Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est accueilli. Je rends la décision que la division générale aurait dû rendre.

Aperçu

[2] L’appelante, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, interjette appel de la décision de la division générale datée du 20 mai 2019. La division générale a conclu que l’intimée, L. S. (prestataire), était fondée à quitter son emploi lorsqu’elle l’a fait, car, compte tenu de toutes les circonstances, elle a démontré que son départ constituait la seule solution raisonnable. La Commission soutient que la division générale a commis une erreur de droit en fondant sa décision sur une conclusion de fait erronée lorsqu’elle a conclu que la prestataire avait été justifiée. Je dois déterminer si la division générale a commis une erreur.

[3] Je conclus que la division générale a mal interprété les articles 25 et 29 de la Loi sur l’assurance-emploi. Par conséquent, j’accueille l’appel et je rends la décision que la division générale aurait dû rendre.

Contexte factuel

[4] L’intimée, L. S., a quitté son poste contractuel à court terme le 31 décembre 2018 afin de participer à un programme de soins infirmiers. La prestataire se trouvait sur une longue liste d’attente pour participer au programme local de soins infirmiers au Nouveau-Brunswick, mais elle a été acceptée dans un programme de soins infirmiers qui devait débuter en janvier 2019 à l’Île-du-Prince-Édouard. La prestataire n’a pas voulu rater cette occasion. Elle a donc quitté son emploi avant la fin de son contrat. Puisqu’il s’agissait d’un poste contractuel à court terme pour la durée du congé de maternité d’une employée, il n’était pas possible de prendre un congé sans solde.

[5] La prestataire a présenté une demande au programme Connexion Nouveau-Brunswick Assurance-Emploi (NB-AE) le 21 décembre 2018 avant d’avoir quitté son emploi. Le programme offre aux personnes admissibles la possibilité de continuer à recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi. Lorsqu’elle a rempli le formulaire de demande du programme Connexion NB-AE, la prestataire était d’accord avec le fait que si elle quittait volontairement son emploi, elle ne serait pas admissible au programme Connexion NB-AENote de bas de page 1. La prestataire n’a parlé avec un conseiller en emploi du programme Connexion NB-AE qu’après avoir quitté son emploi. Elle n’a reçu l’approbation pour participer à la formation qu’un certain temps après avoir quitté son emploi.

[6] La prestataire a présenté une demande de prestations régulières d’assurance-emploi en janvier 2019, révélant qu’elle avait quitté son emploi pour aller à l’école. La Commission l’a exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi, car elle a conclu qu’elle avait quitté volontairement son emploi le 31 décembre 2018 sans justification et que le départ volontaire ne constituait pas la seule solution raisonnable dans son casNote de bas de page 2. La Commission n’a pas changé sa décision à la suite de la révisionNote de bas de page 3.

[7] La prestataire a interjeté appel de la décision de la révision auprès de la division générale, au motif qu’elle avait pris la décision prudente d’améliorer ses perspectives d’emploi. Elle a également soutenu que les prestations d’assurance-emploi lui permettraient de continuer ses études. Sinon, elle devra peut-être considérer la possibilité d’abandonner ses études en raison des coûts élevés des frais d’éducation et de subsistanceNote de bas de page 4.

[8] La division générale a examiné si, compte tenu de toutes les circonstances, la prestataire avait démontré que son départ constituait sa seule solution raisonnable. La division générale a conclu que la prestataire avait présenté une demande au programme Connexion NB-AE avant de quitter son emploi. La division générale a également conclu que la prestataire n’avait reçu l’approbation pour aller en formation qu’après avoir quitté son emploi. Elle a également conclu que n’eût été la période des Fêtes, la prestataire aurait probablement reçu l’approbation avant de quitter son emploi. Sur ce fondement, la division générale a conclu que le départ de la prestataire constituait sa seule solution raisonnable et que par conséquent, elle avait prouvé qu’elle avait été justifiée à quitter son emploi.

[9] La Commission soutient que la division générale a commis une erreur de droit et fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige

[10] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit ou fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance lorsqu’elle a déterminé que la prestataire avait été fondée à quitter volontairement son emploi?

Analyse

[11] La Commission soutient que la division générale a omis de suivre ou d’appliquer adéquatement la loi et qu’elle a ignoré des éléments de preuve essentiels.

Article 25 de la Loi sur l’assurance-emploi

[12] La Commission soutient que la division générale a commis une erreur de droit en n’analysant pas la preuve de façon significative, et surtout, en omettant de tenir compte du fait que la prestataire avait convenu avec le programme Connexion NB-AE que [traduction] « Si [elle quittait] volontairement son emploi pour retourner à l’école [elle] ne [serait] pas admissible aux prestations de NB-AE ».

[13] La Commission soutient également que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée sans qu’elle n’ait tenu compte des éléments portés à sa connaissance lorsqu’elle a conclu que la prestataire avait été fondée à quitter son emploi à des fins de formations, s’appuyant sur l’article 25 de la Loi sur l’assurance-emploi. Bien que la prestataire ait fait une demande de participation au programme le 21 décembre 2018 et ait rencontré un conseiller après avoir quitté son emploi, elle n’avait pas encore obtenu l’approbation pour aller en formation ou n’avait pas encore été orientée vers la formation au titre de l’article 25 de la Loi sur l’assurance-emploi.

[14] La Commission affirme également que la recommandation qu’elle avait eue d’aller en formation était devenue caduque, car elle ne respectait pas les conditions du programme Connexion NB-AE.

[15] Autrement dit, la Commission soutient que la prestataire a omis de respecter les exigences prévues à l’article 25 de la Loi sur l’assurance-emploi.

[16] Par ailleurs, la prestataire soutient qu’elle s’attendait raisonnablement à être admissible au programme Connexion NB-AE, car elle satisfaisait à tous les critères. Cependant, il y a eu un retard dans l’obtention de la recommandation ou de l’approbation nécessaire en raison des vacances saisonnières. La prestataire soutient que si le programme Connexion NB-AE avait traité sa demande en temps opportun, elle aurait obtenu la recommandation nécessaire pour satisfaire aux exigences formelles prévues à l’article 25 de la Loi sur l’assurance-emploi. Elle affirme que je devrais accepter le fait qu’elle satisfaisait aux exigences, car au bout du compte, l’autorité désignée lui a recommandé de participer au programme de soins infirmiers.

[17] Généralement, les prestataires sont exclus du bénéfice des prestations d’assurance-emploi s’ils quittent leur emploi pour aller à l’école ou pour suivre une formation. Il en est ainsi parce qu’ils sont considérés comme n’étant pas disponibles pour travailler. Cependant, l’article 25 de la Loi sur l’assurance-emploi permet à une partie prestataire qui participe à un cours ou à un programme d’instruction, ou encore à une formation, de toucher des prestations d’assurance-emploi. Une partie prestataire est considérée en chômage, capable de travailler et disponible à cette fin lorsqu’elle satisfait aux critères prévus à l’article, c’est-à-dire qu’elle suit un cours ou un programme d’instruction ou de formation vers lequel elle a été dirigée par la Commission ou l’autorité désignée.

[18] Le libellé de l’article 25 de la Loi sur l’assurance-emploi prévoit qu’une partie prestataire doit recevoir la recommandation de participer à un programme avant même de commencer ce programme. Le libellé indique cela alors qu’une partie prestataire « suit [...] un cours ou programme » vers lequel « [elle] a été dirigé[e] par la Commission ». L’acte d’avoir été dirigé doit avoir déjà eu lieu. Autrement dit, une partie prestataire doit attendre que la Commission ou son programme désigné et autorisé approuve le programme ou le cours même si elle s’attend pleinement à recevoir l’approbation ou à être dirigée vers le programme ou le cours, et même si au bout du compte, elle l’obtient. La division générale a commis une erreur dans son interprétation de l’article lorsqu’elle a conclu que la prestataire pouvait être dirigée vers la formation après avoir déjà commencé le programme.

[19] En l’espèce, la prestataire ne conteste pas le fait qu’elle a été dirigée vers le programme de soins infirmiers après l’avoir déjà commencé. Puisque la prestataire a reçu la recommandation après avoir déjà commencé sa formation, elle ne peut pas se prévaloir de l’article 25 de laLoi sur l’assurance-emploi et être considérée en chômage, capable de travailler et disponible à cette fin, alors qu’elle participait et participe toujours au programme de soins infirmiers.

Article 29 de la Loi sur l’assurance-emploi

[20] La prestataire se fonde sur l’article 29 de la Loi sur l’assurance-emploi.L’article établit qu’une partie prestataire est fondée à quitter volontairement son emploi si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ constitue la seule solution raisonnable dans son cas.

[21] La prestataire soutient qu’elle avait été fondée à quitter volontairement son emploi et qu’elle n’avait aucune autre solution raisonnable que celle de quitter son emploi compte tenu de toutes les circonstances. Elle a expliqué qu’elle n’était pas en mesure de participer au programme de soins infirmiers tout en travaillant à temps plein au Nouveau-Brunswick. Elle avait été sur une longue liste d’attente pour participer au programme de soins infirmiers dans un collège du coin — en effet, elle était entre la 70e et la 75e place sur la liste d’attente aussi récemment que le 2 août 2019 — et a alors fait ce qu’une personne raisonnable aurait fait dans des circonstances similaires, selon elle. Elle a accepté l’offre qui est devenue disponible immédiatement plutôt que d’attendre indéfiniment une autre du collège du coin.

[22] La Commission soutient que la prestataire n’avait pas été fondée au sens de l’article 29 ou de la jurisprudence. La Commission affirme que la prestataire a pris la décision personnelle de quitter son emploi, et bien qu’il s’agissait certainement d’une bonne décision pour des raisons personnelles, cela ne constituait pas une justification. La Commission a noté que les tribunaux ont toujours estimé que le fait, pour une partie prestataire, de quitter volontairement son emploi pour aller à l’école ou pour suivre un cours de formation ne constitue pas une justification au sens de l’article 29 de la Loi sur l’assurance-emploi à moins d’y avoir été autorisé par la CommissionNote de bas de page 5.

[23] La Commission soutient que je dois tenir compte des faits et des circonstances qui existaient au moment où la prestataire a quitté son emploiNote de bas de page 6. Lorsqu’elle a quitté son emploi, la prestataire n’avait pas encore été dirigée vers le programme de formation aux termes de l’article 25 de la Loi sur l’assurance-emploi.

[24] Je suis tenue de respecter les décisions de la Cour d’appel fédérale. Comme la Cour d’appel fédérale a également souligné dans l’arrêt Canada (Procureur général) c LessardNote de bas de page 7,il est bien établi en droit que le fait de retourner à l’école ou de participer à un cours de formation ne constitue pas une justification, à moins d’y avoir été autorisé par la Commission. La Cour d’appel fédérale a cité le juge d’appel Desjardins dans l’arrêt Canada (Procureur général) c MartelNote de bas de page 8 :

L’employé qui quitte volontairement son emploi aux fins de suivre un cours de formation qui n’est pas autorisé par la Commission a certes, sur le plan personnel, un excellent motif pour agir. Mais il nous paraît contraire aux principes mêmes qui sont à la base du système d’assurance-chômage que cet employé puisse faire supporter par les contribuables à la caisse le poids économique de sa décision.

[25] Je n’ai rien relevé dans le dossier qui me permettrait de faire exception à la règle. J’estime que la division générale a commis une erreur dans son interprétation de l’article 29(c) de la Loi sur l’assurance-emploi lorsqu’elle a omis de suivre la jurisprudence et les principes juridiques établis.

Réparation

[26] La Commission me prie de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre au titre de l’article 29(c) de laLoi sur l’assurance-emploi.Je conviens que cela est approprié, car la preuve n’a pas été contestée et il n’y a pas de lacunes dans le dossier de preuve.

[27] J’estime que la prestataire n’avait pas été fondée à quitter volontairement son emploi, compte tenu de toutes les circonstances, car elle n’avait pas encore obtenu la recommandation ou l’approbation de la Commission ou de son autorité désignée avant de quitter son emploi et de commencer sa formation. Même si la prestataire s’attendait à obtenir la recommandation, ce qu’elle a obtenu plus tard, il est clairement établi dans la jurisprudence qu’elle devait obtenir la recommandation ou l’approbation avant de quitter son emploi et de commencer le programme. Il est également clairement établi dans la jurisprudence que bien que la prestataire avait une excellente raison pour quitter son emploi, cela ne constitue pas une justification au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

Conclusion

[28] L’appel est accueilli. Au titre de l’article 59 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, je rends la décision que la division générale aurait dû rendre.

 

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 6 septembre 2019

Téléconférence

Louise LaViolette et Angèle Fricker

Représentantes de l’appelante

A. S., représentant de l’intimée

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