Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Cela signifie que la prestataire n’est pas admissible aux prestations parentales de 35 semaines parce que l’autre parent a reçu la totalité des prestations parentales de 35 semaines. Je conclus que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire lorsqu’elle a enquêté sur une fausse déclaration présumée dans le délai prévu de 72 moisNote de bas de page 1.

Aperçu

[2] Les prestations parentales sont versées au prestataire qui prend soin de son ou de ses nouveau-nés ou d’un ou de plusieurs enfants placés chez lui en vue de leur adoption. Dans le cadre du programme d’assurance-emploi, les prestations parentales sont payables en tout temps pendant la période de prestations et pendant la fenêtre parentale. La période applicable commence la semaine au cours de laquelle l’enfant du prestataire est né ou placé chez lui en vue de son adoption et elle se termine 52 semaines après la naissance ou le placement réel.

[3] Les versements des prestations parentales doivent commencer la semaine de la naissance de l’enfant (ou les enfants) du prestataire afin d’offrir un soutien financier qui permet à un parent (ou aux parents) de s’absenter du travail pour s’occuper de l’enfant.   

[4] Je dois décider si la prestataire est admissible aux prestations parentales. La Commission affirme que la prestataire et son conjoint ont chacun reçu 35 semaines de prestations parentales ce qui est contraire à la loi. La prestataire n’est pas d’accord et fait valoir qu’elle a donné naissance à des jumeaux et que chacun des deux parents devrait avoir droit à 35 semaines de prestations parentales. Elle soutient qu’elle ne devrait pas être tenue responsable du fait que la Commission a versé par erreur des prestations aux deux parents, une erreur qui entraînera des difficultés financières.

[5] La prestataire a donné naissance à des jumeaux et a demandé des prestations de maternité spéciales qui seraient suivies de 35 semaines de prestations parentales. La prestataire a ensuite demandé de convertir ses prestations en prestations de maladie, ce qui lui a permis de recevoir 59 semaines de prestations spéciales, dont 35 semaines étaient des prestations parentales.

[6] La Commission a mené une enquête qui a révélé que la prestataire et son conjoint (l’autre parent) ont ensemble reçu 70 semaines de prestations parentales. À la suite de l’enquête, il a été entendu entre les parties que le conjoint conserverait le bénéfice des prestations parentales de 35 semaines. La Commission a exclu la prestataire du bénéfice des prestations parentales de 35 semaines, ce qui a créé un versement excédentaire.

Questions en litige

La prestataire est-elle admissible au bénéfice des prestations parentales de 35 semaines?

[7] Malheureusement, la prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations parentales de 35 semaines parce que l’autre parent a aussi reçu 35 semaines de prestations parentales. La loi énonce clairement qu’un total de 35 semaines de prestations parentales peut être versé.

[8] La loi dit que les prestations parentales ne sont payables qu’à un prestataire de la première catégorie. Un prestataire de première catégorie est un prestataire qui est admissible à des prestations et qui a accumulé 600 heures assurables ou plus au cours de sa période de référenceNote de bas de page 2.

[9] La loi prévoit que les prestations parentales sont payables pendant une période qui commence la semaine de la naissance de l’enfant du prestataire est né ou celle au cours de laquelle l’enfant est réellement placé chez le prestataire en vue de son adoption et se termine 52 semaines après cette première semaineNote de bas de page 3.

[10] Les tribunaux ont confirmé le fait que la période pendant laquelle un ou plusieurs enfants sont pris en charge équivaut au paiement d’un total de 35 semaines de prestations parentales. Bien que ce montant puisse être réparti entre deux parents selon le nombre de semaines déterminé par chaque parent, le paiement total de ces prestations ne peut dépasser le maximum de 35 semaines.

[11] La Cour a examiné l’équité et l’applicabilité de la loi pour les parents de jumeaux qui présentent une demande de prestations parentales. La décision a confirmé que les deux parents ne peuvent pas recevoir chacun de 35 semaines de prestations parentales, ce qui est contraire à la nature de la loi. Le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations peuvent être versées pour prendre soin d’un ou de plusieurs nouveau-nés ou enfants adoptés en raison d’une seule grossesse ou d’un seul placement est 35 semaines. De plus, il a été évalué et confirmé que la décision ne porte pas atteinte aux droits garantis par la CharteNote de bas de page 4.   

[12] La prestataire a rempli sa demande de prestations spéciales d’assurance-emploi. Elle a précisé que la date de naissance était le 27 février 2013. Elle a choisi de demander les prestations parentales immédiatement après avoir reçu les prestations de maternité. Elle a demandé 35 semaines pour s’occuper de ses enfants.

[13] La prestataire a communiqué avec la Commission pour convertir sa demande de prestations parentales en prestations de maladie et a fourni une note médicale datée du 13 février 2014. La Commission a communiqué avec la prestataire le 8 avril 2014. La prestataire a informé la Commission que ses jumeaux avaient été hospitalisés pendant une semaine après la naissance. La Commission a accepté la demande de la prestataire, elle a réactivé sa demande et a converti ses prestations parentales en prestations de maladie afin de prolonger la période de prestations au-delà de 52 semaines. 

[14] Le 5 mars 2019, la Commission a mené une enquête, car il avait été allégué que les deux parents avaient reçu 35 semaines de prestations parentales. La prestataire a dit à la Commission qu’elle avait eu des jumeaux et que l’un d’eux était né avec un handicap. Elle a soutenu qu’elle et son conjoint avaient cotisé à l’assurance-emploi et que, selon ce qu’elle avait appris en effectuant des recherches, ils pouvaient tous deux toucher des prestations parentales s’ils avaient des jumeaux. Elle a déclaré qu’elle et son conjoint avaient présenté chacun une demande parce qu’ils avaient entendu parler d’un autre couple qui avait reçu les mêmes prestations. Elle a expliqué que les journaux avaient beaucoup parlé de cette affaire.

[15] La prestataire fait valoir qu’elle et son conjoint avaient fourni les renseignements à la Commission et qu’ils avaient tous les deux été approuvés, ce qui s’était produit n’était donc pas leur faute. La Commission a informé la prestataire qu’aucun recoupement des prestations n’avait été effectué à ce moment-là. La prestataire a confirmé qu’elle et son conjoint vivaient sous le même toit, mais qu’il occupait l’appartement au sous-sol. Elle a dit qu’elle et son conjoint ont des noms différents et des comptes bancaires distincts. Elle a affirmé qu’elle a reçu ses versements par dépôt direct, et son conjoint a d’abord dit que c’était par la poste, puis peut-être par dépôt direct, mais qu’il ne s’en souvenait pas. La prestataire a confirmé qu’elle et son conjoint ne portaient pas le même nom de famille. 

[16] La prestataire affirme que le diagnostic du handicap de son fils a bouleversé leur vie. Elle explique qu’ils se sentent démunis en tant que famille, non seulement en raison des responsabilités supplémentaires découlant du fait d’avoir eu des jumeaux, mais aussi parce que l’un est né avec un handicap. Elle fait valoir qu’il était nécessaire que son conjoint soit là pour s’occuper de l’un des jumeaux pendant qu’elle prenait soin de l’autre.

[17] La prestataire soutient que la situation a entraîné du stress dans le mariage et que son conjoint et elle se sont séparés. Elle a expliqué que leur maison comporte deux appartements, qu’elle vivait dans l’un et que son conjoint vivait dans l’autre. Elle a déclaré qu’elle croyait qu’elle et son conjoint pouvaient tous deux demander des prestations, car ils s’occupaient chacun d’un enfant et ne vivaient pas officiellement ensemble à ce moment-là.

[18] La prestataire affirme que lorsqu’ils ont reçu les lettres de la Commission les informant qu’ils avaient été approuvés, ils ont cru que la loi avait été modifiée. La prestataire prétend qu’elle n’a jamais su que la décision avait été infirmée.  

[19] La prestataire a confirmé qu’elle n’a jamais téléphoné à Service Canada pour vérifier si, en fait, la loi avait changé et que dans les cas de naissances multiples, les deux parents étaient maintenant admissibles aux prestations parentales de l’assurance-emploi.

[20] Les faits ne sont pas contestés; les deux parents ont présenté des demandes de prestations parentales, et les deux ont reçu 35 semaines, ce qui représente un total de 70 semaines.

[21] Je suis d’accord avec la Commission et je suis extrêmement sensible à la situation de la prestataire, mais je n’ai pas la compétence de modifier les exigences de la Loi sur l’assurance-emploi et je dois la respecter, peu importe la situation personnelle de la prestataireNote de bas de page 5.

La Commission a-t-elle le pouvoir de réexaminer une demande de prestations d’assurance-emploi?

[22] Oui, la Commission peut réexaminer une demande de prestations pendant une période maximale de 36 mois après que les prestations ont été versées ou étaient payables. En outre, si la Commission soupçonne qu’une demande contient des déclarations inexactes, fausses ou trompeuses, cette période peut être prolongée à 72 moisNote de bas de page 6.

[23] La prestataire a déclaré que l’agent de Service Canada lui a dit qu’il y avait une anomalie dans le système et que c’est ce qui explique pourquoi sa demande de prestations parentales avait été approuvée. La prestataire soutient que cette demande a été faite il y a près de sept ans et qu’elle ne devrait pas être tenue responsable du problème.

[24] La preuve selon laquelle la prestataire recevait des prestations parentales au cours de la semaine du 16 février 2014 n’est pas contestée, et le calcul de la période de 72 mois commencerait donc à cette date. Puisque l’enquête a été confiée à la Direction générale des services d’intégrité de la Commission le 8 mars 2019 et que les résultats ont été communiqués à la prestataire le 30 mai 2019, le respect des délais prévus dans la Loi sur l’assurance-emploi ne pose pas de problème.

[25] J’admets que les éléments de preuve sont suffisants pour établir que la prestataire a fourni des renseignements inexacts lorsqu’elle a rempli sa demande de prestations parentales de 35 semaines. Je conclus que l’information figurant sur le formulaire est claire, car elle précise que par conséquent, les 35 semaines peuvent être versées à un parent ou partagées entre les deux parents. La prestataire a indiqué qu’elle souhaitait recevoir 35 semaines de prestations parentales pour prendre soin de ses enfants.

[26] J’ai tenu compte de l’argument de la prestataire selon lequel elle croyait que dans les cas de naissances multiples les deux parents pouvaient obtenir des prestations parentales d’assurance-emploi parce qu’elle avait entendu un reportage aux nouvelles. Toutefois, j’estime qu’il aurait été raisonnable qu’elle confirme ces renseignements auprès de Service Canada, ce qu’elle a admis ne pas avoir fait. Rien ne l’empêchait de le faire.

[27] J’ai examiné l’argument de la prestataire selon lequel la Commission avait commis une erreur en permettant à son conjoint et à elle de toucher des prestations parentales. Elle affirme que la Commission aurait dû déceler l’erreur plus rapidement, et non presque sept ans plus tard. Elle a dit que le remboursement de cet important versement excédentaire entraînera de grandes difficultés financières. Elle a souligné qu’elle a cinq enfants, dont le plus jeune est âgé d’une semaine; et qu’en plus, un de ses enfants est handicapé.

[28] J’estime que la situation est très regrettable. Toutefois, rien n’indique que la Commission a commis une erreur. La prestataire et l’autre parent, en présumant qu’ils étaient tous deux admissibles, ont demandé des prestations parentales et ont fourni les renseignements à la Commission. Ils n’ont pas tenté de vérifier ou de confirmer leur certitude, fondée sur les recherches effectuées par la prestataire et un article de 2009 qu’elle avait trouvé, que la loi avait changé. Les renseignements fournis par la prestataire lui ont permis de recevoir des prestations d’assurance-emploi auxquelles elle n’avait pas droit en vertu de la loi. Étant donné qu’elle a reçu l’argent, le retard de Service Canada à déceler l’erreur plus tôt ne la dispense pas de rembourser cette sommeNote de bas de page 7.

[29] Il est bien établi que les conseils erronés d’un représentant de la Commission ou l’absence de conseil ne changent pas la loi, qui doit être appliquée en dépit de quelque conseil erroné que ce soitNote de bas de page 8.

[30] La prestataire affirme qu’il lui sera difficile de rembourser l’argent et que cela aura des répercussions financières pour elle et sa famille. La prestataire dit qu’elle a cinq enfants et que l’un d’eux est handicapé. Elle fait valoir que si elle doit rembourser l’argent, elle espère qu’elle pourra faire des paiements gérés.  

[31] Je ne suis pas habilitée à défalquer le versement excédentaire ou à convenir d’un arrangement avec la prestataire, puisque ce pouvoir appartient uniquement à la Commission.Note de bas de page 9 Je ne peux que recommander à la prestataire de communiquer avec le Centre d’appels de la gestion des créances de l’Agence du revenu du Canada (ARC) au 1-866-864-5823 qui pourrait être en mesure de prendre d’autres dispositions en fonction de sa situation personnelle.

Conclusion

[32] L’appel est rejeté.

 

Date de l’audience :

Mode d’audience :

Comparutions :

Le 5 septembre 2019

Téléconférence

J. P., appelante

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.