Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Décision

[1] J’accueille l’appel. Je conclus que la demande de révision du prestataire n’était pas tardive et que la Commission devrait donc réexaminer sa décision initiale datée du 26 octobre 2015.

Aperçu

[2] Le 18 mai 2013, la prestataire a présenté une demande de prestations fondée sur un emploi ayant pris fin le 4 février 2013. Le 26 octobre 2015, la Commission l’a exclu du bénéfice des prestations à compter du 12 mai 2013, après avoir conclu qu’il avait quitté volontairement un autre emploi sans justification le 20 février 2013. Elle lui demandait de rembourser toutes les prestations qu’il avait reçues. Elle a également imposé une pénalité pour l'omission de déclarer cet emploi et elle a émis un avis de violation.

[3] Le prestataire a dit qu’il n’avait jamais reçu la lettre de décision de la Commission. Il n’a été mis au courant de l’exclusion que lorsqu’il a reçu plus tard un bref de saisie. Il a présenté une demande de réexamen le 20 février 2018, dès qu’il a pris connaissance de l’exclusion. La Commission a refusé de lui accorder un délai plus long pour présenter sa demande, après avoir conclu que la demande était tardive et que le prestataire ne satisfaisait pas aux conditions pour l'obtention d'une prorogation de délai.

[4] Le prestataire a interjeté appel à l'encontre de cette décision devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale (division générale), laquelle a rejeté son appel après avoir conclu que la Commission avait agi correctement. Il a porté son dossier devant la division d’appel du Tribunal (division d’appel).

[5] Le 8 avril 2019, la division d’appel a conclu que la division générale avait manqué à un principe de justice naturelle parce qu’elle avait privé le prestataire du droit d’être entendu, en se fondant sur des questions et réponses sans tenir d'audience. Elle a renvoyé l’affaire à la division générale.

Questions en litige

[6] Je dois d’abord déterminer si la demande de révision du prestataire était tardive. S’il n’était pas en retard, la Commission devrait procéder au réexamen. Si je conclus que sa demande était tardive, je dois alors décider si la Commission a agi correctement lorsqu’elle lui a refusé plus de temps pour présenter sa demande.

Analyse

[7] Vous avez 30 jours pour demander une révision à compter du jour suivant la date à laquelle la Commission vous a communiqué sa décision initialeNote de bas de page 1. La Commission pourrait vous accorder plus de temps si vous répondez à certaines conditionsNote de bas de page 2. C’est à vous de montrer que vous remplissez ces conditions.

[8] Si votre demande est en retard de moins d’un an, vous devez avoir une explication raisonnable pour ne pas avoir présenté votre demande plus tôt. Vous devez démontrer que vous aviez l’intention constante de faire une demandeNote de bas de page 3. Si votre demande est en retard de plus d’un an, elle doit avoir une chance raisonnable de succès et le délai supplémentaire ne doit pas porter préjudice aux intérêts de la CommissionNote de bas de page 4.

[9] La Commission prend une décision discrétionnaire si elle vous refuse plus de temps pour la présentation de votre demande tardiveNote de bas de page 5. Elle doit démontrer qu’elle a utilisé son pouvoir discrétionnaire correctement lorsqu’elle prend cette décisionNote de bas de page 6. Cela signifie agir de bonne foi en tenant compte de tous les facteurs pertinents et en écartant ceux qui ne sont pas pertinentsNote de bas de page 7.

[10] La Commission a exclu le prestataire du bénéfice des prestations le 26 octobre 2015, soit près de deux ans et demi après les avoir approuvées. Elle lui a envoyé la lettre de décision par courrier ordinaire. Elle a émis un avis de dette quelques jours plus tard. Le prestataire affirme qu’il n’a jamais reçu la lettre ni l’avis de dette. Il a demandé une révision le 20 février 2018, immédiatement après s’être renseigné au sujet d’un bref de saisie qu’il venait de recevoir, et selon lequel il allait tout perdre. La Commission a décidé que sa demande de révision était en retard de 818 jours.

[11] Le prestataire, un X, a dit qu’il vivait dans le sous-sol de son père. Le courrier à cette adresse était acheminé à l’adresse américaine de son père pendant six mois chaque année. La Commission soutient que le prestataire doit avoir reçu la lettre de décision, parce que le courrier était livré à son adresse pendant au moins la moitié de l’année, et parce qu’il a dit avoir reçu d’autres lettres à cet endroit. La Commission a jugé raisonnable de présumer que son père lui aurait remis son courrier.

[12] Toutefois, la Commission n’a pas démontré quand ou si sa décision avait été communiquée au prestataire. Il n’y a aucune preuve qu'elle ait communiqué la décision verbalement par téléphone. Elle n’a pas envoyé la lettre de décision par courrier recommandé, de sorte qu’il n’y a pas non plus de confirmation de livraison de Postes Canada. Il n’y a pas non plus de certificat d’attestation prouvant que la lettre a été postéeNote de bas de page 8.

[13] La Commission a dit au prestataire que [traduction] « des agents ont tenté auparavant de vous joindre » par téléphone et par courrier au sujet de l’emploi qu’il avait quitté le 20 février 2013, mais il n’avait jamais répondu. Elle n'a présenté aucun relevé d’appels téléphoniques. La preuve démontre que la Commission a émis une lettre de demande de renseignements datée du 27 mai 2014; le prestataire a dit qu’il ne l’avait jamais reçueNote de bas de page 9.

[14] Il n’y a aucune preuve que la Commission ait tenté de communiquer de nouveau avec le prestataire avant d’émettre l’exclusion le 26 octobre 2015. Le prestataire a déclaré qu’il avait discuté de son bref emploi additionnel avec plusieurs agents de la Commission lorsqu’il avait présenté une demande de prestations en mai 2013, ainsi que pendant des séances ultérieures d’information sur l’emploi. Il a affirmé que ces agents lui avaient dit que les quelques jours supplémentaires de travail n’affecteraient pas ses prestations.

[15] J'estime que je ne peux pas m’appuyer sur la conclusion de la Commission selon laquelle le prestataire a reçu la lettre de décision, uniquement fondée sur la présomption que l’envoi d’une lettre par courrier ordinaire signifie que le destinataire la recevra « dans les délais normaux de livraison du courrier Note de bas de page 10 ». L’envoi d’une lettre n’est pas, en soi, une preuve concluante qu’elle a été livréeNote de bas de page 11. Toutefois, la Commission s’est appuyée sur cette présomption pour conclure que la demande de révision du prestataire était en retard de 818 jours.

[16] Cependant, comme l'a signalé la division d’appel, « le fait qu’il ait été possible pour lui de recevoir la décision à cette adresse ne rend pas cette réception probable Note de bas de page 12  »(souligné dans le document original). Des différends surgissent souvent quant au moment où une lettre a été livrée et même quant au fait qu'elle a été livrée ou nonNote de bas de page 13. La Commission doit communiquer une décision à un prestataire pour établir le délai de contestationNote de bas de page 14.

[17] La Commission a également fait valoir que le prestataire [traduction] « a été avisé de la décision au moyen du relevé de compte/de dette » et qu'il aurait dû effectuer un suivi pour savoir de quoi il retournait. Le prestataire a convenu qu’il recevait des rappels de dettes de façon sporadique. Toutefois, il a témoigné qu’il croyait qu’il s’agissait de rappels d’impôts dus puisqu’il n’avait pas produit ses déclarations de revenus. Il était dépassé et confus parce qu’il recevait toutes sortes d’avis de dette différents à l’époque.

[18] Je conclus que les relevés de rappel de dette ne remplaçaient pas la décision elle-même. Il n’y a aucune preuve que les déclarations relatives à l’exclusion contenaient l’information cruciale selon laquelle la Commission avait annulé son approbation de la demande du prestataire plus de deux ans auparavant.

[19] Je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que la Commission n’a pas démontré qu’elle avait communiqué sa décision au prestataire de vive voix ou par écrit avant février 2018. J’accepte le témoignage sous serment du prestataire selon lequel il a appris que la Commission l’avait exclu rétroactivement du bénéfice des prestations immédiatement avant le dépôt de sa demande de révision. Je conclus qu’il a présenté sa demande dans les 30 jours suivant la date à laquelle cette décision lui a été communiquée et que, par conséquent, sa demande n’était pas tardive.

[20] Je note que, si la demande de révision du prestataire avait été en retard de 818 jours comme le soutient la Commission, il appert que celle-ci n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon appropriée lorsqu’elle lui a refusé plus de temps, puisqu’elle n’a pas tenu compte de tous les facteurs pertinentsNote de bas de page 15. Elle n’a pas évalué les quatre conditions qui s’appliquent lorsqu’une demande de révision est en retard de plus d’un anNote de bas de page 16. Toutefois, comme j’ai conclu que la demande de révision du prestataire n’était pas tardive, je n’ai pas à me prononcer sur la question de savoir si la Commission a agi correctement lorsqu’elle a refusé de lui accorder plus de temps pour présenter sa demande.

Conclusion

[21] La demande de révision du prestataire n'était pas tardive. Cela signifie que son appel est accueilli.

 

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 12 août 2019

Téléconférence

R. M., appelant

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.