Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Je conclus que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite, en vertu des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi »).

Aperçu

[2] L’appelant a travaillé comme soudeur et opérateur de machinerie fixe pour l’employeur X (« l’employeur »), du printemps 2010 au 21 septembre 2018 inclusivement. L’employeur a indiqué avoir congédié l’appelant parce qu’il n’était plus disponible pour travailler pendant la période au cours de laquelle il a été incarcéré.

[3] L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la « Commission ») a déterminé que l’appelant avait perdu son emploi en raison de son inconduite et a refusé de lui verser des prestations d’assurance-emploi.

[4] L’appelant a soutenu ne pas avoir perdu son emploi en raison de son inconduite. Il a fait valoir qu’il n’avait plus été disponible pour son employeur en raison de son incarcération et que sans cela, il l’aurait été. L’appelant a indiqué avoir été réembauché par l’employeur, le 7 janvier 2019. Le 19 juin 2019, l’appelant a contesté la décision rendue à son endroit après que celle-ci ait fait l’objet d’une révision de la part de la Commission. Cette décision fait l’objet du présent appel devant le Tribunal.

Questions en litige

[5] Je dois déterminer si l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite, en vertu des articles 29 et 30 de Loi.

[6] Pour établir cette conclusion, je dois répondre aux questions suivantes :

  1. Quel est le geste reproché à l’appelant?
  2. L’appelant a-t-il commis le geste en question?
  3. Si tel est le cas, le geste posé par l’appelant avait-il un caractère conscient, délibéré et intentionnel, de telle sorte qu’il savait ou aurait dû savoir qu’il serait susceptible d’entraîner la perte de son emploi?
  4. La Commission s’est-elle acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombe de démontrer si le geste posé par l’appelant représente de l’inconduite?
  5. Est-ce que le geste posé par l’appelant est à l’origine de son congédiement?

Analyse

[7] Bien que la Loi ne définisse pas le terme d’inconduite,22 la jurisprudence mentionne que pour constituer de l’inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins procéder d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement au travailNote de bas de page 1.

[8] Il y a inconduite lorsque la conduite du prestataire est délibérée, c’est-à-dire que les actes qui ont mené au congédiement sont conscients, voulus ou intentionnels. En d’autres mots, il y a inconduite lorsque le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédiéNote de bas de page 2.

[9] Pour qu’une conduite soit considérée comme une « inconduite », en vertu de la Loi, elle doit être délibérée ou si insouciante qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas de page 3.

[10] Pour déterminer si l’inconduite peut mener à un congédiement, il doit exister un lien de causalité entre l’inconduite reprochée au prestataire et la perte de son emploi. L’inconduite doit donc constituer un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travailNote de bas de page 4.

Quel est le geste reproché à l’appelant?

[11] Dans le cas présent, le geste reproché à l’appelant est de ne plus avoir été disponible auprès de son employeur pour accomplir son travail après avoir été incarcéré. L’incarcération de l’appelant découle du fait qu’il a été intercepté par le service de police, le 23 septembre 2018, pour avoir conduit sa voiture avec les facultés affaibliesNote de bas de page 5.

[12] Dans une déclaration faite à la Commission, en date du 17 avril 2019, l’employeur a expliqué avoir congédié l’appelant en raison de son incarcération. L’employeur a précisé ne pas avoir eu le choix de congédier l’appelant, car il a dû embaucher un autre employé pour le remplacerNote de bas de page 6.

[13] Dans une lettre en date du 6 septembre 2019, l’employeur a expliqué que malgré les demandes formulées par l’appelant pour qu’il puisse être libéré et revenir au travail, il n’a pas été en mesure de reprendre son travail, ce qui a causé la fin de son emploi. L’employeur a indiqué que pendant son incarcération, l’appelant l’a contacté à plusieurs reprises parce qu’il voulait revenir au travail. Il a précisé que l’appelant s’était montré disponible dès sa sortie de prison en décembre 2018, mais qu’il n’y avait pas suffisamment de travail pour qu’il soit réembauché à ce moment.  L’employeur a spécifié avoir réengagé l’appelant en janvier 2019Note de bas de page 7

[14] Le relevé d’emploi émis par l’employeur indique que l’appelant a cessé de travailler pour une raison « autre » (code K – autre). Le commentaire suivant apparaît à la case 18 (observations) du relevé d’emploi émis par l’employeur : « Non-disponibilité »Note de bas de page 8

L’appelant a-t-il commis le geste en question?

[15] Oui. L’appelant a reconnu avoir été dans l’incapacité de travailler pour son employeur pendant la période au cours de laquelle il a été incarcéré, soit du 23 septembre 2018 au 11 décembre 2018. Il a précisé que l’employeur l’avait remplacé en raison de son manque de disponibilité et des besoins de l’entrepriseNote de bas de page 9.

[16] Le Tribunal doit maintenant déterminer si ce geste constitue de l’inconduite.

Le geste posé par l’appelant avait-il un caractère conscient, délibéré ou intentionnel, de telle sorte qu’il savait ou aurait dû savoir qu’il serait susceptible d’entraîner la perte de son emploi?

[17] Oui. Je considère que le geste reproché à l’appelant revêtait un caractère délibéré. Son geste était conscient, voulu ou intentionnelNote de bas de page 10.

[18] Le Tribunal considère qu’en regard de ce geste et malgré les explications qu’il a fournies à cet effet, l’appelant a manqué à une obligation fondamentale résultant expressément ou implicitement du contrat de travailNote de bas de page 11.

[19] Le témoignage et les déclarations de l’appelant indiquent les éléments suivants :

  1. Il n’a pas perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 12 ;
  2. Dans les déclarations qu’il a faites à la Commission, le 16 janvier 2019, le 11 février 2019 et le 16 avril 2019 l’appelant a expliqué que son emploi a cessé, car il a été incarcéré du 23 septembre 2018 au 11 décembre 2018 (80 jours d’emprisonnement). Son employeur ne pouvait pas l’attendre et l’a remplacé par un autre employé, en raison de son manque de disponibilité et des besoins de l’entreprise (ex. : production, délais de livraison)Note de bas de page 13 ;
  3. Lorsqu’il a indiqué dans son avis d’appel que l’employeur n’avait pas assez de travail pour le remplacer, cela signifiait que l’employeur avait trouvé un autre employé à l’interne afin d’occuper son poste, que ce poste avait donc été affiché et que par la suite, l’appelant avait été remplacé par un autre employé dont l’horaire de travail correspondait au sienNote de bas de page 14 ;
  4. L’appelant était disponible à travailler. C’est son incarcération qui l’a rendu non disponible pour son travail. Il a fait toutes les démarches nécessaires et a rencontré tous les intervenants nécessaires (ex. : agents de probation, commissaires de la commission d’appel) dans le but d’être libéré ou de faire réduire sa période d’incarcération et ainsi être en mesure de reprendre son travail le plus tôt possible. Toutefois, les demandes qu’il a présentées pour être libéré ont été refusées. Ce sont les intervenants qu’il a rencontrés qui l’ont rendu non disponible. L’appelant a fait tout en son pouvoir pour retourner sur le marché du travail, mais il est demeuré en détention. Il a communiqué avec son employeur pour lui indiquer qu’il voulait reprendre son travail et que celui-ci a aussi effectué des démarches (ex. : plusieurs appels) afin qu’il soit libéréNote de bas de page 15 ;
  5. L’appelant s’est retrouvé dans le pétrin à la suite de son arrestation pour avoir conduit avec les facultés affaiblies. Pendant son emprisonnement, il n’a pas eu de revenus malgré ses responsabilités familiales (ex. : garde partagée de ses quatre enfants). L’appelant a beaucoup perdu à la suite de ce qui lui est arrivé ;
  6. L’appelant a le droit d’avoir des prestations pour la période comprise entre le jour où il a été libéré, le 11 décembre 2018, et la journée où il a repris son travail, le 7 janvier 2019, car il n’était plus en détention et que de ce fait, il était disponible à travailler. Il a été réembauché par l’employeur, en date du 7 janvier 2019, selon un horaire de nuit (de 16 h à 2 h 30 le matin) au lieu d’un horaire de jour comme celui qu’il avait avant qu’il ne perde son emploiNote de bas de page 16.

[20] Dans le présent dossier, je considère qu’en cessant de se présenter au travail, en raison de son emprisonnement, l’appelant n’était plus en mesure de remplir une condition essentielle de son contrat de travail, soit celle de fournir sa prestation de travail puisqu’il n’était plus disponible auprès de son employeur.

[21] Même si l’appelant a fait valoir que c’était en raison de son incarcération qu’il n’était plus disponible pour le travail, sans quoi il l’aurait été, il demeure que son emprisonnement découle du geste prohibé qu’il a commis, soit d’avoir conduit avec les facultés affaiblies.

[22] C’est le comportement de l’appelant qui a mené à son emprisonnement et ainsi à la perte de son emploi puisqu’il s’est retrouvé dans l’impossibilité de fournir sa prestation de travail. La perte de son emploi lui est entièrement imputable.

[23] En raison de son propre geste, l’appelant a fait en sorte de ne plus être en mesure de s’acquitter des fonctions qui lui incombaient en vertu de son contrat d’emploi.

[24] La jurisprudence nous informe que la prestation de service est une condition essentielle du contrat de travail et qu’un employé qui, par ses propres gestes, fait en sorte qu’il n’est plus en mesure de remplir cette condition, et qui de ce fait perd son emploi, ne peut faire assumer par d’autres le risque de son chômage, pas plus que celui qui quitte son emploi volontairementNote de bas de page 17.

[25] La jurisprudence nous indique aussi que lorsqu’un employé qui ne peut travailler parce qu’il est incarcéré est renvoyé, son congédiement découle de son indisponibilité. Cette indisponibilité est une conséquence inéluctable de la privation de liberté qui est légitimement imposée à l’employé qui a commis un acte prohibé. Tout contrevenant doit subir les conséquences découlant de son emprisonnement, voire la perte de son emploi en cas d’indisponibilité. Il s’agit d’une perte d’emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 18.

[26] Je considère qu’en n’étant plus en mesure de se présenter au travail et de fournir sa prestation de service du fait de son incarcération, l’appelant a consciemment choisi de ne pas tenir compte des normes de comportement que celui-ci avait le droit d’exiger à son endroitNote de bas de page 19.

[27] Je suis d’avis que l’appelant avait la possibilité d’éviter de compromettre son emploi en évitant de se retrouver dans une situation à partir de laquelle il n’allait plus être en mesure de se présenter au travail.

[28] Je considère que le geste reproché à l’appelant était d’une portée telle que celui-ci pouvait normalement prévoir qu’il serait susceptible de provoquer son congédiement. L’appelant savait que sa conduite était de nature à entraver ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié en ne se présentant plus au travailNote de bas de page 20.

La Commission s’est-elle acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombe de démontrer si les gestes posés par l’appelant représentent de l’inconduite?

[29] Oui. Je suis d’avis que dans le cas présent, la Commission s’est acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombe de démontrer si le geste posé par l’appelant représente de l’inconduite.

[30] La jurisprudence nous informe que la Commission doit prouver l’existence d’éléments de preuve démontrant l’inconduite d’un prestataireNote de bas de page 21.

[31] La preuve démontre que l’appelant n’était plus disponible auprès de son employeur, étant donné qu’il a été emprisonné, alors qu’il aurait pu continuer d’occuper son emploi en évitant de se retrouver dans cette situation.

Est-ce que l’inconduite de l’appelant est la cause de son congédiement?

[32] Oui. Je suis d’avis que le lien de causalité entre le geste posé par l’appelant et son congédiement a été démontré.

[33] La jurisprudence nous indique qu’il doit être établi que l’inconduite a constitué la cause du congédiement du prestataireNote de bas de page 22.

[34] La preuve démontre que le fait que l’appelant n’ait plus été en mesure de se présenter au travail représente la cause réelle de son congédiement.

[35] L’employeur a expliqué avoir congédié l’appelant pour cette raisonNote de bas de page 23.

[36] L’appelant a indiqué avoir été congédié pour ce même motifNote de bas de page 24.

[37] En résumé, je considère que l’appelant a été congédié en raison d’un acte qu’il a posé de manière volontaire et délibéréeNote de bas de page 25.

[38] C’est pourquoi le Tribunal estime que ce geste constitue de l’inconduite au sens de la Loi et que l’appelant a perdu son emploi par sa propre faute. Son congédiement est la conséquence directe du geste qui lui a été reprochéNote de bas de page 26.

[39] En conséquence, la décision de la Commission d’exclure l’appelant du bénéfice des prestations d’assurance-emploi, en vertu des articles 29 et 30 de la Loi, est justifiée dans les circonstances.

[40] Concernant une exclusion en raison d’une inconduite ou d’un départ sans justification, je souligne que le paragraphe 30(1) de la Loi prévoit, entre autres, qu’un prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite à moins que, depuis qu’il a perdu cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1 de la Loi, pour recevoir des prestations de chômage ou qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33 de la Loi.

Conclusion

[41] L’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite, en vertu des articles 29 et 30 de la Loi.

[42] L’appel est rejeté.

Date de l’audience :

Mode d’audience :

Comparution :

12 septembre 2019

En personne

S. E., appelant

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