Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli. Le prestataire a prouvé avoir un motif valable, n’ayant d’autre choix raisonnable que de quitter son emploi lorsqu’il l’a fait. Cela signifie qu’il est admis au bénéfice des prestations.

Aperçu

[2] Le prestataire a quitté son emploi à X et demandé des prestations d’assurance-emploi (AE). La Commission a examiné les motifs de départ de l’intéressé et jugé qu’il avait volontairement quitté son emploi sans motif valable, d’où l’incapacité de lui verser des prestations.

[3] Je dois décider si le prestataire a prouvé n’avoir d’autre choix raisonnable que de quitter son emploi. La Commission dit qu’il aurait pu s’adresser plus tôt au service des ressources humaines pour discuter des problèmes qu’il avait avec son gestionnaire dans son poste d’opérateur de chariot élévateur ou qu’il aurait dû retourner à son poste de leveur. Il n’est pas d’accord et déclare avoir été obligé de quitter son emploi. Il fait valoir que le superviseur responsable de ce poste d’opérateur l’avait ciblé et qu’il avait dû réintégrer injustement son emploi précédent de leveur. Il soutient qu’il ne pouvait pas continuer d’exercer cette dernière fonction, parce qu’il se sentait trahi par l’entreprise pour avoir maintenu sa rétrogradation et avoir cautionné le mauvais traitement reçu de son superviseur.

Question en litige

[4] Je dois juger si le prestataire est exclu du bénéfice des prestations, parce qu’ayant volontairement quitté son emploi sans motif valable. Pour ce faire, je dois d’abord traiter de la question du départ volontaire de l’intéressé et ensuite trancher la question de savoir s’il avait un motif valable pour quitter.

Analyse

Nul ne conteste que le prestataire ait volontairement quitté son emploi

[5] J’admets que tel soit le cas. Le prestataire convient lui-même qu’il démissionné. Je ne vois aucun élément de preuve qui dise le contraire.

Les parties ne s’entendent pas sur l’existence d’un motif valable pour quitter volontairement lorsqu’il l’a fait

[6] Les parties ne conviennent pas que le prestataire avait un motif valable de quitter volontairement son emploi lorsqu’il l’a fait.

[7] Le droit applicable dit que vous êtes exclu du bénéfice des prestations si vous avez quitté volontairement votre emploi sans motif valableNote de bas page 1. Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter pour faire la preuve de l’existence d’un motif valable.

[8] Le droit applicable dit que vous avez un motif valable de partir si, compte tenu de toutes les circonstances, vous n’aviez d’autre choix raisonnable que de quitter votre emploi lorsque vous l’avez faitNote de bas page 2. Il incombe au prestataire d’en apporter la preuveNote de bas page 3. Il doit démontrer selon la prépondérance des probabilités qu’il n’avait d’autre choix raisonnable que de partir quand il l’a fait. Lorsque je me prononce sur cette question, je dois m’attacher à toutes les circonstances qui existaient au moment où le prestataire a démissionné.

[9] Le prestataire dit avoir quitté son emploi parce que ne pouvant plus travailler pour une entreprise qui approuvait le traitement inamical que lui avait fait subir le superviseur de son poste d’opérateur de chariot élévateur. Il déclare avoir travaillé pour cette entreprise 23 ans à titre de leveur. En 2014, il a reçu une formation d’opérateur de chariot élévateur afin de pouvoir solliciter un poste d’opérateur en cas de vacance. En septembre 2018, il a postulé un tel emploi et a été retenu. L’accès à ce poste était conditionnel à une période d’essai de 90 jours. Le prestataire a déclaré que, quelques jours après son entrée en fonction, un nouveau superviseur a été nommé. Il a précisé que celui‑ci ne l’appuyait pas et le ciblait même, l’accusant à tort d’avoir endommagé un véhicule, lui faisant une mauvaise évaluation de rendement après huit jours dans l’emploi, critiquant son choix de vacances, lui donnant des conseils verbaux malgré lui, retirant son formateur, l’obligeant à travailler seul même s’il devait y avoir deux préposés aux machines, refusant ses demandes de consignes et d’outils au travail et le contraignant à employer un matériel auquel il n’avait pas été formé.

[10] Le prestataire a déclaré avoir ainsi été condamné à l’échec et avoir été mal traité par son superviseur. Il a précisé que, dans leurs interactions, celui‑ci adoptait un ton qui l’amoindrissait et le dénigrait, qu’il refusait d’écouter toute explication de sa part et qu’il ne lui prêtait pas le soutien demandé.

[11] Le prestataire ajoute que, après s’être fait dire par le superviseur qu’il avait échoué à sa période d’essai, il avait parlé au service des ressources humaines du mauvais traitement auquel il avait eu droit et du manque d’appui. Il a demandé à ce service de prendre des mesures correctives auprès du gestionnaire et de lui donner la possibilité de revenir à son poste d’opérateur de chariot élévateur. À tout le moins, il voulait que le service des ressources humaines lui redonne un dossier d’employé sans tache. Le service a examiné sa demande, mais en décidant à la fin de le rétrograder à son ancien poste de leveur. Aucune autre solution n’a été proposée.

[12] Le prestataire soutient n’avoir eu d’autre choix raisonnable que de quitter à ce moment‑là, ayant essayé de parler à son superviseur sans réponse de sa part à ses demandes de soutien et sans prise en compte de sa rétroaction. Il fait valoir que, lorsque le service des ressources humaines n’est pas intervenu pour lui et n’a pas remédié au mauvais traitement qui avait été le sien, il n’a eu d’autre choix que de quitter l’entreprise.

[13] La Commission affirme qu’il n’avait pas de motif valable de quitter, puisque d’autres choix raisonnables s’offraient alors à lui. Plus précisément, elle dit qu’il aurait pu parler plus tôt au service des ressources humaines des difficultés qu’il éprouvait avec son superviseur. Elle fait également valoir qu’il aurait pu réintégrer son poste de leveur jusqu’à ce qu’il obtienne un autre emploi. Elle prétend enfin qu’il aurait pu s’adresser à un organisme extérieur.

[14] Je conclus pour ma part que le prestataire a prouvé avoir quitté en raison de l’antagonisme de son superviseur et du défaut de l’entreprise de corriger la situation.

[15] Le prestataire a présenté un témoignage sincère et convaincant au sujet du traitement reçu pendant sa période d’essai de 90 jours. Il a décrit la conduite du superviseur à son égard comme étant empreinte d’hostilité dès le départ. Il a donné plusieurs exemples de situations où il lui était demandé d’accomplir des tâches sans qu’il ait reçu le soutien et la formation de base dont il avait besoin pour répondre aux attentes. Il a en outre décrit des incidents où il avait été accusé à tort d’avoir brisé du matériel ou avait été sanctionné pour ne pas s’en être tenu à des procédés, alors que des travailleurs plus expérimentés que lui n’avaient pas été repris pour les mêmes erreurs.

[16] Je préfère le compte rendu que fait le prestataire et sa caractérisation des événements en période d’essai si je les compare à ceux des représentants de l’employeur. Ce compte rendu était détaillé et montrait une tendance pour le superviseur à mettre le prestataire dans des situations où il ne pouvait qu’échouer. Il reste que la Commission s’est uniquement fondée sur les déclarations générales des représentants de l’employeur disant que l’intéressé était lent, que son poste ne lui convenait pas et qu’il avait reçu la même formation que les autres. La Commission n’a guère démontré en l’espèce que le prestataire recevait l’appui nécessaire dans son nouveau rôle, ni que le superviseur le traitait équitablement. En revanche, l’intéressé a cité des exemples précis quant au manque d’encadrement, à l’insuffisance de la formation et au peu de cas que faisait le superviseur de sa personne.

[17] J’estime, par conséquent, que la preuve fait d’emblée conclure que la conduite du superviseur outrepassait les règles en matière de gestion du rendement et qu’elle équivalait à de l’antagonisme.

[18] J’estime également que le prestataire a sondé toutes les solutions de rechange raisonnables qui s’offraient à lui.

[19] La Commission a fait valoir que l’intéressé aurait dû s’adresser plus tôt au gestionnaire des ressources humaines et que le défaut d’agir ainsi signifiait qu’il n’avait pas examiné tous les autres choix raisonnables. Lorsque j’ai demandé au prestataire à l’audience pourquoi il n’avait pas parlé au gestionnaire des ressources humaines à la suite de l’évaluation de rendement intervenue tôt après son entrée en fonction, celui‑ci a dit avoir hésité à s’adresser à la hiérarchie si tôt dans sa formation, craignant que le superviseur ne le cible davantage. Il a déclaré que celui‑ci était agressif et que lui-même n’avait pas voulu faire de vagues.

[20] J’accepte l’explication que donne le prestataire pour ne pas avoir sollicité, comme autre choix raisonnable, l’aide du service des ressources humaines tôt dans sa période d’essai. De plus, si je considère le manque de réceptivité de ce service lorsque le prestataire a fini par lui faire connaître ses préoccupations, je ne vois pas en quoi sa situation aurait changé au mieux s’il s’était adressé plus tôt à lui.

[21] La Commission soutenait en outre qu’un autre choix raisonnable pour le prestataire aurait été de continuer à exercer sa fonction de leveur jusqu’à ce qu’il trouve du travail ailleurs.

[22] Le prestataire a reconnu qu’il aurait pu physiquement exercer cette fonction pendant une courte période. Il a cependant précisé que le poste de leveur payait moins que le poste d’opérateur et que les conditions de travail étaient moins attrayantes. Il a également dit qu’il ne pouvait retourner au travail, même dans la fonction de leveur, parce qu’il se sentait trahi par l’entreprise. Il a mentionné avoir soulevé des préoccupations valables auprès du service des ressources humaines pour avoir été condamné d’avance à échouer sans que ces préoccupations soient dûment examinées ni qu’il y soit donné suite. Il a déclaré avoir été dévasté par les événements et avoir quitté son lieu de travail le cœur lourd, laissant derrière lui des collègues et de bons avantages sociaux. Il n’en estimait pas moins ne pas pouvoir retourner au travail. Il a témoigné sur son expérience du passé avec plusieurs superviseurs en déclarant que c’était la première fois qu’il se heurtait à l’antagonisme d’un superviseur. Il dit avoir vécu une situation abusive en affirmant que cette contrainte l’avait mis en larmes lorsqu’il était allé au travail parler au gestionnaire des ressources humaines.

[23] La Commission a fait valoir qu’un autre choix raisonnable pour lui était de saisir un organisme extérieur de ses doléances.

[24] Je ne crois pas que le recours à une instance extérieure aurait constitué une solution de rechange raisonnable, car solliciter l’aide de l’extérieur n’aurait pas mis fin à court terme à l’antagonisme manifesté à l’endroit du prestataire et n’aurait pas non plus changé la dynamique en milieu de travail.

[25] J’admets l’explication du prestataire lorsqu’il dit que quitter son emploi était le seul choix raisonnable dans les circonstances. J’ai considéré cet antagonisme, le défaut du superviseur de répondre à ses demandes d’aide, le surcroît de stress causé par l’obligation de travailler sans l’appui nécessaire, la réaction du service des ressources humaines, le changement de conditions de travail dans le poste de leveur et la défiance envers son employeur après 23 ans de service. Compte tenu de toutes ces circonstances, je conclus que la décision de quitter n’avait rien d’un choix personnel. Le prestataire était si foncièrement troublé que, après ses 23 ans de service, l’entreprise n’ait pas répondu à ses demandes de soutien et ait approuvé la conduite de ce nouveau superviseur.

[26] Vu l’ensemble de ces circonstances, le prestataire n’avait d’autre choix raisonnable que de quitter son emploi.

Conclusion

[27] Je conclus que le prestataire n’est pas exclu du bénéfice des prestations. Cela signifie qu’il est fait droit à l’appel.

Date de l’audience :

Le 10 septembre 2019

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparution :

J. W., appelant

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