Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] Une prorogation de délai pour demander la permission d’en appeler est refusée.

Aperçu

[2] Le demandeur, R. D. (prestataire) ne s’est pas présenté au travail le 20 septembre 2018. Son employeur a considéré que le prestataire avait abandonné son emploi et il a produit un relevé d’emploi (RE) précisant qu’il avait quitté son emploi.

[3] Le 18 décembre 2018, le prestataire a présenté une demande de prestations d’assurance‑emploi dans laquelle il précisait que sa dernière journée de travail était le 23 août 2018, et qu’il était en prison du 16 août 2018 au 17 décembre 2018. Dans sa demande, il a dit qu’il était en congé en raison de son incarcération.

[4] L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a déterminé que le prestataire avait perdu son emploi en raison de son inconduite et qu’il n’était pas admissible aux prestations régulières d’assurance‑emploi. Le prestataire a demandé une révision en soutenant que sa perte d’emploi avait été involontaire parce qu’il était incarcéré. La Commission a maintenu sa décision initiale.

[5] Le prestataire a interjeté appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale, mais cette dernière a rejeté son appel. Il demande maintenant la permission d’en appeler devant la division d’appel, cependant, sa demande de permission d’en appeler a été déposée en retard.

[6] Le prestataire n’a pas démontré qu’il avait l’intention persistante d’interjeter appel et n’a pas donné une explication raisonnable pour expliquer le retard dans le dépôt de sa demande d’appel. De plus, je ne suis pas convaincu que son appel aurait une chance raisonnable de succès. J’ai par conséquent exercé mon pouvoir discrétionnaire de rejeter la demande tardive de permission d’en appeler.

Questions préliminaires

 La demande de permission d’en appeler a-t-elle été présentée en retard?

[7] Avant de pouvoir examiner si je dois accorder la permission d’en appeler, je dois déterminer si la demande de permission d’en appeler a été déposée en retard. Conformément à l’article 57(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), la demande de permission d’en appeler ne sera pas en retard si elle est présentée dans les 30 jours suivant la date où la partie reçoit communication de la décision de la division générale.

[8] Le dossier ne contient aucune information qui confirmerait avec exactitude la date à laquelle la décision a véritablement été communiquée au prestataire. Le prestataire a déposé une demande de permission d’en appeler le 1er août 2019. Dans sa demande, il précise que [traduction] « c’est la première fois qu’[il a été] en mesure d’accéder de nouveau à son dossier », mais il n’a pas dit s’il avait reçu une copie de la décision générale à une date antérieure. Le dossier du Tribunal inclut une lettre datée du 7 mai 2019, à laquelle est annexée la décision de la division générale. Le prestataire a appelé le Tribunal le 14 mai 2019. À ce moment, le Tribunal a confirmé que la division générale avait rendu une décision relativement à son appel et a dit au prestataire qu’il avait écrit à toutes les parties pour communiquer la décision. La réponse du prestataire à cette information n’est pas consignée.

[9] Lorsqu’il n’existe pas d’élément de preuve de la date réelle à laquelle la décision a été communiquée au prestataire, l’article 19(1) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale juge que la décision a été communiquée le dixième jour suivant celui de sa mise à la poste. Étant donné que la décision est datée du 6 mai 2019 et qu’elle a été envoyée par la poste ordinaire avec une lettre datée du 7 mai 2019, j’accepte le fait que la décision a été communiquée le 17 mai 2019 conformément à l’article 19(1) du Règlement.

[10] La division d’appel n’a pas reçu la demande de permission d’en appeler du prestataire avant le 1er août 2019. En admettant que la décision a été communiquée le 17 mai 2019, la demande de permission d’en appeler est en retard de 76 jours.

[11] La demande de permission d’en appeler est en retard.

Questions en litige

[12] La division d’appel devrait-elle exercer son pouvoir discrétionnaire et proroger le délai de présentation de la demande de permission d’en appeler?

Analyse

[13] L’article 57(2) de la Loi sur le MEDS confère à la division d’appel le pouvoir discrétionnaire d’accorder un délai supplémentaire à une partie demanderesse pour présenter une demande de permission d’en appeler. Bien que la division d’appel dispose de ce pouvoir, la Cour d’appel fédérale a exigé qu’elle l’exerce en considérant certains facteurs lorsqu’elle décide comment exercer son pouvoir discrétionnaireNote de bas de page 1. Ces facteurs, que l’on appelle les facteurs de Gattellaro, sont les suivants :

  1. a) le demandeur fait preuve d’une intention persistante de poursuivre l’appel;
  2. b) le retard a été raisonnablement expliqué;
  3. c) la prorogation du délai ne cause pas de préjudice à l’autre partie;
  4. d) la cause est défendable.

[14] L’importance accordée à chacun des facteurs mentionnés ci-dessus peut varier selon l’affaire et, dans certains cas, d’autres facteurs seront pertinents. Selon la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Canada (Procureur général) c LarkmanNote de bas de page 2, le facteur primordial est l’intérêt de la justice.

Intention persistante

[15] J’estime que le demandeur n’a pas démontré l’intention persistante de poursuivre l’appel. Le prestataire a déposé sa demande de permission d’en appeler environ onze semaines après la date à laquelle la décision de la division générale lui a été communiquée. Bien qu’il ait fait un appel à propos d’une mise à jour le 14 mai 2019, il a appelé de nouveau ni écrit ou envoyé de courriel pour demander de l’information, et il n’a pas déposé sa demande de permission d’en appeler avant le 1er août 2019. Le prestataire a téléphoné au Tribunal le 30 juillet 2019 pour demander qu’une copie de la décision lui soit envoyée par courriel en [traduction] « traitement ». Le Tribunal n’était pas au courant que le prestataire avait l’intention d’interjeter appel jusqu’à ce qu’il reçoive les documents qu’il a acceptés comme sa demande de permission d’en appeler.

[16] Dans sa demande de permission d’en appeler, le prestataire a précisé que la demande était en retard parce qu’il avait été incarcéré, puis hospitalisé, et qu’il recevait encore des traitements. J’ai écrit au prestataire le 9 août 2019 pour lui demander d’expliquer plus en détail les raisons du retard dans la présentation de sa demande de permission d’en appeler. J’ai décrit les facteurs de Gattellaro, et je lui ai demandé d’aborder chacun des facteurs dans sa réponse. Le prestataire n’a pas répondu à ma lettre, mais il a téléphoné au Tribunal le 13 août 2019 pour dire qu’il avait été incarcéré pendant trois mois, qu’il avait une nouvelle adresse, et qu’il n’avait plus accès à l’adresse de courriel qu’il avait fournie le 31 juillet 2019.

[17] Il n’y a aucune preuve de la date de son déménagement ou des dates pendant lesquelles il a été incarcéré, ni des dates pendant lesquelles il a été hospitalisé ou en traitement. Il n’a pas expliqué en quoi ces diverses situations l’ont empêché de répondre à la décision de la division générale pendant toute la période du retard ou de faire connaître ses intentions au Tribunal.

[18] J’estime que les actions du prestataire ne montrent pas une intention persistante d’interjeter appel. Ce facteur est défavorable à l’accueil de la demande de permission d’en appeler.

Explication raisonnable

[19] Même s’il est possible que l’incarcération, l’hospitalisation et les traitements du prestataire, ou son changement d’adresse, puissent expliquer raisonnablement le fait qu’il n’a pas interjeté appel dans les délais prescrits, cela dépend de la mesure dans laquelle l’incarcération ou les traitements médicaux du prestataire l’empêchaient de présenter une demande, s’il y avait des périodes intermédiaires pendant lesquelles il n’était pas incarcéré, hospitalisé ou en traitement.

[20] Le prestataire n’a fourni aucun document pour corroborer le fait qu’il était incarcéré entre le 17 mai 2019 et le 1er août 2019, ou qu’il était frappé d’incapacité médicale d’une façon ou d’une autre pendant cette période. Ses propres observations sont trop vagues pour me permettre de déterminer s’il était raisonnable que sa demande soit présentée onze semaines en retard.

[21] J’estime que le prestataire n’a pas fourni d’explication raisonnable pour justifier son appel tardif. Mes conclusions à l’égard de ce facteur sont défavorables à l’accueil de la demande de permission d’en appeler.

Préjudice aux autres parties

[22] Le troisième facteur de Gattellaro concerne la question de savoir si le retard de la demande de permission d’en appeler serait injuste pour les autres parties. Il n’y a qu’une autre partie à cet appel, soit la Commission. Selon moi, le retard de l’appel n’aurait aucune incidence négative sur la Commission. La Commission n’a pas fait valoir que sa capacité d’examiner la demande de permission d’en appeler ou d’y répondre subirait un important préjudice en raison du délai et elle n’a pas non plus présenté de preuve en ce sens.

[23] J’estime que le retard dans cette affaire ne porte pas préjudice à l’autre partie. Ce facteur est favorable à l’accueil de la demande de permission d’en appeler.

Cause défendable

[24] Le dernier facteur établi dans l’arrêt Gattellaro est la question de savoir si le prestataire a une cause défendable. Une cause défendable a été assimilée à une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 3. Il s’agit essentiellement de la même question que je devrais trancher au sujet de la demande de permission d’en appeler si j’accordais la prorogation du délai.

[25] Je ne peux qu’examiner trois moyens d’appel au titre de l’article 58(1) de la Loi sur le MEDS et je peux seulement intervenir dans une décision de la division générale si je conclus que la division générale a commis une erreur au titre d’un ou de plus d’un de ces moyens d’appelNote de bas de page 4. Pour conclure que le prestataire a une chance raisonnable de succès en appel, je dois conclure qu’il existe une chance raisonnable que la division générale ait commis l’un des trois types d’erreurs correspondant aux « moyens d’appel » prévus à l’article 58(1) de la Loi sur le MEDS. Ces moyens d’appel sont énoncés ci-dessous :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[26] Le prestataire a choisi comme moyens d’appel l’erreur de droit et la conclusion de fait erronée. Plus précisément, il a dit qu’il n’a été reconnu d’aucune accusation et que c’était la faute de la Couronne et de la police (s’il avait perdu son emploi pour cause d’inconduite, vraisemblablement). Le prestataire n’a pas énoncé clairement de quelle manière la division générale aurait selon lui commis l’une de ces erreurs.

Erreur de droit

[27] Le prestataire n’a signalé aucune erreur de droit, et je n’ai décelé aucune erreur de fait apparente. La division générale a appliqué l’article 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE) qui prévoit qu’une partie prestataire qui est congédiée pour inconduite ou qui quitte volontairement son emploi sans justification est exclue du bénéfice des prestations. Elle n’a pas conclu que le prestataire avait quitté volontairement son emploi au titre de l’article 29 de la Loi sur l’AE, mais elle a plutôt analysé les faits et a conclu que le prestataire a été congédié pour cause d’inconduite. La division générale a noté à juste titre que les notions [traduction] d’« inconduite » et de « départ volontaire sans justification » sont liées dans la loi et que la Cour d’appel fédérale a permis que l’un ou l’autre des articles soit appliqué aux circonstances comme l’exigent les faitsNote de bas de page 5.

[28] La division générale a fait référence à la jurisprudence applicable et actuelle de la Cour d’appel fédérale en lien avec son interprétation de l’inconduiteNote de bas de page 6. Elle a aussi fait référence aux décisions de la division d’appel qui traitent de circonstances précises dans lesquelles un prestataire a perdu un permis qui est requis, mais elle a pris soin de noter qu’elle n’était pas tenue de suivre ces décisions.

[29] On ne peut pas soutenir que la division générale a commis une erreur de droit au titre de l’article 58(1)(b) de la Loi sur le MEDS.

Conclusion de fait erronée

[30] L’autre moyen d’appel invoqué par le prestataire est celui que la division générale a commis une erreur en fondant sa décision sur une conclusion de fait erronée. Cependant, le prestataire n’a pas dit quelle conclusion ou quelles conclusions étaient erronées ou de quelle façon la division générale a mal interprété ou ignoré un élément de preuve clé pour tirer ses conclusions ou de quelle façon une conclusion n’aurait pas été appuyée autrement par la preuve.

[31] La division générale n’a pas ignoré la preuve du prestataire. Elle a reconnu que le prestataire avait été incarcéré du 17 octobre 2018 au 17 décembre 2018 par suite d’accusations qui avaient été portées contre lui le 23 juin 2018, et elle a compris que ces accusations ont été rejetées plus tard, le 3 janvier 2019.

[32] Cependant, la division générale n’a pas fondé sa décision sur ces accusations ni sur l’incarcération du prestataire. La division générale a plutôt établi que le prestataire avait perdu son emploi parce que son permis de conduire avait été suspendu en raison de son arrestation le 17 septembre 2018 parce qu’il avait été accusé d’avoir conduit avec les facultés affaiblies par l’alcool (et parce qu’il avait besoin de son permis de conduire pour son travail), et parce qu’il ne s’était pas présenté au travail le 20 septembre 2018.

[33] Le prestataire n’a pas soutenu que la division générale s’était trompée quant à ces faits additionnels. Néanmoins, la Cour fédérale prescrit à la division d’appel de chercher au‑delà des moyens d’appel établisNote de bas de page 7. Conformément à cette directive, j’ai examiné le dossier afin d’y déceler tout autre élément de preuve qui aurait pu être ignoré ou mal compris et qui pourrait, par conséquent, soulever une cause défendable. Je n’ai décelé aucun élément de preuve important ou pertinent que la division générale aurait pu ignorer ou mal comprendre en tirant ses conclusions.

[34] On ne peut pas soutenir que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, qui correspondrait à l’un des moyens d’appel prévus par l’article 58(1)(c) de la Loi sur le MEDS.

[35] L’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès. Ce facteur est défavorable à l’octroi d’une prorogation de délai.

[36] Trois des quatre facteurs de Gattellaro ne jouent pas en faveur de la prorogation du délai, et l’incapacité du prestataire d’établir une cause défendable est l’un d’entre eux. Selon moi, il ne serait pas dans l’intérêt de la justice de proroger le délai.

Conclusion

[37] Une prorogation de délai pour demander la permission d’en appeler est refusée.

 

Représentant :

R. D., non représenté

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