Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] La prorogation du délai pour demander la permission d’en appeler et la demande de permission d’en appeler sont refusées.

Aperçu

[2] Le demandeur, J. M. (le prestataire), demande la permission d’en appeler de la décision de la division générale du 3 octobre 2018. Par permission d’en appeler, on entend qu’un demandeur doit obtenir la permission de la division d’appel avant de passer à l’étape suivante du processus d’appel.

[3] La division générale a décidé que le prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance‑emploi étant donné qu’il avait quitté volontairement son emploi sans justification et qu’il devrait faire l’objet d’un avertissement pour avoir sciemment fait de fausses déclarations lorsqu’il a présenté ses déclarations du prestataire. Son exclusion a entraîné d’importants versements excédentaires de prestations, qu’il doit rembourser. Le prestataire soutient que la division générale a commis une erreur.

[4] Avant de pouvoir me pencher sur la demande de permission d’en appeler du prestataire, je dois trancher la question de savoir si le prestataire a déposé à temps sa demande à la division d’appel – assurance‑emploi et, si c n’est pas le cas, s’il est convenable pour moi d’accorder une prorogation du délai pour le dépôt de la demande. Cela signifie que je dois me pencher sur la question de savoir s’il y a une cause défendable. Une cause défendable est assimilée à une chance raisonnable de succès.Note de bas de page 1 Ce n’est qu’après avoir accordé une prorogation du délai que je peux décider d’accorder ou non la permission d’en appeler.

[5] Je ne suis pas convaincue qu’il existe une cause défendable, et je rejette donc la demande de prorogation du délai de dépôt de la demande à la division d’appel du prestataire. Pour le même motif, je rejette également sa demande de permission d’en appeler.

Contexte factuel

[6] En janvier 2016, le demandeur, J. M. (le prestataire), a fait une demande de prestations régulières d’assurance‑emploi et commencé à toucher celles‑ci. Cependant, après avoir révisé la demande du prestataire, la défenderesse, la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (la Commission), a décidé qu’elle ne pouvait plus lui verser de prestations à compter du 12 juin 2016. Elle a déterminé que le prestataire avait quitté volontairement son emploi chez X le 18 juin 2016, sans justification, et que son départ volontaire ne constituait pas la seule solution raisonnable.Note de bas de page 2

[7] La Commission a également déterminé que le demandeur avait omis de déclarer de façon exacte et complète la rémunération qu’il a touchée de quatre employeurs différents pour la période se situant entre le 10 janvier 2016 et le 5 février 2017. La Commission a réparti cette rémunération, c qui a donné lieu à des versements excédentaires de plus de 15 000 $ que le prestataire a dû rembourser. En plus de cela, la Commission a conclu que le prestataire avait sciemment fait de fausses déclarations et lui a donc imposé une pénalité pécuniaire et une violation. Cela a fait en sorte qu’il faudrait davantage d’heures assurables au prestataire pour être admissible aux prestations à l’avenir.

[8] Le prestataire a nié avoir quitté volontairement son emploi chez X. Il a affirmé qu’il avait quitté pour un motif de pénurie de travail disponible et qu’il avait trouvé un autre emploi qui lui permettait de travailler pendant davantage d’heures.Note de bas de page 3 Il affirme également qu’il n’a pas sciemment déclaré de façon inexacte et incomplète sa rémunération. Après révision, la Commission a ajusté la répartition de la rémunération en fonction des nouveaux renseignements fournis par l’un des employeurs du prestataire. Cela s’est traduit par une légère réduction des versements excédentaires. La Commission a également décidé de ne pas appliquer de pénalité pécuniaire, bien qu’elle ait délivré une pénalité sous forme d’avertissement. La Commission a également supprimé la violation.Note de bas de page 4 La Commission a quand même conclu que le prestataire avait quitté volontairement son emploi.Note de bas de page 5

[9] Le prestataire a interjeté appel des décisions de révision de la Commission à la division générale. Le prestataire n’a pas assisté à l’audience par téléconférence de la division générale. La division générale a fait des vérifications pour s’assurer que le Tribunal de la sécurité sociale avait bien signifié l’avis de l’audition au prestataire. Elle a ensuite procédé à l’audience en l’absence du prestataire.

[10] Après avoir étudié les éléments de preuve dont elle disposait, la division générale a conclu que le prestataire avait quitté volontairement son emploi sans justification. Il a donc été inadmissible au bénéfice des prestations. La division générale a également conclu que le revenu que le prestataire a touché de son employeur constituait une rémunération aux fins des prestations et que la Commission l’avait correctement répartie. La division générale a également conclu que le prestataire a sciemment fait de fausses déclarations lorsqu’il a rempli ses déclarations du prestataire et que la Commission a agi de façon judiciaire lorsqu’elle a délivré un avertissement. Le prestataire demande maintenant la permission d’en appeler de la décision de la division générale.

Questions en litige

[11] Les questions en litige sont les suivantes :

Question no1 : Le prestataire a-t-il déposé sa demande à la division d’appel – assurance‑emploi à temps?

Question no2 : Sinon, devrais‑je exercer mon pouvoir discrétionnaire et proroger le délai de dépôt de la demande à la division d’appel – assurance‑emploi?

Question no3 : Si je proroge le délai de dépôt de la demande, l’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Analyse

Question no1 : Le prestataire a-t-il déposé sa demande à la division d’appel – assurance‑emploi à temps?

[12] Non. Le prestataire n’a pas déposé sa demande à temps.

[13] En vertu de l’article 57(1)a) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), une demande de permission d’en appeler — dans le cas d’une décision rendue par la division de l’assurance‑emploi — doit être déposée à la division d’appel dans les 30 jours où le demandeur reçoit communication de la décision.

[14] Dans sa demande à la division d’appel, le prestataire ne précise pas à quel moment il a reçu communication, du Tribunal de la sécurité sociale, de la décision de la division générale; toutefois, il reconnaît qu’il a déposé sa demande tardivement. Lorsqu’il a déposé sa demande le 29 novembre 2018, il a expliqué que son retard était attribuable au fait qu’il attendait de consulter un avocat et qu’il n’a pu obtenir de rendez-vous en c sens avant le 10 décembre 2018.

[15] Pour c qui est de l’établissement de l’ampleur du retard du prestataire, le Tribunal de la sécurité sociale lui a fait parvenir une lettre datée du 4 octobre 2018 à laquelle était jointe la décision. La décision est présumée avoir été communiquée à la partie le dixième jour suivant celui de sa mise à la poste, c’est-à-dire le 14 octobre 2018.Note de bas de page 6 Par conséquent, comme on l’a mentionné ci-dessus, en vertu de l’article 57(1)a) de la LMEDS, le prestataire était tenu de déposer une demande de permission d’en appeler dans les 30 jours suivant la date où il reçoit communication de la décision, soit le 13 novembre 2018. Comme la demande du prestataire à la division d’appel a été reçue et estampillée le 29 novembre 2018, le prestataire accusait un retard d’environ deux semaines lorsqu’il a déposé sa demande.

Question no2 : Sinon, devrais‑je exercer mon pouvoir discrétionnaire et proroger le délai de dépôt de la demande à la division d’appel – assurance‑emploi?

[16] Comme le prestataire a déposé tardivement sa demande à la division d’appel, il doit obtenir une prorogation du délai. Je peux proroger le délai si le prestataire a déposé sa demande dans l’année suivant la décision,Note de bas de page 7 et s’il est dans l’intérêt de la justice d’accorder la prorogation.Note de bas de page 8 Il faut tenir compte d’autres facteurs pertinents au moment de trancher la question d’accorder ou non une prorogation du délai, notamment :

  • il existe une cause défendable en appel ou la demande est bien fondée;
  • il existe des circonstances particulières ou une explication raisonnable justifiant le retard;
  • le retard est excessif;
  • le défendeur subira un préjudice si la prorogation est accordée.

[17] La Cour d’appel fédérale a également tenu compte, dans l’une de ses décisions, de la question de savoir si le demandeur avait manifesté une intention constante de poursuivre sa demande.Note de bas de page 9

[18] Il est peu probable que la Commission subisse un préjudice, car il s’agit d’un délai relativement court. Le prestataire avait manifesté une intention constante de poursuivre sa demande parce qu’il était en attente d’un rendez‑vous en vue de consulter un avocat. Toutefois, cela ne constitue pas une explication raisonnable de son retard à déposer sa demande à la division d’appel, d’autant plus qu’il n’a pas énoncé de motifs lorsqu’il a finalement déposé la demande. Cela ne suffirait pas en soi à faire obstacle à une prorogation.

[19] Ce qui est plus préoccupant, c’est de savoir s’il existe une cause défendable. Pour décider s’il est dans l’intérêt de la justice de proroger le délai de dépôt de la demande, j’accorde généralement plus de poids à la question de savoir s’il existe une cause défendable en l’absence d’autres circonstances spéciales.

Cause défendable

[20] L’article 58(1) de la LMEDS énonce les trois moyens d’appel, à savoir :

(a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;

(b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;

(c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[21] Comme je l’ai mentionné précédemment, une cause défendable est assimilée à une chance raisonnable de succès. Le seuil est relativement bas parce que les prestataires n’ont pas à prouver le bien‑fondé de leur cause; ils doivent simplement établir qu’il y a une cause défendable. À l’étape de l’appel en tant que tel, le seuil est beaucoup plus élevé.

[22] Le prestataire fait valoir que la division générale a commis une erreur en vertu de l’article 58(1)c) de la LMEDS, mais il n’a relevé aucune conclusion de fait erronée particulière. Il désirait qu’un expert juridique se penche sur le dossier avant de présenter d’autres renseignements. Le Tribunal de la sécurité sociale a fait un suivi auprès du prestataire en lui demandant de fournir des renseignements à l’appui de sa demande :

  • Le 30 novembre 2018, le Tribunal de la sécurité sociale a communiqué par écrit avec le prestataire, accusant réception de sa demande à la division d’appel. Le Tribunal a fait remarquer au prestataire que celui-ci devait transmettre davantage de renseignements. Il a demandé au prestataire d’expliquer pourquoi il interjetait appel de la décision de la division générale. Le Tribunal lui a donné jusqu’au 31 décembre 2018 pour transmettre les renseignements manquants. Le Tribunal n’a reçu aucune réponse à la date limite.
  • Le 3 avril 2019, le Tribunal a de nouveau communiqué par écrit avec le prestataire. Il lui a demandé d’expliquer pourquoi il interjetait appel de la décision de la division générale et d’expliquer pourquoi il avait déposé sa demande plus de 30 jours après que la division générale [sic] lui avait été communiquée. La lettre a été retournée au Tribunal avec la mention « non livré ».
  • Le 8 mai 2019, le Tribunal a transmis de nouveau au prestataire la lettre du 3 avril 2019 dans laquelle il donnait au prestataire jusqu’au 3 juin 2019 pour répondre. Le Tribunal n’a reçu aucune réponse du prestataire.
  • Le 12 juin 2019, le Tribunal a communiqué par téléphone avec le prestataire pour lui demander s’il avait toujours l’intention de déposer sa demande à la division d’appel. Le prestataire a déclaré qu’il avait d’autres priorités et qu’il n’avait donc pas de temps à consacrer à cette question. Il a également déclaré qu’il tentait d’obtenir de l’aide juridique. Le Tribunal a demandé au prestataire de déposer une demande écrite de prorogation de délai. Le prestataire a déclaré qu’il tenterait de le faire.
  • Le 25 juin 2019, le Tribunal a de nouveau communiqué par écrit au prestataire :

    [traduction] Il s’est écoulé près de six mois depuis que vous avez déposé votre demande de permission d’en appeler. Vous n’avez pris aucune mesure pour faire avancer le dossier.

    Veuillez répondre aux lettres précédentes du 30 novembre 2018 et du 8 mai 2019, dont des copies sont jointes, en expliquant vos motifs d’appel au plus tard le mercredi 31 juillet 2019. En l’absence de circonstances exceptionnelles, le Tribunal n’accordera aucune prorogation supplémentaire et traitera la demande en fonction des éléments figurant déjà au dossier.


    Le Tribunal n’a reçu aucune réponse du prestataire.

[23] Près de dix mois se sont écoulés depuis que la division générale a rendu sa décision. Le prestataire n’a pris aucune mesure pour faire avancer le dossier. Le prestataire n’a toujours pas relevé de conclusions de fait erronées ni d’autres erreurs.

[24] J’ai étudié le dossier sous-jacent. Je ne constate aucune erreur de droit commise par la division générale, que l’erreur figure ou non au dossier, ni qu’elle n’a pas adéquatement tenu compte de l’un ou l’autre des principaux éléments de preuve dont elle disposait.

[25] En c qui concerne la question du départ volontaire, les éléments de preuve établissent que le prestataire a laissé son emploi parce qu’il était insatisfait des heures limitées de travail qu’il comportait, et que tout compte fait, il valait mieux toucher des prestations d’assurance‑emploi plutôt que de continuer à travailler.Note de bas de page 10

[26] En c qui concerne la question de la rémunération du prestataire, les seuls éléments de preuve relatifs à la rémunération figurant au dossier provenaient de chacun des employeurs du prestataire. Le prestataire ne disposait d’aucun élément de preuve lui permettant de réfuter les renseignements fournis par ses employeurs. La preuve établit également que le prestataire a sciemment fait de fausses déclarations, en particulier lorsqu’il a nié avoir travaillé ou touché une rémunération pendant des périodes précises. Ses employeurs l’ont peut-être rémunéré plusieurs semaines après qu’il ait travaillé, mais il avait bel et bien travaillé. La preuve établit également qu’il y avait des circonstances atténuantes.

[27] La division générale a tenu compte de tous ces éléments de preuve. L’exposé sommaire des faits du membre de la division générale est conforme au dossier de la preuve et son analyse est solide et complète. Le membre a correctement énoncé le droit et l’a appliqué aux faits. Par conséquent, je ne suis pas convaincue qu’il existe une cause défendable et, pour c motif, je ne vois aucune raison d’accorder une prorogation du délai de dépôt de la demande du prestataire à la division d’appel.

Question no3 : L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

[28] Pour les motifs que j’ai décrits ci‑dessus, je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès et je rejette donc la demande du prestataire à la division d’appel – assurance‑emploi.

Conclusion

[29] Comme je ne suis pas convaincue qu’il existe une cause défendable, je rejette la demande de prorogation du délai. Je rejette également la demande de permission d’en appeler.

Demandeur :

J. M., non représenté

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