’a pas relevé d’erreur relative à la compétence.

[20] La division générale n’a pas erré au titre de l’article 58(1)(a) de la Loi sur le MEDS en excédant sa compétence ou en refusant de l’exercer.

Question en litige no 3 : La division générale a-t-elle fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée selon laquelle le prestataire ne manifestait pas son désir de travailler en déployant les efforts pour trouver un emploi convenable?

[21] Le prestataire a soutenu que la division générale n’avait pas tenu compte de sa santé et de sa situation financière.

[22] La décision de la division générale repose sur ses conclusions selon lesquelles le prestataire n’avait pas manifesté son désir de retourner au travail en déployant des efforts pour trouver un emploi. Avant de tirer cette conclusion, la division générale a examiné minutieusement les éléments de preuve relatifs aux efforts déployés dans la recherche d’emploi du prestataire. Le prestataire n’a pas laissé entendre que la division générale avait mal interprété ou ignoré la preuve concernant cette recherche d’emploi.

[23] La division générale a également examiné la façon dont l’état de santé du prestataire avait eu une incidence sur sa capacité de travailler et sa capacité de chercher du travail, et elle a constaté qu’il n’avait pas les moyens de prendre l’autobus ou d’imprimer des curriculum vitae, et qu’il avait seulement accès à l’Internet sans fil là où c’était gratuit. Le prestataire n’a pas souligné d’erreur dans le résumé que la division générale a présenté de son état de santé ou de sa situation financière.

[24] Je reconnais que le prestataire estime que la division générale n’a pas accordé assez d’importance à sa santé et à sa situation financière. Toutefois, je ne peux pas intervenir dans une décision de la division générale parce que le prestataire conteste la façon dont la division générale a analysé ou soupesé la preuve, ou conteste ses conclusionsNote de bas de page 3.

[25] La division générale a apprécié la preuve du prestataire et a déterminé qu’il n’avait pas manifesté son désir de retourner au travail au moyen d’une recherche d’emploi suffisante. La division générale a accepté que le prestataire voulait travailler et a admis qu’il ne pouvait être blâmé pour son état physique ou les limites que son état imposait à sa recherche d’emploi. Elle a aussi compris que la situation financière du prestataire avait également une incidence sur sa capacité à chercher du travail. Cependant, la preuve selon laquelle le prestataire devait surmonter des obstacles pour effectuer sa recherche d’emploi et travailler ne l’a pas aidé à démontrer qu’il était capable de travailler et disponible à cette fin.

[26] Le prestataire n’a pas établi qu’une erreur avait été commise dans la façon dont la division générale a conclu que le prestataire n’avait pas prouvé qu’il était capable de travailler et disponible pour le faire au titre de l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’AE.

[27] La division générale n’a pas fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, au titre de l’article 58(1)(c) de la Loi sur le MEDS.

Conclusion

[28] L’appel est rejeté.

[29] Le prestataire avait demandé des prestations régulières d’AE. Je ne pouvais pas conseiller le prestataire, mais je l’ai informé durant l’audience qu’une partie prestataire qui n’est pas disponible pour travailler pour cause de maladie ou de blessure peut toujours être admissible à certaines prestations au titre de l’article 58(1)(b) de la Loi sur l’AE. J’ai fait remarquer qu’il ne semblait pas que la Commission ait rendu une décision pour déterminer s’il pouvait être admissible au bénéfice de ces prestations. La Commission a mentionné que le prestataire pourrait vouloir obtenir un certificat médical et présenter une demande de prestations de maladie de l’assurance-emploi à la Commission.

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 13 août 2019

Téléconférence

D. I., appelant
Angele Fricker, représentante de l’intimée

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