Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli.

Aperçu

[2] Le prestataire travaillait pour X. Il devait se rendre par avion à son lieu de travail, situé en région éloignée. Il travaillait à cet endroit pendant plusieurs semaines et il obtenait des congés pour qu’il puisse retourner chez lui.

[3] Le prestataire retournait au travail après un congé approuvé. Pendant qu’il attendait son vol à l’aéroport, le prestataire a consommé de l’alcool avec certains de ses collègues de travail. Le prestataire s’est vu interdire de monter à bord de l’avion par l’agent à la porte d’embarquement de la compagnie aérienne.

[4] Le lendemain, le prestataire a communiqué avec le gestionnaire des ressources humaines de X pour l’aviser que l’embarquement lui avait été refusé. Le prestataire a tenté de prendre de nouvelles dispositions pour le voyage par avion afin de retourner à temps pour faire son quart de travail. Son employeur l’a cependant informé qu’il avait été congédié.

[5] La Commission a exclu le prestataire du bénéfice des prestations, ayant décidé qu’il avait abandonné son poste et quitté volontairement son emploi sans justification. La Commission a tiré cette conclusion en se fondant sur une clause de démission implicite prévue dans la convention collective de l’employeur.

[6] Le prestataire a interjeté appel de cette décision au Tribunal de la sécurité sociale.

Questions préliminaires

[7] À la fin de l’audience, la représentante du prestataire a informé le Tribunal qu’elle présenterait des observations écrites. La représentante n’a toutefois pas présenté d’observations écrites, de sorte que le Tribunal a rendu sa décision en se fondant sur les observations orales de la représentante.

Questions en litige

Première question en litige : Comment l’emploi du prestataire a-t-il pris fin?

Deuxième question en litige : Si le prestataire a quitté volontairement son emploi, était-il fondé à le faire parce que son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas?

Troisième question en litige : Si le prestataire a été congédié, ses actes constituaient-ils une inconduite?

Analyse

[8] Même si les concepts de « départ volontaire sans justification » et de « congédiement pour inconduite » sont des concepts distincts selon la Loi sur l’assurance‑emploi (Loi sur l’AE), ils ont tous les deux pour effet d’exclure un prestataire du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi. En effet, la perte d’emploi est, dans les deux cas, attribuable à des actes délibérés du prestataireNote de bas de page 1. Ainsi, seule une perte d’emploi qui est involontaire est assurée par le régime d’assurance‑emploi.

[9] Un prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 2. Un prestataire démontre qu’il était fondé à quitter volontairement son emploi s’il prouve que son départ était la seule solution raisonnable dans son cas, compte tenu de toutes les circonstancesNote de bas de page 3. La Commission doit d’abord prouver que le départ était volontaire, puis c’est au prestataire qu’il incombe de prouver qu’il était fondé à quitter son emploiNote de bas de page 4.

[10] Un prestataire est également exclu du bénéfice des prestations s’il perd son emploi en raison de son inconduite. Il y a inconduite lorsque le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite entravait l’exécution de ses obligations et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédiéNote de bas de page 5.

[11] La Commission a imposé une exclusion au prestataire parce qu’il avait quitté volontairement son emploi. La Commission a également fait valoir que, peu importe si le prestataire a quitté volontairement son emploi ou a été congédié, il devrait être exclu du bénéfice des prestations.

[12] Le prestataire a soutenu qu’il n’avait pas quitté volontairement son emploi, mais plutôt que son employeur l’avait congédié. Il a fait valoir que sa conduite n’équivalait pas à une inconduite au sens de la Loi sur l’AE.

[13] Je dois d’abord déterminer la façon dont l’emploi du prestataire a pris fin.

Première question en litige : Comment l’emploi du prestataire a-t-il pris fin?

[14] Je conclus que le prestataire a été congédié et qu’il n’a pas quitté volontairement son emploi.

[15] Le prestataire a déclaré que, le 24 mai 2018, il retournait au travail après un congé approuvé. Plusieurs collègues de travail et lui ont pris des consommations au bar de l’aéroport en attendant leur vol de retour à leur lieu de travail. Le prestataire a déclaré que l’agent de la compagnie aérienne lui a refusé l’embarquement. Le lendemain matin, il a communiqué avec le gestionnaire des ressources humaines pour réserver un autre vol vers le lieu de travail. La déclaration de l’employeur confirme que le prestataire et le gestionnaire des ressources humaines se sont entretenus après que le prestataire s’est vu interdire de monter à bord. Le prestataire a déclaré que le gestionnaire des ressources humaines l’a informé qu’il était congédié.

[16] La Commission a fait valoir que le prestataire avait quitté volontairement son emploi. La Commission s’est fondée sur l’article 19.2.2 de la convention collective à l’appui de sa position. L’article en question prévoit que l’employé qui ne retourne pas au travail à une date précise après un congé pour isolement [traduction] « est réputé avoir démissionné, sauf si l’employé informe l’entrepreneur à la première occasion qu’il est retenu en cours de route en raison de l’absence d’un moyen de transport et s’il en fournit la preuve à la demande de l’entrepreneur […] » La Commission s’est également appuyée sur le relevé d’emploi délivré par l’employeur, qui montre que le prestataire a démissionné.

[17] Le prestataire a fait valoir qu’il n’avait pas quitté volontairement son emploi. Il a soutenu qu’il n’avait pas démissionné et qu’il aurait pu être au travail à temps pour son quart si son employeur ne lui avait pas dit qu’il avait été congédié. Le prestataire a fait valoir que, selon la convention collective, l’employé est réputé avoir démissionné seulement s’il omet de communiquer avec l’employeur pour expliquer la raison pour laquelle il a été retenu en cours de route.

[18] Lors de l’analyse des circonstances entourant la façon dont s’est terminée la relation d’emploi, il est important de considérer qui a mis fin à la relation. Même si le prestataire a raté son vol, il a communiqué avec le gestionnaire des ressources humaines et a tenté de prendre des dispositions pour réserver un autre vol afin de se présenter à temps pour son quart de travail. Pour cette raison, je conclus qu’il ne s’agit pas d’une situation où le prestataire a mis fin à la relation d’emploi et démissionné de son emploi.

[19] J’accepte également le témoignage du prestataire selon lequel il a été congédié au téléphone par le gestionnaire des ressources humaines. Le prestataire a fourni un témoignage crédible et honnête au cours de l’audience. Il a toujours affirmé à la Commission qu’il n’avait pas démissionné.

[20] De ce fait, je conclus que la Commission n’a pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, que le prestataire a quitté volontairement son emploi. Au contraire, la preuve montre que le prestataire a tenté de retourner à temps pour son quart de travail, mais qu’il a été congédié par son employeur. Pour cette raison, j’estime que l’employeur a mis fin à la relation d’emploi.

Deuxième question en litige : Si le prestataire a quitté volontairement son emploi, était-il fondé à le faire parce que son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas?

[21] Compte tenu de ma conclusion sur la première question en litige, je ne donnerai pas suite à cette question.

Troisième question en litige : Si le prestataire a été congédié, ses actes constituaient-ils une inconduite?

[22] Je conclus que les actes du prestataire ne constituaient pas une inconduite au sens de la Loi sur l’AE.

[23] Le prestataire a déclaré que, en novembre 2017, un test de dépistage a révélé qu’il avait fait usage de cocaïne pendant qu’il était sur le lieu de travail. Il s’est inscrit à un programme de réadaptation pour alcooliques ou toxicomanes parrainé par l’employeur. En février 2018, le prestataire a signé une liste de vérification pour le retour au travail et a accepté de se conformer au protocole de retour au travail concernant la consommation de drogues et d’alcool. Le prestataire a déclaré qu’il avait suivi le programme de réadaptation en bonne et due forme. Il a déclaré qu’il se soumettait à des tests aléatoires de dépistage de drogues et qu’il devait s’abstenir de consommer toute drogue interdite mentionnée dans les normes sur les drogues et l’alcool. Le prestataire a déclaré qu’il n’avait jamais été tenu de s’abstenir de consommer de l’alcool hors du lieu de travail, et qu’il n’avait jamais consommé d’alcool pendant qu’il se trouvait sur le lieu de travail. Le prestataire a affirmé que la personne qui le parrainait dans le cadre du suivi après traitement savait qu’il consommait de l’alcool. Le prestataire a déclaré qu’il ne s’attendait jamais à être congédié pour avoir consommé de l’alcool hors du lieu de travail, et pensait que, lorsqu’il a communiqué avec le gestionnaire des ressources humaines, il prendrait simplement des dispositions pour un autre vol.

[24] La Commission a soutenu que les actes du prestataire constituaient une inconduite parce qu’il avait sciemment violé une entente de retour au travail. La Commission a soutenu que, selon l’entente, le prestataire devait s’abstenir de consommer des drogues et de l’alcool dans le cadre de l’entente. Par conséquent, les actes délibérés du prestataire (la consommation d’alcool) lui ont fait rater son vol et un quart de travail prévu. La Commission a déclaré que le prestataire savait ou aurait dû savoir que le fait de consommer de l’alcool et de rater son vol mettrait probablement son emploi en danger.

[25] Le prestataire a fait valoir qu’il ne savait pas et ne pouvait pas savoir que la consommation d’alcool entraînerait son congédiement.

[26] Je conclus que le prestataire a été congédié parce qu’il a consommé de l’alcool et qu’il a raté son vol. L’employeur a également déclaré à la Commission que la relation d’emploi avait pris fin parce que le prestataire ne s’est pas présenté au travail en raison de sa propre négligence. Le prestataire a reconnu ouvertement au cours de l’audience qu’il avait bu avec des collègues, et qu’il n’était pas retourné au lieu de travail à bord de son vol prévu.

[27] Même si le prestataire a bu avant le vol, j’accepte sa position selon laquelle il ne savait pas et ne pouvait pas savoir que sa conduite mènerait à son congédiement.

[28] J’accepte la déclaration du prestataire selon laquelle le protocole de retour au travail ne l’obligeait pas à cesser de consommer de l’alcool. Son témoignage était transparent et honnête quant à sa compréhension des exigences relatives à son retour au travail. De plus, le document de retour au travail indique que le prestataire doit [traduction] « s’abstenir de consommer toute drogue interdite […] » et mentionne un [traduction] « dépistage aléatoire de drogues pour une période de 12 mois ». Il n’est pas question de s’abstenir de consommer de l’alcool dans le protocole de retour au travail ni dans la liste de vérification pour le retour au travail. La seule mention d’une exigence relative à l’alcool était que le prestataire participe à un groupe de soutien (Alcooliques Anonymes, Narcotiques Anonymes et Cocaïnomanes Anonymes). Le prestataire a expliqué qu’il s’agissait d’un groupe d’entraide général pour les personnes ayant différents types de dépendances, et qu’il ne ciblait pas les problèmes de dépendance à l’alcool en particulier. Par conséquent, je n’accepte pas la déclaration de l’employeur selon laquelle le prestataire devait s’abstenir de consommer de l’alcool pendant au moins 12 mois.

[29] Même si je reconnaissais le fait que le prestataire a enfreint les conditions de son protocole de retour au travail en consommant de l’alcool, ni le protocole de retour au travail ni la liste de vérification pour le retour au travail ne comporte de clause de la dernière chance. Par conséquent, le prestataire ne savait pas ou ne pouvait pas savoir qu’un manquement au protocole entraînerait son congédiement.

[30] De plus, l’employeur a déclaré à la Commission qu’il n’avait pas de politique sur les drogues et l’alcool et qu’il suivait les lignes directrices d’un autre employeur. Par conséquent, je conclus qu’aucune politique n’était en place selon laquelle le prestataire serait congédié pour avoir consommé de l’alcool hors du lieu de travail. Je conclus également que le prestataire n’a pas été averti verbalement ou par écrit qu’il serait congédié s’il consommait de l’alcool. L’employeur a corroboré le témoignage du prestataire selon lequel il n’a fait l’objet d’aucune mesure disciplinaire progressive ni d’aucun avertissement concernant la consommation d’alcool. En l’absence d’une politique de tolérance zéro claire visant ce type de conduite en dehors du travail, je conclus que le prestataire ne savait pas qu’il serait congédié pour avoir consommé de l’alcool.

[31] Je note également que le prestataire avait consommé de l’alcool en compagnie de collègues de travail. Ils retournaient tous au travail à bord du même avion. Les collègues du prestataire ont consommé de l’alcool et sont retournés au travail, alors que le prestataire ne l’a pas fait.

[32] Même si le prestataire a raté son vol, j’accepte sa position selon laquelle il ne savait pas et ne pouvait pas savoir que sa conduite mènerait à son congédiement. Le prestataire a déclaré qu’il avait déjà raté deux vols par le passé. Dans les deux cas, il a déclaré qu’il avait été en mesure de réserver un autre vol à ses propres frais.

[33] Lorsque j’ai demandé au prestataire ce qui était censé se passer à son avis lorsqu’il a communiqué avec le gestionnaire des ressources humaines après avoir raté son vol, il a répondu qu’il pensait qu’il allait réserver un autre vol à ses propres frais. J’accepte le témoignage du prestataire parce qu’il s’appuyait sur ce qui s’était passé les fois antérieures où il avait raté ses vols.

[34] Enfin, la convention collective ne mentionne pas explicitement que la relation d’emploi prend fin lorsque l’employé ne retourne pas au travail à la date précisée à la suite d’un congé approuvé. La disposition prévue à la convention collective est nuancée. Elle précise que, lorsque l’employé ne retourne pas au travail à temps après un congé, il peut fournir une justification à l’employeur.

[35] Par conséquent, je conclus que la Commission n’a pas prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que le prestataire savait ou aurait dû savoir qu’il serait vraisemblablement congédié en raison de sa conduite.

Conclusion

[36] L’appel est accueilli.

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions:

Le 20 août 2019

Vidéoconférence

W. R., appelant
Sandra Guevara Holguin, représentante de l’appelant

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