Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté. L’appelante n’a pas prouvé que la mise en cause, B. B. (B. B.), a perdu son emploi en raison de son inconduite.

Aperçu

[2] B. B. a demandé des prestations d’assurance-emploi (AE) et une période de prestations a été établie à son profit à compter du 1er mai 2016. Le 8 juin 2016, l’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, l’a exclue du bénéfice des prestations d’AE parce qu’elle a conclu qu’elle avait perdu son emploi de préposée au nettoyage au X de l’appelante en raison de son inconduite. B. B. a demandé à la Commission de réviser sa décision, affirmant que son employeur l’avait congédiée injustement après une discussion animée au téléphone concernant le fait qu’elle s’était absentée du travail pour un rendez-vous médical de dernière minute. L’appelante a soutenu que B. B. avait été congédiée en raison de nombreuses infractions aux politiques en milieu de travail, y compris pour avoir fumé dans le véhicule de l’entreprise, avoir refusé de porter l’uniforme de l’entreprise et avoir fait du ménage pour des clients privés comme emploi secondaire. La Commission a tranché en faveur de B. B. et a annulé l’exclusion imposée relativement à sa demande.

[3] L’appelante a fait appel de la décision à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale et B. B. a été mise en cause dans l’appel. L’appel de l’appelante a été rejeté par le Tribunal le 28 mai 2017.

[4] L’appelante a ensuite fait appel de la décision du 28 mai 2017 à la division d’appel du Tribunal. Dans sa décision rendue le 23 mai 2018, la division d’appel a accueilli l’appel de l’appelante et a renvoyé l’affaire à la division générale pour une nouvelle audience devant un membre différent du Tribunal.

Questions préliminaires

[5] La membre a convoqué un certain nombre de conférences préparatoires, avant et pendant la nouvelle audience, dans le but de gérer les procédures acrimonieuses, la preuve volumineuse présentée (tant documentaire que les témoignages), et les problèmes d’horaire posés par les longs témoignages oraux, les multiples témoins et les changements d’avocat en cours de route.

[6] La nouvelle audience s’est tenue par téléconférence. Elle s’est déroulée en plusieurs séances sur une période de 12 mois et a comporté environ 12 heures de témoignages enregistrés et d’observations. L’appelante était représentée par des avocats lors de toutes les séances, mais elle a changé d’avocat à trois reprises au cours de l’instance. B. B. s’est représentée elle-même tout au long du processus.

Question en litige

[7] B. B. devrait-elle être exclue du bénéfice des prestations d’AE pour la demande qui a été établie à son profit à partir du 1er mai 2016 parce qu’elle a perdu son emploi chez X en raison de son inconduite?

Analyse

[8] L’article 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE) prévoit qu’une partie prestataire qui perd son emploi en raison de son inconduite est exclue du bénéfice des prestations.

[9] Dans la présente affaire, il incombe à l’appelante en tant qu’employeur de prouver selon la prépondérance des probabilités que B. B. a perdu son emploi en raison de son inconduite (Larivee A-473-06, Falardeau A-396-85). Pour ce faire, le Tribunal doit être convaincu que l’inconduite était le motif et non l’excuse du congédiement, et pour satisfaire à cette exigence, il doit arriver à une conclusion de fait après avoir examiné attentivement tous les éléments de preuve (Bartone A-369-88; Davlut A-241-82).

[10] Pour prouver que B. B. a perdu son emploi en raison de son inconduite, il faut démontrer qu’elle a été congédiée parce qu’elle s’est comportée autrement que de la façon dont elle aurait dû se comporter et que sa conduite était volontaire, délibérée ou si insouciante qu’elle frôlait le caractère volontaire (Eden A-402-96). Pour qu’un geste soit qualifié d’inconduite, il faut aussi démontrer que B. B. savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’elle soit congédiée (Lassonde A-213-09, Mishibinijima A-85-06, Hastings A-592-06, Lock 2003 CAF 262).

[11] La Cour d’appel fédérale a établi dans Macdonald A-152-96 que le Tribunal doit déterminer la cause réelle du congédiement de B. B. et s’il s’agit d’une inconduite au titre de l’article 30 de la Loi sur l’AE.

Première question en litige : Quelle est la conduite qui a entraîné le congédiement de B. B.?

[12] À la première étape de l’analyse, le Tribunal doit déterminer quand et pourquoi B. B. a perdu son emploi auprès de l’appelante.

Quand B. B. a-t-elle été congédiée?

[13] Le 2 mai 2016, E. W. a signé et émis un relevé d’emploi (RE) pour le congédiement de B. B. (page GD3-17).

[14] Le RE indiquait le 2 mai 2016 comme étant le dernier jour d’emploi rémunéré de B. B. (case 11) et comportait les commentaires suivants :

[traduction]

« Cette employée a été congédiée pour un motif valable, mais en raison de ses nombreuses années de service, j’espère qu’elle recevra des prestations d’AE. Elle mérite des prestations d’AE. »

[15] Le 8 juin 2016, E. W. a fourni une chronologie des événements à la Commission (voir les pages GD3-100 et GD3-101). Selon cette chronologie, le mardi 26 avril 2016, B. B. a envoyé un message texte à E. W. pour lui dire qu’elle ne pouvait pas travailler parce qu’elle avait un rendez-vous. E. W. a répondu deux fois par message texte pour lui dire qu’il n’y avait pas de problème et lui souhaiter bonne chance. Plus tard ce jour-là, B. B. a menacé E. W. à plusieurs reprises, affirmant qu’elle l’avait congédiée elle et sa collègue. E. W. a écrit ce qui suit :

[traduction]

« Je n’ai congédié ni l’une ni l’autre avant jeudi soir. »

Le Tribunal présume que la référence au [traduction] « jeudi soir » signifie le jeudi 28 avril 2016.

E. W. a plus tard informé la Commission que c’est le [traduction] « jeudi soir » qu’elle avait décidé qu’il était temps [traduction] « d’aller de l’avant avec le congédiement » (page GD3-107).

[16] E. W. a également fourni à la Commission une note résumant une réunion du personnel qui a eu lieu le 2 mai 2016 (page GD3-95). Selon cette note, le [traduction] « troisième point » de cette réunion était de discuter avec les employés de l’interdiction de solliciter des clients privés pour du ménage, et des allégations selon lesquelles B. B. [traduction] « sollicitait notre client X en raison du ralentissement de l’économie ».

[17] Lors de sa première entrevue avec la Commission le 1er juin 2016, B. B. a décrit la réunion du personnel « du lundi » – le Tribunal note que le 2 mai 2016 était un lundi – et a dit que c’était pendant cette réunion qu’E. W. l’avait congédiée (page GD3‑104). Cela concorde avec le RE produit par E. W. le 2 mai 2016 à la suite du congédiement.

[18] B. B. a demandé des prestations d’AE le 4 mai 2016 et a donné le 2 mai 2016 comme date de son congédiement.

[19] Le Tribunal n’accorde aucun poids à la date du 7 mai 2016 figurant dans la lettre de congédiement qui se trouve aux pages GD3-98 et GD3-99. Ce document présente en détail les motifs invoqués par l’appelante pour congédier B. B. (plus de détails sont donnés ci-dessous), mais il a manifestement été préparé après le congédiement. B. B. avait déjà demandé des prestations d’AE le 4 mai 2016 en raison de son congédiement le 2 mai 2016, et la lettre de congédiement du 7 mai 2016 comprend une réfutation de la plainte relative aux normes du travail déposée par B. B. après son congédiement.

[20] Le Tribunal conclut que B. B. a été congédiée le 2 mai 2016. Cette date est cohérente avec la préparation et l’émission du RE par l’appelante à la suite du congédiement, la demande de prestations d’AE de B. B. et les déclarations faites à la Commission par E. W. et B. B. Elle est également cohérente avec la date de cessation d’emploi mentionnée par les parties dans l’instance devant la Commission des normes du travail (voir la décision à la page RGD3-6).

Pourquoi B. B. a-t-elle été congédiée le 2 mai 2016?

[21] L’appelante soutient que B. B. a été congédiée pour un « motif valable » après avoir enfreint trois politiques en milieu de travail, à savoir :

  1. B. B. a fumé dans le véhicule de l’entreprise, en contravention de son contrat de travail et de la politique en milieu de travail;
  2. B. B. a refusé de porter l’uniforme de X, comme l’exigent son contrat de travail et la politique en milieu de travail;
  3. B. B. a fait du ménage pour des clients privés, en contravention de son contrat de travail.

[22] Le Tribunal examinera chacun de ces motifs un à un.

L’usage du tabac dans le véhicule de l’entreprise

[23] L’appelante a mis à la disposition des employés, dont B. B., un véhicule de l’entreprise avec le logo de X pour se rendre chez les clients faire du ménage. Il était interdit de fumer dans tous les véhicules de l’entreprise. Cette politique en milieu de travail était clairement énoncée dans le contrat de travail initial de l’appelante signé le 24 mars 2013 (pages RGD3-50 et RGD3‑51) et des notes aux employés (pages RGD3-24, RGD3-30 et RGD3‑32). Cette politique a aussi été confirmée par un employé qui a écrit une lettre de recommandation pour E. W. dans le présent appel (page RGD3-39).

[24] B B. a dit à la Commission qu’elle n’avait jamais fumé dans le véhicule, mais qu’elle avait [traduction] « fumé avec la portière ouverte » (page GD3-105). Cela concorde avec la déclaration d’une collègue fournie par l’appelante, qui a dit qu’elle l’avait vue fumer une cigarette dans un véhicule de X [traduction] « assise dans le véhicule avec la portière ouverte » (page RGD3-60). B. B. a également dit à la Commission qu’elle avait déjà dû payer pour faire [traduction] « nettoyer l’intérieur » de son véhicule, mais que c’était [traduction] « il y a longtemps » (page GD3-105).

[25] Lors de l’entrevue du 22 juin 2016 faisant suite à la demande de révision, E. W. a dit à la Commission que le fait que B. B. avait fumé dans le véhicule de l’entreprise n’avait eu aucune incidence sur sa décision de la congédier. Elle a ajouté que la seule raison du congédiement était que B. B. fournissait des services de ménage à des clients privés et sollicitait les clients de X (page GD3-115).

[26] Toutefois, dans son témoignage devant le Tribunal le 18 décembre 2018, E. W. a déclaré qu’elle considérait que la règle interdisant de fumer dans un véhicule de l’entreprise était [traduction] « une règle fondamentale » parce qu’il s’agissait d’une question de santé et de sécurité et qu’elle pouvait être [traduction] « poursuivie » si elle n’offrait pas un environnement sans fumée à ses employés.

[27] E. W. a aussi ajouté ce qui suit :

  • D’autres employés lui disaient que B. B. fumait dans le véhicule de l’entreprise. Lorsqu’elle recevait ces [traduction] « plaintes », elle allait voir par elle-même et [traduction] « sentait le véhicule », faisait faire le nettoyage intérieur et affectait l’employé non fumeur à un autre véhicule.
  • Le 30 mai 2013, elle a demandé à tous les employés de signer un document dans lequel ils s’engageaient à rembourser jusqu’à 350 $ en frais de nettoyage intérieur s’ils se faisaient prendre à fumer dans un véhicule de l’entreprise (page RGD3‑32). E. W. a déclaré qu’elle avait [traduction] « demandé à tout le monde de signer ce document », mais que la politique n’avait pas été appliquée.
  • La signature de B. B. est sur ce document.
  • Le 29 octobre 2014, elle a publié une note (page RGD 3-24) sur les inspections et la propreté des véhicules en réponse au fait que les employés fumaient à l’intérieur des véhicules. La note se lit comme suit :
  • [traduction]

    « À compter de maintenant, les véhicules de l’entreprise seront inspectés tous les jours. Le fait de ne pas maintenir le véhicule propre et sécuritaire pour le travail entraînera des mesures disciplinaires ou le congédiement. »
  • Une collègue a fourni une déclaration écrite selon laquelle elle a vu B. B. fumer dans les véhicules de X (page RGD3-56). Une autre collègue a fourni une déclaration écrite selon laquelle B. B. avait été [traduction] « prise à fumer dans le véhicule de l’entreprise à plusieurs reprises » (page RGD3-61).
  • Elle [traduction] « devait toujours parler » à B. B. et l’avertir de ne pas fumer dans le véhicule de l’entreprise.
  • Le 3 mars 2016, elle a envoyé un avertissement écrit à B. B. pour avoir fumé dans le véhicule de l’entreprise. Celui-ci devait être une forme de [traduction] « mesure disciplinaire progressive », de sorte que la prochaine fois que cela se produirait, l’appelante [traduction] « aurait un motif pour la congédier ».

[28] L’appelante a fourni trois factures pour le nettoyage intérieur de véhicules de l’entreprise avec des notes manuscrites indiquant qu’il s’agissait du [traduction] « véhicule de B. B. » ou de la « Honda de B. B. ». Ces trois factures sont datées du 5 mai 2014 (page RGD3-88), du 26 juillet 2014 (page RGD3-90) et du 15 mars 2016 (page RGD3-86). L’appelante a également fourni des factures pour le nettoyage intérieur de véhicules d’autres employés.

[29] La lettre disciplinaire envoyée à B. B. le 3 mars 2016 (page RGD3-168) précisait que l’intérieur du véhicule devait être nettoyé parce qu’elle y avait fumé. Le Tribunal souligne que la facture du 15 mars 2016 correspond probablement à cette lettre.

[30] Toutefois, le Tribunal note également que la lettre disciplinaire ne précise pas que les frais de nettoyage seraient déduits de la paie de B. B. ou que d’autres conséquences découleraient du fait que l’employeur avait appris que B. B. avait fumé dans le véhicule de l’entreprise. La lettre ne fait pas non plus référence aux avertissements verbaux précédents dont E. W. a parlé dans son témoignage. Elle ne mentionne pas non plus le fait qu’une infraction à la politique pourrait entraîner d’autres mesures disciplinaires ou le congédiement. Il est difficile de voir comment cela équivaut à des mesures disciplinaires progressives étant donné que la lettre ne contient pas de telles déclarations.

[31] Lors de son contre-interrogatoire d’E. W., B. B. lui a demandé comment elle pouvait être si certaine que c’était elle qui fumait dans le véhicule, d’autant plus que ses collègues fumaient et que c’est eux qui ramenaient le véhicule chez eux le soir. E. W. a répondu en faisant référence aux plaintes qu’elle avait reçues de la part d’autres collègues.

[32] Dans son témoignage, B. B. a dit ce qui suit :

  • Elle ne conduisait jamais le véhicule de l’entreprise, donc elle ne le ramenait jamais chez elle. Ses collègues fumaient dans le véhicule de l’entreprise. C’est aussi eux qui conduisaient le véhicule et le ramenaient chez eux le soir.
  • Elle-même fumait, mais elle n’était pas [traduction] « techniquement » dans le véhicule de l’entreprise lorsqu’elle fumait parce que [traduction] « tout [s]on corps était à l’extérieur du véhicule et seulement [s]es fesses étaient sur le siège ».

[33] B. B. a fourni une déclaration écrite d’une collègue selon laquelle lorsque E. W. [traduction] « a décidé de congédier B. B., elle se plaignait du fait que cette dernière fumait dans les véhicules de l’entreprise, même si elle nous avait dit que nous pouvions le faire » (page RGD21-3). Une autre déclaration écrite d’une autre collègue précise qu’E. W. laissait certaines personnes fumer dans les véhicules, mais pas d’autres (page RGD21-11).

[34] B. B. a également fourni une déclaration écrite d’une autre collègue niant le fait que B. B. et elle fumaient dans le véhicule de l’entreprise. Selon la déclaration, E. W. les accusaient de fumer dans le véhicule et leur disaient que l’intérieur de leur véhicule devait être nettoyé [traduction] « chaque semaine » (page RGD21-7).

[35] En contre-interrogatoire, B. B. n’a pas contesté avoir signé la lettre disciplinaire ou avoir lu la note du 29 octobre 2014 concernant la propreté et les inspections des véhicules. Elle a dit qu’elle était au courant de la politique de l’appelante concernant l’interdiction de fumer dans les véhicules de l’entreprise. Elle savait aussi que le non-respect de cette politique pouvait entraîner son congédiement.

[36] Le Tribunal conclut que B. B. était au courant de l’interdiction de fumer dans les véhicules de l’entreprise de l’appelante.

[37] Le Tribunal conclut également que B. B. a enfreint cette politique en fumant dans le véhicule de l’entreprise. Même si elle a peut-être essayé de minimiser l’effet de ses cigarettes en les tenant à l’extérieur de la portière du véhicule, cette formalité ne change rien au fait qu’elle était assise dans celui-ci lorsqu’elle fumait.

[38] Toutefois, le Tribunal estime que cette infraction à la politique en milieu de travail n’était pas la cause principale du congédiement de B. B. le 2 mai 2019. Il s’agissait plutôt d’une infraction continue qui n’a suscité que de faibles avertissements verbaux jusqu’à la lettre disciplinaire du 3 mars 2016. En signant la lettre disciplinaire, B. B. a reconnu que le fait de fumer contrevenait à son contrat de travail et a déclaré qu’elle [traduction] « ne fumerait plus dans le véhicule à l’avenir ».

[39] La formulation concernant le congédiement dans la note du 29 octobre 2014 doit être prise en compte dans le contexte de la tolérance continue dont l’employeur a fait preuve à l’égard de la conduite de B. B. Il n’y a aucune preuve convaincante que B. B. avait des raisons de croire qu’il était réellement possible qu’elle perde son emploi pour avoir enfreint la politique de l’appelante sur l’interdiction de fumer.

[40] Rien n’indique non plus qu’elle a fumé dans un véhicule de l’entreprise après que la lettre disciplinaire du 3 mars 2016 lui a été remise.

[41] Le Tribunal ne tire aucune conclusion quant à savoir si l’appelante avait un motif valable pour congédier B. B. parce qu’elle avait enfreint la politique sur l’interdiction de fumer.

[42] Le Tribunal estime toutefois que le fait que B. B. ait enfreint cette politique n’était pas la raison pour laquelle elle a été congédiée le 2 mai 2016. C’était une excuse.

Refus de porter l’uniforme de l’entreprise X

[43] L’appelante a fourni aux employés, dont B. B., des uniformes avec le logo de X à porter pendant qu’ils faisaient du ménage. Les employés devaient porter leur uniforme avec le logo de X au travail. Cette politique en milieu de travail était clairement énoncée dans le contrat d’emploi initial de l’appelante (pages RGD3-50 et RGD3-51) et a été confirmée dans un certain nombre de déclarations écrites d’autres employées fournies par l’appelante (voir les exemples aux pages RGD3-40 et RGD3-42). Une note a également été envoyée aux employés le 3 novembre 2014 (page RGD3-25). L’appelante y précisait expressément qu’il fallait porter les chemises d’uniforme avec le logo de X tous les jours et que le non-respect de cette règle [traduction] « entraînerait des mesures disciplinaires et un congédiement pour un motif valable » (page RGD3‑25).

[44] B. B. a dit à la Commission qu’elle avait un tablier avec le logo de X et qu’elle l’avait toujours porté (page GD3-105).

[45] Lors de l’entrevue du 22 juin 2016 faisant suite à la demande de révision, E. W. a dit à la Commission que le fait que B. B. ne portait pas l’uniforme de l’entreprise n’avait eu aucune incidence sur sa décision de la congédier. Elle a ajouté que la seule raison du congédiement était que B. B. fournissait des services de ménage à des clients privés et sollicitait les clients de X (page GD3-115).

[46] Toutefois, dans son témoignage devant le Tribunal le 18 décembre 2018, E. W. a déclaré que le port de l’uniforme de X était une exigence importante qui devait être appliquée parce que l’appelante exploitait un X et que le franchiseur [traduction] « l’évaluait » quant au respect de leurs règles concernant les uniformes et les fournitures de nettoyage. L’appelante a acheté des chemises d’uniforme et s’attendait à ce que tous les employés les portent de façon à ce que le logo de X soit visible pendant qu’ils étaient au travail.

[47] E. W. a ajouté ce qui suit :

  • L’uniforme se compose d’un t-shirt rose avec le logo de X de couleur marine. L’uniforme est incomplet si l’employé ne porte pas la chemise de X.
  • Elle a personnellement effectué des [traduction] « vérifications ponctuelles » et a constaté que B. B. ne portait pas la chemise d’uniforme. E. W. a déclaré :
  • [traduction]

    « J’ai essayé de lui faire porter l’uniforme et je l’ai suivie de maison en maison pendant deux jours de suite. Elle l’enfilait, puis quand j’arrivais à la maison suivante, elle l’avait déjà enlevé. »
  • Elle a même acheté une chemise d’uniforme à encolure en V de X que B. B a personnellement approuvé. Toutefois, B. B. [traduction] « ne la portait toujours pas ».
  • Elle a commandé diverses chemises d’uniforme pour répondre aux plaintes de B. B. Des exemples de factures pour ces achats figurent aux pages RGD3-92 à RGD3-99. En trois ans, elle a dépensé 375 $ pour de nouvelles chemises pour B. B., et lorsqu’elle achetait de nouvelles chemises pour B. B., elle devait faire la même chose pour les 30 employés.
  • Il y a un bon de commande annulé pour des débardeurs de X à la page RGD3-99, qu’elle a annulé parce qu’il a été placé par B. B. sans son autorisation.
  • Les autres employés venaient lui dire que B. B. ne portait pas l’uniforme. Certains d’entre eux ont fourni des déclarations écrites au sujet du fait que B. B. ne portait pas son uniforme au travail (voir les exemples aux pages RGD3-56 à RGD3-58).

[48] Lors de son contre-interrogatoire d’E. W., B. B. lui a demandé si elle l’avait déjà vue porter le tablier de X au travail. E. W. a répondu qu’elle ne s’en souvenait pas.

[49] Lorsque le Tribunal a demandé pourquoi B. B. n’avait pas été congédiée pour son refus répété de porter l’uniforme de l’employeur, E. W. a répondu qu’elle ne voulait pas congédier B. B. parce que cette dernière [traduction] « subvenait aux besoins de sa fille en tant que mère célibataire » et qu’elle [traduction] « se présentait au travail ». Elle a aussi dit que B. B. n’avait pas cessé de lui promettre de changer.

[50] Emily Nolan, une témoin de l’appelante, a dit le 18 décembre 2018 que B. B. ne portait [traduction] « souvent » aucun vêtement de X lorsqu’elles se rendaient au bureau à domicile d’E. W. pour recevoir leur travail pour la journée.

[51] B. B. a déclaré qu’elle portait le tablier avec le logo de X [traduction] « chaque jour » qu’elle travaillait, mais qu’elle ne portait pas toujours la chemise avec le logo de X. B. B. a ajouté ce qui suit :

  • Elle n’était pas la seule employée de l’appelante à ne pas porter les chemises d’uniforme de X.
  • Elle portait [traduction] « des débardeurs et le tablier » parce que [traduction] « on transpire en faisant du travail physique ».
  • Les chemises d’uniforme fournies par l’appelante étaient des [traduction] « chemises à col » ou avaient des manches et étaient faites de [traduction] « matériel épais », qui était trop chaud, surtout en été.
  • E. W. a accepté de commander des débardeurs avec le logo de X, conformément au bon de commande qui figure à la page RGD3-99. E. W. a plus tard annulé la commande, et d’autres personnes étaient également mécontentes.
  • Elle n’a jamais rien commandé sans autorisation et conteste la version des faits d’E. W. concernant la commande de débardeurs.
  • Le port du tablier de X était [traduction] « suffisant » pour que les clients puissent l’identifier comme une employée de X.
  • Les règles [traduction] « se sont assouplies » avec le temps, comme le démontre le fait que certaines personnes ont été embauchées et n’ont même jamais reçu de chemise d’uniforme ou de tablier.

[52] B. B. a fourni un certain nombre de déclarations écrites de personnes qui ont travaillé avec elle. L’une d’entre elles a affirmé que B. B. portait toujours son tablier de X (page RGD21‑7). Une autre a déclaré qu’on lui a dit qu’il n’y avait pas d’uniforme lorsqu’elle a été embauchée par l’appelante. Elle avait demandé à B. B. pourquoi elle avait un tablier de X et on lui avait répondu [traduction] « Emily n’en donne plus » (page RGD21-9). Une autre a dit qu’E. W. savait que cette autre employée ne portait pas son uniforme, qu’elle n’avait jamais appliqué la politique concernant le port de chemises d’uniforme et qu’elle n’en avait jamais fait [traduction] « de cas » (page RGD21‑12).

[53] En contre-interrogatoire, B. B. n’a pas contesté le fait que la chemise avec le logo de X faisait partie de l’uniforme. Elle a déclaré qu’elle portait toujours le tablier de X, mais a admis qu’elle ne portait pas toujours la chemise rose. Elle a également admis qu’E. W. avait commandé d’autres chemises d’uniforme pour tenter de répondre aux préoccupations relatives à la [traduction] « sueur », mais que le problème était toujours présent. E. W. avait alors accepté de commander des débardeurs.

[54] Le Tribunal estime que B. B. savait que la politique de l’appelante en matière d’uniforme exigeait qu’elle porte une chemise avec le logo de X lorsqu’elle était au travail.

[55] Le Tribunal estime également qu’elle a enfreint cette politique en refusant régulièrement de porter la chemise d’uniforme. Même si elle croyait peut-être que le tablier de X était suffisant pour l’identifier auprès des clients de l’appelante, cette formalité ne change rien au fait qu’elle n’a pas respecté la politique de l’employeur en matière d’uniforme si elle ne portait pas également la chemise d’uniforme avec le logo de X.

[56] Toutefois, le Tribunal conclut que cette infraction à la politique en milieu de travail n’était pas la cause principale du congédiement de B. B. le 2 mai 2019. Il s’agissait plutôt d’une infraction continue dont l’employeur était au courant et qu’elle était disposée à tolérer. Il n’y a pas de preuve que B. B. a fait l’objet de mesures disciplinaires pour avoir refusé de porter la chemise d’uniforme. En fait, les efforts continus et les dépenses de l’appelante pour trouver une chemise d’uniforme qui conviendrait à B. B. pour le travail physique de nettoyage sont davantage une tentative de l’employeur de régler une question valide soulevée par une employée appréciée qu’une infraction qui pourrait entraîner son congédiement.

[57] La formulation concernant le congédiement dans la note du 3 novembre 2014 doit être prise en compte dans le contexte de la tolérance continue dont l’employeur a fait preuve à l’égard de la conduite de B. B. et des efforts qu’elle a déployés pour trouver de nouvelles chemises d’uniforme. Il n’y a aucune preuve convaincante que B. B. avait des raisons de croire qu’il était réellement possible qu’elle perde son emploi pour avoir enfreint la politique de l’appelante sur le port de l’uniforme.

[58] Le Tribunal ne tire aucune conclusion quant à savoir si l’appelante avait un motif valable pour congédier B. B. parce qu’elle avait enfreint la politique sur le port d’uniforme.

[59] Le Tribunal estime toutefois que le fait que B. B. ait enfreint cette politique n’était pas la raison pour laquelle elle a été congédiée le 2 mai 2016. C’était une excuse.

Ménage pour les clients privés

[60] Le contrat de travail initial signé le 24 mars 2013 (page RGD3-50) précisait que B. B. devait se consacrer à temps plein à l’exercice de ses fonctions (paragraphe 1), ne devait pas [traduction] « solliciter les clients de l’employeur à quelque fin que ce soit » (paragraphe 7) et ne devait pas [traduction] « livrer concurrence dans la même industrie pendant une période de cinq ans après la cessation de l’emploi » (paragraphe 8).

[61] L’appelante a fourni de nombreuses déclarations écrites d’employés actuels et d’anciens employés, dont certains étaient d’anciens collègues de B. B. Selon ces déclarations, l’appelante avait une politique en milieu de travail bien connue interdisant aux employés de lui faire concurrence ou de lui voler des clients (voir les exemples aux pages RGD3-61, RGD3-40 et RGD3-43). La politique interdisait également aux employés de faire du ménage pour des clients privés comme emploi secondaire (voir les exemples aux pages RGD3‑39, RGD3-41 et RGD3‑45).

[62] Dans sa demande de prestations d’AE, B. B. a nié qu’elle faisait du ménage pour arrondir ses fins de mois (page GD3-11), mais a par la suite dit à la Commission qu’elle avait fait du ménage pour X (X) pendant deux ans comme emploi secondaire, et qu’E. W. le savait depuis un an et demi (page GD3-105).

[63] Le 26 mai 2016, E. W. a dit à la Commission que la principale raison du congédiement était que B. B. sollicitait des clients et utilisait les fournitures de l’entreprise pour son propre travail (page GD3-21). Elle a remis à la Commission une copie de la lettre de congédiement du 7 mai 2016, dans laquelle on pouvait notamment lire ce qui suit :

[traduction]

« Les paragraphes 1, 7 et 8 traitent de vos responsabilités en tant qu’employée chez X. Vous devez vous consacrer pleinement à l’entreprise X et ne pas solliciter de clients, etc. Vous n’avez pas respecté cette partie du contrat à plusieurs reprises. Vous faites du ménage pour des clients privés qui n’est pas prévu dans votre contrat. Ceci a été porté à mon attention il y a environ un an et demi par une employée en sous-traitance qui a estimé que la question devait être réglée immédiatement. À ce moment-là, on vous a avisé verbalement d’arrêter de faire du ménage pour des clients privés à l’extérieur de X pour X. Non seulement cela ne s’est pas produit, mais vous avez récemment sollicité notre client X le 27 avril (paragraphe 7) à X heure. En raison de la situation économique, nous ne pouvons plus ignorer votre comportement, car il représente une menace pour l’entreprise et tous les autres employés. Comme il a été mentionné précédemment, on vous a avisé verbalement de cesser de faire du ménage qui n’est pas prévu dans votre contrat et que cela constituait une infraction susceptible d’entraîner votre congédiement. On vous a dit que si j’apprenais que vous continuiez à le faire, vous seriez congédié pour un motif valable. » (pages GD3-98 et GD3-118)

[64] L’appelante a également fourni une note décrivant ce dont il avait été question à la réunion du personnel du 2 mai 2016, dont voici un extrait :

[traduction]

« Le troisième point de la réunion, la raison pour laquelle elle a été convoquée, était de discuter de la partie de votre contrat traitant de la sollicitation de clients privés pour du ménage. Au cours de la réunion, nous avons discuté du fait que B. B. a sollicité notre client X en raison du ralentissement de l’économie. Nous avons clairement affirmé qu’il s’agissait d’une infraction pouvant entraîner un congédiement pour un motif valable. » (page GD3-95)

[65] Dans son entrevue du 22 juin 2016 faisant suite à la demande de révision (page GD3‑115), E. W. a dit à la Commission que la seule raison pour laquelle B. B. avait été congédiée était qu’elle avait sollicité des clients de X et qu’elle avait fait du ménage pour des clients privés comme emploi secondaire au cours de la dernière année. Elle a également dit qu’aucun autre problème ou événement n’avait joué un rôle dans la décision de la congédier.

[66] L’agent de la Commission a noté ce qui suit au sujet de l’entrevue :

[traduction]

« E. W. a dit qu’elle savait depuis un an que la prestataire travaillait comme préposée au nettoyage pour des clients privés pour arrondir ses fins de mois. Elle lui a parlé à plusieurs reprises pour lui demander d’arrêter. Pas plus tard que le lundi 2 mai, les membres du personnel ont été informés pendant la réunion qu’ils n’étaient pas autorisés à solliciter les clients de X conformément à leur contrat de travail. E. W. a dit que lorsqu’elle a reçu la confirmation le jeudi 5 mai d’un client de X, X, que la prestataire continuait de travailler comme préposée au nettoyage pour des clients privés, elle l’a immédiatement appelé et congédiée. » (page GD3-115)

[67] E. W. a dit à la Commission que X n’avait jamais été un client de X, mais qu’ils lui ont fourni une lettre prouvant que B. B. travaillait comme préposée au nettoyage en dehors de son emploi chez X (voir les pages GD3-269 et GD3-209).

[68] Lors de son entrevue faisant suite à sa demande de révision (page GD3-270), B. B. a dit à la Commission qu’elle n’avait jamais sollicité un client de X pour obtenir du travail, mais qu’elle avait fourni des services de nettoyage à des clients privés à l’occasion. B. B. a expliqué que le fait de fournir des services de nettoyage à des clients qui n’étaient pas clients de X ne constituait pas une violation de son contrat de travail.

[69] E. W. a fait les déclarations suivantes :

  • Lors de l’entrevue d’emploi de B. B., elle lui a demandé si elle faisait du ménage pour des clients privés. B. B. a répondu non.
  • Elle n’aurait pas embauché B. B. si elle avait su qu’elle faisait du ménage pour des clients privés, car il s’agit d’un conflit d’intérêts. Si un employé fait du ménage pour des clients privés, il est en concurrence avec l’appelante. Elle a expliqué cela très clairement à B. B. et à tous les employés qu’elle a embauchés; et ils savaient tous qu’ils seraient congédiés s’ils faisaient du ménage pour des clients privés.
  • Elle a également révisé la disposition du contrat de travail (page RGD 3-50) relative à la non-sollicitation des clients de X et a demandé à B. B. d’apposer ses initiales au paragraphe 7.
  • Un véhicule de l’entreprise est mis à la disposition des employés et ils sont autorisés à l’utiliser à des fins personnelles, sauf pour faire du ménage pour des clients privés.
  • Elle a demandé à B. B. de signer un nouveau contrat de travail le 11 février 2014 (pages RGD3‑52 et RGD3-53) parce qu’elle soupçonnait qu’elle faisait du ménage pour des clients privés comme emploi secondaire et voulait lui rappeler toutes les règles. Le nouveau contrat comportait [traduction] « une clause de non-concurrence supplémentaire ».
  • Elle avait confronté B. B. à plusieurs reprises au sujet de ses soupçons et celle-ci lui promettait toujours d’arrêter. E. W. lui donnait toujours une autre chance parce qu’elle est [traduction] « une mère célibataire et qu’elle continuait de lui promettre d’adopter un comportement exemplaire ».
  • Lorsque B. B. a commencé à travailler pour l’appelante, elle se présentait à l’heure et était fiable et très méthodique. Toutefois, quelques mois plus tard, elle a commencé à recevoir des plaintes au sujet de B. B. (voir l’exemple à la page RGD3-154), et l’a donc avertie verbalement que son rendement devait s’améliorer et lui a offert des [traduction] « incitatifs ».
  • À la fin de 2014 ou au début de 2015, une autre employée lui a donné [traduction] « le carnet de reçus » que B. B. utilisait pour faire du ménage pour des clients privés. Elle a parlé à X pour confirmer ce fait, puis a eu une longue discussion avec B. B. et lui a dit qu’il s’agissait d’une infraction pouvant entraîner son congédiement et qu’elle faisait perdre des clients à l’entreprise. Elle a dit à B. B. que c’était [traduction] « très grave » et qu’elle devait arrêter, sinon elle serait congédiée. B. B. a été [traduction] « avertie verbalement » et a promis d’arrêter.
  • Toutefois, après que B. B. l’ait appelé et lui ait [traduction] « crié » après au sujet du fait que K. S. ne travaillait pas le jour de son rendez-vous médical, E. W. a [traduction] « raccroché le téléphone et a appelé X » et a confirmé que B. B. faisait toujours du ménage pour eux. Elle a déclaré :
  • [traduction]

    « C’est ce qui nous a amenés à mener une enquête. Le fait qu’elle me criait après et qu’elle m’attaquait, qu’elle fumait dans le véhicule, avec tout le reste qui se passait et les choses qui ne s’amélioraient pas, malgré toutes ses promesses, nous a amené à mener une enquête. »
  • Pendant une semaine, elle [traduction] « a fait enquête » pour voir si elle pouvait prouver que B. B. faisait [traduction] « autre chose ». Elle a trouvé des documents montrant que B. B. utilisait [traduction] « beaucoup plus d’essence et de fournitures » que tous les autres employés affectés à d’autres itinéraires qui parcouraient de plus longues distances (voir les pages RGD3-101 à RGD3-122, RGD3-162 et RGD3-165). Elle a également communiqué avec [traduction] « d’autres personnes » qui ont [traduction] « toutes fait des déclarations écrites », y compris la [traduction] « colocataire » de B. B. (page RGD 3-59) qui a confirmé ses soupçons.
  • Elle a finalement reçu une lettre de X (page RGD3-170 – la date sur la lettre comporte une « coquille » et devrait être le 26 mai 2015) confirmant que B. B. avait fait du ménage pour eux entre juillet 2014 et mai 2016. Elle a fait la déclaration suivante :
  • [traduction]

    « Cela montre qu’elle n’allait jamais tenir ses promesses. »
  • L’enquête a eu lieu la semaine précédant le congédiement de B. B. et a duré environ une semaine. E. W. a fait les déclarations suivantes :
  • [traduction]

    « Il faut avoir des preuves. On ne peut pas simplement congédier quelqu’un. »

    et

    [traduction]

    « Elle m’a crié après et cela nous a amené à mener une enquête. Je dois me demander si j’ai des motifs juridiques de congédier quelqu’un, parce qu’on ne peut pas simplement congédier quelqu’un. »
  • X n’est pas un client de l’appelante, mais elle considère que [traduction] « tout le monde chez X » est un client potentiel de X, y compris X.
  • Après le congédiement de B. B., K. S. et elle ont appelé E. W. du domicile de l’un de ses clients et [traduction] « se sont vantées de lui avoir volé le client ».

[70] Lorsque le Tribunal a demandé à E. W. pourquoi elle avait congédié B. B. le 2 mai 2016, elle a répondu qu’elle lui avait dit un an plus tôt que si elle était à nouveau prise à faire du ménage pour des clients privés, elle serait congédiée. Elle faisait aussi constamment des promesses au sujet de ses infractions aux politiques concernant l’interdiction de fumer et le port de l’uniforme. Lorsque B. B. s’est à nouveau fait prendre à faire du ménage pour des clients privés, cela avait été la [traduction] « goutte d’eau qui a fait déborder le vase ». L’économie [traduction] « ralentissait » et E. W. devait [traduction] « protéger l’entreprise ». Il n’y aurait [traduction] « plus de deuxième chance » pour B. B.

[71] T. C. (T. C.), une témoin de l’appelante, a témoigné le 24 janvier 2019. T. C. a déclaré avoir travaillé pour l’appelante de décembre 2014 à janvier 2016. T. C. a aussi affirmé ce qui suit :

  • Avant de signer son contrat de travail, E. W. avait tout expliqué : qu’il était interdit de fumer dans le véhicule, qu’il fallait porter l’uniforme et qu’il était interdit de travailler pour quelqu’un d’autre.
  • La phrase [traduction] « ne peut travailler pour personne d’autre » voulait dire que les employés ne pouvaient pas faire du [traduction] « ménage pour des clients privés et être payés et non X ».
  • Avant que T. C. ne parte en congé de maternité en 2016, elle a vu E. W. confronter B. B. au sujet qu’elle travaillait pour X. E. W. a dit à B. B. qu’elle ne pouvait pas travailler pour eux et lui a donné deux ou trois avertissements au cours de la conversation.

[72] E. N. (E. N.), une autre témoin de l’appelante, a témoigné le 24 janvier 2019. E. N. a dit avoir travaillé pour l’appelante pendant trois ans de 2012 et 2015. E. N. a ajouté ce qui suit :

  • Elle a travaillé avec B. B.
  • Elle a entendu B. B. avouer à d’autres employés qu’elle faisait du ménage comme emploi secondaire, qu’elle avait [traduction] « pris des clients » et qu’elle avait [traduction] « saboté » la relation d’E. W. [traduction] « avec ces clients ».

[73] B. M. (B. M.), une autre témoin de l’appelante, a témoigné le 24 janvier 2019. B. M. a déclaré avoir travaillé pour l’appelante à X de 2014 à 2015. B. M. a de plus affirmé ce qui suit :

  • Lorsqu’elle a été embauchée, on lui expliqué les règles : il était interdit de fumer dans le véhicule, il fallait porter l’uniforme et il était interdit faire du ménage pour des clients privés.
  • Les employés n’étaient pas autorisés à faire du ménage pour des clients privés [traduction] « par respect » et parce cela était précisé dans leur contrat de travail.
  • La phrase [traduction] « ne peut pas faire du ménage pour des clients privés » signifiait [traduction] « pas de ménage après les heures normales et pas de ménage à l’extérieur de l’entreprise ».

[74] B. B. a fait les déclarations suivantes :

  • Elle était [traduction] « une excellente préposée au nettoyage » et elle [traduction] « se surpassait » pour l’appelante.
  • Elle a reçu trois augmentations de salaire pendant qu’elle travaillait pour l’appelante.
  • Elle n’a jamais signé le deuxième contrat de travail (pages RGD3-52 et RGD3-53). Ce ne sont pas ses initiales aux pages RGD3-52 et RGD3-53 et, contrairement au contrat d’emploi initial, il n’y a même pas de signature sur le document.
  • Le deuxième contrat de travail est censé avoir été signé le 11 février 2014. Toutefois, selon la lettre de X fournie par E. W., elle n’a commencé à travailler pour eux qu’en juillet 2014. Alors, comment E. W. pouvait-elle dire qu’elle lui avait fait signer ce nouveau contrat parce qu’elle était préposée au nettoyage chez X?
  • Elle ne pouvait même pas conduire le véhicule de l’entreprise. Elle a déclaré ce qui suit :
  • [traduction]

    « Je suis anxieuse, j’ai une fille de deux ans et je n’avais pas de permis. Je n’ai jamais conduit le véhicule de l’entreprise. »
  • Ses collègues conduisaient et ramenaient le véhicule de l’entreprise chez elles à la fin de la journée.
  • Elle a seulement obtenu son permis de conduire « L » vers la fin de son emploi auprès de l’appelante. Elle ne conduisait pas le véhicule de l’entreprise et elle n’avait pas la carte d’essence : la personne qui conduisait le véhicule l’avait. Ce n’est pas elle qui conduisait le véhicule ou qui [traduction] « accumulait » les factures d’essence.
  • X a eu recours aux services de X de février 2009 à mars 2014 (page RGD5-165).
  • Elle a commencé à faire du ménage pour X les fins de semaine en 2014 grâce à une amie.
  • Elle n’a jamais utilisé les fournitures ou l’essence de l’appelante pour nettoyer à X.
  • X fournissait ses propres produits de nettoyage.
  • Elle n’utilisait jamais le véhicule de l’entreprise pour se rendre à X.
  • Elle pouvait marcher jusqu’à X de chez elle.
  • X a fourni le courriel suivant qui se trouve à la page RGD21-2 :
  • [traduction]

    « En septembre 2014, B. B. a été embauchée sur recommandation d’une collègue de travail et X n’a jamais été considéré pour ce travail. Pendant que B. B. travaillait pour nous à nettoyer la maison de l’équipe, X a fourni tout le matériel et les fournitures nécessaires pour faire le travail. »
  • Elle n’a pas dit à E. W. qu’elle faisait du ménage pour X comme emploi secondaire parce que X n’a jamais été un client de l’appelante et qu’il ne s’agissait pas d’un client potentiel pour X. Elle avait [traduction] « demandé à X », mais ils n’ont jamais voulu être un client de l’appelante.
  • X a fourni le courriel qui se trouve à la page RGD5-191 précisant que « X n’a jamais été sollicité par X pour nettoyer la maison de l’équipe ».
  • Elle n’a jamais pensé qu’elle pourrait être congédiée parce qu’elle faisait du ménage à X les fins de semaine.
  • Son contrat de travail l’obligeait à se consacrer à temps plein à ses fonctions pour l’appelante, soit du lundi au vendredi, de 9 h à 17 h. Faire du ménage chez X pendant ses temps libres ne contrevenait pas à son contrat.
  • Elle n’a jamais sollicité X, qui était un client de l’appelante.
  • X lui a fourni la déclaration écrite suivante confirmant qu’elle ne les a pas sollicités :
  • [traduction]

    « B. B. a travaillé quatre jours chez X pour nettoyer les cabanes de l’emplacement de puits de X. Elle pouvait effectuer les tâches de nettoyage rapidement, efficacement et correctement sans problème. Elle n’a jamais sollicité X ni dénigré les autres travailleurs de X. Lorsqu’on lui a demandé si elle pouvait se porter garante des autres travailleurs, elle a simplement déclaré qu’elle ne les connaissait pas personnellement et qu’elle ne savait pas comment ils travaillaient, et qu’elle ne pouvait donc pas répondre à cette question. » (page RGD21-19)
  • En réponse à la déclaration écrite de T. M. sur laquelle s’appuyait l’appelante (page RGD3‑59), B. B. a fait la déclaration suivante :
  • [traduction]

    « J’ai vécu avec T. M. pendant environ huit mois, puis je l’ai mise dehors parce qu’elle faisait la fête et ne payait pas le loyer, alors elle avait une dent contre moi et ces déclarations sont fausses. »
  • En réponse à la déclaration écrite de J. S. sur laquelle s’appuyait l’appelante (page RGD3-61), B. B. a déclaré que J. S. lui avait dit qu’elle n’avait jamais signé ou fait cette déclaration.
  • Elle n’a jamais rencontré la plupart des autres personnes qui ont fait des déclarations à E. W. et se demande comment elles peuvent la connaître.
  • En ce qui concerne le témoignage d’E. N., B. B. a déclaré qu’elle a travaillé avec elle [traduction] « peut-être deux fois » et que [traduction] « tout ce qu’elle a dit » est [traduction] « un mensonge ».

[75] En contre-interrogatoire, B. B. a nié qu’on lui ait jamais dit qu’elle ne pouvait pas faire de ménage pour des clients privés pendant qu’elle travaillait pour l’appelante.

[76] B. B. a également nié que sa relation avec E. W. était [traduction] « tendue » en 2016. Elle a signé la lettre disciplinaire du 3 mars 2016 au sujet du fait qu’elle avait fumé dans le véhicule [traduction] « en signe de respect ». Elle a signé des documents avec lesquels elle n’était pas d’accord parce qu’elle ne voulait pas perdre son emploi.

[77] Le Tribunal conclut que B. B. était au courant de la politique de l’appelante interdisant à ses employés de faire du ménage pour des clients privés comme emploi secondaire. Son contrat de travail ne comportait pas de clause interdisant explicitement une telle conduite, bien qu’elle soit sous-entendue au paragraphe 1. Toutefois, l’interdiction de faire du ménage pour des clients privés comme emploi secondaire était une politique en milieu de travail bien connue de l’appelante. Cela a été confirmé par les nombreuses déclarations écrites et les témoignages d’autres employés. Il n’est pas plausible que la politique en milieu de travail et que l’intention générale des dispositions de non-concurrence dans le contrat de travail de B. B. n’aient pas été expliquées ou soulignées au moment de son embauche.

[78] Le Tribunal conclut en outre que B. B. a enfreint cette politique en faisant du ménage pour X en dehors de son emploi auprès de l’appelante. Même si elle croyait peut-être qu’il était acceptable de le faire parce que X n’était pas un client de l’appelante et n’avait pas l’intention de le devenir, cette distinction ne justifie pas sa décision de ne pas tenir compte de l’esprit et de l’intention des dispositions de non-concurrence de son contrat de travail. Si B. B. souhaitait s’appuyer sur cette distinction pour demander une exception à la politique, alors elle aurait pu obtenir la permission de l’appelante une fois qu’il était clair que X n’allait pas devenir client de X. Il est révélateur qu’elle ne l’ait pas fait.

[79] Toutefois, le Tribunal conclut que cette infraction à la politique en milieu de travail n’était pas la cause principale du congédiement de B. B. le 2 mai 2019. La conduite était plutôt continue et l’employeur en était conscient et a choisi de fermer les yeux. Au cours du processus de révision, E. W. a dit à l’agent de la Commission qu’elle savait que B. B. avait fait du ménage pour des clients privés au cours de la dernière année et qu’elle l’avait avertie à plusieurs reprises (voir le paragraphe 66 ci-dessus). Le Tribunal juge qu’il est très important que la toute première chose qu’E. W. a fait après que B. B. lui ait crié après le jour de son rendez-vous médical ait été de téléphoner à X (voir le paragraphe 69 ci-dessus). Cela amène le Tribunal à conclure qu’E. W. était au courant du fait que B. B. faisait du ménage pour des clients privés et qu’elle était prête à ne rien faire jusqu’à ce que B. B. lui crie [traduction] « de toutes ses forces des injures » (page RGD5-32) et décide de monter un dossier de congédiement.

[80] La formulation concernant le congédiement dans le contrat de travail doit être prise en compte dans le contexte de la tolérance continue dont l’employeur a fait preuve à l’égard de la conduite de B. B. Il n’y a aucune preuve convaincante que celle-ci avait des raisons de croire qu’il était réellement possible qu’elle perde son emploi pour avoir enfreint la politique de l’appelante sur l’interdiction de faire du ménage pour des clients privés.

[81] Le Tribunal ne tire aucune conclusion quant à savoir si l’appelante avait un motif valable pour congédier B. B. parce qu’elle avait enfreint la politique sur l’interdiction de faire du ménage pour des clients privés.

[82] Le Tribunal estime toutefois que le fait que B. B. ait enfreint cette politique n’était pas la raison pour laquelle elle a été congédiée le 2 mai 2016. C’était une excuse.

Décision personnelle prise par E. W.

[83] Comme il a été mentionné ci-dessus, le Tribunal conclut qu’aucune des trois infractions aux politiques citées par l’appelante n’était la cause principale du congédiement de B. B.

[84] Le Tribunal estime que la véritable raison pour laquelle B. B. a été congédiée est qu’E. W. a pris la décision personnelle de couper les liens avec elle et de ne plus l’employer.

[85] Cette décision a été déclenchée par le fait que B. B. a confronté E. W. de façon hostile parce que K. S. n’avait pas reçu de travail alors que B. B. était absente pour un rendez‑vous médical le 26 avril 2016.

[86] Dans un courriel envoyé au Tribunal le 9 juin 2017, E. W. a écrit que B. B. a été [traduction] « congédiée une semaine après l’incident initial, où elle a exigé que je donne du travail à une personne en me criant de toutes ses forces des injures » (page RGD5-32) (mis en évidence par la soussignée).

[87] Le 4 mai 2016, B. B. a décrit le conflit avec E. W. dans sa demande de prestations d’AE (pages GD3-9 à GD3-11). Elle a déclaré que c’est E. W. qui a commencé à crier en l’accusant de mentir au sujet de son rendez-vous médical. B. B. s’est ensuite emportée contre E. W. et a [traduction] « menacé de s’adresser à la Commission des normes du travail si elle ne laissait pas sa collègue venir travailler ». B. B. a fourni plus de détails sur le conflit dans son entrevue avec la Commission le 22 juin 2016 (page GD3-114). Elle a décrit le stress qu’elle a ressenti à l’idée de devoir fournir des détails sur son rendez-vous médical, d’être traitée de menteuse et du fait qu’elle croyait avoir perdu son emploi. Au fur et à mesure que la conversation s’échauffait, elle a dit à E. W. qu’elle avait droit à une indemnité de départ et qu’elle s’adresserait à la Commission des normes du travail.

[88] E. W. a décrit le conflit dans une note à la Commission le 8 juin 2016 (page GD3-100). Le matin du 26 avril 2016, B. B. lui a envoyé un message texte pour dire qu’elle ne pouvait pas travailler parce qu’elle avait un rendez-vous. E. W. a répondu qu’il n’y avait pas de problème. Elle a donné le travail qui aurait été confié à B. B. et à sa collègue K. S à un autre groupe parce que K. S. avait récemment [traduction] « détruit » un four à micro-ondes et qu’elle ne voulait pas que K S. fasse du ménage sans B. B. [traduction] « pour la surveiller ». K. S. a demandé d’être déposée chez B. B., ce que l’appelante a fait. B. B. a ensuite téléphoné à E. W. et [traduction] « lui a crié après de toutes ses forces » et a menacé de la dénoncer [traduction] « à la Commission des normes du travail, à la Commission des accidents du travail, au Tribunal des droits de la personne, à X, à la police, etc. »

[89] E. W. a mis en œuvre sa décision personnelle de couper les liens avec B. B. lorsqu’elle l’a congédiée après la réunion du personnel du 2 mai 2016 et a préparé son RE le même jour. Cela s’est produit après qu’elle ait pris une semaine pour mener une [traduction] « enquête » afin de monter le dossier de congédiement de B. B. pour un motif valable.

[90] Lorsque B. B. a demandé à E. W. pourquoi elle était congédiée, E. W. a dit qu’elle avait [traduction] « profité » d’elle et qu’elle ne recevrait pas d’indemnité de départ ni de préavis de deux semaines parce qu’elle avait été congédiée pour un motif valable (page GD3-11).

[91] Dès le départ, B. B. a cru qu’E. W. utilisait [traduction] « d’autres outils à son avantage » pour justifier son congédiement afin qu’elle puisse éviter de lui verser une indemnité de départ (page GD3-11).

[92] Cette conviction s’appuie sur le courriel suivant envoyé le 17 mai 2016 par E. W. au siège social de X :

[traduction]

« Pouvez-vous s’il vous plaît me dire le montant d’argent que j’ai dépensé pour des chemises d’uniforme et des tabliers depuis le tout début? Je suis en conflit avec B. B., je n’avais pas les moyens de l’indemniser et j’ai donc dû la congédier. Je m’oppose donc à elle. Une des conditions de son contrat qu’elle a constamment enfreint était le port de la chemise d’uniforme. Je me suis donné beaucoup de mal et j’ai dû dépenser beaucoup d’argent pour acheter de nombreuses chemises différentes. Si vous êtes en mesure de me donner ce montant aujourd’hui, c’est une priorité. » (page GD3-47) (mis en évidence par la soussignée)

[93] Le Tribunal accorde beaucoup de poids à ce courriel. Il a été rédigé à peine deux semaines après le congédiement et il est important parce qu’il a été envoyé spontanément et avant que la Commission ne communique avec E. W. au sujet de la demande de prestations d’AE de B. B. Il démontre la nature personnelle de la décision d’E. W. de mettre fin à l’emploi de B. B. Il montre également qu’E. W. savait qu’elle aurait à indemniser B. B. si elle l’avait congédiée pour des raisons personnelles, et qu’au lieu de faire cela, elle cherchait activement à justifier sa décision en prétendant qu’elle avait un motif de congédiement, c’est-à-dire le fait qu’elle n’avait pas respecté les politiques en milieu de travail.

[94] Il est troublant de constater que dans ses efforts pour réunir des preuves pour défendre sa ligne de conduite après B. B. lui ait inévitablement demandé une indemnité de préavis et une indemnité de départ, E. W. ait demandé au siège social de lui dire le montant d’argent qu’elle avait dépensé pour les chemises d’uniforme [traduction] « depuis le tout début ». On peut supposer qu’il aurait été plus approprié de demander le montant dépensé pendant la période d’emploi de B. B. ou, plus précisément, à partir du moment où les chemises d’uniforme sont devenues un problème, comme lorsqu’elle a publié la note sur le port des chemises le 3 novembre 2014.

[95] Le Tribunal accorde également du poids aux commentaires d’E. W. sur le RE préparé le 2 mai 2016, car ils ont été formulés en même temps que le congédiement et avant que la Commission ne communique avec elle. Même si E. W. n’était peut-être pas prête à verser à B. B. une indemnité de préavis ou une indemnité de départ, elle espérait néanmoins clairement que B. B. recevrait des prestations d’AE :

[traduction]

« Cette employée a été congédiée pour un motif valable, mais en raison de ses nombreuses années de service, j’espère qu’elle recevra des prestations d’AE. Elle mérite des prestations d’AE. »

[96] Toutefois, dans un courriel envoyé à la Commission le 23 juin 2016, E. W. a retiré ces commentaires (page GD3-116) et a déclaré ce qui suit :

[traduction]

« J’aimerais vraiment retirer ma déclaration initiale dans le formulaire de RE de B. B. Elle ne mérite pas de prestations d’AE. Il vaut mieux économiser l’argent des contribuables. Depuis le début de cette affaire, il y a maintenant quatre poursuites en instances contre B. B. »

E. W. a énuméré les poursuites comme suit :

  1. une poursuite de la Ligue anti-diffamation pour crimes haineux pour trois commentaires discriminatoires au sujet de la race et de la religion d’E. W;
  2. une enquête pour harcèlement sexuel et conduite inappropriée de la part de B. B;
  3. « Fraude », sans explication de la nature de la fraude, à l’exception d’une référence à une somme de 10 000 $ due à l’appelante pour [traduction] « la perte d’essence, d’assurance, et de temps ainsi que les déplacements effectués et les fournitures et l’équipement utilisés pour faire du ménage chez des clients privés »;
  4. un rapport à la police indiquant que B. B. et K. S. étaient soupçonnées d’avoir [traduction] « volé notre bateau ».

[97] E. W. a déclaré qu’elle n’a pas congédié B. B. le jour où elle n’était pas disponible pour travailler en raison de son rendez-vous médical. Le congédiement s’était produit après qu’elle ait été [traduction] « attaquée » par B. B. et K. S. dans des messages texte émotionnels pour ne pas avoir donné de travail à K. S. ce jour-là. E. W. a déclaré qu’elles ont toutes deux continué de la [traduction] « bombarder de messages textes négatifs » au sujet de leur congédiement et que c’est à ce moment-là qu’elle avait décidé [traduction] « de faire une enquête » pour voir si B. B. enfreignait toujours les politiques en milieu de travail. Le congédiement avait eu lieu [traduction] « une semaine ou une semaine et demie plus tard », après la fin de l’enquête d’E. W. confirmant que B. B. ne [traduction] « s’était pas améliorée sur tous les points que j’avais soulignés ».

[98] B. B. a dit à la Commission qu’E. W. et elle avaient été des amies à l’extérieur du travail, mais que leur relation semblait avoir pris une tournure négative au cours de ses derniers mois d’emploi, pour aboutir à l’échange animé le jour de son rendez-vous médical (page GD3-114). En contre-interrogatoire, elle a nié que la relation était [traduction] « tendue » au début de 2016 et a dit qu’elle croyait qu’elles avaient une relation [traduction] « décente » à ce moment‑là. Elle a signé la lettre disciplinaire sur l’interdiction de fumer [traduction] « en signe de respect » et a toujours fait preuve de respect envers « E. W. » de peur de perdre son emploi.

[99] Le Tribunal a demandé à E. W. d’expliquer pourquoi elle avait changé d’avis au sujet du droit de B. B. aux prestations d’AE après le congédiement, étant donné qu’elle avait initialement déclaré dans le RE que B. B. devrait en recevoir. E. W. a répondu ce qui suit :

[traduction]

« Eh bien tout d’abord, plusieurs choses ont changé. Il y a eu beaucoup de mensonges et d’attaques. Donc, tout d’abord, ce que nous avons vécu – ce que ma propre famille a vécu – après cela… l’un des véhicules de notre entreprise a été embouti, des personnes sont venues chez moi pour voler, nous nous sommes fait voler notre bateau… »

« Le fait est que je soupçonnais que cela avait beaucoup à voir avec B. B. parce qu’après que J. [REMARQUE – ce n’est pas une référence à B. B., mais à une autre employée] s’est fait prendre à voler, je voulais porter des accusations parce que j’avais une preuve. J’avais une preuve et elle est toujours là, mais la police est venue me voir et m’a dit de ne pas porter d’accusations. Ils m’ont dit qu’il valait mieux essayer de mettre un terme à la situation et faire en sorte que tout le monde s’arrête et se calme. J’ai convenu que c’était la bonne voie à suivre, alors je n’ai pas porté d’accusations. Toutefois, à ce stade, ma famille avait fait l’objet de tant de mensonges et d’attaques – et puis j’obtiens ce document disant que j’ai mal agi et qu’elle ne méritait pas d’être congédiée. Elle méritait d’être congédiée. Elle a violé plusieurs des conditions de son contrat. »

« Au bas de la lettre, on disait que X n’avait pas de motifs permettant de conclure à une inconduite, mais en fait j’en avais. J’en avais plusieurs. Je voulais simplement qu’elle touche des prestations d’AE pour qu’elle soit heureuse et que nous puissions toutes les deux suivre notre propre chemin. Toutefois, il était écrit au bas de la lettre que je n’avais pas de motifs permettant de conclure à une inconduite, mais j’en avais plusieurs. »

[100] La lettre de la Commission informant E. W. de la décision découlant de la révision (pages GD3‑273 et GD3‑274) mentionne ce qui suit :

[traduction]

« Nous avons approuvé la demande de prestations d’assurance-emploi de votre employée, B. B.

Notre décision est fondée sur la Loi sur l’assurance-emploi. Nous considérons que vous n’avez pas fourni suffisamment de renseignements pour prouver que votre ancienne employée a perdu son emploi en raison de son inconduite. » (page GD3-273)

[101] Nulle part dans la lettre il n’est dit que la Commission a décidé que E. W. n’avait pas de motif valable pour congédier B. B.

[102] À au moins deux reprises au cours des 12 mois qu’il a fallu pour instruire le présent appel, le Tribunal a suspendu l’instance et a expliqué à E. W. que cet appel ne portait pas sur la conduite de l’employeur et que la décision qui serait rendue ne confirmerait pas qu’elle avait un motif valable de congédier B. B. Elle porterait plutôt  sur la question de savoir si B. B. a perdu son emploi en raison d’une inconduite, tel que ce terme est interprété pour l’application de la Loi sur l’AE. E. W. a néanmoins persisté à fournir de nombreuses déclarations de témoins et de longs témoignages selon lesquels elle est une bonne personne et une bonne employeur et avait raison de congédier B. B.

[103] Le Tribunal ne peut pas ignorer l’incidence que l’interprétation erronée d’E. W. de la décision découlant de la révision de la Commission a eu sur sa motivation à s’opposer à l’admissibilité de B. B. aux prestations d’AE.

[104] Le Tribunal ne peut pas non plus ignorer les divers conflits personnels qui sont survenus entre E. W. et B. B. après le congédiement et la façon dont ces conflits ont teinté ses déclarations. Dans sa lettre à la Commission du 23 juin 2016, E. W. a fait la déclaration suivante :

[traduction]

« B. B. et K. S. sont soupçonnées d’avoir volé notre bateau récemment. Ce crime a été signalé et elles sont les principales suspectes dans cette affaire. Comme vous pouvez le voir, notre bateau n’avait pas une grande valeur, personne ne le voudrait. Pourquoi a-t-il soudainement disparu? Nous connaissons tous la réponse.

Je dois subir trois mois de chimiothérapie. Cette entreprise et ces filles m’ont pris ma stabilité financière, mon deuxième enfant et ma santé. Notre entreprise ferme en raison de B. B. et de son comportement après son congédiement. » (page GD3-116) (mis en évidence par la soussignée)

[105] Dans son témoignage en réponse, E. W. a fait les déclarations suivantes :

  • Le 6 mars 2016, « J. », qui est l’une des « témoins de moralité » de B. B., a commis un vol. La police a récupéré l’article le 11 mars 2016.
  • Elle voulait ensuite porter des accusations criminelles pour ce vol. Cependant, la police lui a dit qu’il s’agissait d’un [traduction] « vol de moins de 1 000 $ » et a souligné qu’elle s’était fait voler son bateau, que l’un des véhicules de son entreprise avait été [traduction] « embouti », qu’un [traduction] « copain était venu marteler sa porte à coups de poing » et lui a dit de ne pas porter d’accusations. La police lui a plutôt suggéré d’offrir à B. B. un règlement à l’amiable dans l’instance devant la Commission des normes du travail que celle-ci avait entamée après son congédiement pour [traduction] « mettre un terme à la situation ».
  • Elle a offert un règlement à l’amiable à B. B., mais cette dernière l’a rejeté et a finalement perdu sa cause devant la Commission des normes du travail. E. W. a fait la déclaration suivante :
  • [traduction]

    « Parce qu’elle a perdu, j’avais un motif valable. C’est prouvé. »
  • Une autre des « témoins de moralité » de B. B. est « C. ». Le véhicule de l’entreprise de l’appelante a été saisi après qu’elle l’ait conduit en état d’ébriété.
  • Elle s’est récemment adressée à la GRC pour demander qu’une enquête soit menée et que des accusations soient portées contre B. B. pour l’avoir faussement accusée d’avoir [traduction] « imiter sa signature » sur des documents dans le présent appel.
  • Si on regarde le [traduction] « site Web actuel » de B. B., bon nombre des noms sur sa liste de clients faisaient partie de son itinéraire lorsqu’elle travaillait pour l’appelante.

[106] Comme il a été mentionné précédemment, le Tribunal ne peut pas ignorer l’incidence de ces conflits postérieurs au congédiement sur la motivation d’E. W. de s’opposer au droit de B. B. aux prestations d’AE.

[107] Pour tous ces motifs, le Tribunal accorde plus de poids au témoignage d’E. W. selon lequel elle n’avait pas l’intention de congédier B. B. le 26 avril 2016, et a seulement commencé le processus de congédiement en raison du conflit qu’elle a eu avec elle au téléphone après son rendez-vous médical et les messages textes hostiles qu’elle a reçus de B. B. et K. S. par la suite.

[108] Il doit y avoir un lien de causalité entre l’inconduite dont B. B. est accusée et la perte de son emploi auprès de l’appelante pour qu’elle soit exclue du bénéfice des prestations d’AE. En d’autres mots, l’inconduite reprochée doit être la cause principale de son congédiement. Bien que le Tribunal ait conclu que B. B. a contrevenu aux trois politiques en milieu de travail citées par l’appelante, il n’est pas convaincu que les infractions étaient la cause réelle de la cessation d’emploi dans la présente affaire. Le Tribunal a plutôt conclu qu’il s’agissait d’infractions continues qui étaient tolérées par l’employeur et qu’il s’agissait simplement d’une excuse pour mettre fin à l’emploi de B. B.

[109] Le représentant de l’appelante a renvoyé le Tribunal à la décision d’une autre membre dans Illimicell Inc. c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2015 TSSDGAE 23. Bien qu’une décision d’une membre du Tribunal ne lie pas les autres membres, cette décision particulière se distingue de la situation actuelle pour deux raisons. Le Tribunal a conclu que l’employeur a toléré les infractions aux politiques en milieu de travail; et le Tribunal a accepté le témoignage d’E. W. selon lequel elle n’aurait pas congédié B. B. si ce n’était de leur échange désagréable du 26 avril 2016, qui l’a poussée à mener [traduction] l’« enquête » et à monter le dossier de congédiement pour un motif valable fondé sur les infractions aux politiques en milieu de travail.

[110] Le Tribunal conclut que la véritable raison pour laquelle B. B. a été congédiée le 2 mai 2016 est qu’E. W. a pris la décision personnelle de couper les liens avec elle après leur échange hostile le 26 avril 2016.

Deuxième question en litige : La conduite constitue-t-elle une « inconduite » au sens de la Loi sur l’AE?

[111] Le Tribunal reconnaît les nombreuses références élogieuses d’anciens employés de l’appelante selon lesquelles E. W. est une employeur juste et respectueuse. Toutefois, le rôle du Tribunal n’est pas de déterminer si les mesures prises par l’employeur pour mettre fin à l’emploi de B. B. étaient justifiées ou représentait une sanction appropriée (Caul 2006 CAF 251), mais plutôt si le geste posé par l’employé qui a mené à la cessation d’emploi constituait une inconduite au sens de la Loi sur l’AE (Marion 2002 CAF 185).

[112] La Cour d’appel fédérale a soutenu qu’une conclusion d’inconduite, vu les conséquences sérieuses qui y sont associées, doit être fondée sur des éléments de preuve clairs et non sur de simples conjectures et hypothèses. En outre, il faut prouver l’existence de tels éléments de preuve, et ce, indépendamment de l’opinion de l’employeur (Crichlow A-562-97). Ce n’est pas l’excuse utilisée par l’employeur pour congédier une partie prestataire, mais la véritable raison du congédiement qui est pertinente pour conclure à une inconduite (Davlut A‑241‑82).

[113] Comme il a été mentionné dans l’analyse de la première question ci-dessus, le Tribunal doute fortement que l’appelante ait été congédiée parce qu’elle a enfreint les politiques en milieu de travail de l’employeur concernant le fait de fumer dans le véhicule de l’entreprise, le port de l’uniforme et le ménage pour des clients privés. Le Tribunal juge qu’il est beaucoup plus probable qu’E. W. a pris la décision personnelle de couper les liens avec B. B. après leur conflit du 26 avril 2016. Cela est d’autant plus vrai compte tenu de la preuve selon laquelle E. W. cherchait activement à éviter d’avoir à verser une indemnité de départ à B. B. en montant un dossier de congédiement pour un motif valable.

[114] Bien que B. B. ait enfreint certaines politiques en milieu de travail, il y a aussi des questions légitimes au sujet de la véritable motivation de l’appelante à congédier B. B. pour un motif valable et à contester son droit aux prestations d’AE. L’appelante s’appuie sur la décision relative aux normes du travail comme preuve qu’E. W. a eu raison de congédier B. B. Le Tribunal reconnaît que le décideur dans cette affaire a conclu que l’appelante avait un motif valable de congédier B. B. et, par conséquent, ne lui devait aucune indemnité de départ. Toutefois, la décision relative aux normes de travail ne constitue pas une conclusion d’inconduite aux fins des prestations de l’AE. Le Tribunal doit examiner la question de savoir si les gestes de B. B. constituaient une inconduite en droit, sans tenir compte de l’évaluation subjective de l’employeur quant à savoir si cette inconduite justifiait un congédiement dans les circonstances. Le Tribunal aurait tort d’examiner la question en se penchant sur le caractère raisonnable de la décision de l’employeur (Summers A-225-94). C’est au Tribunal d’apprécier la preuve et de tirer ses propres conclusions; elle n’est pas liée par la façon dont une tierce partie a qualifié les motifs de congédiement. (Morris A-291-98, demande d’autorisation d’appel à la C.S.C rejetée, [1999] C.S.C.R. no 304; Boulton A-45-96; Perusse A-309-81).

[115] Il se peut que B. B. ait été congédié pour un motif valable, comme E. W. l’a si fermement affirmé. Toutefois, cela n’empêche pas nécessairement B. B. de recevoir des prestations d’AE. Il est possible qu’un comportement constitue un « motif valable » sans pour autant être une inconduite au sens de la Loi sur l’AE. L’appelante doit prouver que B. B. a perdu son emploi en raison d’une inconduite, non pas comme E. W. définit le terme, mais comme il est défini dans la Loi sur l’AE. L’appelante ne l’a pas fait.

[116] Il existe également des versions contradictoires des événements entourant l’échange hostile du 26 avril 2016. Bien qu’E. W. ait déclaré à plusieurs reprises qu’elle s’est sentie [traduction] « attaquée » pendant l’appel téléphonique et par les messages négatifs subséquents (qui ne sont plus disponibles pour examen), B. B. a soutenu tout aussi catégoriquement que la situation n’avait dégénéré que parce qu’elle avait été obligée de divulguer la nature de son rendez‑vous médical à E. W. et qu’ensuite, croyant qu’elle avait été congédiée, elle avait soulevé la question de l’indemnité de départ, dont E. W. ne voulait pas entendre parler. Les deux versions de ce qui s’est passé entre E. W. et B. B. le 26 avril 2016 sont radicalement différentes. Comme le Tribunal ne dispose pas de toute la chaîne de messages textes négatifs dont E. W. affirme avoir été bombardée, il considère que les témoignages qu’il a entendus au sujet de l’échange sont équilibrés des deux côtés.

[117] Le Tribunal doit avoir devant lui une preuve suffisamment circonstanciée pour lui permettre, d’abord, de savoir comment B. B. a agi et, ensuite, de juger si ce comportement était répréhensible (Meunier A-130-96; Joseph A-636-85). Compte tenu de l’absence d’éléments de preuve clairs à l’appui de la position de l’appelante selon laquelle B. B. a en fait été congédiée pour avoir enfreint les politiques en milieu de travail (comme il est mentionné à la première question en litige ci‑dessus), et des versions contradictoires des événements entourant le conflit du 26 avril 2016, le Tribunal doit s’inspirer de la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Bartone A-369-88 et accorder le bénéfice du doute à l’appelante.

[118] Pour tous ces motifs, le Tribunal conclut qu’il n’y a pas d’éléments de preuve indiquant de façon concluante que les gestes de B. B. étaient délibérés ou insouciants, et qu’elle savait ou aurait raisonnablement dû savoir qu’elle pouvait être congédiée pour ces gestes par l’appelante. Par conséquent, la preuve de l’employeur n’est pas suffisante pour démontrer qu’une inconduite a été commise dans la présente affaire.

Conclusion

[119] Le Tribunal conclut que l’appelante n’a pas prouvé selon la prépondérance des probabilités que B. B. a perdu son emploi chez X en raison de son inconduite.

[120] Le Tribunal conclut donc que B. B. n’est pas exclue du bénéfice des prestations d’AE au titre de l’article 30 de la Loi sur l’AE pour la demande qui a été établie à son profit à compter du 1er mai 2016.

[121] L’appel est rejeté.

Date de l’audience :
(* conférences préparatoires)

Le 31 juillet 2018*, Le 30 août 2018*, Le 18 décembre 2018 (3 heures), Le 24 janvier 2019 (3 heures), Le 27 mars 2019*, Le 28 mars 2019*, Le 10 avril 2019*, Le 6 juin 2019*, Le 11 juillet 2019 (3 heures)

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions :

S. S., appelante (prestataire)

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