Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. L’appelante (prestataire) n’est pas admissible au bénéfice des prestations parce qu’elle n’a pas démontré qu’elle avait été fondée à choisir de quitter son emploi. Les motifs ci-dessous expliquent pourquoi.

Aperçu

[1] La prestataire a travaillé comme caissière dans une banque à charte. Elle a démissionné de son emploi le 8 avril 2019, après que son employeur lui a envoyé une lettre qui, selon elle, allait à l’encontre des droits de la personne.

[2] La prestataire a décrit à la Commission les incidents, dont la réaction de sa superviseure aux efforts qu’elle a déployés pour organiser ses documents de travail et son tiroir-caisse, une dispute sur la question de distribuer des calendriers aux clients, le fait qu’elle était assignée à travailler dans le bureau à l’arrière, une dispute au sujet de ses initiatives pour donner un coup de main aux autres caissiers, ainsi qu’une dispute au sujet des directives de sa superviseure pour encaisser incorrectement un chèque postdaté.

[3] La Commission a déterminé que la prestataire n’avait pas été fondée à quitter son emploi. La prestataire affirme qu’elle avait été fondée à démissionner en raison du harcèlement et de la discrimination qu’elle subissait de sa superviseure, et du refus de la gestion de gérer la situation. La Commission a maintenu sa décision après révision. La prestataire a interjeté appel devant le Tribunal.

Question en litige

[4] Je dois trancher les questions suivantes :

  1. La prestataire a-t-elle quitté volontairement son emploi?
  2. Si telle est le cas, est-ce que les circonstances entourant le harcèlement provenant de sa gestionnaire démontrent qu’elle avait été fondée au titre de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE) à choisir de quitter son emploi?

Analyse

[5] L’assurance-emploi verse des prestations aux personnes qui sont involontairement séparées de leur emploi et qui sont sans travailNote de bas de page 1. La Commission exclut une partie prestataire du bénéfice des prestations si elle est incapable de démontrer qu’elle était fondée à choisir de quitter son emploiNote de bas de page 2. En l’espèce, la prestataire affirme qu’elle avait été fondée à choisir de quitter son emploi.

[6] La Commission doit prouver que la prestataire aurait pu conserver son emploi, mais qu’elle a choisi de le quitter. Si je conclus que la Commission s’est acquittée de cette obligation, la prestataire doit alors prouver qu’elle avait été fondée à choisir de quitter son emploiNote de bas de page 3.

La prestataire a choisi de quitter volontairement son emploi

[7] La prestataire n’a pas contesté le fait qu’elle avait choisi de démissionner après que son employeur lui a envoyé une lettre dans laquelle il énonçait certaines attentes en matière de rendement. Par conséquent, j’estime que la prestataire a choisi de quitter son emploi.

La prestataire n’était pas fondée à quitter son emploi

[8] Une partie prestataire est fondée à quitter volontairement son emploi si, compte tenu de toutes les circonstances, il est plus probable qu’improbable que son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas Note de bas de page 4.

[9] La Loi sur l’AE dresse la liste des circonstances dont moi et d’autres décideurs devons tenir compte au moment de déterminer si une partie prestataire avait une justificationNote de bas de page 5. La liste n’est pas définitive, alors je dois soupeser toutes les circonstances de l’appelante pour déterminer si elle a démontré qu’elle avait une justificationNote de bas de page 6. La prestataire doit prouver que l’ensemble de ses circonstances, qu’elles figurent dans la liste ou non, montrent qu’il est plus probable que le contraire qu’elle n’avait eu aucune autre solution raisonnable que celle de quitter son emploiNote de bas de page 7.

[10] L’une des circonstances énumérées dans la Loi sur l’AE est le harcèlement au travailNote de bas de page 8, et une autre des circonstances est « des relations conflictuelles », dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un superviseurNote de bas de page 9. Dans ce contexte, les relations conflictuelles sont définies comme une forme d’hostilité ou une attitude qu’on ne peut déceler au cours d’un seul incident ou d’une seule dispute.

[11] Sans plus d’information, le fait que la prestataire avait fait l’objet de harcèlement en milieu de travail ou avait une relation conflictuelle avec sa superviseure ne justifiait pas le fait qu’elle ait quitté son emploi. Elle doit démontrer que, compte tenu de toutes les circonstances, y compris ces circonstances, elle n’avait pas d’autre choix que de quitter son emploi au moment où elle l’a fait Note de bas de page 10.

[12] Au moment d’évaluer si la prestataire avait établi qu’elle avait été fondée à quitter son emploi, les décideurs peuvent uniquement tenir compte des circonstances qui existaient au moment où la prestataire a quitté son emploiNote de bas de page 11.

[13] La prestataire a signalé plusieurs incidents où sa superviseure, K., l’a harcelée.

  • En septembre 2018, K. a critiqué la prestataire pour avoir pris des mesures supplémentaires au moment de traiter les paiements d’électricité et de gaz afin de vérifier qu’elle entrait correctement les nombres des comptes des clients plutôt que de se fier au processus de vérification automatique de la banque;
  • En octobre 2018, K. a critiqué la prestataire devant les autres employés parce qu’elle gigotait alors qu’elle organisait des papiers sur son bureau. La prestataire a déclaré qu’elle avait discuté de cet incident avec le directeur de la succursale, qui s’est excusé au nom de K.;
  • En octobre 2018, K. s’est offusquée du fait que la prestataire comptait l’argent de son tiroir-caisse avant la fin de la journée;
  • Le 29 octobre 2018, K. a retiré du bac de recyclage des papiers que la prestataire avait jetés. La prestataire a dit que K. avait fait cela pour vérifier manuellement des transactions plutôt que de se fier aux systèmes automatisés de la banque;
  • Vers la fin de 2018, la banque a donné au personnel des calendriers à distribuer aux clients. La prestataire a affirmé qu’elle avait compris que les calendriers devaient être donnés à tous les clients. Elle a dit que K. l’a prise à partie et lui a dit de seulement donner des calendriers aux clients qui le demandent. Elle a également dit que K. avait signalé l’incident au directeur du service à la clientèle qui a dit à la prestataire de seulement donner des calendriers aux clients qui le demandent;
  • Le 28 décembre 2019, la prestataire a affirmé que K. s’était fâchée contre elle lorsqu’elle avait découvert qu’elle servait des clients au comptoir durant une période achalandée plutôt que de travailler dans le bureau à l’arrière. Elle a déclaré que K. l’avait critiqué pour avoir quitté le bureau à l’arrière et avait insisté pour qu’elle y retourne après avoir expliqué qu’elle avait besoin d’avoir accès à l’ordinateur pour effectuer une partie du travail assigné. De plus, au cours de la période où on lui avait assigné du travail dans le bureau à l’arrière, elle continuait de donner un coup de main aux autres caissiers lorsqu’ils prenaient des pauses. La prestataire a déclaré que c’était une pratique normale dans la succursale de faire cela. Elle a affirmé que K. insistait pour qu’elle reste dans le bureau à l’arrière lorsqu’elle tentait de prêter main-forte aux autres caissiers même si cela faisait en sorte qu’il n’y avait plus de caissier de présent au comptoir à l’avant.

[14] La prestataire a dit que K. avait été impolie et irrespectueuse lors de ces interactions.

[15] La prestataire a soulevé ces enjeux en cours avec le directeur du service à la clientèle vers la fin du mois de décembre 2018. Le 16 janvier 2019, le directeur de la succursale a convoqué une réunion de médiation avec K. et la prestataire. La prestataire a décrit les séances comme ayant été inutiles. Elle a dit que peu de choses ont changé dans l’attitude de K. envers elle après la médiation.

[16] Le 22 mars 2019, l’un des collègues de la prestataire a accepté et encaissé un chèque, et lui a demandé de le traiter. Lorsque la prestataire a commencé à traiter le chèque, elle a noté que celui-ci était postdaté au 26 avril 2019. Elle a dit à son collègue qu’elle ne pouvait pas traiter ce chèque à moins que la date soit changée au 22 mars 2019.

[17] La prestataire a déclaré que K. est intervenue et avait insisté pour qu’elle traite le chèque. La prestataire a dit qu’elle avait fait remarquer à K. que les règles de compensation interdisaient l’encaissement de chèques postdatés. Elle a dit que K. avait continué d’insister pour que la prestataire traite le chèque, et qu’elle avait continué à refuser, car elle ne voulait pas que l’on consigne à son dossier qu’elle avait été l’employé responsable de la transaction non conforme. La prestataire a déclaré qu’un autre caissier avait éventuellement accepté de traiter le chèque, et que la journée suivante, la succursale avait reçu un message du système de compensation au sujet de la transaction.

[18] Le 29 mars 2019, l’employeur a envoyé une lettre à la prestataire, mentionnant qu’elle ne satisfaisait pas à leurs attentes. La lettre indiquait que la banque exigeait qu’elle accepte de l’encadrement, qu’elle reçoive les critiques constructives sans être sur la défensive et qu’elle accomplisse son travail rapidement et efficacement. La lettre indiquait aussi que la prestataire devait concevoir un plan d’action pour corriger ces problèmes, et que celui-ci devait être terminé au plus tard le 5 avril 2019. La prestataire a décidé de ne pas concevoir de plan d’action, et le 8 avril 2019, elle a remis sa démission prenant effet le 9 avril 2019.

[19] La Commission a communiqué avec l’employeur pour lui demander davantage de renseignements au sujet de la démission de la prestataire. L’employeur a dit à l’agent qu’ [traduction] « il y a eu des problèmes de rendement avant sa démission, lesquels avaient été abordés par le gestionnaire de la prestataire ». Les notes de l’agent indiquent que l’employeur avait refusé de [traduction] « divulguer tous autres détails concernant la raison pour laquelle la prestataire avait quitté volontairement son emploi ».

[20] Le refus de l’employeur de fournir des détails fait en sorte que je dois évaluer les interactions entre la prestataire et sa superviseure en me fondant sur le témoignage de la prestataire. La preuve de la prestataire démontre qu’elle avait pris des initiatives, comme la prise de mesures supplémentaires pour organiser son espace de travail et vérifier l’exactitude des transactions, qui dépassaient de temps en temps les attentes de l’employeur. Sa preuve démontre que K. était impolie et irrespectueuse lorsque cela se produisait.

[21] Il ressort clairement de la preuve de la prestataire qu’elle s’est sentie vexée et humiliée par les gestes de K., mais je ne suis pas convaincue du fait que les gestions de K. portaient atteinte à la dignité de la prestataire au degré requis pour que cela soit considéré comme du harcèlement.

[22] La preuve de la prestataire démontre également un certain niveau de relation conflictuelle entre elle et K. Chaque situation conflictuelle décrite par la prestataire a été déclenchée lorsque la prestataire a fait quelque chose qui a poussé K. à la corriger ou lorsque la prestataire effectuait des tâches que K. estimait non nécessaires. Par conséquent, je conclus que la relation conflictuelle était le résultat des gestes de la prestataire, bien que je crois que la prestataire a agi ainsi de bonne foi, croyant qu’elle s’acquittait de ses tâches avec diligence.

[23] Il ressort clairement de la lettre de l’employeur datée du 29 mars 2019 que K, sa superviseure immédiate, n’était pas la seule qui estimait que la prestataire ne satisfaisait pas aux attentes de son employeur. Cette lettre était signée par le directeur de la succursale et indiquait que la prestataire devait être plus ouverte à l’idée d’accepter de l’encadrement et du soutien, doit être moins sur la défensive au moment de recevoir de la rétroaction constructive et doit terminer son travail de manière efficace.

[24] La Commission reconnait que la prestataire estimait qu’elle se faisait harceler par sa superviseure, K. La Commission reconnait également que la prestataire trouvait que sa situation au travail était difficile et déplaisante. Elle affirme que les problèmes entre la prestataire et K. sont survenus en raison de sa réaction aux directives que K. lui donnait dans le cadre de son rôle de supervision. La Commission soutient que les circonstances de la prestataire n’étaient pas intolérables au point qu’elles démontraient qu’elle avait été fondée à quitter son emploi.

[25] Je dois déterminer s’il est plus probable qu’improbable que la seule solution raisonnable qui s’offrait à la prestataire était de quitter son emploiNote de bas de page 12.

[26] Je ne suis pas convaincu du fait que la conduite de K. constituait du harcèlement ou une relation conflictuelle justifiant la décision de la prestataire de démissionner. J’estime qu’au moment où l’employeur de la prestataire lui a envoyé la lettre datée du 29 mars 2019, elle avait la solution raisonnable de concevoir le plan d’action requis pour se réconcilier avec K. tout en se cherchant une occasion d’emploi ailleurs. La prestataire a affirmé que ses circonstances le 8 avril 2019 ne l’ont pas mené à faire de compromis en ce qui a trait à sa santé physique ou mentale. Pour cette raison, je suis convaincu que la prestataire aurait pu tolérer le comportement offensif de K. si elle avait continué d’agir ainsi après le 8 avril 2019 pendant qu’elle se cherche un nouvel emploi.

[27] La prestataire a soutenu que la lettre de l’employeur datée du 29 mars 2019 allait à l’encontre des droits de la personne en l’exposant constamment au risque d’être congédiée. Dans la Loi sur l’AE, la discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne constitue l’une des circonstances énumérées dont les décideurs doivent tenir compte au moment d’évaluer si une personne prestataire avait été fondée à quitter son emploiNote de bas de page 13.

[28] La prestataire n’a pas apporté de précisions à ce sujet ou soulevé la disposition de la Loi canadienne sur les droits de la personne que son employeur a enfreinte en envoyant la lettre datée du 29 mars 2019. De plus, la prestataire n’a pas soulevé d’éléments de preuve établissant de quelle façon la lettre est discriminatoire envers elle et d’une manière interdite par la Loi canadienne sur les droits de la personne. Sans ses éléments de preuve, je ne peux pas considérer cette discrimination présumée comme étant une circonstance qui pourrait établir que la prestataire était fondée à quitter son emploi.

Conclusion

[29] L’appel est rejeté.

Date de l’audience :

Le 20 août 2019

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions:

M. M, appelante

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.