Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

Aperçu

[2] Le demandeur, J. L. (prestataire) a travaillé pour deux employeurs différents, X (X) et X (X), pendant une période au cours de laquelle il touchait également des prestations d’assurance‑emploi. La défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a découvert ces emplois seulement après le départ du prestataire, quelques mois plus tard. Elle a déterminé que le prestataire n’était pas fondé à quitter ni l’un ni l’autre de ces emplois. Par conséquent, le prestataire a été exclu du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi et il a été tenu de rembourser les prestations qu’il avait déjà reçues.

[3] Le prestataire a demandé à la Commission de réviser ses décisions selon lesquelles il n’était pas fondé à quitter les deux emplois, mais la Commission a maintenu ses décisions. Le prestataire a interjeté appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale, mais ses appels ont été rejetés. Le prestataire demande maintenant la permission d’en appeler à la division d’appel.

[4] L’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès. Il n’a pas signalé une erreur que la division générale aurait commise, et je n’ai pas été en mesure de relever un élément de preuve qui aurait été ignoré ou mal interprété.

Questions préliminaires

[5] La division générale a examiné la question du départ volontaire sans justification du prestataire de chez X dans le dossier GE-19-1124, et la question du départ volontaire du prestataire de chez X dans le dossier GE-19-1127. Les affaires ont été instruites ensemble devant la division générale et réunies dans une même décision. Les appels devant la division d’appel ont été acceptés dans les dossiers AD-19‑504 et AD-19‑505. La division d’appel considère qu’il s’agit d’appels joints et rendra vraisemblablement une seule décision qui traitera des deux appels.

Question(s) en litige

GE-19-1124

[6] Peut-on soutenir que la division générale a commis une erreur de droit en concluant que le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi chez X lorsqu’il faisait l’objet de harcèlement au travail?

[7] Peut-on soutenir que la division générale a fondé sa décision selon laquelle le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi chez X sur une conclusion de fait erronée qui a mal interprété ou ignoré le fait que le prestataire faisait l’objet de harcèlement au travail?

GE-19-1127

[8] Peut-on soutenir que la division générale a fondé sa décision selon laquelle le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi chez X sur une conclusion de fait erronée qui a mal interprété ou ignoré le fait qu’on empêchait le prestataire de prendre des pauses?

Analyse

Principes généraux

[9] La division d’appel ne peut intervenir à l’égard d’une décision de la division générale que si elle peut conclure que cette dernière a commis l’une des erreurs correspondant aux « moyens d’appel » prévus à l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS).

[10] Les seuls moyens d’appel sont décrits ci-dessous :

  1. la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[11] Pour accueillir la demande de permission d’en appeler et permettre à l’appel de poursuivre, je dois déterminer qu’au moins l’un des moyens d’appel confère à l’appel une chance raisonnable de succès. Une chance raisonnable de succès a été assimilée à une cause défendableNote de bas de page 1.

Question en litige no 1 : Peut-on soutenir que la division générale a commis une erreur de droit en concluant que le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi chez X lorsqu’il faisait l’objet de harcèlement au travail?

[12] La demande initiale de permission d’en appeler du prestataire invoquait le moyen d’appel relatif à la justice naturelle et à la compétence, mais n’était pas détaillée. J’ai écrit au prestataire pour lui demander le fondement de son appel, et il a fourni une brève note dans laquelle il expliquait ses préoccupations quant à la décision de la division générale.

[13] Concernant X, le prestataire a fait valoir que [traduction] « la Commission a reconnu [qu’il] était l’objet de harcèlement, et le harcèlement est une justification pour devoir quitter un lieu de travail ». Il a fait référence au paragraphe 21 de la décision de la division générale, qui se lit comme suit :

[traduction]
Je crois que le prestataire était malheureux au travail parce qu’on l’injuriait. Cependant, le prestataire a affirmé ne pas pouvoir se souvenir s’il avait parlé aux Ressources humaines. Il a dit qu’il ne pensait pas que les Ressources humaines l’auraient aidé de toute façon. Il a dit qu’étant donné qu’il n’était pas encore membre à part entière du syndicat, il n’a pas demandé l’aide de son syndicat. Il surveillait d’autres emplois éventuels, mais il n’a pas trouvé un autre poste avant de démissionner parce qu’il était trop déprimé pour continuer à travailler à cet emploi.

[14] Par conséquent, j’ai examiné si le prestataire avançait soit une erreur de droit ou une conclusion de fait erronée en lien avec son appel relativement à la décision X.

[15] L’article 29(c) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE) énonce que toute partie prestataire est fondée à quitter volontairement son emploi si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ constitue la seule solution raisonnable dans son cas. Plusieurs situations sont énumérées aux articles 29(c)(i) à 29(c)(xiv), et la première est le « harcèlement, de nature sexuelle ou autre ».

[16] Cependant, l’article 29(c) de la Loi sur l’AE ne précise pas que l’existence de « harcèlement » constitue une justification. Le critère approprié est la question de savoir si une partie prestataire a d’autres solutions raisonnables que celle de quitter son emploi; et non la question de savoir s’il existe du harcèlement dans le milieu de travail. Conformément à l’article 29(c) de la Loi sur l’AE, l’existence de harcèlement est l’une des situations qui doivent être prises en compte (lorsque la preuve le laisse entendre) par la Commission (ou la division générale) lorsqu’elle détermine si une partie prestataire a d’autres solutions raisonnables que celle de quitter son emploi.

[17] La division générale n’a pas dit si elle considérait les injures que le prestataire avait vécues au travail comme étant du harcèlement, mais elle était au courant que cela s’était produit et que le prestataire considérait cela comme une forme de harcèlement. Même si le prestataire peut avoir fait l’objet d’injures, la division générale a déterminé que le prestataire a quitté son emploi alors que d’autres solutions raisonnables que le départ s’offraient à lui. La division générale a mentionné qu’il aurait pu d’abord tenter de composer avec les injures en soumettant ses préoccupations quant à ce comportement à l’attention des Ressources humaines de son employeur ou du syndicat.

[18] L’on ne peut soutenir que la division générale a commis une erreur de droit au sens de l’article 58(1)(b) de la Loi sur le MEDS. Elle a clairement tenu compte des injures qualifiées par le prestataire de « harcèlement », et par conséquent, on ne peut pas dire qu’elle n’a pas tenu compte de cette situation. Même si elle avait établi explicitement que cette situation constituait du harcèlement, cela ne signifierait pas qu’elle était tenue de conclure que le prestataire était fondé à quitter son emploi.

Question en litige no 2 : Peut-on soutenir que la division générale a fondé sa décision selon laquelle le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi chez X sur une conclusion de fait erronée qui a mal interprété ou ignoré le fait que le prestataire faisait l’objet de harcèlement au travail?

[19] Le prestataire n’a pas souligné un élément de preuve que la division générale aurait ignoré ou mal interprété lorsqu’elle a établi qu’il n’avait pas d’autres solutions raisonnables que celle de quitter X. Il n’a pas établi une cause défendable selon laquelle la division générale a commis une erreur en ayant « fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance », conformément à l’article 58(1)(c) de la Loi sur le MEDS.

Question en litige no 3 : Peut-on soutenir que la division générale a fondé sa décision selon laquelle le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi chez X sur une conclusion de fait erronée qui a mal interprété ou ignoré le fait qu’on empêchait le prestataire de prendre des pauses?

[20] Concernant l’appel relatif à la décision selon laquelle il a quitté volontairement X sans justification, le prestataire a seulement fait valoir que [traduction] « le propriétaire de l’entreprise ou son représentant est très malhonnête, et aucune pause n’était permise, ce qui mettait en danger [sa] santé et [sa] sécurité ». Il faisait référence au paragraphe 14 de la décision de la division générale qui se lit comme suit :

[traduction]
Le propriétaire n’était pas d’accord avec le prestataire. Il a affirmé à la Commission qu’ils respectent les normes du travail. Les chauffeurs pouvaient prendre des pauses pendant le chargement. Les chauffeurs pouvaient aussi se ranger pour prendre des pauses lorsqu’ils conduisaient.

[21] Je comprends de cela qu’il s’agit d’un argument selon lequel la division générale a tiré une conclusion de fait erronée. Le prestataire n’est pas d’accord avec la preuve de l’employeur selon laquelle il aurait pu prendre des pauses. Cependant, la division générale n’a pas fondé sa décision sur une conclusion selon laquelle le prestataire avait la permission de prendre des pauses ou non. La division générale a déclaré qu’elle croyait le prestataire lorsqu’il a dit qu’il s’inquiétait au sujet de sa sécurité (parce qu’il croyait qu’il ne pouvait pas prendre de pauses). Cependant, la division générale a établi qu’une solution raisonnable s’offrait à lui, soit celle de parler au propriétaire avant de quitter son poste.

[22] La division générale a pris acte de la preuve du prestataire selon laquelle le répartiteur de l’employeur lui avait dit de continuer à se déplacer lorsqu’il avait tenté de prendre une pause et que le fils du propriétaire s’était moqué de lui pour avoir pris ou voulu prendre une pause. Cependant, elle a déterminé que le prestataire aurait pu porter cette question à l’attention du propriétaire de l’entreprise avant de quitter son poste, au lieu de tenir pour acquis que les avis du répartiteur et du fils du propriétaire reflétaient l’opinion du propriétaire ou signifiaient que l’employeur ne permettait pas aux employés de prendre des pauses. Autrement dit, même si le prestataire croyait en toute honnêteté que son employeur ne lui permettait pas de prendre des pauses, il avait tout de même une autre solution raisonnable que celle de quitter son emploi.

[23] J’estime qu’on ne peut pas soutenir que la division générale a mal interprété ou ignoré la preuve lorsqu’elle a conclu qu’une autre solution raisonnable que le départ s’offrait au prestataire.

[24] J’ai également examiné les deux dossiers d’appel à la recherche d’erreurs potentielles. La Cour fédérale prescrit à la division d’appel de chercher au-delà des moyens d’appel établis. Dans l’arrêt Karadeolian c Canada (Procureur général)Note de bas de page 2, la Cour énonce ce qui suit : « [...] le Tribunal doit s’assurer de ne pas appliquer de façon mécanique le libellé de l’article 58 de la Loi [sur le MEDS] quand il exerce sa fonction de gardien. Il ne doit pas se laisser piéger par les moyens d’appel précis avancés par une partie qui se représente elle-même, comme c’est le cas [du demandeur en l’espèce]. » Par conséquent, j’ai examiné les dossiers afin d’y déceler tout autre élément de preuve important qui aurait pu être ignoré ou négligé et qui pourrait, par conséquent, soulever une cause défendable. Malheureusement pour le prestataire, je n’ai constaté rien de tel.

[25] On ne peut pas soutenir que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée au titre de l’article 58(1)(c) de la Loi sur le MEDS.

[26] L’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[27] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

 

Représentant :

J. L., non représenté

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