Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Décision

[1] La Commission a prouvé que le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Cela signifie que le prestataire est exclu du bénéfice des prestationsNote de bas de page 1.

Aperçu

[2] Le prestataire a perdu son poste de directeur général d’un concessionnaire automobile. L’employeur du prestataire a déclaré qu’il avait été suspendu, puis congédié, parce qu’il avait endommagé une voiture sur le terrain d’un concessionnaire concurrent dans une ville voisine, en [traduction] « faisant des égratignures au moyen d’une clé » sur le véhicule (l’incident). Le prestataire ne conteste pas que l’incident s’est produit, mais il affirme que ce n’est pas une raison adéquate de l’employeur pour le congédier. Le prestataire affirme que le congédiement est une réaction inappropriée à l’incident, que l’employeur et la Commission n’ont pas enquêté adéquatement sur les circonstances, qu’ils ont présumé que le prestataire n’était pas crédible et qu’il était coupable, en plus de ne pas avoir tenu compte de son excellent bilan chez l’employeur.

[3] La Commission a examiné les éléments de preuve suivants pour rendre sa décision dans le cadre du réexamen. Le prestataire avait été accusé d’une infraction criminelle de méfait de plus de 5 000 $. L’incident avait fait les manchettes dans la localité; les médias avaient publié le nom du prestataire, celui du concessionnaire pour lequel le prestataire travaillait et celui du concessionnaire où les dommages avaient eu lieu. Dans sa demande de prestations d’assurance-emploi (AE), le prestataire a bien admis avoir été impliqué dans l’infraction présumée. L’employeur a déclaré qu’il avait congédié le prestataire pour l’acte reproché, lorsque le prestataire a été accusé de l’infraction. L’employeur a énoncé un certain nombre de raisons pour le congédiement. Sa réputation a été gravement entachée. Les clients s’inquiétaient encore beaucoup de son jugement. Le constructeur automobile avait perdu confiance en son jugement. Il serait difficile pour le prestataire de diriger le concessionnaire tous les jours après cet incident ou de régler les problèmes de ressources humaines au sein du concessionnaire. Il y avait des préoccupations dans ce secteur de l’industrie au sujet du prestataire. Il lui aurait été impossible d’assister à des conférences. La Commission a questionné le prestataire au sujet des déclarations de l’employeur, puis elle a conclu que le prestataire n’était pas crédible.

[4] La Commission a accepté le motif du congédiement de l’employeur. Elle a décidé que le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite, puis elle l’a exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Question en litige

[5] Le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite? Pour en décider, j’établirai d’abord la raison pour laquelle le prestataire a perdu son emploi.

Analyse

Pourquoi le prestataire a-t-il perdu son emploi?

[6] Le prestataire a perdu son emploi parce qu’il a endommagé un véhicule appartenant à un concessionnaire concurrent.

[7] Le prestataire et la Commission ne s’entendent pas sur la raison pour laquelle le prestataire a perdu son emploi. La Commission affirme que le motif donné par l’employeur est le véritable motif du congédiement. L’employeur a expliqué en quoi l’incident était à l’origine du congédiement, comme il est mentionné ci-dessus.

[8] Le prestataire n’est pas d’accord. Il soutient que, en fait, il a perdu son emploi parce que l’employeur n’a pas tenu compte de toutes les circonstances de son emploi et que l’employeur a réagi de façon excessive aux 30 secondes de manque de jugement du prestataire. L’employeur n’aurait pas dû le congédier dans toutes ces circonstances.

[9] Le prestataire a déclaré qu’il a bel et bien égratigné un véhicule chez le concessionnaire concurrent au moyen d’une clé. Il a plaidé coupable à l’infraction de méfait à l’égard d’un bien privé de moins de 5 000 $, puis il a été condamné. Il a présenté des excuses écrites à l’autre concessionnaire pour son geste. Il a offert d’acheter la voiture ou de payer la réparation. Il a payé les réparations en juin 2019. Il a également fait des séances de counseling au sujet des raisons pour lesquelles il avait égratigné le véhicule.

[10] Le prestataire s’est appuyé sur un certain nombre de circonstances favorables à l’appui de sa position. Le propriétaire de la société qui employait le prestataire était une personne sans lien de dépendance qui laisse l’exploitation de l’entreprise à son personnel. Au début de l’emploi du prestataire, le concessionnaire se trouvait en mauvaise posture, au point où le constructeur automobile avait intenté des poursuites en vue de révoquer la franchise de l’employeur, et c'est au cours des six années de l’emploi du prestataire que le concessionnaire est devenu l’un des dix plus importants concessionnaires en Ontario. Le prestataire a entretenu de bonnes relations avec les membres de l’équipe durant la période où il assumait la fonction de directeur général. Pendant cet intervalle, le concessionnaire a connu un faible taux de roulement de son personnel; cet état des choses n’a pas duré après le congédiement. De l’avis du prestataire, cet incident ne constituait pas un problème de confiance. Diverses personnes de ce secteur de l’industrie à qui le prestataire a parlé après l’incident ont gardé confiance en lui. L’employeur n’a subi aucun préjudice, et son entreprise, aucune perte; le personnel n’a pas, non plus, essuyé de contrecoup.

[11] Le prestataire a également témoigné en réponse aux motifs de l’employeur à l’appui du congédiement. Dans l’ensemble, l’employeur a porté un jugement trop expéditif. L’employeur a dit que sa réputation avait été gravement entachée, mais cette affirmation n’était étayée par aucune preuve, pas même une déclaration du constructeur automobile. Dans une déclaration écrite faite en janvier 2019, le constructeur automobile a affirmé qu’il prenait la sûreté et la sécurité des biens très au sérieux, qu’il ne pouvait faire d’autres commentaires tant que l’affaire faisait l’objet d’une enquête, et que l’employé en question avait été suspendu. Le prestataire a déclaré que la déclaration générique sur la sûreté et la sécurité des biens n’appuyait pas la position de l’employeur. Quoi qu’il en soit, cette déclaration n’avait pas été faite en toute connaissance de cause. L’affirmation de l’employeur selon laquelle les clients éprouvaient encore de graves préoccupations au sujet de son jugement n’était étayée par aucune preuve; elle était même contredite par les conversations du prestataire avec le personnel du concessionnaire jusqu’à maintenant. Le prestataire est demeuré en contact avec le personnel et les autres concessionnaires après son congédiement. Au cours des mois qui ont suivi son congédiement, il a parlé avec la meilleure vendeuse du concessionnaire de l’employeur. Lors de sa dernière conversation avec elle, environ une semaine avant l’audience, elle a dit qu’elle n’avait entendu aucune préoccupation à son sujet ou au sujet du concessionnaire à la suite de son geste. L’affirmation de l’employeur selon laquelle le constructeur automobile avait perdu confiance dans le jugement de l’employeur n’était étayée par aucune preuve, pas même par la déclaration du constructeur automobile mentionnée ci-dessus. De même, l’affirmation selon laquelle il serait difficile pour le prestataire de diriger le concessionnaire tous les jours après cet incident, ou de régler les problèmes de ressources humaines au concessionnaire, n’était étayée par aucune preuve. Le prestataire a déclaré qu’il entretenait de bonnes relations avec le personnel pendant qu’il travaillait au concessionnaire, ajoutant que ces bonnes relations s’étaient poursuivies avec plusieurs d’entre eux après son départ. Ce fait contredisait la prétention de l’employeur. Le prestataire ne savait pas ce que l’employeur voulait dire lorsqu’il parlait des préoccupations à son sujet dans le secteur de l’industrie. Le prestataire a déclaré que, depuis son congédiement, il avait entamé des négociations avec le propriétaire de trois concessionnaires automobiles de la région de Toronto en vue de devenir le directeur général d’un nouveau concessionnaire que le propriétaire allait peut-être ouvrir. Ce propriétaire est au courant de l’incident et de l’accusation impliquant le prestataire; il est tout de même prêt à l’embaucher, car ce propriétaire connaît la réputation et les capacités du prestataire. Cela contredit la déclaration de l’employeur au sujet des préoccupations dans l’industrie. L’affirmation de l’employeur selon laquelle il aurait été impossible pour le prestataire d’assister à des conférences n’est étayée par aucun élément de preuve. L’employeur n’a jamais communiqué avec le prestataire après la suspension et le congédiement, malgré les efforts du prestataire pour communiquer avec l’employeur. L’avocat de l’employeur a envoyé une lettre concernant l’indemnité de départ, mais aucune autre communication n’a eu lieu après le congédiement. D’ailleurs, cette lettre ne contenait aucun renseignement entourant les motifs de congédiement par l’employeur.

[12] Dans l’ensemble, j’ai accepté le témoignage sous serment du prestataire, quoiqu’il présentait quelques problèmes mineurs. Il a dit que l’employeur n’avait connu aucune baisse de son chiffre d'affaires, sans toutefois appuyer cette affirmation par un élément de preuve. L’absence d’autres éléments de preuve à l’appui est la lacune qu’il souligne le plus souvent dans la preuve de l’employeur. Bien que le prestataire n’a pas le fardeau de prouver qu’il n’y a pas eu d’inconduite, il aurait été utile d’avoir en main des éléments de preuve pour appuyer ce qu’il avance, par exemple, des éléments de preuve tirés de ses conversations avec la meilleure vendeuse de l’employeur. Son témoignage selon lequel il n’y a eu aucune incidence sur le personnel de l’employeur peut être contredit par son témoignage selon lequel le roulement de personnel a augmenté après son congédiement.

[13] Toutefois, la question à trancher ici est la véritable raison pour laquelle le prestataire a été congédié de son emploi. L’employeur a déclaré clairement à la Commission qu’il avait congédié le prestataire après l’accusation, ainsi que pour l’acte reproché. Le prestataire n’a présenté aucun élément de preuve qui contredise ce fait. Par ailleurs, dans son témoignage, il n’a pu avancer aucune autre raison pour son congédiement que l’incident des égratignures de clé. Son témoignage consistait d’abord à argumenter que l’employeur n’aurait pas dû le congédier. Le prestataire ne s'est pas attardé aux autres raisons que l’employeur pourrait avoir pour le congédier, et pour lesquelles l’incident aurait servi de façade. Le témoignage du prestataire au sujet de son rendement et de ses résultats satisfaisants au travail, ainsi que de sa bonne relation personnelle avec le propriétaire de l’employeur, ne pousse pas à conclure que l’incident a servi de prétexte pour congédier le prestataire. Au contraire, ce témoignage montre que l’incident est tellement important pour l’employeur qu’il l’emporterait sur la bonne relation qui existait auparavant entre le prestataire et l’employeur. L’incident, l’accusation criminelle contre le prestataire à la suite de l’incident et les reportages médiatiques dans lesquels ont paru les noms du prestataire et des deux concessionnaires, amènent à conclure que l’incident était la raison du congédiement. Après avoir pris en considération tous ces éléments, je conclus que l’employeur a congédié le prestataire pour la raison que ce dernier avait endommagé un véhicule chez un concessionnaire concurrent au moyen d’une clé.

[14] Cette conclusion est conforme à l’interprétation par les tribunaux de la notion d’inconduite. Il n’appartient pas au Tribunal de déterminer si le congédiement était justifié ou s’il s’agissait de la sanction appropriéeNote de bas de page 2. La question n’est pas de savoir si l’employeur a fait preuve d’inconduite en congédiant injustement le prestataire, mais plutôt de savoir si le prestataire était coupable d’inconduiteNote de bas de page 3. Les éléments de preuve du prestataire que j’ai examinés ci-dessus se concentrent plutôt sur la question de savoir si le congédiement était justifié ou de savoir si l’employeur a fait preuve d’inconduite en congédiant injustement le prestataire. Je dois donc me concentrer sur la question de savoir si le prestataire s’est rendu coupable d’inconduite.

Le motif du congédiement du prestataire correspond-il à une inconduite au sens de la loi?

[15] Le motif du congédiement correspond à une inconduite au sens de la loi.

[16] Pour être considéré comme une inconduite au sens de la loi, le comportement doit être délibéré. Cela signifie que les actes doivent être conscients, voulus ou intentionnelsNote de bas de page 4. L’inconduite comprend également une conduite si insouciante qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas de page 5. Il n’est pas nécessaire qu’il existe une intention coupable chez le prestataire pour que son comportement constitue une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 6.

[17] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédiéNote de bas de page 7.

[18] La Commission doit prouver qu’il est plus probable que le contraireNote de bas de page 8 que le prestataire a perdu son emploi à cause d’une inconduiteNote de bas de page 9.

[19] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite, parce que le prestataire a rompu la confiance de son employeur envers lui, que sa conduite a causé le congédiement, que sa conduite était délibérée et qu’il savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait provoquer son congédiement.

[20] Le prestataire affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite. Selon lui, il n’a pas manqué à son devoir de confiance, puisque son geste n’a pas causé de préjudice à l’employeur. Il ajoute qu’il n’aurait pas dû être congédié, étant donné que son seul acte ne justifiait pas de le congédier, compte tenu de ses antécédents et de son rendement pour l’employeur. Bien qu’il n’avait pas planifié de faire des égratignures sur le véhicule avec une clé, il admet l’avoir fait impulsivement et non par accident, sans se douter qu’il pourrait être congédié à cause de cela.

[21] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y avait eu inconduite, parce qu’elle a prouvé les quatre critères qui établissent l’inconduite sous le régime de la Loi sur l’assurance-emploi. Voici ces critères : (1) le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait nuire à l’exécution de ses obligations envers l’employeur; (2) la violation entraîne le congédiement; (3) la conduite était délibérée et (4) le prestataire savait ou aurait dû savoir qu’il risquait de perdre son emploi à cause de sa conduite.

[22] En ce qui concerne le manquement aux obligations de l’employeur, le prestataire a déclaré qu’il ne considérait pas son geste d’égratigner la voiture comme un abus de confiance, puisque ce geste n'avait ni préjudice pour l’employeur, ni perte pour l’entreprise ni de répercussions sur le personnel. Il a témoigné au sujet de son honnêteté et de son intégrité, de l’admission de sa culpabilité, de ses excuses, de la réparation des dommages et de ses séances de counseling. De plus, il a déclaré qu’il n’avait conclu aucun contrat écrit ou verbal pour son emploi. Le seul document qu’il avait en main portait sur l’indemnisation. Il n’y avait aucune entente sur ses heures de travail, ses tâches ou ses vacances. En l’absence d’un contrat, il ne pouvait contrevenir à aucune obligation.

[23] Les observations du prestataire à l’égard de ce facteur ne sont pas fondées. La véritable question ne consiste pas à savoir si l’acte du prestataire a causé un préjudice à l’employeur. Il faut plutôt se demander si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait nuire à l’exécution de ses obligations envers l’employeur. Le fait qu’il n’y ait pas eu d’entente expresse, écrite ou verbale, sur la conduite du prestataire lorsqu’il agit pour l’employeur, ou sur ses relations avec d’autres concessionnaires, ou sur le respect des biens d’autrui, n’est pas concluant. De nombreuses fonctions dans le domaine du travail sont implicites, c’est-à-dire qu’elles ne sont pas expressément énoncées verbalement ou par écrit. Les petits employeurs ont tendance à ne pas avoir de contrats d’emploi écrits, de politiques d’emploi, ou, s’ils en ont, ces contrats et politiques sont brefs. Dans la présente affaire, l’employeur n’a pas de contrat écrit pour son employé le plus important. Au cours de l’audience, j’ai donné au prestataire l’exemple d’une obligation implicite : ne pas voler l’employeur. Le prestataire n’a pas contesté que cet exemple constituait un devoir implicite. Dans la présente affaire, où il est question d’une entreprise qui vend au détail des articles très coûteux, la perception du public à l’égard de l’entreprise est cruciale. Une mauvaise réputation peut endommager ou faire couler l’entreprise. D’après le témoignage du prestataire, ses propres actions à son emploi ont permis au concessionnaire de rehausser sa réputation parmi les dix meilleurs concessionnaires en Ontario. Il saisissait l’importance de la réputation. Il connaissait l’importance de ses propres actions pour cette réputation. J’estime qu’il existait une obligation implicite à l’égard de l’employeur de ne pas agir de manière à nuire à sa réputation ou à faire perdre à l’employeur sa confiance dans son employé le plus important. Il a déclaré qu’il se rendait parfois chez d’autres concessionnaires, en dehors de ses heures de travail, pour évaluer la concurrence. Le jour de l’incident, il se trouvait chez l’autre concessionnaire vers 7 h 20, et non durant la nuit, comme l’a prétendu la Commission. Les employés de l’autre concessionnaire se trouvaient déjà sur les lieux. Dans son rôle de directeur général d’un concessionnaire, il savait que le vandalisme de véhicules de l’autre concessionnaire créerait une dépense qui aurait une incidence sur la rentabilité de l’entreprise. Il savait aussi qu’un tel geste était du vandalisme, qu’il était répréhensible et qu’il constituait une concurrence déloyale. Il savait qu’il était là à titre de directeur général d’un concessionnaire concurrent, et que ses actions auraient des répercussions sur ce concessionnaire. Ces gestes mineraient également la confiance de l’employeur envers le prestataire. Il est possible d’évaluer l’incidence des actions du prestataire en se référant aux reportages des médias sur l’incident. La propriétaire et directrice générale du concessionnaire où l’incident s’est produit a déclaré qu’elle avait rencontré le prestataire lors d’un événement d’affaires, qu’elle avait passé une journée assise à côté de lui, et qu’elle ne l’aurait jamais cru capable d’une telle chose. Elle s’était également dite dégoûtée que le prestataire soit [traduction] « quelqu’un du domaine automobile, un monde où nous formons tous une famille unie ». Les médias ont rapporté que la police ne croyait pas à un accident dans de pareilles circonstances, et qu’il y avait une intention précise derrière ces gestes, de sorte que des accusations ont été portées. Ces commentaires, diffusés dans les médias, attirent une attention négative sur le prestataire et son employeur. C’est là que se situe le manquement à une obligation implicite envers l’employeur, ainsi que l’abus de confiance. L’attention médiatique, en soi, a entaché la réputation de l’employeur.

[24] La loi est claire : le fait d’agir sur l’impulsion du moment, puis de regretter et de présenter ses excuses pour ses gestes n’a rien à voir avec la question de savoir si ces gestes constituent une inconduiteNote de bas de page 10. Le fait que le prestataire qualifie l’incident de manque de jugement de 30 secondes ne l’aide pas dans l’évaluation de l’existence d’une inconduite.

[25] En ce qui concerne la cause du congédiement, comme il a été établi ci-dessus, c’est le geste du prestataire, lorsqu’il a égratigné le véhicule au moyen d’une clé, qui est la cause de son congédiement.

[26] En ce qui concerne le caractère délibéré, le prestataire a admis à l’audience que, même s’il n'avait pas planifié l’incident, il n’était pas accidentel. Les égratignures sur le véhicule étaient donc délibérées, c’est-à-dire conscientes ou intentionnelles. Cette conclusion est étayée par le plaidoyer de culpabilité du prestataire à l’accusation de méfait. Ce plaidoyer exigeait que le prestataire admette au tribunal qu’il avait égratigné le véhicule au moyen d’une clé et qu’il l’avait fait intentionnellement.

[27] Quant au caractère prévisible du congédiement, le prestataire a déclaré qu’il n’avait pas prévu se faire congédier en raison de ce geste, car il comptait ses six années de service exemplaire auprès de l’employeur. Lorsqu’on lui a demandé si une personne raisonnable, y compris lui-même, aurait dû savoir que l’incident pourrait provoquer le congédiement, le prestataire a donné deux réponses. Premièrement, à son avis, si un employé des plus performant avait commis un acte criminel mineur qui n’avait causé aucun préjudice physique à son employeur et si l’employé avait versé une indemnité pour remédier au préjudice, il ne s’attendrait pas à être congédié. Deuxièmement, une personne raisonnable examinerait la gravité du préjudice, elle tiendrait compte du fait qu’il ne s’agit pas d’une infraction grave, que le prestataire a plaidé coupable et qu’il n’a pas été condamné à une peine d’emprisonnement, qu’il a indemnisé la victime afin que l’un ou l’autre des concessionnaires ne subisse pas de perte financière et que son employeur ne subisse pas de préjudice physique. Dans ces circonstances, une personne raisonnable ne prévoirait pas de se faire congédier.

[28] Dans les deux réponses, le prestataire parle de la situation où l’employé a commis une infraction criminelle mineure ou non grave, avec des conséquences minimes pour l’employeur, ainsi que de l’admission et de la réparation du préjudice par l’employé. Ce dont les deux réponses ne tiennent pas compte, c’est qu’il s’agit d’un acte criminel. Qui plus est, il s’agit d’une infraction commise par le prestataire alors qu’il agissait comme employé de l’employeur, mesurant la concurrence. Compte tenu de ces deux facteurs, une personne raisonnable (y compris le prestataire) aurait dû savoir que l’incident provoquerait probablement le congédiement. La perpétration d’une infraction criminelle est un crime. Une telle infraction est grave, même s’il s'agit d’un crime « mineur ». Le contrevenant a enfreint les règles visant à assurer la sécurité des personnes et des biens. Ces règles sont appuyées par les conséquences juridiques les plus graves : la perte de liberté par l’emprisonnement ou la probation, ainsi que la perte d’argent par des amendes. La commission d’une infraction par un employé actuel soulève toujours pour l’employeur raisonnable la question « Puis-je faire confiance à cette personne? » La réponse à cette question est fort probablement « non » lorsque l’infraction est commise par l’employé dans l’exercice de ses fonctions. L’employeur finit par se demander : « Quel autre acte illégal ou contraire à l’éthique cet employé pourrait-il commettre pendant qu’il s’acquitte de ses fonctions? Puis-je lui faire confiance et croire qu’il ne posera plus de geste semblable? » La confiance est une chose fragile. Elle se perd facilement et il est difficile, parfois impossible de la regagner. Ces considérations contredisent le prestataire quand il prétend que l’incident n’était pas un abus de confiance et qu’il n’avait causé aucun préjudice à son employeur. L’incident lui-même était un abus de confiance. L’abus de confiance lui-même a nui à l’employeur, tant dans les reportages négatifs que dans la perte de confiance envers l’employé le plus important de l’employeur, ce qui a entraîné son congédiement et la perte de ses services précieux. Le prestataire aurait dû prévoir qu’il allait probablement se faire congédier s’il égratignait le véhicule avec une clé, commettant ainsi l’infraction de méfait lorsqu’il était à l’autre concessionnaire en tant que directeur général de son employeur.

Conclusion

[29] L’appel est rejeté. Cela signifie que le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

 

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 22 août 2019

En personne

D. R., appelante

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.